Le Drame d'Alexandre Dumas (Parigot)/01/01/03

III

MANUSCRIT INÉDIT DE « FIESQUE DE LAVAGNA[1] ».

Il croyait l’avoir brûlé. Un écrivain ne brûle rien ; surtout Dumas. Il l’a signé, paraphé, soigneusement copié, avec un titre écrit de sa diligente main d’expéditionnaire : « Fiesque de Lavagna drame historique en cinq actes et en vers ». On notera que, pour son coup d’essai, il oublie déjà d’indiquer ses sources[2].

L’œuvre de Schiller était pour lui plaire. Un esprit de révolution inspire cette tragédie républicaine. Le futur artilleur de 1830 s’en réjouit. La passion y est violente, farouche et poussée aux conséquences extrêmes. La haute philosophie y alterne parfois avec la brutalité. Tout cela échauffe la tête de notre apprenti dramaturge[3]. Des caractères d’acier, comme le républicain Verrina ; un bon tyran, vieux, philosophe, et désabusé, André Doria, qui leur pourrait dire à tous :

Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus[4] ;


Gianettino, son neveu, orgueilleux, débauché, cruel, incarnant en soi tous les vices que le mélodrame flétrit ; des rôles de femmes aussi, qui ne sont pas enveloppés de demi-teintes : chastes ou débauchées, violentes ou violées, anges ou courtisanes, toutes vibrantes des passions du xvie siècle italien, la fille de Verrina, irréparablement outragée par le neveu du doge, la nièce du doge, cynique et bafouée par Fiesque, tout cela fait un beau remue-ménage. Et puis, il y a le nègre, ce Maure patibulaire, noir comme Othello, demi-frère de Dumas par la couleur du visage, et agile traître de drame, qui passe à travers les crimes d’une telle allure que « la plante des pieds lui brûle[5] ». Croiriez-vous qu’Ancelot, dans sa pièce, avait supprimé le nègre, n’osant, comme Ducis, le blanchir ? Dumas en appelle aux justes lois, encore indigné lorsqu’il écrit ses Mémoires[6]. Ce n’est pas lui qui supprime le nègre. Le nègre fera souche de coquins dans son théâtre, qu’ils soient blancs ou de couleur. — Et enfin, il y a Fiesque, grand, noble, fort, conspirateur, qui joue le personnage d’un efféminé pour se réveiller lion. Schiller s’est souvenu d’Hamlet ; et l’on sait à quel point Hamlet a remué Dumas. Cette demi-obscurité qui enveloppe le personnage de Shakespeare et que Schiller a encore épaissie, nous la retrouverons dans l’indécision d’Henri III, l’énigme d’Antony et chez d’autres qui traversent la scène, marqués au front par la cruelle énigme ou le secret fatal. C’est le régal de l’imagination populaire. Le nom de Fiesque agit comme un talisman sur le peuple de Gênes. Fiesque est ambitieux ; il a le courage, la volonté, le génie et l’auréole. Dumas, qui est peuple, y trouve des applications à une autre légende beaucoup plus proche de lui. Et quel dénoûment ! À l’heure de l’apothéose et de l’ambition satisfaite, au moment où le soleil resplendit sur le maître de Gènes, sur le défenseur des libertés proclamé doge à son tour, le vieux Verrina le pousse par l’épaule : le doge se noie, le doge est mort ! Fatalité des ambitieux et des doges, qui domptent les foules, et qu’un faux pas anéantit. Dumas est tout à son affaire.

La pièce de Schiller, telle qu’on l’imprima en 1783, n’est pas sans défaut, n’étant ni historique ni dramatique. Au regard de la scène, elle semble lourde, péniblement composée, coupée par de continuels changements de lieu ; et elle se traîne en des actes interminables pour aboutir à des monologues lyriques. Seuls, le troisième acte s’achève sur un mot de théâtre et qui fait attendre quelque chose, et le quatrième sur une situation touchante. Schiller suit au moins trois intrigues, qui traversent les actes sans se raccorder ; et il en ajoute une quatrième, et encore une autre, sans y prendre garde. Je vois bien que l’intérêt repose sur l’ambition énigmatique de Fiesque ; mais l’austérité républicaine de Verrina et le désir de venger sa fille me distraient ; et je songe que la dynastie des Doria fait encore une diversion, à moins que je ne m’attache à suivre les amours de la veuve Imperiali, qui veut empoisonner la femme de Fiesque, ou encore l’amour de celle-ci pour son mari, ou même les fiançailles de la pauvre Bertha, fille de Verrina, ou peut-être la passion de Calcagno pour Léonore, ou plutôt la jalousie de Fiesque-Macbeth, qui dans les loisirs que lui laisse son double rôle de conspirateur et de débauché, fait aussi le personnage de Fiesciue-Othello. « Dieu, ma tête ! ma tête[7] ! » dit Verrina, homme simple.

