Le Duc de Bourgogne en Flandre
Revue des Deux Mondes5e période, tome 10 (p. 27-51).
LE DUC DE BOURGOGNE
EN FLANDRE

III[1]
LA REVANCHE DES LIBERTINS


I

La nouvelle de la bataille d’Oudenarde parvint à Versailles le 14 juillet. Pour mesurer l’effet que ce désastre allait y produire, il est nécessaire de savoir quel était alors l’état de la Cour et entre quels partis elle se divisait.

Déjà nous avons eu l’occasion de dire que durant ces années un peu moroses où l’influence de Mme de Maintenon avait été prépondérante, entre la retraite de Mme de Montespan et l’arrivée de la Duchesse de Bourgogne, c’est-à-dire de 1680 à 1697, une sorte de demi-royauté avait été exercée par la Princesse de Conti, la fille légitimée de Louis XIV et de Mlle de La Vallière. Belle, aimable, douce, tenant de sa mère, à la fois par la grâce et par le peu d’esprit, elle avait occupé à la Cour le premier rang sinon par la préséance, car la Duchesse d’Orléans et (ce qui ne laissait pas de lui être sensible) sa demi-sœur la Duchesse de Chartres passaient devant elle, du moins par les hommages dont on l’environnait, et par l’influence qu’elle exerçait sur Monseigneur, l’héritier direct du trône. Surtout depuis la mort de sa femme, la Dauphine Bavière, Monseigneur ne bougeait de chez cette sœur, ou plutôt cette demi-sœur. particulièrement aimée. Il tenait chez elle une sorte de petite cour, et y jouait gros jeu avec ses favoris, Luxembourg, Conti (le beau-frère), Biron et d’autres encore. Tendresse ou politique, l’attachement de la Princesse de Conti pour son frère était si grand qu’elle se laissait imposer par lui la plus pénible de toutes les épreuves pour une femme un peu fière : la présence habituelle d’une rivale par qui elle avait été profondément humiliée. La pauvre princesse avait eu en effet, quelques années auparavant, une aventure pénible que Saint-Simon raconte avec force détails. Elle avait rencontré souvent chez Monseigneur un bel enseigne des gendarmes de la garde, le chevalier de Clermont-Chaste, « grand homme parfaitement bien fait, qui n’avoit rien que beaucoup d’honneur, de valeur, avec un esprit assez propre à l’intrigue… Il en avoit fait l’amoureux ; elle le devint bientôt de lui[2]. » Mais un jour l’amoureuse princesse apprit que le bel enseigne la trahissait, et pour qui ? pour une de ses filles d’honneur, Émilie-Julîe de Choin, « une grosse fille écrasée, brune, laide, camarde » et qui, par-dessus le marché, était « puante. » Des lettres qui lui furent montrées par le Roi ne pouvaient lui laisser aucun doute sur l’infidélité de son amant. Elle chassa sa fille d’honneur avec éclat, et Clermont dut s’éclipser de la Cour, où il ne reparut qu’à la Régence. Mais elle ne put tenir longtemps rigueur à celle que Saint-Simon appelle couramment la Choin. En effet, cette fille, qui avait « de l’esprit, de l’intrigue, du manège, » avait su se rendre agréable et presque nécessaire à Monseigneur. Il ne put s’en passer et voulut la revoir. Elle venait chez lui, à Meudon, d’abord tout à fait en cachette, entrant par les derrières, son paquet dans sa poche, et ne sortant pas de l’entresol où elle demeurait enfermée ; puis, peu à peu, ouvertement et au grand jour. Elle couchait dans le grand appartement, qui était celui de la Duchesse de Bourgogne durant ses séjours à Meudon, et y recevait quelques privilégiés dont le nombre allait croissant, car Monseigneur étant l’héritier du trône et le Roi vieillissant, « toutes les batteries pour le futur étaient dressées et pointées sur elle. »

Ces réunions, toujours restreintes, s’appelaient à la Cour les Parvulos de Meudon. Comme la princesse de Conti ne voulait pas en être exclue, elle prit son parti de s’y rencontrer avec son ancienne rivale. Elle y amenait aussi ses amies, entre autres la comtesse de Lillebonne, une de ces princesses lorraines tant haïes de Saint-Simon, sœur de Vaudémont, bâtarde comme elle et comme lui. La comtesse de Lillebonne, qui était fort pauvre, et vivait aux dépens de la princesse de Conti, introduisit à Meudon ses deux filles. L’une était la princesse d’Espinoy, que nous avons vue employée par Mme de Maintenon à surveiller la Duchesse de Bourgogne, et qui, dit Saint-Simon, « douce, belle, n’avoit d’esprit que ce qu’il lui falloit pour aller à ses fins, mais qui l’avoit au dernier point et qui jamais ne faisoit rien que par vues ; d’ailleurs naturellement bonne, obligeante et polie. » L’autre, qu’on appelait Mlle de Lillebonne, passait pour secrètement mariée au chevalier de Lorraine et, « sous un extérieur froid, indolent, paresseux, négligé, intérieurement dédaigneux, brûloit de la plus vaste ambition avec une hauteur démesurée, mais qu’elle cachoit sous une politesse distinguée et qu’elle ne laissoit se déployer qu’à propos. » À cette petite cour de Monseigneur était venue se joindre, depuis quelques années, une autre princesse, bâtarde encore et légitimée comme la Princesse de Conti, sa demi-sœur, la Duchesse de Bourbon. Celle-ci avait hérité non point de la beauté de sa mère, Mme de Montespan, mais de son esprit impitoyablement caustique. Ardente au plaisir, n’aimant personne, sauf le Prince de Conti, qui entretenait avec elle une liaison notoire, elle se moquait de tout le monde ; ses railleries se traduisaient en chansons cruelles où elle n’épargnait personne, pas même la famille royale, et qui couraient la ville.

Toutes ces femmes, la Duchesse de Bourbon surtout, détestaient la Duchesse de Bourgogne, qui passait maintenant la première à la Cour, qui était plus jeune, plus brillante qu’elles, mieux aimée du Roi. Aussi, en cajolant Monseigneur, s’efforçaient- elles de combattre l’influence qu’exerçait sur lui son aimable belle-fille. Peu à peu les Parvulos de Meudon étaient devenus le centre de tout ce qui était hostile, non pas seulement à la femme, mais au mari. Le Duc de Bourgogne, en effet, s’était créé de son côté des ennemis par son attitude austère et souvent un peu morose. Il n’était pas jusqu’à Monseigneur qui ne fût légèrement mal à son aise avec lui, l’attitude du fils, toute respectueuse qu’elle demeurât, étant une perpétuelle leçon pour le père. Vainement le Duc de Bourgogne s’efforçait-il de le désarmer, en témoignant des égards à Mlle de Choin, et en souffrant que celle-ci fût assise dans un fauteuil et la Duchesse de Bourgogne sur un simple tabouret. Il n’en était pas moins, suivant l’expression de Saint-Simon, « fort en brassières » quand il venait à Meudon, ses mœurs et celles de ce monde se convenant peu. Tous les hommes qui composaient la cour de Monseigneur lui étaient hostiles. Vendôme en était l’un des principaux familiers, et Saint-Simon avait raison, lorsqu’il signalait par avance à Beauvilliers la malveillance avec laquelle tous les actes du Duc de Bourgogne seraient jugés à Meudon, toute la faveur qu’y rencontreraient, au contraire, ceux de Vendôme. « Monseigneur, lui disait-il, sera paqueté contre son fils, et le premier à lui jeter la pierre ; le courtisan, qui craint déjà son austérité, sera ravi de pousser de main en main cette pierre qu’il ne craindra plus, poussée par Monseigneur lui-même. Si cela arrive, que jugez-vous que feront les personnes que j’ai nommées (les habitués des Parvulos) ? Quel parti n’en tireront-elle s’pas, et avec quel art ne feront-elles pas jouer tous leurs ressorts de derrière les tapisseries ? Madame la Duchesse de Bourgogne pleurera, mais il faudra des raisons et non des larmes. Qui les produira contre ce torrent ? Qui osera se montrer à la cabale pour en être sûrement la victime tôt ou tard[3]. La mode, le bel air, sera d’un côté avec un flux de licence, le silence de l’autre et la solitude. » C’est en ces termes pressans que Saint-Simon avait parlé à Beauvilliers, dans leur longue conversation du mois d’avril précédent, et à supposer même, comme nous le croyons, qu’il ait un peu poussé les choses au noir, en voyant un complot ourdi à l’avance dans ce qui fut surtout une occasion favorablement saisie, ces prévisions n’en font pas moins honneur à sa sagacité. Aussi était-il nécessaire de s’arrêter quelque temps avec lui dans cette petite cour de Meudon pour mieux comprendre la suite des événemens qui vont se dérouler.


