Le Foyer et les Champs/Effet de soleil

Le Foyer et les ChampsSociété centrale de librairie catholique (p. 5-8).

Effet de Soleil.

Beatus ille qui procul negotiis.
Horace, Epod. II.


Oh ! que j’aime les paysages
De notre beau pays flamand.
Pour moi, les rêveurs sont des sages
Lorsqu’ils cherchent l’isolement.

Car on se sent le cœur plus libre
Loin du monde vil et banal,
Devant la nature qui vibre
Et chante l’hymne matinal.

Dans la musique de l’aurore
Frémissent les arbres mouvants,
Comme un grand orchestre sonore
Que domine la voix des vents.


Le ruisseau tombe en cataracte
Sous un rustique pont de bois ;
Les oiseaux donnent sans entr’acte
Leur gai concert au fond des bois.

L’insecte au dos luisant, qui glisse
Dans le gouffre d’un filet d’eau,
Sur quelque brin d’herbe se hisse
Et le conduit comme un radeau.

Aux champs les blanches pâquerettes
Pour mieux plaire aux zéphyrs aimants,
Ont repassé leurs collerettes
Où l’aube met des diamants.

Les laveuses font leurs lessives
Dans la rivière, en s’y mirant ;
Et les saules, nymphes pensives,
Lavent leurs cheveux au courant.

Le long des chemins et des plaines
Les vaches, branlant leurs grelots,
Vont beuglant, les mamelles pleines
Du lait qu’on va leur traire à flots.

Les grenouilles mélancoliques
Roulant de gros yeux entr’ouverts,
Chantent d’étranges bucoliques
Et plongent sous les roseaux verts.


On fait les foins. L’herbe parfume ;
Les moulins agitent leurs bras ;
La forge est flamboyante et fume,
Soupirail d’enfer plein d’éclats.

Dans le taillis vert d’émeraude,
Où murmure l’écho jaseur,
Un lièvre roux s’avance et rode
Sans s’inquiéter du chasseur…

L’abeille se hâte à la ruche ;
La blonde fille badinant,
Emplit à la source sa cruche
Presque vidée en revenant,

Car elle a trop fait la coquette,
Trop folâtré près des garçons,
Dans les sentiers où l’alouette
Effeuille un bouquet de chansons !

Tout resplendit dans la lumière :
Sur de larges bancs vermoulus,
Près de sa porte, la fermière
Sourit à ses marmots joufflus.

Son mari récolte des gerbes
Dans son petit champ bien planté
Elle, veut des enfants superbes,
C’est sa moisson de chaque été.


La blanche aïeule triomphante
Aime à balancer des berceaux ;
Car plus sa brave fille enfante
Plus le bonheur livre d’assauts,

Plus vers le ciel s’offrent de têtes
Plus le Seigneur devra bénir,
Et plus on aura de mains prêtes
Dans la souffrance pour s’unir.

Nature ! Harmonie ineffable
Du ciel, de la ferme et des champs.
Tout parle ainsi que dans la fable,
Tout est rayon, parfum et chants.

Dans la nature tout s’enchaîne
Pour l’œil du poète profond :
L’homme, l’oiseau, l’astre, le chêne
Ont leur plendide œuvre qu’ils font.

Et Dieu, d’où descend toute flamme,
Fait luire, en rayon fraternel,
Son nom à l’horizon de l’âme,
Son astre à l’horizon du ciel.