Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 350-352).


CHAPITRE X

(97)

Comment cette âme dévote remercie Dieu de lui avoir expliqué les états des larmes, et lui adresse trois demandes.

Alors cette âme angoissée d’un immense désir, par la douce explication et la satisfaction qu’elle avait reçues de la Vérité, sur les états des larmes, lui disait, dans la plénitude de son amour :

Grâces, grâces vous soient rendues à vous, Père éternel et souverain, qui exaucez les saints désirs et vous passionnez d’amour pour notre salut ! qui par amour, nous avez donné l’Amour, dans le temps même où nous étions en révolte contre vous, en nous envoyant son Fils unique ! Par l’abîme de votre ardente charité, je vous demande grâce et miséricore ! Je voudrais pouvoir, dans la pureté et dans la lumière, parvenir à vous et ne pas m’égarer dans les ténèbres en suivant la doctrine votre Vérité, dont vous m’avez si clairement démontré qu’elle est la vérité même : mais il est deux illusions que je redoute et dans lesquelles je pourrais tomber. Avant d’en finir avec les états, je souhaiterais donc, Père éternel, de recevoir de vous l’éclaircissement de ces doutes.

Le premier est celui-ci . Si, parfois, quelqu’un s’adressait à moi ou à quelque autre de vos serviteurs, pour demander conseil sur la manière de vous servir, quelle doctrine devrait-on lui donner ? Je sais bien, mon doux Dieu éternel, que vous m’avez déjà exposé cette parole, que vous m’aviez dite : " Je suis celui qui aime peu de mots et beaucoup d’actions. " Cependant, s’il plaisait à votre Bonté de me l’expliquer encore, Elle me ferait grand plaisir.

Il arrive en effet qu’en priant moi-même pour vos créatures et spécialement pour vos serviteurs, il me semble voir dans mon oraison, que l’une a l’âme bien disposé et paraît jouir de vous, et que l’autre a l’esprit plein d’obscurités : en ce cas, dois-je, Père éternel, ou puis-je juger, que l’un est dans la lumière et l’autre dans les ténèbres ?

Ou bien encore, si je vois que celui-ci pratique de grandes pénitences, et celui-là non, dois-je juger que celui qui fait de grandes pénitences, possède une plus grande perfection que celui qui n’en fait pas ?

Je vous en prie pour que je ne sois pas abusée par mes propres pensées, daignez m’expliquer plus en détail ce que vous m’avez dit, de façon générale.

Le second point sur lequel j’implore ces explications, c’est le signe auquel l’âme peut reconnaître qu’elle est vraiment visitée par vous, Dieu éternel, quand vous l’honorez de votre visite. S’il m’en souvient bien, vous m’avez dit, Vérité éternelle, que l’Esprit en conservait de l’allégresse et un encouragement à la vertu. Je voudrais savoir si cette allégresse ne peut pas être une illusion de l’amour-propre spirituel ; car, s’il en était ainsi, je ne m’attacherais qu’au second signe, de l’entraînement à la vertu.

Voilà les éclaircissements que je vous demande afin de vous pouvoir servir en vérité, Vous et mon prochain, sans me laisser aller à aucun faux jugement sur vos créatures et sur vos serviteurs ; car il me semble, que ces jugements éloignent l’âme de Vous, et je ne voudrais pas tomber en ce malheur.