Le caractère de Fiesque est composé comme la pièce, et pareillement obscur. L’équivoque, pour être voulue, n’en est pas plus dramatique. Quand Shakespeare nous montre la volonté indécise d’Hamlet, et le mystère de cet esprit, et cette folie feinte, toute proche de la véritable, il descend en cette âme trouble avec une lanterne allumée : il projette des mots lumineux sur les détours du dédale. Et si quelques ténèbres voilent encore cette ligure aux yeux de plusieurs, dont je suis, c’est que sans doute n’était-il point possible d’objectiver en plein jour ce tréfonds de l’âme humaine, à ce point vaine et inconsistante, et voisine de la démence. Fiesque joue ce jeu difficile en dedans. Il exerce son courage par les plaisirs ; il trempe sa volonté dans la débauche. C’est un rôle, qu’il soutient le plus longtemps qu’il peut. Tout le monde est dupe, le doge, le neveu du doge, la nièce du doge, sa propre femme, les conjurés, le peuple, dont il recueille avec joie les méchants propos. Ici, je ne comprends plus. Pourquoi Gênes s’obstine-t-elle à voir en lui un messie ? Qu’a-t-il fait pour un pareil crédit ? Il n’est ni Othello ni Egmont. Passe encore pour cet engouement populaire, qui ne raisonne point. Mais pourquoi les conjurés ? Pourquoi Verrina ? Pourquoi l’austère républicain se tourne-t-il désespérément vers Fiesque débauché, quand il brûle de venger l’outrage commis par la débauche ; vers Fiesque railleur, inerte, amolli, pour sauver la liberté de sa patrie par un coup de main ? Ne serait-ce pas qu’en réalité Schiller atteint à l’effet non pas tant par le conflit des caractères, que par les situations fortes et les sentiments forcés ? Or, comme il n’a pas encore l’art de les graduer pour le théâtre, à tout coup il manque l’émotion visée, et se fourvoie. Il pousse au delà de la vraisemblance et du tact, l’une souveraine sur la scène, l’autre impérieux dans le monde. Madame de Staël l’a observé avant nous[8].

Si Fiesque donne une fête, et s’il faut qu’il y simule un amour qu’il n’éprouve point, il veut que « le nectar de Chypre ruisselle », que « mille flambeaux brillants fassent fuir de dépit le soleil du matin », que « la danse effrénée fasse crouler en débris, sous son fracas, l’empire des morts[9] ! » Il joue son rôle avec frénésie. Gianettino entre chez sa sœur Julie, qui est en négligé. Il la tient pour « un bon morceau de chair féminine enveloppé dans de grandes lettres de noblesse[10] ». Le mot est proprement une délicatesse. Une des scènes capitales de l’œuvre est de ce goût. Fiesque, pour endormir la confiance du doge, a feint une passion pour cette Julie, qui est de la race des Borgia, et qui, jalouse de la femme de Fiesque, a tenté de la supprimer par le poison. Cela est mal assurément, encore qu’assez commun à cette époque. Mais n’oublions pas que ce Fiesque n’est que feinte et comédie, que la belle et sensuelle Italienne s’y est laissé prendre, qu’elle l’aime de tout son être, et qu’il a déchaîné en elle ce ravage. Or il veut la confondre et venger son épouse. Préalablement, il a su l’attirer dans « un endroit obscur ». À cette femme frémissante, et « dont le sang bouillonne »[11], il a murmuré des paroles embrasées ; il lui a coulé des baisers qui brûlent ; il lui a mis le feu aux veines. Elle demande grâce ; elle demande au moins de la lumière. « Si la nuit n’était si épaisse, tu verrais mes joues enflammées, et tu aurais pitié de moi. » Et il presse l’attaque ; et elle s’avoue vaincue, trop faible pour lui résister ; et il fait mine de s’éloigner : « Fiesque !… Oh ! je perce le cœur de tout mon sexe… Tout mon sexe te haïra éternellement. Je t’adore, Fiesque ! » Eperdue, haletante, suppliante, elle se prosterne à ses pieds. Alors la lumière se fait. Fiesque n’est point à demi vengeur de sa femme. Ilrecule de trois pas, laisse la comtesse à genoux, tire la sonnette, soulève la portière, fait entrer la compagnie, tombe dans les bras de Léonore, et en présence des invités, des conjurés, et de toutes les dames, exécute la veuve Imperiali, la traite de folle, avec l’emphase d’un héros qui serait un peu goujat : « Non, messieurs, non, mesdames, je n’ai pas accoutumé de prendre feu puérilement à la première occasion[12] ». Puis, il la fait conduire en prison, au bras d’un laquais. Ne voilà-t-il pas une situation forte et d’un tact délicat ?

Il est véritable que l’auteur de Fiesque s’entend mieux à exploiter la violence d’une scène qu’à la préparer. La longueur de sa pièce tient, pour beaucoup, aux situations qu’il prolonge, ou même qu’il dédouble pour en forcer l’effet. Bertha, fille de Verrina, a subi les derniers outrages du neveu du doge. C’est déjà une singulière angoisse que l’aveu de la malheureuse à son vieux père. On ne s’en contente point. Verrina songe d’abord à tuer son enfant, dans un transport d’héroïsme tout romain et assez commode. Il se ravise. Bourgognino, fiancé de Bertha, entre, et devant lui, Verrina redouble le pathétique de la scène, interroge point par point, comme un juge, humilie, tourmente et maudit la malheureuse. El le style est digne de la situation : « Quoi ?… Quoi ?… Quoi ?… Qui ?… Qui ?… La taille comme la mienne, ou plus petite ? » — « Plus grande. » — « Les cheveux noirs ? Crépus ?» — « Noirs comme du charbon et crépus… …… La voix ? » — « Rude, une voix de basse[13]. » Je vous dis que la Tour de Nesle est une œuvre fade. Même il arrive que, pour concentrer l’émotion, Schiller incline vers un symbolisme assez ingénu. André Doria, ce tyran philosophe, contre qui Gênes se révolte, on ne sait trop par quelle fatalité, remet à Lomellino l’holocauste qu’il offre à son ingrate patrie, une boucle de cheveux blancs, la plus précieuse, la seule. «… C’était, leur diras-tu, la dernière qui restât sur ma tête, et elle s’en est détachée la troisième nuit de janvier, quand Gênes s’est détachée de mon cœur ; et elle avait tenu quatre-vingts ans ; et c’est à quatre-vingts ans qu’elle a quitté ma tête chauve[14]. « On ne saurait nier que cette suprême mèche et cette tête dénudée fassent ici une plaisante beauté.

