Maison de la bonne presse (p. 3-10).

Le Fils du Banquier


CHAPITRE PREMIER


— Te plairait-il de partir pour New-York dans une quinzaine de jours ?

— Avec enthousiasme, mon père…

Le dîner touchait à sa fin. Les trois convives se composaient de M. Manaut, le banquier bien connu, de son fils Gérard et du R. P. Archime, un ancien missionnaire, familier de la maison.

Gérard paraissait enchanté par la perspective qui venait de lui être suggérée.

C’était un jeune homme sérieux qui cherchait à oublier le luxe dont l’environnait son père pour s’occuper le plus utilement possible. Il s’intéressait à des œuvres charitables, guidé par le P. Archime. Il était licencié en droit, mais avait renoncé au doctorat, préférant entrer dans les bureaux de la banque. Mais son travail y était assez fantaisiste. Il le délaissait volontiers pour visiter des pauvres, pour une promenade ou une exposition de peinture.

M. Manaut, qui travaillait beaucoup, poussait son enfant à travailler moins. Veuf, n’ayant que lui, son but était de diversifier son existence et de lui épargner toute peine.

Comme il savait que Gérard aimait les voyages, tous les prétextes lui étaient bons pour l’y engager.

— Mon cher enfant, dit le P. Archime, voici encore une occasion de t’instruire… Tu vas passer la mer et je suis étonné que cela ne te soit pas arrivé plus tôt… Tu rapporteras de là-bas des idées nouvelles, tes vues s’élargiront…

— Oh ! des idées nouvelles, lança joyeusement Gérard, cela me surprendrait… Nous nous sommes américanisés depuis la guerre !… La terre devient petite maintenant…

— C’est vrai… Quand j’étais jeune, un voyage au loin devenait une grosse entreprise, et aujourd’hui ce n’est qu’une simple course, murmura le P. Archime en songeant aux évangélisations dont il était revenu à grand’peine.

— Dans tous les cas, reprit M. Manaut, ce sera pour toi une occasion de voir du nouveau encore une fois.

— Quelle sera ma mission en Amérique ? s’enquit Gérard.

— Je voudrais que tu puisses te perfectionner dans la langue, d’abord, puis que tu t’assimiles le côté pratique de nos alliés… En conséquence, tu auras à passer quelques heures dans le bureau d’un de mes correspondants, où tu t’initieras aux manières américaines… Cependant, si tu languissais loin de la « doulce France », je te donnerais une lettre d’introduction pour un de mes camarades de collège qui est professeur de français là-bas… C’est mon vieil ami Laslay que je n’ai pas vu depuis vingt ans… Nous nous écrivons peu, mais nous savons que nos cœurs restent fidèles…

— Tout est prévu, posa le P. Archime en riant.

— Sauf l’imprévu ! riposta gaiement M. Manaut.

Les trois hommes se séparèrent quelques instants après. L’ancien missionnaire ne veillait jamais tard. Il se levait de grand matin pour courir chez les malades qu’il réconfortait. Dans ce quartier populeux qu’il habitait, chacun le connaissait. Les ouvriers qui se rendaient à leur travail le saluaient d’un joyeux bonjour ; les ménagères qui partaient aux provisions l’arrêtaient pour lui raconter leurs misères, et les enfants lui criaient gaiement leur joie de le rencontrer. Ils regardaient aussi si ses mains allaient vers ses poches, souvent garnies de bonbons à leur intention.

Gérard rentra dans sa chambre après avoir échangé encore quelques mots sur ce voyage avec son père.

Il parlait assez bien l’anglais, mais n’était pas fâché de l’américaniser dans le pays même. Ses goûts étaient simples et il les croyait modestes. Il ne savait pas ce qu’est la médiocrité, ne l’ayant jamais connue. Accoutumé à tout le confort possible, il s’imaginait volontiers qu’il pourrait se passer de bien des choses. Mais il ne s’était jamais mis à l’épreuve. Il était bon et scrupuleux et ravissait le P. Archime par une conscience qu’il voulait nette et limpide.

