Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 34-48).


CHAPITRE X

(119)

De l’excellence des vertus, et des œuvres saintes des ministres vertueux et saints. Comment ils ont la propriété du soleil, et comment ils corrigent ceux qui leur sont soumis.

Pour procurer à ton âme un peu de consolation et adoucir la douleur que tu éprouves des ténèbres de ces malheureux pêcheurs, je vais te parler maintenant de la vie sainte de mes ministres, qui ont, je te l’ai dit, les qualités du soleil. Le parfum de leur vertu corrige l’infection du péché, et leur lumière éclaire les ténèbres du vice. Aussi bien, par cette lumière, pourras-tu mieux comprendre les ténèbres et les fautes de mes mauvais ministres.

Ouvre donc l’œil de ton intelligence et fixe-le en Moi, le Soleil de justice ! Tu y verras que mes glorieux ministres qui ont administré le Soleil, ont pris, dans ce service, la condition du soleil. Ce que je t’ai exposé de Pierre, le Prince des apôtres, qui reçut les clefs du royaume des cieux, je le dis pareillement des autres, qui, dans ce jardin de la sainte Église, ont distribué la lumière, le corps et le sang de mon Fils unique, — Soleil toujours uni à Moi et jamais séparé de Moi, comme il a été dit, — avec tous les sacrements de la sainte Église, qui n’ont de valeur et ne donnent la vie qu’en vertu du Sang.

Tous, à des degrés divers, et chacun selon son état, ont pouvoir de Moi de distribuer la grâce de l’Esprit-Saint.

Et par quel moyen répandent-ils la grâce ? Par la lumière de la grâce qu’ils ont tirée de la vraie Lumière.

Cette lumière est-elle seule ? Non la lumière de la grâce ne peut être seule ni être divisée, on l’a tout entière ou on ne l’a pas du tout.

Celui qui est en péché mortel est privé de la lumière de la grâce, et qui a la grâce possède dans son intelligence la lumière qu’il faut pour me connaître Moi qui lui ai donné la grâce et la vertu qui conserve la grâce. Par cette lumière, il connaît également la misère du péché et la cause du péché, qui est l’amour-propre sensitif. Aussi est-il pris de haine pour cet égoïste amour, et par cette haine il reçoit dans sa volonté la chaleur de la divine Charité, car la volonté accompagne l’intelligence. Il reçoit la couleur de cette glorieuse lumière, en suivant la doctrine de ma douce Vérité, qui remplit sa mémoire du souvenir des bienfaits du sang.

Tu le vois, l’on ne peut recevoir la lumière sans bénéficier en même temps de la chaleur et de la couleur, parce qu’elles sont unies ensemble et ne font qu’une même chose. Pareillement, je te l’ai expliqué, l’âme ne peut diriger vers moi le vrai Soleil, une de ses puissances, sans que, du même coup, toutes les trois se trouvent réunies et assemblées en mon nom. Quand l’œil de l’intelligence, éclairé de la lumière de la Foi, s’élève au-dessus des visions sensibles, pour regarder en Moi, il entraîne après lui la volonté qui apporte son amour à ce que l’intelligence voit et contemple, et la mémoire se remplit toute de l’objet aimé. Dès que les puissances sont ainsi disposées, l’âme me participe Moi le Soleil. Je l’illumine de ma Puissance, de la Sagesse de mon Fils unique, et je l’embrasse de la Clémence du Saint-Esprit.

Dès lors, mes serviteurs ont revêtu la condition du Soleil, leurs puissances sont toutes remplies de moi le vrai Soleil, et ils font fonction de soleil.

Le soleil échauffe, il éclaire, et sa chaleur féconde la terre. Et que font donc mes chers ministres ?