Lorsqu’en 1784, Schiller voulut donner sa pièce à la troupe de Manheim, il fallut retoucher ces délicatesses. Le nouveau texte, entièrement remanié pour la scène, fut versé aux archives du théâtre de la ville. Boas l’imprima intégralement dans le troisième volume de ses Suppléments aux œuvres de Schiller[15]. On reconnaît dans ces remaniements les conseils d’un homme du métier, qui fut probablement Dalberg, directeur du théâtre local. Fiesque n’est plus ambitieux ; il ne veut plus régner sur Gênes ; il n’est plus jaloux de sa femme ; la scène du mouchoir, que Dumas utilisera dans Henri III, a disparu. Les conjurés sont tous des héros ; Sacco n’a plus de dettes ; Bertha ne subit plus les derniers outrages, à peine les premiers ; Julie est humiliée seulement devant la comtesse de Lavagna, qu’elle a voulu empoisonner : et cela est bien ainsi. Fiesque ne meurt plus, ni Léonore[16], pas même le nègre, qui va se faire pendre ailleurs. Personne ne meurt plus, sauf Gianettino, pour l’exemple. Mais, dites-vous, que fait-on de l’histoire ? Que devient le drame ? On trouvera dans l’Appendice quelques lignes où Schiller tranche net sur le premier point. « Je ne suis pas, dit-il, l’historien de Fiesque. » Pour le drame, il fallait sans doute qu’il fût jouable pour être joué.

Dumas n’a pas connu le remaniement de Manheim. Il a travaillé sur une traduction du texte de 1783. Voyons donc l’auteur de la Noce et l’Enterrement aux prises avec cette œuvre, dont les défauts le passionnent au moins autant que les qualités.

D’instinct il fait entrer de l’air en cette énorme machine. Il diminue le nombre des personnages ; il leur choisit des noms moins rares : Horatio, Lorenzo, ou plus à la mode : Manfredi. De Bertha il fait Berthe, à la française. Il émonde, supprime, allège, évite la plupart des changements de lieu, et imprime à son drame le mouvement dramatique. Il réunit les fils de l’intrigue ; il resserre en une seule les scènes dispersées ; il concentre l’intérêt sur le personnage principal. Dans le premier acte interminable de Schiller il taille, coupe, rogne, met Fiesque au premier plan ; il fait la lumière sur ce rôle double, aussitôt après la première entrevue avec Verrina (I, x) :

 
Républicain austère,
Rien ne peut donc fléchir ton âpre caractère ?

Tu ne saurais plier sous mes efforts constans ;
Tu pars,… trompé comme eux… tu pars, il était temps !…
Va… tu t’es su choisir le moins pénible rôle ;
Il est bien fatigant d’être toujours frivole[17].

Fiesque insiste sur l’énergie qu’il lui faut dépenser en cette patriotique tromperie, et sur la vertu nécessaire pour jouer ce personnage :

À subir le mépris contraindre son courage,
De son luxe tenir tout un peuple occupé,
S’exposer à mourir sans l’avoir détrompé[18]

Pour nous édifier entièrement sur l’apparente équivoque du caractère, Dumas coupe le premier acte après la scène ix de Schiller, celle où le nègre tente d’assassiner Fiesque au profit du Gianettino (devenu Horatio), neveu de Doria. Il rejette tout le reste, le viol de Bertha, la colère de Verrina à l’acte II ; ainsi, Fiesque occupe le centre de la scène ; la perspective s’établit sur le théâtre, et le protagoniste nous est d’abord révélé en sa sympathique duplicité. Et pour finir cet acte I, selon la formule romantique (cf. Henri III ; Hernani), l’ambitieux déclame, sans plus attendre, en une sorte d’extase ou d’élévation, le monologue que Schiller avait placé beaucoup plus loin (III, ii.) J’en cite quelques vers d’un large mouvement et d’une libre imitation :

Mais déjà le soleil, qui point à l’horizon,
Colore nos remparts de son premier rayon ;
Pâle et faible d’abord, il se lève sur Gêne,
Puis bientôt entouré d’une flamme soudaine.
Il va, sur la cité s’avançant radieux,
Monter en conquérant sur le trône des cieux.
(Avec enthousiasme.)
Comme lui dissipant l’obscurité profonde
Je vais donc à mon tour me lever sur le monde.
Gêne !… Ton horizon va s’étendre sous moi ;
Demain, astre nouveau, je brillerai sur toi.
Respirons un instant, mon âme est oppressée
Par le poids éternel d’une seule pensée :
Obéir ou régner !… C’est être ou ne pas être !…
Mais régner, dans son vol c’est atteindre soudain
Ces sublimes hauteurs, d’où l’œil avec dédain
Peut voir au loin, bien loin, s’agiter dans la boue
Cette foule stupide où le hasard se joue[19]


Dumas remonte à la source dès son premier essai. Dans tous ces monologues romantiques, à prétentions philosophiques, et qui sont, selon le mot impayable de Théophile Gautier, « des vues prises de haut sur les idées[20] », c’est toujours Hamlet qui parle. Il a le mérite ici de parler clairement. Mérite indispensable au théâtre : Dumas s’en doutait déjà.