C’était, pour l’ancien missionnaire, un fils d’élection. Il priait Dieu de lui épargner les épreuves, bien que celles-ci parussent fort éloignées de lui. Tout souriait à Gérard. Les relations qu’il possédait l’aimaient. Cependant, il n’avait pas d’amis intimes, ayant toujours vécu proche de son père. Ses camarades de classe étaient dispersés par la vie. Puis, à Paris, les occupations sont absorbantes, les courses longues.

Il n’avait donc personne à prévenir de son départ. Le lendemain, il se réveilla par un beau ciel de printemps. La vie lui parut belle. Il se rappela tout de suite qu’il devait voguer bientôt vers l’Amérique et il fut impatient de partir.

Il pensa qu’une promenade à cheval lui serait salutaire et il s’y prépara.

Ensuite, il passa aux bureaux de son père, mais simplement pour l’y chercher.

Ils s’en allèrent de compagnie, comme deux amis heureux de se retrouver. C’était toujours un nouveau bonheur pour le banquier d’arpenter les rues avec son fils. Ce beau garçon de vingt-six ans, bien planté, était son orgueil.

— J’ai fait retenir ta place…

— Ah ! déjà ?… Tu t’es donné cette peine… J’aurais pu m’en charger…

— Ce sera un bon paquebot, tout un monde, naturellement, comme tous ces transports merveilleusement agencés… J’ai écrit aussi à mon vieil ami Laslay… Tu seras bien accueilli chez lui… La dernière fois que j’ai reçu de ses nouvelles, il avait quatre enfants… Je ne sais plus quel âge ils ont…

— Cela n’a aucune importance, d’ailleurs…

— C’est vrai, d’autant moins que tu ne séjourneras que trois ou quatre mois là-bas, six au plus…

À partir de ce moment, les jours passèrent vite pour Gérard. Il prépara son voyage, choisissant des malles confortables et s’ingéniant à les réduire.

Le matin du départ arriva. Il monta dans le train, joyeux, lançant de gais au revoir à son père et au P. Archime qui l’accompagnaient à la gare.

La vie du transatlantique l’égaya. Il n’eut aucun malaise, ce qui contribua à lui conserver cette allure sereine dont il était coutumier. Il ne se lia pas avec ses compagnons, mais les observa non sans intérêt. Les Américains formaient la majeure partie des passagers et Gérard put tout de suite s’exercer à l’accent. Il en était enchanté, jugeant ainsi qu’il lui serait plus aisé de se débrouiller seul.

Quand il débarqua à New-York, il était déjà familiarisé avec la ville par ce qu’il avait entendu.

Quelques jours après son arrivée, Gérard avait pris ses habitudes. Il était né pour voyager. Il visita les monuments principaux, s’orienta, puis, ce répit accordé à sa fantaisie, il se présenta chez le banquier où il devait approfondir les secrets du métier.

Il fut reçu d’une manière commerciale qui l’aurait dérouté si son court séjour ne l’eût déjà quelque peu formé. Cette bienvenue ne manquait cependant ni de formes, ni d’amabilité. Elle était d’un autre genre tout simplement.

Tout de suite il fut catalogué, enregistré dans la maison. Il viendrait faire six heures de présence par jour, à partir du lendemain.

L’entretien ne traîna pas. Il n’y eut aucune de ces phrases aimables et inutiles qui sont les fleurs de la vie. Il y avait tout bonnement le suc de la vie, la réalité, le positivisme. Time is money.

Gérard se retrouva dans la rue, un peu éberlué de se savoir aussi rapidement accueilli et non moins vivement expédié. Malgré sa sérénité, il était un peu surpris de constater que le fils du banquier Manaut n’avait pas soulevé plus d’égards.

Il restait décontenancé et ne savait plus que faire de sa journée. Puis l’idée de se rendre chez l’ami de son père surgit en lui et il s’achemina vers sa demeure.

Là, ce seraient des Français, américanisés sans doute, mais n’ayant pas perdu peut-être cette chaleur d’accueil qui fait de la France le peuple le plus charmant du monde.