II

Les ennemis du Duc de Bourgogne ne l’avaient pas laissé sans railleries partir pour prendre le commandement d’une aussi importante armée. Les chansons malicieuses ou même calomnieuses jouaient alors le rôle que joue de nos jours la presse d’opposition. Pour connaître les dessous de la Cour, il faut feuilleter le Chansonnier français où elles sont réunies, et corriger ainsi par leurs cruelles satires la lecture de l’officieux Mercure. Voici l’une de celles que les malveillans s’en allaient fredonnant tout bas sur l’air : De tous les capucins du monde :


Prince, partez pour la victoire ;
Revenez tout couvert de gloire,
Et par mille exploits prouvez-nous
Que vous valez mieux qu’on ne pense,
Et que c’est mal juger de vous
Que de juger sur l’apparence.
Quand l’hiver on ne vous voit faire
Que confession et prière,
Vivre à la cour, comme au désert.
Blâmer les jeux et les spectacles,
Pour soutenir un tel hiver
Il faut un été de miracles[4]


Le Prince avait amené avec lui son confesseur habituel, le Père Martineau, comme il avait fait au siège de Brisach, et l’on se souvient peut-être de la peine que Tallart avait dû prendre pour empêcher ce directeur trop zélé d’accompagner son pénitent à la tranchée[5]. C’était encore, pour les libertins, matière à raillerie, et ils chantaient sur l’air de Joconde :


Grand Prince en qui nous avons mis
Toute notre espérance,
De votre aïeul suivez l’avis
Avec obéissance ;
Du saint démêlez l’imposteur,
De la peur la prudence,
Et gardez-vous qu’un confesseur
Ne gouverne la France.


Mais tout cela se chantait à voix basse. Les méchans étaient encore contenus par le respect et par la crainte de déplaire au maître. D’ailleurs qui pouvait savoir si quelque grand succès n’allait pas, dès le début de la campagne, couper court à ces ma lices, et établir d’une façon solide la réputation du jeune prince ? L’attente et l’anxiété étaient grandes, surtout quand on sut que l’armée du Duc de Bourgogne avait marché vers Bruxelles, et n’était plus qu’à trois ou quatre lieues des ennemis. Chaque jour, on s’attendait à quelque action importante. Mais comme la nouvelle d’aucun engagement décisif n’arrivait à la Cour, comme le Duc de Bourgogne demeurait toujours dans son camp de Braine-l’Alleud, ils prenaient bientôt de la hardiesse, et s’en allaient répétant :


Il sied mal d’être Fabius
A l’âge d’Alexandre.


L’heureuse surprise de Gand et de Bruges les réduisit au silence pendant quelques jours, et remplit au contraire d’espoir ceux qui tenaient pour le Duc de Bourgogne. La Cour s’était transportée depuis le 18 juin à Fontainebleau. Nous trouvons le tableau des sentimens qui l’animaient alors dans les lettres de Mme de Maintenon, et dans celles que sa secrétaire, Mlle d’Aumale[6], écrivait presque journellement aux dames de Saint-Cyr. Rien ne rend mieux que ces lettres, les émotions par lesquelles toute la Cour passait. « J’ai oublié de vous mander, écrivait Mme de Maintenon à une religieuse de Saint-Cyr, que Monsieur le Duc de Bourgogne me fait l’honneur de m’écrire qu’il se recommande à vos prières. Vous ne pouvez trop prier Dieu d’achever son ouvrage dans ce prince qui se conduit si parfaitement. Il me mande qu’il ne dira point qu’il fait du mieux qu’il peut, parce qu’il ne diroit pas vrai, et qu’il pourroit faire mieux, et que tous, tant que nous sommes, nous pourrions faire mieux que nous ne faisons[7] ; » et dans une autre lettre à la Princesse des Ursins : « M. le Duc de Bourgogne commence parfaitement bien. Il se fait aimer des officiers ; il se fait craindre sur le relâchement de la discipline ; il entre dans tous les détails ; il veut qu’on lui donne des avis de tous les côtés, et ce que je vous dis, Madame, n’est point flatterie. Je le sais par des gens qui me diroient le contraire s’il le méritoit[8]. »

A Fontainebleau, on était donc plein d’espoir. L’affaire de Gand et de Bruges mettait tout le monde en joie. On s’abordait en riant dans les cours du palais, et les gens sortaient de leur naturel. La jolie Mme de Dangeau, ordinairement si calme, déchirait sa chemise. La vieille Mme d’Heudicourt embrassait le Roi. De deux jeunes demoiselles que Mme de Maintenon avait amenées avec elle à Fontainebleau, l’une sautait comme une chèvre, l’autre mettait un habit neuf, et toutes deux buvaient à la santé du Duc de Bourgogne « rubis sur l’ongle et à rouge bord. » Mlle d’Aumale, qui nous donne avec vivacité ces détails, ajoute en parlant des habitans de Bruges : « Toute la nuit ils ont bu, et ils étoient saouls comme des cochons, de joie d’être sous leur roi légitime[9]. »

Cette joie devait être de courte durée. En effet, le 14, entre midi et une heure, au moment où le Roi sortait du Conseil des Finances, arrivait un valet de pied du Duc de Bourgogne, qui apportait, dit Dangeau, « la triste nouvelle d’un grand combat en Flandres où nous n’avons pas eu l’avantage... » « Le soir, dit-il encore quelques lignes plus bas, il arriva un autre courrier : il ne mande aucun détail qui puisse nous dire comme l’affaire s’est passée, et ce que nous en savons en gros, c’est qu’elle est mauvaise[10]. » Dangeau n’en dit pas davantage, non plus que Sourches, sur l’impression produite par ces fâcheuses nouvelles, et c’est encore aux lettres de Mlle d’Aumale et à celles de Mme de Maintenon, écrites sous le coup même des événemens, qu’il faut nous reporter.

