Le Disciple de Pantagruel/1875/10

Attribué à
Texte établi par Paul LacroixLibrairie des bibliophiles (p. 23-24).

De la mer des Farouches, où les gens sont veluz comme ratz, et de leur manière de faire.

CHAPITRE X.


APRÉS avoir veu toutes ces choses, et que nous pensions bien estre quittes de tous perilz et dangers, nous cheusmes en ung aultre péril plus grand que tous les aultres que nous avons passez, comme vous orez. Car, en passant par la mer des Farouches, qui sont gens veluz comme ratz, et de telle couleur, qui habitent en cavernes au fons de la mer, esquelles ilz se cachent de peur d’estre mouillez quand il pleut en hyver, et en esté de peur de chaleur du soleil ; lesquelz apperceurent l’umbre de nostre navire passer par dessus eux, sortirent en si grand nombre contre nous que nous cuydions tous estre perduz d’abordée : car ilz rampoient et gravissoient avecques les ungles amont nostre navire, de sorte qu’il en estoit tout couvert, et, n’eust esté que mes gens estoîent gens-de bien et de deffence, et qu’à grands coups de halelebardes, de voulges, de picques et de haches d’armes, ilz les abattoient en la mer plus dru que mouches, nous estions tous perduz, mort ; et noyez, et pareillement nostre navire, sans qu’aulcun nous eust peu secourir ny saulver.