Il sonna vers 18 heures au logis des Laslay. Une fillette aux cheveux courts vint lui ouvrir.

Le jeune homme dit en français :

— Je suis M. Gérard Manaut, Mademoiselle… Pourrais-je voir M. Laslay ?

— Maman, s’écria la jeune fille, c’est le fils de l’ami de papa ! Ces mots étaient lancés en anglais.

Une femme encore jeune apparut. Svelte, blonde, l’air doux, elle tendit les mains au jeune homme en disant :

— Soyez le bienvenu, cher Monsieur… Mon mari sera bien aise de vous voir… Il est retenu pour ses leçons jusqu’à l’heure du dîner, mais vous partagerez notre repas, si cela peut vous être agréable…

Gérard ne demandait pas mieux. Il remercia chaudement, à l’aise dans cette atmosphère qui le réconfortait.

Mme Laslay lui fut tout de suite sympathique. N’ayant pas connu sa mère, il avait toujours rêvé d’une tendresse maternelle et il lui semblait que cette Française si cordiale réalisait ce désir latent. Elle le fit entrer dans une pièce qui servait de salon, de salle de travail et de repos. Deux grandes tables s’y trouvaient avec des livres, des encriers, un piano, un violon, des corbeilles à ouvrage.

Il n’y avait aucun désordre, mais on sentait que l’existence de chaque heure s’y déroulait avec ses joies, ses soucis et ses espoirs.

La jeune fille qui avait ouvert la porte à Gérard et qui paraissait âgée d’une quinzaine d’années ne s’occupait plus de lui. Elle s’était remise devant une des tables et elle continuait un devoir.


Pendant que le jeune homme s’entretenait avec Mme Laslay, on sonna de nouveau, et, à la file, tous les membres de la famille apparurent, à l’exception du père de famille.

M. Manaut avait parlé de quatre enfants, il y en avait sept…

Gérard voyait entrer tout ce monde avec un intérêt amusé. Chaque fois, c’était une nouvelle présentation avec des exclamations et des rires.

Le jeune homme confondait tous les enfants et ce ne fut que plus tard, à la fin de la soirée, qu’il put poser un nom sur chacun d’eux.

L’aîné était un fils de vingt-quatre ans, Marcel, dont la poignée de main était tout américaine. Denise, une jeune fille de vingt-deux ans, avait des yeux vifs et bruns, un visage gracieux et des gestes simples. Pauline, âgée de vingt ans, regardait gravement ses frères et sœurs sans parler beaucoup. Un beau sourire illuminait ses traits quand elle s’adressait à sa mère.

Un fils de dix-sept ans venait ensuite. Il s’appelait Paul. Dégingandé, il s’amusait à faire des grimaces que le dernier-né, Maurice, âgé de neuf ans, essayait d’imiter. Avant lui, deux filles : celle qui avait reçu Gérard et qui se prénommait Louise, et sa cadette, Berthe, qui allait avoir douze ans.

Ce petit monde était gai et bien portant.

Gérard, qui n’avait jamais été entouré dans la maison paternelle, se trouva d’abord un peu ahuri par cette jeunesse qui ne manquait pas d’exubérance. Chacun parlait, riait, sautait d’un sujet à l’autre, racontant les faits saillants de la journée.

Le petit Maurice avait une voix aiguë qui dominait les autres, et son frère aîné l’obligeait parfois à se taire pour qu’on s’entendît mieux.

Gérard pressentit immédiatement qu’il se plairait dans cet Intérieur où les manières américaines n’excluaient pas les vieilles traditions françaises.

La conversation avait lieu en français.

À leur foyer, les Laslay n’employaient généralement que leur langue maternelle, réservant pour le dehors celle du pays. On attendait le professeur.

La mère et les deux filles aînées s’étaient éclipsées pour vaquer aux préparatifs du dîner, et Gérard resta en compagnie des autres enfants.