Laissons parler d’abord Mlle d’Aumale, qui va nous peindre, avec sa vivacité coutumière, l’émoi de la Cour : « Je vais répondre à vos questions le moins bêtement que je pourrai, écrit-elle à une de ses amies de Saint-Cyr. Il y a peu de morts. M. de Vendôme a eu trop de confiance, et a donné un combat sans ordre et sans presque de préparation. M. le Duc de Bourgogne étoit de tous les bons avis, mais il avoit ordre d’obéir à M. de Vendôme. Nos princes ont été un quart d’heure en danger d’être pris. Ils sont hors de péril, et, comme je l’ai mandé à notre mère, notre armée ne demande qu’à se racquitter ; elle est encore fort belle et fort bonne ; » et comme, avec elle, le sens comique des choses ne perd jamais ses droits, elle ajoute : « La perruque de M. Fagon a été si avancée sur son visage que, s’il n’avoit pas eu le nez si long, on n’auroit pas connu le devant d’avec le derrière de sa tête[11]. »

Avec Mme de Maintenon, le ton change et s’élève : « Vous savez, Madame, écrivait-elle, le 23 juillet, à la princesse des Ursins, que notre bonheur n’a pas duré longtemps. La réduction de Gand sous le pouvoir du Roi Catholique nous avoit mis dans une situation bien avantageuse ; il n’y avoit plus qu’à s’y tenir tout le reste de la campagne ; c’étoit aux ennemis à courir et ils étoient désespérés. M. de Vendôme, qui croit tout ce qu’il désire, a voulu donner un combat et il l’a perdu, et nous sommes beaucoup pis que nous n’étions, tant par la perte de nos troupes que par la crainte des suites et l’air supérieur qu’ont présentement nos ennemis… Le Roi soutient cette dernière aventure avec une grande soumission à la volonté de Dieu, et l’on voit toujours ce même courage et cette même égalité d’esprit. Pour moi, misérable, vous croyez bien. Madame, que j’en suis accalée ; mon triste cœur s’étoit un peu épanoui sur l’affaire de Gand. Mais le voilà plus serré que jamais par la crainte du reste de la campagne. » Et elle ajoute avec une juste prévoyance de l’avenir : « Il est impossible qu’il ne se mette de la froideur entre le Duc de Bourgogne et M. de Vendôme par la diversité de leurs avis, et combien de gens contribueront à l’augmenter par leurs mauvais discours[12]. »

Les mauvais discours ne devaient pas tarder en effet à aller leur train. Durant les premiers jours, partisans et adversaires du Duc de Bourgogne ou de Vendôme furent laissés dans un égal embarras par l’obscurité qui continuait de régner sur les détails de l’affaire. Le Roi gardait le silence, et, comme il avait arrêté au passage toutes les lettres adressées à des particuliers dont était chargé le courrier porteur de la première nouvelle, comme, après les avoir toutes lues, il n’en avait rendu qu’un petit nombre et ouvertes, les informations particulières ne pouvaient suppléer au silence officiel. Lors même qu’elle n’eût pas été dans ses habitudes, Louis XIV aurait été obligé à cette réserve, par l’ignorance où le laissaient les deux chefs entre lesquels le commandement de son armée était si malheureusement partagé. Ni l’un ni l’autre ne lui adressaient en effet, comme c’était l’usage, un compte rendu détaillé de la bataille. Le Duc de Bourgogne se bornait à l’informer du mauvais succès de la journée dans une lettre très courte, qui a été malheureusement perdue, ainsi que celle, plus longue et plus explicite, qu’il adressait à la Duchesse de Bourgogne. Vendôme, de son côté, lui en faisait parvenir deux, fort courtes également, mais toutes deux pleines de récriminations. Le Roi les reçut en même temps. Dans l’une, Vendôme s’exprimait ainsi : « Je ne feray aucun détail à Votre Majesté. J’auray seulement l’honneur de luy dire que les ennemis n’auroient eu aucun avantage sans celuy que nous avons bien voulu leur donner en nous retirant. Je m’y étois opposé très longtemps, mais M. le Duc de Bourgogne l’a désiré d’une façon qu’il m’a fallu céder... Nous avons gagné du terrain sur l’ennemi ; nous n’avons perdu ni artillerie, ni bagages, ni drapeaux, ni étendards et nous avons pris un drapeau, un étendard, une paire de timbales. Voilà, Sire, au vray, ce qui s’est passé ; mais je suis inconsolable, car, pendant une heure, j’ai vu l’affaire gagnée, et, si j’avois été soutenu, comme je devois l’être, elle eût été complète[13]. »

Dans l’autre, il allait plus loin. Après avoir rendu hommage, un peu, semble-t-il, pour la forme, aux preuves de valeur que le Duc de Bourgogne avait données, il attribuait l’échec à l’amas de « vils guerriers » qui abusaient de la confiance du prince, et il ajoutait : « Comme je me trouve à présent inutile, avec gens qui ne défèrent en rien à mon rang, ni à mon expérience, qui me priment dans les occasions essentielles, j’ose supplier très humblement Votre Majesté de trouver bon que je me retire. Accordez-moi cette grâce, je vous en conjure, afin d’épargner à un ancien général de vos armées la honte de n’y être plus en sa place, et d’en occuper une qui ne le fait plus, que le triste témoin du peu de succès de vos armes[14]. »

S’il fallait en croire le récit de Bellerive, auquel nous nous sommes déjà plus d’une fois reporté, Louis XIV, après avoir reçu les deux lettres de Vendôme, aurait tenu « un Conseil suprême » où il aurait pris la sage résolution de rappeler le Duc de Bourgogne et de laisser le commandement au seul Vendôme ; résolution dont la mise en exécution aurait été paralysée par l’intervention de la « dame Maintenon, » qui prévint la Duchesse de Bourgogne, et par celle de la Duchesse de Bourgogne elle-même, qui « se jeta aux pieds du Roi, embrassa ses genoux, et lui dit : Ah, mon papa ! M. de Bourgogne est déshonoré, si vous le rappelez[15]. » Mais cette scène où la Duchesse de Bourgogne aurait parlé à Louis XIV sur le ton dont la petite Louison parle à Argant dans le Malade imaginaire, ne s’est jamais passée que dans l’imagination de Bellerive. La vérité, c’est que, dans cette conjoncture difficile, Louis XIV se conduisit au contraire avec beaucoup de prudence. Il ne voulut donner tort ou raison ni à son petit-fils, ni au général en qui il avait mis sa confiance. Il essaya d’apaiser le conflit en adressant de bonnes paroles à l’un et à l’autre. « Je suis bien fâché, écrivait-il au Duc de Bourgogne, que la première occasion où vous vous êtes trouvé n’ait pas eu un événement plus heureux. Il ne faut point perdre courage. Vous devez même rassurer les officiers et les troupes par vos discours et votre bonne contenance. C’est dans de pareilles conjonctures que ceux qui sont au-dessus des autres doivent les rassurer... Il y aura différentes occasions où vous serez obligé de prendre votre party de vous-mesme. Ne faites rien qu’après une mûre délibération ; n’oubliez rien des moïens praticables pour être informé des mouvemens des ennemis. »

A Vendôme, il écrivait le même jour sur un ton très modéré. Il se bornait à lui dire qu’entre lui et le Duc de Bourgogne le concert n’avait pas été aussi entier qu’il devait être, et qu’il eût été plus convenable à ses intérêts de « ne pas s’exposer à un événement dont les suites ne pouvoient être que très fâcheuses ou au moins très douteuses ; » mais il s’empressait d’ajouter : « Je mande au Duc de Bourgogne que, pour éviter à l’avenir les inconvéniens passés, il doit délibérer avec vous sur ce que vous aurez à faire. Je lui recommande d’avoir pour vous tous les égards que vous vous attirez par la manière dont vous vous exposez en toute occasion ; je lui mande surtout d’avoir pour vous toute la confiance que vous méritez par votre zèle et votre bonne volonté pour la gloire de mes armes, pour la sienne et pour la nation, et enfin par l’expérience que vous donne le long temps que vous êtes à la tête de mes armées, qui n’ont jamais eu un échec pendant que vous les commandiez en chef[16]. »