Elus par moi, Oints par moi, placés par moi dans le corps mystique de la sainte Église pour la dispensation du Soleil qui est Moi-Même, pour distribuer le corps et le sang de mon Fils unique avec les autres sacrements qui contiennent la vie par la vertu du Sang, ils les administrent extérieurement, et ils les administrent spirituellement. Je veux dire qu’ils répandent dans le corps mystique de la Sainte Église la lumière qui est en eux : lumière de science surnaturelle, jointe à la couleur d’une vie honnête et sainte, conforme à la doctrine de mn Vérité, et rayonnent la chaleur de la plus ardente charité. La chaleur de leur charité met en fermentation les âmes stériles ; leur science les éclaire de sa lumière ; et l’exemple de leur vie réglée et sainte achève de dissiper les ténèbres des nombreux péchés mortels et de toutes les infidélités ! Ils ramènent à ma discipline ceux qui, en dehors de toute loi, vivaient dans la nuit du péché et dans le froid de la mort par la privation de la grâce. N’est-il donc pas vrai qu’ils sont des soleils, puisqu’ils ont la propriété du soleil, de par moi le vrai Soleil, après que, par sentiment d’amour, ils sont devenus une même chose avec moi, et moi avec eux, comme je te l’ai exposé en un autre endroit !

Tous, et chacun selon la fonction pour laquelle je l’ai élu, ont répandu dans l’Église la lumière. Pierre par la prédication, par la doctrine, et enfin par le sang ; Grégoire, par la science, par la sainte Ecriture, par le miroir de sa vie ; Silvestre, par la lutte contre les infidèles, principalement par la discussion, par les preuves qu’il a données de la très sainte Foi, tant en actes qu’en paroles, par la vertu qu’il avait reçue de moi.

Que si tu regardes Augustin, le glorieux Thomas, Jérôme, et tant d’autres, tu verras quels torrents de lumière ils ont versé sur cette Epouse, en extirpant les erreurs vrais flambeaux posés sur le chandelier, et pourtant si vraiment, si parfaitement humbles ! Tout affamés de mon honneur et du salut des âmes, ils mangeaient cette nourriture avec délices, à la table de la très sainte Croix.

Et les martyrs, avec leur sang ! Le parfum de ce sang montait jusqu’à Moi ! Par le parfum de leur sang et de leur vertu, joint à la lumière de la science, ils faisaient fructifier l’Epouse, ils dilataient la foi ; ceux qui étaient dans les ténèbres accouraient à la lumière qui rayonnait d’eux.

Et les prélats institués dans l’état de la prélature par mon Christ de la terre ! Comme par la sainteté et l’honnêteté de leur vie, ils m’offraient le sacrifice de justice ! Cette perle précieuse de la justice, enchâssée dans une véritable humilité et une très ardente charité, comme elle brillait en eux et dans ceux qui leur étaient soumis, à la lumière du sens chrétien !

En eux surtout, qu’elle était éclatante cette justice ! Comme ils me rendaient bien ce qui m’est dû ! Comme ils entouraient mon nom d’honneur et de gloire ! Pour eux, ils n’avaient que haine, que mépris pour leur propre sensualité. Le vice, ils l’avaient en horreur, et ils s’attachaient à la vertu de toute l’ardeur de leur charité pour Moi et pour leur prochain. Leur humilité foulait aux pieds l’orgueil. C’est comme des anges qu’ils montaient à la table de l’autel, la pureté dans le cœur, sans souillure dans leur corps, et, dans la pleine sincérité de leur âme, ils célébraient le sacrifice, tout embrasés du feu de la charité.

Parce qu’ils avaient tout d’abord établi la justice en eux-mêmes et dans leur vie, ils la faisaient aussi régner dans ceux qui leur étaient Soumis. Ils voulaient les voir vivre saintement et les corrigeaient sans crainte servile, parce qu’ils s’oubliaient eux-mêmes pour ne penser qu’à mon honneur et au salut des âmes. O les bons pasteurs ! Comme ils suivaient vraiment le bon Pasteur, ma Vérité, que je vous ai donnée pour vous conduire, mes chères brebis, en lui imposant de donner sa vie pour vous ! Ils ont bien suivi ses traces, ils ont bien corrigé à temps, ils n’ont pas laissé les membres se corrompre, faute de soins ; ils ont mis leur charité, non seulement à les redresser avec onction de la douce bonté, mais aussi à porter le feu daîis la plaie, quand c’était nécessaire, par la réprimande, par la pénitence plus ou moins sévère, suivant la gravité de la faute. Et dans cet office de droiture et de vérité, jamais ils ne se laissèrent arrêter par la crainte de la mort.