Le fils aîné, Marcel, lui apprit qu’il avait une situation chez un industriel s’occupant de la fabrication des automobiles. Il était né à Paris, ainsi que sa sœur Denise, mais il aimait l’Amérique bien qu’il eût accompli son service militaire en France. Il comptait faire sa vie à New-York, pour revenir peut-être plus tard dans son pays natal. Sa parole était nette, ses gestes précis. On prévoyait déjà l’homme d’affaires qui ne laissait rien au hasard. Il n’était ni souriant ni phraseur, mais catégorique. Malgré cet aspect un peu sec, il plaisait beaucoup à Gérard.

Le professeur entra. On lui avait annoncé la visite du jeune homme et il s’avança vers lui, la main tendue, avec un sourire de bienvenue.

— Quel heureux jour ! Comment se porte mon vieil ami Manaut ?… Toujours alerte ?… La vie de chiffres ne le fatigue pas ?

Gérard voyait devant lui un homme brun encore avec des yeux vifs et mobiles, dont le regard fouillait l’âme. Un air de bonté, cependant, tempérait l’éclat de ses yeux, et le jeune Parisien fut bien vite à l’aise.

Il répondit aux questions de son hôte et lui transmit les souvenirs de son père. Il donna des détails sur l’existence du banquier, sur son travail, son endurance, sur l’éveil constant qu’il fallait posséder en affaires de banque.

M. Laslay l’écoutait, intéressé, comparant son labeur plein d’élévation, mais cependant souvent monotone, à cette agitation incessante, à cet imprévu des cours de bourse sous lesquels se dissimulaient et la ruine et l’ascension rapide. Homme de silence et de rêve, M. Laslay écoutait Gérard qui, plein de son sujet, jetait des termes techniques, se grisant légèrement de cette science bancaire dans laquelle il vivait depuis toujours.

Il dit :

— J’aimerais revoir Manaut et Paris… Malheureusement, la traversée est chère pour une famille comme la nôtre… Je pense d’ailleurs obtenir sous peu un autre poste en France… Cela me compensera de mes années d’exil…

— Je sais déjà que votre fils aîné se propose de rester à New-York…

— C’est tentant pour des jeunes gens… le développement est considérable ici pour les affaires… Marcel se sent une vocation d’industriel… Il a des exemples tellement miraculeux sous les yeux que je comprends sa résolution.

— Il me faut l’action dans un cercle étendu, posa le fils Laslay, comme un homme qui voit son but.

— Nous envisagions notre avenir avec plus d’insouciance… dit pensivement son père…

— Aujourd’hui, nous devons travailler sérieusement, répliqua Marcel… La vie est devenue sévère et nous devons être attentifs aux tournants… Il y a des virages qui sont brusques…

— Vous avez raison de prévoir… Et vous, Gérard, quelles sont vos opinions, vos ambitions ?

Gérard rougit. Qu’avait-il fait jusqu’alors ?… que pensait-il ? Il s’étonnait de cette question. Son père ne lui épargnait-il point tout souci, tout heurt ?… Avait-il besoin de se créer une personnalité, de travailler ?… Il allait bien donner quelque peu de son temps à la banque, mais c’était un passe-temps, sans dessein précis. Mais devant cette mentalité nouvelle, il était gêné de n’être qu’un reflet, de n’avoir pas une orientation personnelle qui le rendît un homme libre.

Il répondit non sans quelque embarras :

— Je ne me suis pas occupé bien activement jusqu’alors… Mon père, je dois l’avouer, m’a préservé de la peine même de penser…

Il y eut un silence qui fut interrompu par l’annonce du dîner.

Les enfants laissèrent passer leur père qui s’avança en tenant Gérard par le bras. Chacun se tint debout devant sa place. Mme Laslay, devant la sienne, récita le bénédicité. Ce geste émut Gérard. Il croyait se retrouver à Paris entre son père et le bon P. Archime. Chaque enfant avait joint les mains et penché le front. Ces attitudes recueillies imprégnèrent de majesté la pièce très simple.

Gérard oubliait qu’il était en Amérique. Il venait de trouver une famille.