Il serait oiseux de le suivre dans toutes les modifications qu’il a fait subir à l’original. Je ne veux citer que l’essentiel, où son instinct dramatique apparaît. Le quatrième acte est tout bouleversé. C’est celui où Fiesque se révèle aux conjurés et confond la nièce du doge, pour laquelle il avait feint une « passion d’arlequin ». Schiller a commencé par écrire les dix scènes, où les conjurés arrivent au palais de Fiesque, y trouvent des sentinelles postées, entrent, délibèrent ; et le lion enfin rugit ; puis, arrivée du nègre qui a trahi la conjuration, désordre chez les conspirateurs. À la seconde partie de l’acte, nous passons dans la salle du concert ; Léonore, femme de Fiesque, est cachée derrière une tapisserie ; Julie tombe dans le guet-apens ; on sait le reste. Au surplus, Schiller était arrivé à une conclusion d’acte fort touchante. Après le départ de Julie, Léonore reste seule avec Fiesque, le dissuade de son ambition, lui fait luire aux yeux un bonheur plus intime et plus sûr… « Vivons tout entiers à l’amour dans une campagne romantique[21] ! » Soudain le canon tonne, qui est le signal des conjurés. Fiesque se reprend, s’échappe. « Léonore ! Sauvez-la ! Pour l’amour de Dieu, sauvez-la !… Elle ouvre les yeux… Maintenant venez les fermer à Doria[22] ! » Et cette fin était belle.

Dumas la sacrifie pour remettre l’acte d’aplomb et resserrer la crise. Après une scène de rupture entre Fiesque et le Maure, qu’il tire du troisième acte de Schiller (ce nègre va trahir les conjurés et on le ramènera garrotté tout à l’heure), il s’était engagé à la suite de son modèle. La scène ii était un monologue de Fiesque ; à la troisième paraissait Léonore avec les conjurés. Il donnait ses ordres ; et cela se terminait par ces mots :

Partez donc… Le mot d’ordre est Fiesque et Liberté !

C’est le vers qui terminera son acte. Il a donc raturé tout cela. Il s’est avisé que la confusion de Julie est un événement secondaire, que le meilleur de l’intérêt dramatique, au moment de la crise, doit être rapporté à la conjuration ; que l’exécution de la veuve Imperiali n’a d’autre objet que de révéler à Léonore, à Verrina et aux autres le véritable Fiesque, mais que l’acte IV ne saurait finir sur une explication de famille ; et que, plus on approche du dénoûment, plus il faut agir. Il a lu Corneille. Il procède donc immédiatement à l’humiliation de Julie, et revient aussitôt aux conjurés, c’est-à-dire au drame même, après que Fiesque s’est dévoilé à sa femme, et qu’il l’a gagnée à ses idées, au lieu de faiblir devant elle. On voit le progrès et le pathétique de cet acte ainsi conduit. Rupture avec le Maure, danger immédiat pour Fiesque ; il repousse et emprisonne la nièce du doge : c’est le commencement de l’action ; il est lui-même enfin ; il se découvre d’abord à Léonore, il l’échauffe de son enthousiasme. La scène est inspirée de Schiller, mais elle entame la crise.

 
Mais s’il faut que mon époux succombe
Que me restera-t-il ? — Sa mémoire et sa tombe !

— Eh bien, je te demande, enchaînée à ton sort,
Une part dans ta vie, une part dans ta mort ;
Ta confiance en moi n’aura point été vaine.
Et femme de César, je dois être Romaine[23]  !

L’esprit cornélien a inspiré cette scène ; il emporte en un beau mouvement la fin de cet acte IV. À présent, Fiesque a laissé pénétrer les conjurés. La péripétie, longtemps attendue, approche. Schiller avait disséminé en quatre endroits, et à des actes différents, le « sommeil du lion » et son brusque réveil (le tableau d’Appius, II, xvii, 265. — « Pensiez-vous que le lion dormait ? » II, xviii, 268, et III, v, 285 ; — la liste des condamnés à mort, III, v, 285, et IV, vi, 301). De ces motifs épars Dumas tire une situation, qu’il rejette à la fin de l’acte IV, selon la formule chère à l’auteur d’Horace et de Cinna. Et la scène est ramassée, graduée, complète et dramatique. Il est né dramatiste et français. Il est de la race de Corneille, encore qu’il y ait « des degrés », selon le mot d’un président facétieux[24].

FIESQUE.
Arrête !
Arrête et viens ici, toi qui dans tes tableaux

Affranchis les états à grands coups de pinceaux,
Esclave, qui n’as pu briser ta propre chaîne
Et frappes les tyrans sur une toile vaine !…
Je fais à ton talent la part qu’il mérita ;
Mais ce que tu peignis, Fiesque l’exécuta.

TOUS.

