Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 121-123).


CHAPITRE VII

(37)

De la seconde accusation, où l’homme est convaincu d’injustice et de faux jugement, en général et en particulier.

Cette seconde réprimande, ma très chère fille, se fait entendre au dernier moment, alors qu’il n’y a plus de remède. L’homme est au porte de la mort, et là il retrouve le ver de la conscience, qu’il ne sentait plus, aveuglé qu’il était par l’amour-propre ; mais, à cet instant de la mort, quand l’homme s’aperçoit qu’il va tomber entre mes mains, ce ver commence à se réveiller et à ronger la conscience de ses reproches à la vue des grands maux où il a été conduit par sa faute. Si cette âme avait alors la lumière qu’il faut pour connaître son péché et en concevoir du repentir, non à cause de la peine de l’enfer qui en est la suite, mais pour moi qu’elle a offensé et qui suis la souveraine et éternelle Bonté, elle trouverait encore miséricorde. Mais elle franchit encore cet instant de la mort, sans une lumière, avec le seul remord dans sa conscience, sans l’espérance dans le Sang, tout entière à sa propre souffrance, se lamentant de sa perte, sans un regret de mon offense : elle tombe ainsi dans l’éternelle damnation. C’est alors que ma justice intervient pour l’accuser, en toute rigueur, de son injustice et de son faux jugement, et non seulement en général, des injustices et des faux jugements dont elle a usé ordinairement dans toutes ses opérations, mais aussi et surtout de l’injustice particulière qu’elle a commise en ce dernier instant, et du faux jugement qu’elle a porté, en estimant que sa misère était plus grande que ma miséricorde. Voilà le péché irrémisible, qui n’est pardonné ni en ce monde ni dans l’autre. Elle a repoussé, elle a méprisé ma miséricorde, et ce péché est plus grave à mes yeux que tous les autres péchés dont elle s’est rendue coupable. Aussi le désespoir de Juda, fut-il plus offensant pour Moi, et plus douloureux pour mon Fils que sa trahison elle-même.

Ainsi l’âme pécheresse est accusée de ce faux jugement qui lui a fait estimer son péché plus grand que ma miséricorde et, pour cette raison, elle est punie avec les démons et tourmentée éternellement avec eux. Elle est accusée aussi de l’injustice qu’elle a commise en se montrant plus sensible à sa perte qu’à mon offense. Il y a là vraiment une injustice, car elle ne m’a pas accordé à Moi, ce à quoi j’avais droit, et à elle-même, ce qui lui était dû. Elle me devait à moi l’amour ! Quant à elle, elle ne pouvait prétendre qu’à la douleur et au repentir du cœur, qu’elle devait offrir en ma présence, pour l’offense qu’elle m’avait faite. Bien au contraire, c’est à elle qu’elle donne tout son amour, elle n’a de compassion que pour elle-même, de douleur que de la peine que lui a attirée son péché. Tu vois donc bien qu’elle double injustice elle commet. Voilà pourquoi elle est punie tout à la fois de l’une et de l’autre. Puisqu’elle a méprisé ma miséricorde. Moi, par ma justice, je la condamne, en même temps que sa servante cruelle et la sensualité, et avec le diable cet impitoyable tirant dont elle s’est fait l’esclave en consacrant à son service sa propre sensualité, et je les livre tous ensemble aux supplices et aux tourments, comme c’est ensemble aussi qu’ils m’ont offencé. Elle sera tourmentée par mes ministres, les démons, chargés par ma justice de châtier ceux qui ont fait le mal.