Si flatteuse que fût cette longue dépêche pour l’amour-propre de Vendôme, elle poussa au comble son irritation. Avant même de l’avoir reçue, il avait continué d’écrire des lettres pleines de récriminations, dont le ton allait jusqu’à l’insolence : « Messeigneurs les Princes, écrivait-il de nouveau le 14 juillet au Roi, sont un terrible fardeau pour une armée. Je ne l’aurois pas cru, si je ne l’eusse éprouvé. Il ne s’en est fallu de rien qu’ils n’aient été pris à l’entrée de la nuit. J’avoue que j’en frémis encore ; je ne sçay ce que Votre Majesté pensera à leur sujet, mais il me semble que les manœuvres que nous avons à faire dans le reste de la campagne, n’exigent guère leur présence. » Et à Chamiliart, à la même date : « Il seroit à souhaiter que tout le monde prît les intérêts du Roy aussi à cœur que moy. Ce matin, quand j’étois revenu de Gand, il sembloit que tout fût perdu ; il m’a fallu rectifier cela par mes discours, mais c’est toujours à recommencer... Si j’avois su les choses comme elles sont, j’aurois supplié Sa Majesté de ne point me charger de personnes aussi précieuses[17]. » Mais la lettre du Roi du 16 juillet acheva de l’exaspérer, et, se laissant aller à son irascibilité habituelle, il lui répondait, le 19 juillet, par une longue dépêche qui n’était pas un récit officiel de la bataille, mais une acerbe critique de la conduite du Duc de Bourgogne[18].

A la vérité, il ne s’en prend point à lui directement, mais à Puységur, que le Roi savait bien être le conseiller ordinaire du Duc de Bourgogne. C’est Puységur qu’il rend responsable de tout, et des fautes commises la veille de la bataille, et de celles commises le jour même, en particulier de I inaction du Duc de Bourgogne, qui se serait retranché au lieu de charger, tout en s’écriant : « Que dira M. de Vendôme ? » et il terminait ainsi : « Je ne pou vois pas croire que cinquante bataillons et près de cent vingt escadrons des meilleurs de cette armée, se contenteroient de nous voir combattre pendant six heures, et regarderoiont cela comme on regarde l’Opéra des troisièmes loges. Mgr le Duc de Bourgogne me rendra justice, et il est convenu avec moi qu’il avoit tort de n’avoir pas suivi son premier mouvement et de s’être rendu à de mauvais conseils... Si les affaires vont bien, comme je l’espère, toute la gloire sera pour le Duc de Bourgogne, mais si, par hasard, elles alloient mal, je supplie Votre Majesté de ne pas m’en donner tout le blâme, puisqu’elle voit bien que mes sentimens ne sont pas toujours suivis. »

Le même jour, par le même courrier, il adressait à Chamillart une lettre où il s’exprimait avec plus de vivacité encore, et où il semblait mettre en doute jusqu’au courage personnel du Duc de Bourgogne : « Il y a des gens, lui écrivait-il, qui ne songent jamais qu’à s’éloigner de l’ennemi, et croyent par là se mettre en sûreté, et il arrive souvent que plus on est près, plus on est éloigné de combattre. M. le Duc de Bourgogne a eu jusqu’à présent plus de confiance aux autres qu’à moy. Vous voyez bien, Monsieur, qu’il ne seroit pas juste de s’en prendre à moy. Lorsque j’ay été en Italie, on se décidoit comme je voulois. Vous avez vu comme les affaires ont été. Elles eussent été de mesme icy, si j’avois été le maistre. »

Le Duc de Bourgogne, quelles que fussent sa modération et son humilité habituelles, ne se laissait cependant pas attaquer sans essayer de se défendre. Il faisait appel aux personnes sur lesquelles il savait pouvoir compter, c’est-à-dire à la Duchesse de Bourgogne, à Mme de Maintenon et à Beauvilliers. Ses lettres à la Duchesse de Bourgogne ont été malheureusement perdues, mais nous avons celles qu’il écrivait à Mme de Maintenon et à Beauvilliers.

C’était à Mme de Maintenon qu’il s’adressait tout d’abord, comme à l’influence toute-puissante sur l’esprit du Roi. Il lui écrivait, deux jours après la bataille, du camp de Lovendeghem, où l’armée française était venue chercher un abri, derrière le canal de Gand à Bruges. Après s’être excusé, au début de sa lettre, de ce qu’elle avait de « contraire à la charité du prochain, » et après avoir rendu hommage au courage déployé par Vendôme, qui « a essuyé lui seul plus que tout le reste de l’armée ensemble, » il résumait vivement toutes les fautes commises par lui non seulement la veille, mais le jour même de la bataille, et il concluait en disant : « Enfin, Madame, dans le courant de la guerre et dans le combat, il est tout de même nullement général, et le Roi s’y trompe fort s’il a une grande opinion de lui. Je ne le dis pas seul. Toute l’armée en parle de même. Il n’a jamais eu la confiance de l’officier, il vient de la perdre du soldat. Il ne fait que manger quasi et dormir, et en effet sa santé ne lui permet pas de résister à la fatigue et par conséquent de pourvoir aux choses nécessaires. Ajoutez à cela cette extrême confiance que l’ennemi ne fera jamais ce qu’il ne veut pas qu’il fasse, qu’il n’a jamais été battu, et qu’il ne le sera jamais ; ce qu’il ne peut pas dire assurément depuis avant-hier. Voilà où nous en sommes. Jugez, Madame, si les intérêts de l’Etat sont en bonne main[19]. » Il concluait en demandant que le Roi lui donnât non pas seulement « la voix d’exhortation » qu’il avait eue seulement jusqu’à présent, — et Vendôme le lui avait rappelé tout haut, quand il s’agissait de décider la retraite, — mais « la voix de décision avec l’avis des maréchaux de France et de quelques officiers sages et habiles. » Craignant ensuite d’en avoir trop dit, il s’empressait de s’accuser lui-même avec une humilité touchante. Il trouvait à se reprocher, dans cette affaire, et trop de vivacité d’un côté, et trop de langueur de l’autre, et trop d’abattement ensuite. « Car j’avoue, ajoutait-il, que j’ai eu tous les sentimens d’un Français. Le plus mauvais de tous serait de perdre courage, et c’est dans les plus mauvaises occasions qu’on en a le plus besoin. Il faut espérer que Dieu ne nous abandonnera pas tout à fait, et que les suites de cette affaire ne seront pas aussi fâcheuses qu’on pouvait le craindre d’abord. »

La lettre à Beauvilliers était du même ton, plus humble encore : « La nature souffre beaucoup, lui écrivait-il ; notre situation est violente. Nous sommes dans la peine et l’humiliation. J’espère que Dieu, après nous avoir châtiés, ne nous perdra pas tout à fait et nous fera sortir heureusement de ce triste état. » Il s’accusait encore d’avoir, dans un moment de découragement, pensé à quitter l’armée pour aller rejoindre celle qu’amenait le maréchal de Berwick. Mais il s’applaudissait d’avoir renoncé à ce parti qui aurait produit un mauvais effet, et il attendait avec soumission les ordres du Roi. « J’espère, ajoutait-il, qu’il ne me retirera point d’ici, mais, à moins qu’il ne me l’ordonne expressément, je ne crois pas que je dusse quitter d’ici sans réplique, et mon départ ferait un mauvais effet... Priez Dieu, plus que jamais, qu’il me donne des lumières et du courage de toutes manières, et qu’il me fasse de plus en plus connaître mon impuissance et mon néant, que je ne doute pas que la prospérité ne m’eût enflé et dissipé, et, en même temps, je n’avais point cette parfaite confiance en Dieu[20]... et s’il veut encore se servir de moi pour cela, ce sera un effet de sa pure miséricorde, car je ne lui ai pas été aussi fidèle que je m’y étais engagé par ses nouveaux bienfaits. » Contre Vendôme, point de récrimination, sauf cette phrase : « Je vous envoie la lettre pour le maréchal de Boufflers. Il est peut-être plus lent que M. de Vendôme, mais il ne serait pas si confiant et si présomptueux. »