Que dis-tu ?

FIESQUE.
Vous pensez que le lion sommeille
Parce que sans rugir sa prudence qui veille

Attend l’heureux moment où bravant son courroux
Son ennemi viendra se livrer à ses coups ?
Avez-vous cru que seuls sensibles à l’injure
Vos bras des fers honteux sentaient la meurtrissure ?

Vous discutiez encor vos plans irrésolus
Que déjà par ma main vos fers étaient rompus.
Là, les soldats de Rome, ici l’or de Florence,
Les galères de Parme et l’appui de la France…
Que manque-t-il encor pour surprendre endormi
L’oppresseur qui se croit sur le trône affermi ?…
Quel soin minutieux oublia ma prudence ?
Fiesque avait tout prévu, tout disposé d’avance.
Les tyrans à vos cris ne daignaient pas penser ;
Vous savez les maudire, et moi les renverser.

VERRINA.

Fiesque, ton ascendant aujourd’hui me domine ;
Mon génie étonné devant le tien s’incline.

FIESQUE.

Trop faibles pour me suivre en mes mille détours,
Génois, vous condamniez mes volages amours,
Vous blâmiez les plaisirs de mon âme amollie.
Le génie empruntait un masque à la folie.
Avant que par son bras Tarquin ne fût chassé,
Brutus aussi, Brutus contrefit l’insensé.

LORENZO, avec dépit.

Ne suis-je donc plus rien ?

FIESQUE.
Maintenant plus de trêve,
Que l’œuvre commencée au même instant s’achève ;

Le temps est précieux ; agissons sans délais.
Des soldats sont cachés au sein de ce palais[25]


Et voici qu’on ramène le nègre garrotté, qui a trahi Fiesque auprès de Doria. Les conjurés se troublent. Le vieux Verrina lui-même est ébranlé :

Je crains peu des tourmens que je saurais souffrir,
Mais sur un échaffaud je ne veux pas mourir[26].

Mais ce tyran, que tout le monde déteste, est un cœur d’élite et un prud’homme, qui ne veut pas croire à une félonie de Fiesque et lui envoie, avec le délateur, une lettre où il lui dit :

Quel que soit ce complot que ton grand cœur hasarde,
Cette nuit, Lavagna, je dormirai sans garde[27].


D’abord Fiesque est désarmé par tant de grandeur d’âme ; puis il songe qu’il peut sauver à la fois la liberté de Gênes et la vie du doge, et l’acte se termine sur la scène raturée plus haut. Tout est prêt pour le bon combat.

Ainsi, ce révolutionnaire (c’est Dumas que je veux dire), qui va se ruer sur la tradition, est imbu de tragédie. La Conjuration de Fiesque le séduit par ses violences passionnées. Le barbare s’en délecte. Et les mêmes scènes, dont se repaissent ses appétits sensuels et intellectuels, il les traduit avec une sagesse qui étonne, et comme s’il avait du goût. Il bouleverse la composition ; il adoucit l’expression. Le sens du théâtre le guide. Dans ses pires brutalités, il sera toujours un audacieux avisé. Il ne dit point à Julia « qu’elle est un bon morceau de chair féminine » ; il l’appelle déjà une faible femme

 
à qui le ciel fit don
De quelques agrémens, de trop d’étourderie[28].


Si Fiesque la surprend dans un appareil un peu simple, il ne pousse pas ainsi le marivaudage : « La femme n’est jamais aussi belle qu’en toilette de nuit. C’est le vêtement de son rôle[29]. » Il s’inspire de Racine, rajeuni par l’abbé Delille, et traduit gracieusement :

Le négligé pour vous, c’est l’habit de conquête.
Que ne puis-je vous voir, au moment du réveil,
Lorsqu’un léger désordre accuse le sommeil,

Et qu’une habile main de votre chevelure
N’a point encor bâti l’élégante structure[30] !


Il fait appel à ses souvenirs ; et il lui arrive d’être plus circonspect en ses lyriques efforts que Casimir Delavigne.

Esclaves, que des fleurs en festons enchaînées
Remplacent à l’instant ces guirlandes fanées ;
Que vos actives mains dans le cristal brillant
Fassent mousser les flots d’un nectar pétillant ;
Ou si d’autres plaisirs vous touchent davantage,
Cavaliers… la beauté réclame votre hommage !
Et le jeu, vous offrant ses hasards inconstans,
Avec rapidité verra fuir vos instans[31].


Où est la musique de Schiller « qui éclate à réveiller la sombre nuit de son sommeil de plomb » et « les mille flambeaux » et le reste ?

Le reste n’y est pas davantage. On a vu que dans cette pièce Schiller est obsédé par la violence et le réalisme brutal qu’affecte parfois Shakespeare. Dumas en est ravi ; mais il corrige ou adoucit. Il se garde d’humilier une femme prise au piège de l’amour devant les invités, les conjurés, et tout le monde enfin[32]. Il n’a voulu montrer cette femme ni prosternée, ni humiliée en public, ni frissonnante, le corps en feu, les sens embrasés. Il a traduit autant qu’il a osé ; davantage il ne pouvait. Il n’est homme à n’avoir peur ni du mot ni de la chose ; et tout de même, sans se voiler la face, il se réfugie dans ses souvenirs de Phèdre. Il appelle à lui Racine pour exprimer Schiller.

