Le Japon (Gautier)/Les costumes anciens

A. et C. Black (p. 28-30).

les costumes anciens

On ne peut s’en faire une idée qu’au Musée de figures de cires qui se trouve dans l’enceinte d’Asakusa. On y voit d’abord des Japonaises modernes, admirant les costumes de leurs ancêtres. Elles vont, les pieds tournés en dedans, ce qui est une marque d’élégance : cela prouve que dès leur plus tendre jeunesse, on leur a comprimé les hanches pour les garder étroites, ce qui constitue un charme de plus. Leurs chignons, très hauts, noirs et luisants semblent un parterre d’où sortent des fleurs de toutes formes et de toutes nuances, montées sur des épingles. Les robes sont simples et d’une seule couleur, mais la fantaisie paraît dans le choix de la ceinture. Rien n’est trop riche pour cet ornement symbolique. C’est toute une science que de faire le grand nœud en ailes de papillon qui complète la toilette féminine ; il y a des modes auxquelles on ne saurait se soustraire. Puis, ce qui ne semble, au premier abord, qu’un prétexte de coquetterie est en réalité une indication précieuse servant à reconnaître l’état-civil de chaque gracieuse silhouette : les jeunes filles ne mettent pas leur ceinture comme les femmes ; les riches font un nœud serré sur l’estomac, et les servantes sont obligées d’arranger les coques d’une façon toute différente.

Les fillettes sont de petites femmes en miniature, mais leurs robes sont un peu plus éclatantes que celles des grandes personnes, tandis que leurs cheveux sont coiffés en hauts chignons comme ceux de leurs mamans.

Les visiteuses s’arrêtent surtout devant un Daïmio, ou seigneur, en costume de cour. Habillé de soies raides aux couleurs éclatantes, parsemées de roues d’or héraldiques, il a l’air d’une pyramide. Les pantalons s’allongent démesurément, bien au-delà des pieds qu’ils enferment, et forment traîne. Les manches plus longues encore, bordées par un cordon de soie qui, en se coulissant, fait ressembler la manche à un grand sac. D’autres manches sortent des premières, toutes de couleurs différentes et un même nombre de collets superposés, indiquent qu’il y a d’autres robes sous la première. Un grand sabre traverse ces étoffes, et une observation superficielle ferait croire qu’il a pour fourreau le ventre même du personnage. Une main exiguë tenant un éventail sort de la manche et nous édifie sur les véritables proportions du prince. La coiffure est curieuse : c’est une sorte de cylindre en soie noire et en drap d’or qui est fixée sous le menton par un galon d’or. Pour splendide et pittoresque que soit le costume, il paraît malaisé à porter.

Auprès de lui, une princesse en vêtements tout aussi compliqués, mais, s’il se peut, plus riches, aux couleurs plus chatoyantes encore, s’offre aux yeux. Son teint est d’une blancheur parfaite, animé seulement par une mignonne bouche purpurine ; les sourcils rasés remplacés par des sourcils peints en noir, tout au haut du front, pour allonger la figure ; les cheveux dénoués tombent jusqu’au bas des robes et se perdent parmi les plis. Près d’elle est placée la boite à fumer, en laque pointillée d’or avec une toute petite pipe et le tabac blond et fin que l’on appelle « duvet de grue ».