Les choses en fussent cependant demeurées là, si Vendôme n’avait porté ses récriminations que devant Louis XIV. Mais il n’eut pas cette mesure. Vainement Louis XIV lui écrivait encore pour lui recommander de se concerter avec le Duc de Bourgogne, et il ajoutait : « Tout ce que j’ay vu et lu jusqu’à présent me confirme qu’il veut s’instruire, et qu’il pense juste sur la plupart des choses qui se peuvent faire. Il ne sera pas moins honorable pour vous qu’il ne sera glorieux pour luy de soutenir la bonne volonté des habitans de Gand et de Bruges, et de finir la campagne en conservant l’une et l’autre de ces places[21]. » Vendôme ne désarma pas. Tandis que le Duc de Bourgogne, en écrivant à Mme de Main tenon, recommandait que « sa lettre ne passe pas le Roi et la Duchesse de Bourgogne, » Vendôme voulut au contraire porter la querelle devant le public. Il avait alors auprès de lui ce singulier personnage qui devait plus tard, comme cardinal et ministre du roi d’Espagne, intervenir d’une façon si singulière dans les affaires de la France en fomentant la conspiration de Cellamare, mais qui n’était encore que l’abbé Alberoni. Ce fils d’un jardinier et d’une fileuse de lin, en sa jeunesse clerc sonneur à la cathédrale de Parme, pris ensuite comme secrétaire par l’évêque de Borgo San Donnino, avait été envoyé par le duc de Parme en mission auprès de Vendôme alors que celui-ci commandait en Italie. Il avait su se faire prendre en gré par le général français. On sait, par Saint-Simon, la basse et ordurière flatterie qui fut le commencement de sa faveur, et, lors même qu’il ne faudrait pas tenir l’anecdote pour tout à fait authentique[22], il est certain qu’il y jouait dans l’entourage de Vendôme un rôle assez subalterne, égayant les convives par des lazzis, travaillant à la confection des potages, en particulier des soupes à l’oignon dans lesquelles il excellait, et se répandant dans ses lettres en éloges sur Vendôme, qu’il appelait « le bon compaire qui taille des croupes au prince Eugène. » Vendôme l’en avait récompensé en obtenant pour lui une pension de 1 800 livres, portée plus tard à 3 000, et il s’était laissé accompagner par lui en Flandre. Ce fut de la plume d’Alberoni que Vendôme se servit pour diffamer le Duc de Bourgogne.

Il lui fit adresser une longue lettre à l’avocat Charles Ponthon d’Amécourt, l’associé de son ami le financier Crozat, lettre qui circula d’abord de main en main, dont on fit de nombreuses copies, et qui finit par être publiée dans la Gazette d’Amsterdam, c’est-à-dire dans une feuille toute dévouée aux ennemis de la France[23]. Cette lettre fit grand bruit, au point que Saint-Simon, dans ses Mémoires, a cru devoir la reproduire tout entière, sauf à la réfuter avec sa vigueur coutumière[24]. « Laissez, monsieur, votre désolation, disait Alberoni à son correspondant, au début de cette lettre, et n’entrez pas dans le parti général de votre nation, laquelle, au moindre malheur qui est arrivé, croit que tout est perdu. Je commence par vous écrire que tous les discours qui se tiennent contre M. de Vendôme sont faux et qu’il s’en moque. » Il continuait en rééditant le récit de Vendôme sur les péripéties de la bataille, et en faisant retomber toute la responsabilité des fautes commises, sinon sur le Duc de Bourgogne, qu’il n’osait pas nommer, du moins sur ses conseillers, ce qui était le désigner clairement, et il terminait en disant : « Voilà la pure vérité ; là même que M, de Vendôme a mandée au Roi, et que vous pouvez débiter sur mon compte : je suis Romain, c’est-à-dire d’une race à dire la vérité, un civitate omnium gnara, et nihil reticente, dit notre Tacite. Permettez-moi, après cela, que je vous dise, avec tout le respect que je vous dois, que votre nation est bien capable d’oublier toutes les merveilles que ce bon prince (le Duc de Vendôme) a faites dans mon pays, qui rendront son nom immortel et toujours révéré : injuriarum et beneficiorum æque immemores ; mais le bon prince est fort tranquille, sachant qu’il n’a rien à se reprocher, et que, pendant qu’il a suivi son sentiment, il a toujours bien fait. »

On peut penser le bruit que fit, non seulement en France, mais en Europe, cette lettre où l’héritier du trône était ainsi pris à partie. Ce ne fut pas tout. Le secrétaire attitré de M. de Vendôme, Campistron, « un de ces poètes crottés qui meurent de faim et qui font tout pour vivre, » dit Saint-Simon, écrivit une autre lettre, en comparaison de laquelle celle d’Alberoni « n’étoit que fleur et mesure, » et où il attaquait, dans les termes les plus grossiers, non seulement les conseillers du Duc de Bourgogne, qu’il traitait de marauds, mais le maréchal de Matignon lui-même, qui aurait dû passer en conseil de guerre pour avoir été du même avis qu’eux sur la retraite. Cette lettre ne reçut pas la même publicité que celle d’Alberoni ; les partisans de Vendôme se bornèrent à la montrer de main en main dans les calés, les spectacles, les lieux de promenade publics, mais sans en laisser copie[25]. Et comme si ce n’eût pas été assez, il en arriva bientôt une troisième, qui venait de plus haut. Elle émanait du comte d’Evreux, le propre neveu de Vendôme par sa mère, la duchesse de Bouillon, qui servait en Flandre avec le grade de maréchal de camp. En cette qualité, il avait assisté à la bataille d’Oudenarde ainsi qu’au conseil de guerre, où, seul avec Vendôme, il s’était opposé à la retraite. Cette lettre était adressée par le comte d’Évreux à son beau-père Crozat, qui, fier d’un tel gendre, n’eut garde de la tenir secrète. Plus mesurée que celle de Campistron, elle n’était pas moins désobligeante pour le Duc de Bourgogne, et la haute situation du personnage dont elle émanait, la proche parenté de celui-ci avec Vendôme lui donnait plus d’autorité qu’à celle d’Alberoni ou de Campistron.

Se sentant ainsi soutenus et encourageas, les amis de Vendôme entrèrent en campagne. « La cabale, dit Saint-Simon, se déchaînoit par degrés, en cadence. Leurs émissaires paraphrasoient les lettres dans les cafés, dans les lieux publics, parmi la nation des nouvellistes, dans les assemblées de jeu, dans les maisons particulières. Les Halles mêmes, dont Beaufort fut roi si longtemps dans la minorité de Louis XIV, en furent remplies. Les vaux de ville, les pièces de vers, les chansons atroces sur l’héritier de la couronne, et qui érigeoient sur ses ruines Vendôme en héros, coururent par Paris et par tout le royaume avec une licence et une rapidité qu’un ne se mit en aucun soin d’arrêter, tandis que, à la Cour et dans le grand monde, les libertins et le bel air applaudit, et que les politiques raffinés, qui connoissoient mieux le terrain, s’y joignirent, et entraînèrent si bien la multitude, qu’en six jours il devint honteux de parler avec quelque mesure du fils de la maison dans sa maison paternelle ; en huit, cela devint dangereux, parce que les chefs de meute, encouragés par le succès de leur cabale si bien organisée, commencèrent à se montrer, à prendre fait et cause, et à laisser sentir qu’ils la regardoient tellement comme la leur, que quiconque oseroit contredire auroit tôt ou tard affaire à eux[26]. »

Les familiers de Meudon étaient au premier rang de la cabale, et quelques-unes de ces chansons que Saint-Simon a raison d’appeler atroces furent attribuées à la Duchesse de Bourbon elle-même[27]. Elles témoignent jusqu’à quel point la haine et la calomnie se donnèrent carrière contre l’infortuné Duc de Bourgogne. C’était la revanche des libertins ; ils se l’offrirent complète. C’est ainsi qu’ils s’en allèrent d’abord chantant :


Nostre Prince magot
Trop timide et cagot.
Avec son Martinot,
Sera toujours un sot ;
Mais nostre gros blondin,
Valeureux et mutin.
Avec ses libertins
Ira toujours son train.