 
 
Ce langage du cœur tu ne veux pas l’entendre.
JULIE, troublée.

Je ne l’entends que trop.

FIESQUE avec passion.
Pourquoi le repousser ?
JULIE se reculant avec effroi.

Dans tes replis de feu tu veux donc m’enlacer ?
Fiesque, sois généreux, ma faiblesse t’implore ;

Quand mon cœur l’appartient, que te faut-il encore ;
 
Mais c’était par toi seul que je devais connaître

Ce feu que j’ignorais même en le faisant naître,
Et qui, dans ce moment, de mes efforts vainqueur,
Comme un souffle brûlant s’échappe de mon cœur.
Oui, dût sur moi mon sexe attacher l’anathème,

Je ne me cache plus, oui, Fiesque, oui, je t’aime…
 
Insensé ! Qu’as-tu dit ? Es-tu donc en délire ?

Dans le fond de mon cœur quand je te laisse lire,
Quand forçant mes aveux une coupable ardeur
Enfreint toutes les lois de la sainte pudeur[33]...

Dumas s’enhardira, mais toujours avec précaution, avec le souci du parterre. Lisez sa traduction de l’Intrigue et l’Amour, et surtout la première scène, qui se passe dans un intérieur allemand entre le violoniste Miller et sa femme. Alors comme à présent, maître du théâtre ou novice qui s’essaye, il adoucit, transpose ; il nous semble presque timoré, aujourd’hui qu’un certain théâtre a reculé les bornes du réalisme forcené ou cynique. Il se garde de nous montrer la femme Miller « qui court en hurlant à travers la chambre ». Son mari ne l’appelle pas « entremetteuse » ; il ne la menace pas de « la pluie de soufre de Sodome… » ni d’autres aménités[34]. En 1847 Dumas connaît le public ; dès maintenant, il le devine.

C’est encore l’instinct du théâtre qui l’avertit à point que Schiller, passant à côté d’une belle scène, a rencontré dans un geste poétique un effet presque ridicule. On se rappelle la boucle de cheveux que Doria remet à Lomellino. À Lomellino Dumas substitue

Fiesque, dont le visage est caché par le casque de combat. Laissez-le faire ; il tient sa situation. Les deux doges sont en présence : celui d’hier, vieillard philosophe et doux, déplore l’inconstance de ce peuple qu’il a jadis délivré de la tyrannie, lui aussi ; et il gémit, non pas sur sa chute ni sur sa mort prochaine, mais sur la frivolité des hommes et la vanité des choses. Fiesque lit sa propre vie et l’avenir de ses ambitions sur le front dénudé d’André Doria, et c’est lui qui, recevant cette blanche boucle, y reconnaît le symbole du néant de toutes les grandeurs, et fond en larmes à son tour.

 
 
Ami, prends ce poignard et coupe ces cheveux,

Montre-leur cette boucle à mon front arrachée
Le jour où de mon cœur Gènes s’est détachée…
Dis-leur qu’elle blanchit sous des travaux constans,
Que le bandeau ducal lui pesa quarante ans ;
Dis que de mon front chauve elle était la dernière ;
Et si leur cœur encor repousse ma prière,
Porte ces cheveux blancs à mon jeune rival ;
Ils serviront d’agrafe à son manteau ducal.

FIESQUE, s’éloignant de lui.

Supplice de l’enfer !

LE DOGE.

Eh, qu’as-tu donc ?

FIESQUE
Je pleure[35].

Et voilà une scène de drame, qui nous mène droit au dénoûment.

Noyer un doge était pour Dumas une aubaine ; d’autant que l’histoire est ici presque complice. Fiesque tomba dans la mer, au moment où il touchait au but de ses rêves ambitieux. Dumas le noie donc, de cœur léger. Mais il s’aperçoit que Schiller a gâté, dans son premier dénoûment, le caractère farouche de Verrina, et fait de ce vieux républicain un homme ordinaire et médiocre, pour le plaisir sans doute de finir sur un mot amer : « Où est Fiesque ? — Il s’est noyé… Il est noyé, si ce tour vous agrée mieux… Je vais trouver André[36]. » Je ne crains pas de dire que Dumas a trouvé beaucoup mieux, sans trahir la philosophie de l’original. Il ajoute une scène, où il résume l’action et l’utopie du sujet. Le peuple, que Verrina a voulu affranchir, pour l’amour de qui il a fait mourir Fiesque qu’il chérissait, revient docilement au joug des Doria contre lesquels il s’est soulevé. Alors le farouche Verrina, prisonnier, reconquiert sa liberté d’un coup de poignard, bravant jusqu’au bout la tyrannie.

LOMELLINO.

Pour la mort du rebelle il est des échafauds.

VERRINA.

Je récuse mon juge et non pas mes bourreaux.
Commande.

LOMELLINO.
Tu le veux ? Soldats, qu’on le saisisse,
Qu’on le conduise aux lieux où l’attend le supplice,

Qu’il trouve le trépas en de lentes douleurs.

VERRINA.

Je les brave.

LOMELLINO, avec un rire féroce.

Et pourtant tu pâlis.

VERRINA, montrant un poignard ensanglanté.

Non, je meurs[37].

