Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 157-159).


CHAPITRE III

(137)

Comment Dieu a pourvu, dans l’ancien testament, aux besoins de l’homme, par la loi et par les prophètes. Puis, par l’envol de son Verbe, enfin par les apôtres, par les martyrs et les autres saints. Comment rien n’arrive aux créatures qui ne sou l’effet de la providence de Dieu.

J’ai pourvu de façon générale aux besoins du monde, par la loi que je donnai à Moïse, dans l’ancien testament, et par beaucoup d’autres saints prophètes. Sache-le bien, avant l’avènement du Verbe mon Fils unique, le peuple juif fut rarement sans prophètes. Leurs prophéties relevaient le courage du peuple en ranimant en lui l’espérance que ma Vérité, le prophète des prophètes, viendrait l’arracher à la servitude en lui rendant la liberté, et lui ouvrir, par son sang, le ciel si longtemps fermé. Mais depuis qu’est venu le doux Verbe d’amour, aucun prophète ne s’est levé parmi eux, comme pour leur attester que celui qu’ils attendaient leur a bien été donné. Bien que leur aveuglement les eût empêchés et les empêche encore de le reconnaître, aucun prophète ne devait donc leur être envoyé désormais pour le leur annoncer.

Après les prophètes, ma providence envoya le Verbe, comme je t’ai dit, qui fut médiateur entre moi, le Dieu éternel, et vous. Après lui, vinrent les apôtres, les martyrs et les confesseurs, ainsi qu’il a été expliqué en un autre endroit. C’est ma providence qui a fait toute chose, et ainsi, te dis-je, pourvoira-t-elle à tout jusqu’à la fin.

C’est là, la providence générale, qui concerne toute créature raisonnable qui voudra recevoir les dons providentiels. Mais ma providence pourvoit aussi à toute chose, dans le particulier et dans le détail. C’est elle qui règle la vie et la mort et les circonstances de leur apparition, la faim, la soif, les pertes de fortune, la nudité, le froid, le chaud, les injures, le mépris, les affronts.

Toutes ces choses, c’est moi qui permet qu’elles arrivent aux hommes, bien que je ne sois pas cause de la perversité volontaire de celui qui fait le mal ou profère l’injure. Ce que je lui donne, c’est l’être et le temps, voilà ce qu’il a reçu de moi. Encore ne lui ai le point donné l’être ni le temps, pour qu’il m’offense, moi, ou son prochain, mais pour qu’il me serve avec amour, ainsi que ses frères, par charité. Je ne fais que permettre cet acte, et seulement pour exercer ou faire éclater la vertu de patience, en celui qui en est victime. Quelquefois je permettrai que le juste soit en butte à la haine de tous, et qu’à la fin, sa mort elle-même fasse l’étonnement des hommes du siècle. Il leur semblera inique que ce juste ait péri de mort violente, ici par l’eau, là par le feu, tantôt par la dent d’une bête féroce, tantôt sous les ruines de sa demeure.

Comme ces événements paraissent déconcertants, à qui n’est pas éclairé du dedans par la lumière de la très sainte foi ! Et combien simples aux croyants qui, par sentiment d’amour, ont trouvé et goûté ma providence dans les grands gestes qui l’expriment. Le croyant voit et professe que c’est moi qui, par ma providence, dispose toutes choses, dans l’unique dessein de procurer le salut de l’homme. Devant tout ce qui arrive, il s’incline avec respect. Bien ne le scandalise de ce qu’il découvre en lui-même, dans le prochain ou dans mes œuvres il supporte tout avec une véritable patience.

Aucune créature n’est en dehors de ma providence ; c’est elle qui ordonne toute chose. Parfois, quand il grêle, ou que la tempête et la foudre déchaînées par moi s’abattent sur le corps de ma créature, les hommes estiment que son sort fut cruel ils me reprocheront de n’avoir pas pourvu à son salut, alors que je n’ai permis ce malheur que pour arracher cette âme à la mort éternelle. Mais ils ne savent pas le comprendre et c’est moi qu’ils accusent ! Ainsi les mondains essayent en toute chose de salir mes œuvres et de les réduire àla mesure de leur basse pensée.