Ils ne se contentaient pas de railler dans une complainte de dix-sept couplets dont le refrain rappelait celle composée dans des temps plus heureux :


La besogne
De M. le Duc de Bourgogne.


ils s’en prenaient du désastre à sa piété, à ses soi-disant scrupules. Le lendemain d’Oudenarde, s’il n’avait pas voulu livrer de nouveau bataille, c’était parce que :


Les chrétiens, dit-il, sont trop chers
Pour les envoyer aux enfers.


Pendant l’action, il n’aurait, suivant eux, point fait autre chose que se retirer dans un moulin :


Priant Dieu qu’il les eût en garde,
Et qu’il sauvât les trépassés
Qui ne s’étoient point confessés.


Ce malheureux moulin, où il est possible que le Duc de Bourgogne soit monté un instant pour juger de l’ensemble du combat, revenait encore dans une autre chanson qui se chantait sur l’air : Pierrot revenant du moulin :


Près d’Oudenarde, en un moulin,
Aux soldats il crioit de loin :
Louisot,
Louisot reviendra bientost,
Bientost reviendra Louisot,

Louisot revenant du moulin
Dit : Messieurs, je me porte bien,
Les sots,
Les sots se battoient tantost,
Tantost se battoient les sots.


Enfin, comme dernier trait, ils chantaient sur l’air des Mais :


Jeune Louisot de sainte renommée,
Soyez dévot, comme à l’accoutumée,
Mais
Mais
Priez Dieu pour notre armée,
Ne la commandez jamais.


C’est ainsi que la cabale, pour emprunter le mot de Saint-Simon, se déchaînait, et que le pauvre Prince commençait à expier durement ses maladresses et ses fautes. Nous allons voir cependant que, dans ce moment difficile de sa vie, les appuis sur lesquels il avait le droit de compter ne lui firent pas défaut.


III

S’il fallait en croire Saint-Simon, ce serait lui qui aurait paré à tout. Le duc de Beauvilliers, se souvenant de leur conversation de Marly, serait venu dans sa chambre, le cœur pénétré de douleur, lui faire comme une amende honorable. Tous deux auraient raisonné beaucoup, en appelant à leur aide le duc de Chevreuse, sur les moyens « d’ouvrir les yeux au Roi et d’arrêter cette furie, » et ils firent passer des avis au Duc de Bourgogne sur la conduite et le langage à tenir, tant à larmée que dans ses lettres. En même temps, Saint-Simon aurait fait parvenir des conseils à la Duchesse de Bourgogne par Mme de Nogaret, une de ses dames du palais, et, par l’intermédiaire de cette même dame, la Duchesse de Bourgogne l’envoyait souvent consulter, et lui faisait dire franchement où elle en était avec le Roi et Mme de Maintenon. « Je ne crois pas, dit-il à ce propos, qu’elle eût du goût pour la personne de M. le Duc de Bourgogne, ni qu’elle ne se trouvât importunée de celui qu’il avoit pour elle. Je pense aussi qu’elle trouvait sa piété pesante et d’un avenir qui le seroit encore plus, mais, parmi tout cela, elle sentoit le prix et l’utilité de son amitié, et de quel poids seroit un jour sa confiance[28]. » Aussi, éclairée et conseillée par Saint-Simon, la Duchesse de Bourgogne aurait-elle fait merveille. Elle l’emporta auprès de Mme de Maintenon « sur les artifices voilés et les charmes enchanteurs pour elle du Duc du Maine. » Elle fit même le miracle de réconcilier Mme de Maintenon et le duc de Beauvilliers, en froid depuis l’éclat de l’affaire de Fénelon, et Mme de Maintenon, joignant ses efforts à ceux de la Duchesse de Bourgogne et de Beauvilliers, aurait fini par ouvrir les yeux au Roi, qui serait intervenu de la façon que nous a errons tout à l’heure.

On ne saurait laisser en entier à Saint-Simon le rôle qu’il s’attribue. Sans doute, intimement lié qu’il était avec Beauvilliers et Chevreuse, il a dû se concerter avec eux sur les avis qu’il serait utile de faire passer au Duc de Bourgogne, et rien ne défend non plus de croire qu’honoré ainsi que sa femme de la bienveillance de la Duchesse de Bourgogne, il lui ait fait parvenir quelques conseils. Mais la jeune princesse, qui commençait à n’ê‘re plus une enfant (elle avait alors vingt-trois ans), n’avait pas besoin d’être rappelée à son devoir par Saint-Simon. Depuis quelques années, les épreuves l’avaient mûrie, et elle n’était plus la femme frivole que nous avons dû montrer, menant une vie toute de dissipation et de plaisir. La douleur de voir aux prises son pays natal et son pays d’adoption, son père et son mari, avait peu à peu changé son humeur et lui avait fait prendre la vie au sérieux ; suivant la forte expression de Mme de Maintenon, « elle se pénétrait des choses sans dire un mot, » mais « elle avait sans cesse les larmes aux yeux[29]. » Ces dispositions nouvelles l’avaient rapprochée de son mari. Elle pouvait continuer à le trouver d’humeur un peu grave, mais elle s’était attachée sincèrement à lui et savait le lui témoigner. Ce n’était pas sans inquiétude que le Duc de Bourgogne s’était éloigné, la laissant de nouveau seule à la Cour, et, s’il n’avait jamais soupçonné la cause du silence obstinément gardé par elle pendant toute sa campagne de 1703 et qui l’avait fait tant souffrir[30], cependant on devine qu’il ne laissait pas d’éprouver encore quelque appréhension. Aussi, dès les premiers jours de son entrée en campagne, avait-il recours à Mme de Maintenon pour lui demander de veiller sur elle. De Braine-l’Alleud, le 10 juin 1708, il lui écrivait : « Il n’est, je crois, pas besoin que je vous la recommande, et vous en faites là-dessus plus que je ne puis vous en demander. Il ne me paroît pas jusqu’ici qu’elle se dissipe autant que par le passé ; mais, si cela étoit. Madame, je vous conjure de lui dire que je vous ai écrit pour la retenir, car, quoiqu’elle soit d’une grande exactitude à ses devoirs, je n’y sache rien de plus contraire que la dissipation. Faites-la aussi, je vous prie, songer à sa santé de ma part, car vous savez qu’elle n’y pense pas toujours en tout ce qu’elle fait. En un mot, je vous conjure. Madame, de ne la point perdre de vue, de me rendre auprès du Roi les bons offices que vous pourrez m’y rendre, de me conserver toujours l’honneur de votre amitié, et d’être persuadée que la mienne pour vous ne peut être plus sincère[31]. »