Ne glissons pas dans le travers de découvrir tout un monde en un essai inédit. Le principal intérêt de cette traduction vient de l’époque où elle fut écrite, et aussi de l’état d’esprit qu’elle dénote. Un souffle de révolte anime l’œuvre de Schiller et transporte Dumas ; les violentes passions, les situations fortes séduisent ce jeune athlète lâché à travers les littératures ; son imagination surtout trouve un délice en cette figure énigmatique et noble de Fiesque et dans les accents de poésie grandiose ou réaliste qui s’en échappent. Mais il a l’instinct du théâtre, à un point qu’il lui tient lieu de goût ; et il est français, malgré les assauts qu’il va donner à la tradition : il a le sens de la composition, du ramassé, de la progression dramatique ; il adoucit les éclats shakespeariens de Schiller, il en tempère la brutalité ; et sagement il se préoccupe du spectateur, qui porte les révolutions à la condition d’être porté par elles, et sans l’ardente complicité de qui les œuvres du meilleur poète meurent sur la scène et s’en vont prendre rang dans le musée de la littérature. Avec sa chaleur de tête, sa fougue, et sa vigueur, tranchons le mot, il semble déjà un révolutionnaire adroit. Et enfin, s’il n’a fait imprimer ni représenter « Fiesque de Lavagna », nous verrons bientôt qu’il n’a perdu ni son temps ni sa peine en le traduisant.

  1. Ce manuscrit appartient à MM. Calmann Lévy, qui ont bien voulu me le communiquer et m’autoriser à en faire quelques citations. Je ne saurais les en remercier trop vivement. Il est tout entier écrit de la main de Dumas. Il se compose de cinq cahiers de papier à écolier, le premier seulement de grand format, le tout réuni sous reliure.
  2. La Conjuration de Fiesque à Gênes, tragédie républicaine, qui fait partie de la trilogie de jeunesse de Schiller, a été souvent traduite ou imitée en France de 1820 à 1835. Dumas cite un Fiesque d’Ancelot (Mes mémoires, t. IV, ch. xcvii, p. 118), qui fut représenté, non sans succès, à l’Odéon. Alfred de Musset mit plus tard (1834) Fiesque à contribution, quand il écrivit Lorenzaccio. L’esprit de conjuration est un lieu commun de Victor Hugo dramatiste (Cromwell, Hernani, Marion Delorme, Ruy Blas) et c’est Fiesque, à côté de Cinna, qui enseigne aux jeunes premiers de ce théâtre cet art de conspirer, que Scribe plaisante dans Bertrand et Raton et dont l’opérette du second Empire s’est amusée sans merci. Fiesque était une œuvre en vue. Dumas la traduit d’abord. En 1842, il donnera au Théâtre-Français Lorenzino qui est l’intrigue de Fiesque poussée au noir, avec une conspiration « bien tortueuse, bien sombre, bien Romaine », un duel en masques, à minuit, et des coups de poignard, et du poison, et des réminiscences des Brigands, et le dénoûment d’Egmont, et encore, par-dessus le marché, une scène de premier ordre (V, iv) dans la prison de Bargello, en souvenir de la Tour de Nesle. En 1860, il écrira l’Envers d’une conspiration, où maint morceau de Fiesque se retrouve. Il n’a rien brûlé de ce qu’il avait adoré ou traduit. (Voir Mes mémoires, t. IV, ch. cviii, p. 268. Cf. Théâtre complet, t. I, p. 22.)
  3. Stendhal avait prévu le cas. Op. cit., p. 253. « À peine s’il connaît (le public) de nom les Richard III, les Othello, les Hamlet, les Walstein, les Conjuration de Fiesque… » Et ibid. : « …En étudiant profondément le moyen âge, qui a tant d’influence sur nous, et dont nous ne sommes qu’une continuation, et en exploitant le moyen âge à la façon de Shakespeare et de Schiller ».
  4. Le Cid, I, iv.
  5. La Conjuration de Fiesque à Gênes, II, Sc. ix, p. 252.
  6. Mes mémoires, t. IV, ch. xcvii, p. 118.
  7. La Conjuration de Fiesque à Gênes, I, sc. x, p. 227. Théâtre de Schiller. Traduction nouvelle de Ad. Regnier, Paris, Hachette, 1881, t. I.
  8. De l’Allemagne, t. II, ch. xv, p. 17. n Les défauts du théâtre allemand sont faciles à remarquer : tout ce qui tient au manque d’usage dans le monde, dans les arts comme dans la société, frappe d’abord les esprits les plus superficiels. »
  9. La Conjuration de Fiesque à Gènes, I, sc. iv, p. 212.
  10. Ibid., III, sc. viii, p. 288.
  11. La Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xii, p. 310.
  12. Ibid., IV, sc. xiii, p. 313.
  13. La Conjuration de Fiesque à Gênes, I, sc. x, p. 227.
  14. Ibid., V, sc. xiv, p. 342.
  15. Nachträge zu Sclillers sämmtlichen Werken, von Eduard Boas, dritter Band, Stuttgart, 1828, Seit. 47-227. Die Verschwörung des Fiesko, Bühnenbearbeitung.
  16. Schiller a supprimé cette mascarade de la fin, où Léonore, habillée en homme, ramassait le manteau écarlate de Gianettino et se faisait tuer par Fiesque, sous ce déguisement. (V, sc. xi, p. 336.)
  17. Manuscrit inédit de Fiesque de Lavagna, I, sc. x.
  18. Manuscrit inédit, I, sc. x.
  19. Manuscrit inédit, I, sc. xii.
  20. Histoire du Romantisme, p. 122. À propos du monologue de don Carlos (Hernani, IV, sc. ii) : « Le poète excelle dans ces vues prises de haut sur les idées inédites. » Il semble « monter par un escalier dont chaque marche est un vers au sommet d’une flèche de cathédrale ». On voudra bien songer que Gautier fut un des « rois du Lundi », comme disait Dumas. Voir ci-dessous, p. 88.
  21. La Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xiv, p. 318.
  22. Ibid., IV, sc. xv, p. 319.
  23. Manuscrit inédit, IV, sc. xii.
    Il ne faut pas se préoccuper du numérotage des scènes dans cet acte. Comme j’ai dit, Dumas avait d’abord suivi Schiller ; puis il s’est ravisé. En voici l’ordre dans le manuscrit avec les numéros : Scène i. Fiesque et le Maure ; ii. Monologue de Fiesque, biffé sauf quatre vers ; iii. Fiesque et Léonor, biffé entièrement. Puis on passe à la scène x. Fiesque, un domestique ; xi. Fiesque, Julie, Léonore cachée (exécution de Julie) ; xii. Fiesque, Léonore. Puis on revient à la scène iv. Factionnaires et conjurés ; v. Les conjurés, Fiesque (la scène du lion) ; vi. Les précédents, Manfredi (qui annonce la trahison du Maure) ; vii. Les mêmes, un officier amène le nègre garrotté ; viii. Les mêmes, moins l’officier. Fiesque remet le Maure en liberté ; ix. Fiesque donne ses ordres pour la révolution.
    Dumas écrit Léonor, au lieu de Léonore, qui est l’orthographe de Schiller. Je n’ai pas cru devoir conserver ces différences dans le cours du chapitre.
  24. Dumas avait un procès à Rouen. Après l’avoir interrogé sur ses nom et prénoms : « Votre profession ? » lui demande le président. — « Je dirais : auteur dramatique, si je n’étais dans la patrie de Corneille. » — « Il y a des degrés », repartit le président.
  25. Manuscrit inédit, IV, sc. x.
  26. Ibid., IV, sc. vi.
  27. Manuscrit inédit, IV, sc. viii.
  28. Ibid., III, sc. iv.
  29. La Conjuration de Fiesque à Gênes, III, sc. x, p. 291.
  30. Manuscrit inédit, III, sc. v.
  31. La Conjuration de Fiesque à Gênes, I, sc. iv, p. 212 : « Que le nectar de Chypre abreuve le sol de mes salons ! (Der Boden meiner Zimmer trinke zyprischen Nektar !) Que la musique éclate à réveiller la sombre nuit de son sommeil de plomb, que mille flambeaux brillants fassent fuir de dépit le soleil du matin !… Que l’allégresse soit générale ! Que la danse bachique fasse crouler l’empire des morts ! (Der bacchantische Tanz erschrecke die Todten !) » La traduction de Régnier ne rend pas tout à fait la violence du texte ; je la modifie légèrement. Cf. Casimir Delavigne, Marino Faliero, II, sc. i, pp. 31-32 (édit. Didier et Cie, Librairie académique, 1863) :

