Le Jardin des dieux/Le Golfe entre les palmes/Ô marbres

Le Jardin des dieuxEugène Fasquelle (p. 185-186).



Ô MARBRES



Ô marbres caressés d’une chaude lumière,
Je ne puis me lasser de vos débris épars,
Vous cachez dans votre ombre à leurs jeux coutumière
La brusque sauterelle et les souples lézards.

Le vent autour de vous prend une voix plus ample
Et j’aime, conseillé par ses chœurs apaisés,
Être ce voyageur qui rêve et qui contemple
La grande mer si bleue entre vos fûts brisés.


Où sont les soirs mauvais et la chair qui s’énerve ?…
Devant tout cet azur, devant tant de clarté,
Je me prends à prier cette sainte Minerve
Qui verse la sagesse et la sérénité.

Et parmi vos débris que la fourmi fréquente
Je laisse en me plongeant dans l’herbe du matin
La mer persuasive et la brise éloquente
Me parler, tour à tour, de vos fastes lointains.

Alors vous revivez dans mes calmes prunelles
Où les blancs papillons croisent les frelons d’or,
Et, près du golfe bleu, ma terre maternelle,
Sur vos genoux de marbre où sa chanson m’endort,

Me berce longuement dans l’automne marine
Où, la nuque appuyée à quelque blanc claveau,
J’écoute au loin sonner lorsque midi s’incline
La cloche des fermiers sur le raisin nouveau.