La Duchesse de Bourgogne lui écrivait avec une régularité dont il était heureux autant qu’étonné : « Rien ne me fait mieux connaître, écrivait-il à Mme de Maintenon, l’amitié que vous avez toujours dit qu’elle avait pour moi. » En même temps il remerciait Chamillart de l’exactitude avec laquelle il lui faisait parvenir les lettres de la Duchesse de Bourgogne. « Vous ne pouvez, lui disait-il, me faire un plus sensible plaisir[32]. » Ces lettres, qui ont été malheureusement perdues, comme celles que lui adressait de son côté le Duc de Bourgogne, devaient contenir des expressions de tendresse auxquelles le pauvre mari n’était pas accoutumé, car il s’en félicitait dans la même lettre où il informait Mme de Maintenon du désastre d’Oudenarde. « J’en viens maintenant, lui écrivait-il, à ce que vous me mandez de Mme la Duchesse de Bourgogne. Je connais de plus en plus l’amitié qu’elle a pour moi, et assurément cela ne diminue pas la tendresse que j’ai pour elle. Vous m’en faites une peinture qui ne peut être plus expressive et dont je suis vivement touché. J’aurais souhaité qu’en cette occasion elle eût eu un mari plus heureux ; mais elle n’en peut avoir un plus tendrement attaché, et elle le sait bien. Je suis ravi, Madame, que vous continuiiez à être content d’elle[33]. »

Au duc de Beauvilliers il écrivait également quelques jours après : « Ce que vous me mandez de la Duchesse de Bourgogne me fait un extrême plaisir, et j’en aurais beaucoup à vous en parler quand cela se pourra. Tout ce qui m’en revient me confirme bien dans l’opinion que j’ai qu’elle m’aime véritablement. Dieu veuille confirmer cette union, ainsi que je le lui demande tous les jours, comme vous savez[34]. »

Cette humeur et ces dispositions nouvelles de la Duchesse de Bourgogne apparurent à tous les yeux dès les premiers jours qui suivirent le départ du Prince, son époux, pour l’armée. La Cour s’était, peu après, transportée à Fontainebleau, et la vie y était plutôt triste. Non seulement la Duchesse de Bourgogne ne regrettait pas l’absence de ses plaisirs ordinaires, mais il semblait qu’elle voulût les remplacer par des occupations plus sérieuses. « Ne craignez point, Madame, écrivait Mme de Maintenon, le 1er juillet, à la princesse des Ursins ; notre Princesse ne sera jamais savante ni bel esprit. Elle s’amuse à faire discourir devant elle et ne pousse pas son étude bien loin... Il me semble qu’une teinture légère de toutes les sciences est un aussi bon amusement que de jouer toute la journée[35]. » La Duchesse de Bourgogne poussait cependant cette teinture assez loin pour écrire une lettre en latin à son mari. Elle joignait même à ses études un peu de philosophie ; mais, disait en plaisantant Mme de Maintenon, « cette philosophie ne tiendra pas, » En effet, et on lui en sait gré, elle prit aussi peu philosophiquement que possible les mésaventures de son mari. « M. le Duc de Bourgogne a de bien sottes gens autour de lui, » avait-elle dit à haute voix, le jour même où la nouvelle du désastre d’Oudenarde parvint à la Cour. D’instinct elle avait deviné qu’il fallait faire retomber sur ces sottes gens la responsabilité qu’on voudrait au contraire imputer tout entière au Duc de Bourgogne ; et, dès qu’elle vit la cabale déchaînée contre lui, elle déploya pour tenir tête aux médisans une ardeur dont Mme de Maintenon, toute disposée qu’elle fût à la juger favorablement, s’étonnait cependant elle-même.

« Elle montre dans toute cette triste occasion, écrivait-elle encore à la princesse des Ursins, les sentimens d’une bonne Française, que je lui ai toujours connus, comme j’avoue que je ne croyais pas qu’elle aimât M. le Duc de Bourgogne au point où nous le voyons. Sa tendresse va jusqu’à la délicatesse, et elle sent vivement que la première action où il s’est trouvé ait été malheureuse ; elle voudrait qu’il se fût exposé comme un grenadier, et qu’il en fût revenu sans une égratignure ; elle sent la peine où il est du malheur qui est arrivé ; elle partage toutes les inquiétudes que sa situation présente doit lui donner ; elle voudrait une bataille que l’on gagnât, elle la craint ; enfin, rien ne lui échappe, et elle est pis que moi[36]. » Et dans une autre lettre : « Notre chère Duchesse de Bourgogne n’a plus de joie ; j’en dis un mot à la Reine : il n’y a plus de philosophie qui puisse l’occuper, elle est toute dans les affaires ; la Flandre, les intérêts de l’Espagne, M. de Savoie, voilà ce qui l’occupe, et avec une sensibilité qui n’est pas concevable dans une personne de son âge ; je n’ai jamais vu un cœur fait comme le sien ; elle sera adorée de ceux qui la verront de près, mais très malheureuse d’être capable des sentimens que je lui vois pour monsieur son mari. Je l’assurais l’autre jour qu’il n’en comprendrait pas toute la délicatesse, quelque grand que soit son esprit et l’amour qu’il a pour elle. »

La Duchesse de Bourgogne était en effet sortie de son caractère. Douce et plutôt timide, quoiqu’elle fût pétulante, soucieuse avant tout de plaire au Roi et ménagère de son crédit, elle ne cessait cependant de l’importuner. Elle parlait haut ; elle poussait des cris, et se répandait en paroles irritées contre Vendôme et même contre Chamillart, qui avait eu, à ses yeux, le tort d’écrire au Duc de Bourgogne pour l’engager à vivre en bons termes avec Vendôme. Peu s’en fallut même que par son insistance elle n’indisposât le Roi, qui lui adressa publiquement une sorte de rebuffade et « lui reprocha qu’on ne pourroit plus tenir à son humeur et à son aigreur[37]. » Ses efforts ne furent cependant pas perdus. Le Roi saisit le Conseil de l’affaire. Il demanda ce que c’était que ces lettres qui circulaient et si on n’en avait pas ouï parler. Les ministres convinrent qu’ils avaient vu celle d’Albeioni, et, comme le Roi témoignait curiosité de la connaître, Torcy, qui était de cœur avec Beauvilliers et qui s’en était à tout hasard nanti, la tira de sa poche et en donna lecture. Le Roi en fut indigné, mais, conservant cependant cette mesure dont il ne voulait pas se départir, il s’exprima avec modération sur le compte de Vendôme lui-même, et se borna à donner à Chamillart l’ordre d’écrire à Alberoni, à Crozat, au comte d’Evreux « des lettres fortes, » c’est le mot de Saint-Simon[38], où ils étaient menacés de punition s’ils ne gardaient pas le silence. C’était déjà une première satisfaction. La Duchesse de Bourgogne en obtint une seconde.

La duchesse de Bouillon, la mère du comte d’Evreux, prit peur. Elle courut chez Crozat, « lui chanta pouille » d’avoir ainsi compromis son fils, et fit retirer les quelques copies de la malencontreuse lettre que Crozat avait eu l’imprudence de livrer. Elle fit plus : elle dépêcha un courrier à son fils pour lui faire sentir son imprudence, et le persuader d’en écrire une seconde qui passerait pour la première et qu’un montrerait à la place. Ainsi fit le comte d’Évreux, et le duc de Bouillon, son père, muni de cette lettre, vint trouver le Roi pour excuser son fils. Le Roi ne fut pas dupe de l’artifice, mais il jugea de l’intérêt même du Duc de Bourgogne de ne pas pousser plus loin les choses, et, quoi qu’en pense Saint-Simon, peut-être n’eut-il pas tort.

