Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 358-360).


CHAPITRE II

(99)

De ceux qui s’appliquent plus à mortifier le corps qu’à tuer la volonté propre. Qu’il y a une lumière plus parfaite que la lumière générale, et qui est la seconde lumière.

Lorsque l’âme est parvenue à posséder cette lumière générale, que je viens de dire, elle ne doit pas s’en contenter : car tant que vous êtes voyageurs en cette vie, c’est votre condition d’avancer. Qui n’avance pas recule. Ou bien l’on doit progresser dans la lumière commune que l’on tient de ma grâce, ou bien, l’on doit s’efforcer avec zèle d’atteindre à la seconde lumière en passant de l’imparfait au parfait, car la lumière est donnée pour conduire à la perfection.

Ceux qui suivent cette seconde lumière plus parfaite, sont ceux qui ont quitté la vie commune du monde. Ils forment deux catégories.

La première comprend ceux qui appliquent tout leur effort à châtier leur corps par de sévères et très rudes pénitences. Pour empêcher leur sensualité de se révolter contre la raison, ils se sont mis tout entiers et de tout leur désir à mortifier le corps, beaucoup plus qu’à tuer la volonté propre, comme je te l’ai dit en un autre endroit. Ceux-là se nourrissent à la table de la pénitence. Ils sont bons, ils sont parfaits, Si leur pénitence est fondée en moi avec le discernement qui convient, c’est-à-dire avec la connaissance d’eux-mêmes et de Moi, avec une grande humilité, avec une application constante à juger d’après mn volonté et non d’après celle des hommes. S’ils n’étaient pas ainsi tout revêtus de ma volonté par une véritable humilité, ils mettraient obstacle, bien souvent, à leur perfection, en se faisant juges de ceux qui ne suivent pas la voie dans laquelle ils marchent. Et sais-tu pourquoi ils en arriveraient là ? Parce qu’ils auraient mis leur zèle et leur désir, beaucoup plus à mortifier leur corps qu’à tuer la volonté propre.

Ils veulent, ceux-là, choisir eux-mêmes le temps, ils veulent choisir le lieu, ils veulent choisir les consolations spirituelles, ils les veulent à leur goût ; ils veulent à leur convenance les tribulations du monde et les attaques du démon, comme je te l’ai déjà dit à propos du second état. Ils s’abusent eux-mêmes, aveuglés qu’ils sont par cette volonté propre que j’ai appelée la volonté spirituelle. Ce que je souhaiterais, disent-ils, c’est cette consolation, dont je ferais tant de profit, au lieu de ces assauts et de ces tentations du démon. Ce n’est pas pour moi que je la désire, mais pour plaire à Dieu davantage et avoir une grâce plus abondante dans mon âme, car il me semble que c’est mieux d’avoir cette grâce, et de le servir de cette manière, plutôt que d’une autre.


Et voilà pourquoi, souvent, l’âme tombe dans la tristesse et dans l’ennui au point de devenir insupportable à elle-même. Elle nuit ainsi à sa perfection et elle ne s’en aperçoit pas ; elle ne se rend pas compte qu’elle est tombée dans la corruption de l’orgueil, et qu’elle est là gisante. S’il en était autrement, si elle était vraiment humble, sans aucune présomption, elle verrait à cette lumière que c’est moi la douce et suprême Vérité, qui distribue à chacun l’état et le temps, et le lieu, et les consolations, et les tribulations, suivant qu’il est nécessaire à votre salut et à l’acquisition de la perfection, à laquelle moi-même j’appelle les âmes. Elle verrait aussi que tout ce qui vient de Moi, c’est par amour que je le donne, et que c’est avec amour par conséquent et avec respect, qu’elle doit recevoir tout ce que je lui envoie.

C’est ce que font ceux qui forment la seconde catégorie, c’est-à-dire ceux qui arrivent au troisième état. C’est de ceux-là que je parlerai, et qui sont dans les deux états de la très parfaite lumière.