La conversation reprit et M. Laslay la dirigea. S’il n’était pas permis aux plus jeunes de garder le dé trop longtemps, leur père, cependant, les autorisait à exprimer leurs impressions. Il tenait même beaucoup à les entendre parler et corrigeait leurs défauts de diction ou leurs erreurs grammaticales.

Gérard sut que le benjamin ne possédait pas le feu sacré pour les études. Il aurait déjà voulu s’occuper de mécanique et soupirait en pensant que ses treize ans le feraient encore attendre quatre longues années !

Les deux cadettes se montraient de bonnes enfants qui travaillaient assidûment, l’une pour devenir professeur, tandis que l’autre était attirée vers la médecine. Leur âge tendre ne leur donnait pas encore beaucoup d’autorité pour affirmer la stabilité de cette détermination, bien que leur volonté se montrât déjà ferme.

Paul était dans le commerce. Il servait les intérêts de son patron avec une conscience telle qu’il lui inspirait de l’admiration et ce n’était pas peu de chose pour un Américain !

Son père s’en montrait fier. Il savait que son fils réussirait. Son patron parlait de lui laisser la direction d’une maison qu’il voulait fonder en France, et Paul exultait, parce que Paris, qu’il ne connaissait pas, devenait son idée fixe.

Sérieux et gai tout à la fois, il plaisantait, puis étonnait par ses réflexions judicieuses et ses vues justes.

Denise ressemblait à M. Laslay. Elle possédait le même regard. Ses cheveux ondes encadraient un visage rose aux traits réguliers. Elle était intelligente et suppléait son père dans les leçons particulières qu’on lui demandait.

Elle plaisait par son caractère décidé, mais sans brusquerie, par les inflexions de sa voix harmonieuse et par la sérénité de son attitude.

Gérard se sentit tout de suite à l’aise avec elle, sans cette gêne qu’il éprouvait parfois devant une jeune fille qu’il ne connaissait pas. Son naturel constituait pour lui un grand charme.

Pauline ressemblait à sa mère. Elle était silencieuse et douce et se préoccupait de chacun avec une sollicitude affectueuse. Elle paraissait vénérer ses parents et les contemplait sans cesse avec des yeux caressants. Ses frères et sœurs la consultaient et la traitaient comme une seconde maman. Elle aidait sa mère dans les soins de l’intérieur, assumant la tâche de l’entretien des vêtements de la maisonnée.

Ce fut petit à petit que Gérard se rendit compte de tous ces détails. Ce premier soir, il se contenta d’être ahuri par le mouvement de cette ruche où le travail était une loi autant qu’un attrait.

Le dîner se passa rapidement. Il était simple, sans recherches inédites. Gérard comprit cependant que l’ordinaire en avait été un peu corsé en son honneur.

Il ne fut pas long à remarquer non plus que la famille maintenait son rang social grâce à une économie stricte. Une des jeunes filles ayant affirmé que ses gants étaient complètement usés, Pauline murmura doucement :

— Je suis sûre, petite Berthe, que je les transformerai encore une fois en gants tout neufs…

Gérard s’avisa que si les invitations se répétaient, 11 ferait tort au budget de ses nouveaux amis. Il en fut désolé d’avance, ne voyant aucun moyen pour résoudre une question aussi délicate.

Cependant, il ne voulait pas s’écarter de cette maison. L’atmosphère l’attirait. Il trouvait une mère en Mme Laslay, des sœurs dans ces jeunes filles franches, sans détours, des frères dans les fils, tout prêts à le guider dans les rouages de New-York.

Il réfléchissait à ces choses en regagnant sa chambre d’hôtel. Il logeait dans un palace et tout le luxe qu’il y retrouva lui parut insolite auprès du logis qu’il venait de quitter.

Il pensa non sans attendrissement à toute l’énergie que devait déployer la bonne Mme Laslay pour maintenir l’ordre pécuniaire dans la petite famille. À vrai dire, les trois aînés ajoutaient au budget actuellement, mais que de durs moments avait dû traverser ce foyer avant d’atteindre ce semblant de bien-être.