Cependant le Duc de Bourgogne supportait ces mortifications avec son humilité et sa résignation habituelles. Il semble même avoir été pris d’une sorte de remords d’avoir trop chargé Vendôme, car il écrivait à Mme de Maintenon : « Je ne sais. Madame, si la lettre que je vous écrivis il y a huit jours n’aura point paru d’un homme piqué du malheur arrivé trois jours auparavant, et qui s’en prenait à qui il pouvait. Il me paraît cependant que je n’avais écrit rien que de conforme à ce que j’avais vu moi-même, et à ce que tout le monde pensait. J’ai mandé depuis au Roi les choses où je craignais d’avoir fait des fautes, et d’avoir pris sur moi par rapport à mon peu d’expérience ; car je ne veux pas rejeter sur autrui ce qui doit retomber sur moi[39]. » Aussi croyait-il devoir faire bonne figure à Vendôme et même à Alberoni, dont il avait lu cependant la lettre dans la Gazette d’Amsterdam. Il en usa de même avec le comte d’Évreux, sur le compte duquel il s’exprime, dans une lettre à Beauvilliers, avec une grande modération, se bornant à dire qu’il ne le croyait pas « un des meilleurs généraux qu’eût le Roi[40]. » Il fit plus encore : Vendôme ayant eu l’audace de se plaindre à lui des propos de la Duchesse de Bourgogne, il écrivit à Mme de Maintenon pour la prier de s’interposer et de rappeler la Princesse à la charité. « Il est revenu à M. de Vendôme, lui disait-il dans une lettre du 7 août, que Mme la Duchesse de Bourgogne s’était publiquement déchaînée contre lui, et il m’en a paru extrêmement peiné. Parlez-lui-en, je vous en prie, Madame, afin qu’elle y prenne fort garde, et que son amitié pour moi ne la porte pas à chagriner et même offenser les autres ; car cette amitié, quoiqu’elle me ravisse, ne pourrait me plaire en ce cas. »

Mais il ne gagna rien sur la Princesse. « Il fut reçu, dit Saint-Simon, comme il méritoit de l’être : elle répondit à son époux qu’elle le prioit de se persuader que jamais elle n’aimeroit ni n’estimeroit Vendôme, et de lui dire de sa part qu’elle ne parloit point, et qu’elle ne savoit pourquoi on l’avoit entretenu d’elle. » Elle ajouta ensuite à M. le Duc de Bourgogne, « que rien ne lui feroit oublier tout ce que Vendôme avoit fait contre lui, et que c’étoit l’homme pour qui elle auroit toujours le plus d’aversion et de mépris[41]. »

Ainsi, jusque dans leur union, se manifestait la différence des deux caractères, et, si l’on est touché de la mansuétude évangélique du mari, il est impossible de ne pas savoir gré à la femme de sa fierté rebelle. Ni la mansuétude de l’un, ni la fierté de l’autre ne devaient, au reste, désarmer ou réduire au silence la cabale, à laquelle de nouveaux malheurs et de nouvelles fautes du Duc de Bourgogne ne devaient donner que trop de prise. Nous reprendrons sous peu le récit des tristes événemens qui marquèrent la fin de la campagne.


HAUSSONVILLE.

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 juin 1902.
  2. Saint-Simon, édition Boislisle, t. II, p. 186 et passim.
  3. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 16.
  4. Nouveau siècle de Louis XIV, t. III, p. 238 et passim. Toutes les chansons rapportées dans le Nouveau siècle de Louis XIV se trouvent également dans le Chansonnier français, t. XI (Bibliothèque Nationale, fonds français 12694).
  5. Voyez la Revue du 1er juin 1900.
  6. Nous avons tout récemment publié avec M. Hanotaux un Mémoire sur Madame de Maintenon et quelques lettres inédites de cette très aimable et spirituelle personne.
  7. Lettres historiques et édifiantes, t. II, p. 235.
  8. Geffroy, Madame de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 165.
  9. Lettres historiques et édifiantes, t. II, p. 241.
  10. Dangeau, t. XII, p. 184.
  11. Lettres historiques et édifiantes, t. II, p. 253.
  12. Geffroy, Madame de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 168.
  13. Dépôt de la Guerre, 2081, Vendôme au Roi, 12 juillet 1708.
  14. L’original de cette lettre ne se trouve point au Dépôt de la Guerre. Nous ne la connaissons que par le récit de Bellerive, que M. de Boislisle a publié dans le t. XVI, p. 362, de son édition de Saint-Simon ; par une copie qui se trouve à la Bibliothèque Nationale, Fonds Cangé, f° 160, n° 27 ; et par le Recueil de pièces intéressantes, publiées par de La Place en 1787. On pourrait donc douter que Vendôme ait écrit au Roi sur ce ton, si, dans sa réponse, le Roi ne parlait des deux lettres qu’il a reçues de lui.
  15. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 563.
  16. Dépôt de la Guerre, 2075, Louis XIV à Vendôme, 16 juillet 1708.
  17. Dépôt de la Guerre, 2081, Vendôme au Roi et à Chamiliart, 14 juillet 1708.
  18. Cette lettre, dont l’original est au Dépôt de la Guerre, vol. 2081, a été publiée in extenso par Pelet, t. VIII, p. 290. Mais Bellerive, sentant le tort qu’elle pouvait faire au duc de Vendôme, a eu soin de la supprimer dans son récit de la campagne de Flandre. Il est à remarquer à ce propos que, dans ce récit, lorsqu’il cite des documens dont l’original est au Dépôt de la Guerre, souvent il en altère le texte.
  19. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, par le marquis de Vogüé, p. 228.
  20. Il y a dans la lettre originale trois lignes raturées de la main de Beauvilliers.
  21. Dépôt de la Guerre, 2081. Le Roi à Vendôme, 16 juillet 1708.
  22. M. Emile Bourgeois a consacré naguère dans les Annales des Sciences politiques (numéros de mars et mai 1900) une étude intéressante, mais un peu partiale, à la jeunesse d’Alberoni. Il prend sa défense contre Saint-Simon, qu’il appelle sans cesse le « noble duc, » et qui devait, dit-il, « reporter sur Alberoni comme sur Campistron, des plébéiens parvenus par l’esprit, sans naissance, toute la haine qu’il nourrissait contre Vendôme, un bâtard. » On peut cependant, sans être duc, se montrer plus sévère que M. Bourgeois pour Alberoni et même pour Campistron !
  23. Gazette d’Amsterdam, année 1708, n° LVIII.
  24. Saint-Simon, édition Boislisle, t, XVI, p. 203.
  25. C’est sans doute à cause de ces précautions que le texte de cette lettre, qui n’a jamais été publiée, est demeuré inconnu.
  26. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 237.
  27. Bibliothèque Nationale, le Chansonnier français, t. XI, p. 137 et suivantes.
  28. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 241.
  29. Lettres de Madame de Maintenon et de la princesse des Ursins, t. I, p. 82 et 152.
  30. Voyez la Revue du 15 mai 1899.
  31. Lettres de Louis XIV et du Duc de Bourgogne à Mme de Maintenon, imprimées pour MM. les bibliophiles français ; Paris, Didot, 1822.
  32. Dépôt de la Guerre, 2080, le Duc de Bourgogne à Chamillart, 14 juin 1708.
  33. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, p. 232.
  34. Ibid.
  35. Lettres de Madame de Maintenon et de la princesse des Ursins, t. II, p. 273.
  36. Lettres de Madame de Maintenon et de la princesse des Ursins, t. II, p. 281.
  37. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 247.
  38. On ne trouve que dans Saint-Simon le récit de ce qui se passa au Conseil. Il put en être informé par Beauvilliers. Le Journal de Torcy, publié par M. Frédéric Masson, ne commence que l’année suivante.
  39. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, p. 238.
  40. Ibid., p. 253.
  41. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 251.