    Partout des fleurs !
    Que les feux suspendus et l’éclat des couleurs.
    Que le parfum loger des roses de Byzance,
    Les sons qui de la joie annoncent la présence.
    Que cent plaisirs divers d’eux-mêmes renaissants
    Amollissent les cœurs et charment tous les sens !

  32. Il confond Julie devant Léonore, qui le trouve encore trop cruel. Voir manuscrit inédit, IV, sc. xi :
    Elle est bien malheuMon ami, trop de rigueur l’accable ;
    Elle est bien malheureuse !
  33. Manuscrit inédit, IV, sc. xi. Cf. la Conjuration de Fiesque à Gênes, IV, sc. xii, pp. 310-311. On trouvera la même scène filée (avec quelle dextérité !) par A. Dumas fils, dans l’Ami des femmes, IV, ix, 173-174 (Th., IV). Cf. Phèdre, II, v :

    Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.

    Et plus loin :

    
    Ah ! cruel, tu m’as trop entendue !
  34. L’Intrigue et l’Amour, tragédie bourgeoise de Schiller, I, sc. i, p. 364 et II, iv, p. 404 (Th., t. I). — On pourrait, faire en détail la mêne étude de l’adaptation que Dumas exécuta plus tard. Il atténue la brutalité réaliste de Schiller. Il resserre ou supprime les scènes de mœurs ou de passions choquantes. On en verra un exemple dans la scène entre Miller et Ferdinand, l’amant de la fille de Miller : Schiller, V, sc. v, pp. 472 sqq. Cf. Dumas (Th., X), V, sc. iv, pp. 296 sqq. — On notera aussi, pour la curiosité de la rencontre et comme indication de la part héréditaire dans le talent de Dumas fils, que l’Intrigue et l’Amour n’est pas sans analogie avec la Dame aux Camélias. (Schiller, II, vi, 411. Cf. Dumas fils, scène de Duval et de Marguerite, III, iv, 124 sqq.)
  35. Manuscrit inédit, V, sc. xiv. Cf. la Conjuration de Fiesque à Gênes, V, sc. xiv, p. 342.
  36. La Conjuration de Fiesque à Gênes, V, sc. xvii, p. 348.
  37. Manuscrit inédit, V, sc. x.