Ils étaient, ceux-là, de vrais jardiniers ! C’est avec zèle, avec une sainte crainte, qu’ils arrachaient les épines des péchés mortels, pour planter à leur place les fleurs parfumées des vertus. Aussi leurs sujets vivaient-ils dans une sainte crainte, et s’élevaient comme des fleurs odoriférantes dans le jardin de la sainte Église, parce qu’ils les corrigeaient sans la crainte servile qu’ils ne connaissaient pas. Exempts eux-mêmes de péché, ils étaient tout zèle pour la sainte justice, reprenant humblement, mais sans peur aucune. En eux brillait vraiment cette pierre précieuse ; l’éclat qu’elle répandait, versait la paix avec la lumière dans les âmes de mes créatures, et les maintenait dans la sainte crainte et dans l’union des cœurs. S’il y a tant d’obscurité dans le monde, sache-le bien, tant de division entre séculiers et religieux, entre clercs et prélats de la sainte Église, l’unique raison en est, que la lumière de la justice s’est éteinte, et que dès lors les ténèbres de l’injustice ont enveloppé la terre.

Quelque situation que l’on occupe dans la loi civile on dans la loi divine, on ne peut s’y maintenir en état de grâce, sans la sainte justice. Celui qui n’est pas corrigé ou ne corrige pas, est comme un membre qui commence à pourrir, et sur lequel le mauvais médecin se contente d’appliquer un emplâtre, sans cautériser la plaie le corps tout entier ne tarde pas à être empoisonné et à se corrompre. Il en est ainsi des prélats et des autres supérieurs, qui voient leur sujet infecté de cette plaie purulente du péché mortel ; s’ils se contentent d’employer l’onguent de la flatterie sans recourir à la réprimande, ils ne guériront jamais le membre malade ; la contagion gagnera les autres membres, unis au premier dans un même corps, sous un même Pasteur.

S’ils étaient, au contraire, de vrais et bons médecins des âmes, comme l’étaient ces glorieux pasteurs, ils n’emploieraient l’onguent, qu’après avoir cautérisé la plaie, par le feu de la réprimande. Si ce sujet s’obstinait dans le vice, ils le retrancheraient de la Congrégation, pour qu’il ne contaminât pas les autres, par l’infection du péché mortel. Aujourd’hui, ils se gardent bien d’en agir ainsi ! Ils font plutôt semblant de ne rien voir.

Sais-tu pourquoi ? La racine de l’amour-propre vit en eux et produit ce mauvais rejeton de la crainte servile ! Ils ont peur de perdre leur position, ou de se priver de quelques ressources temporelles, ou de se voir enlever leur prélature ! — Et ils se taisent.

O les aveugles, qui ne savent pas comment l’on se maintient dans son état ! Ils ne voient pas que la grande force de conservation, c’est la sainte justice Comme ils s’emploieraient à la faire observer s’ils le savaient comprendre ! Mais ils semblent bien l’ignorer, privés qu’ils sont de la lumière.

C’est par l’injustice qu’ils croient se conserver, en ne reprenant pas les manquements de leurs sujets. Mais aussi, c’est leur propre passion sensitive qui les abuse, c’est l’ambition du pouvoir, c’est le désir de la Prélature ; et c’est encore qu’ils sentent en eux les mêmes vices, ou de plus grands encore. Comment, dès lors, les reprendre dans les autres ? La conscience de leur propre faute leur ôte le courage et la fermeté qui leur seraient nécessaires : elle les livre à la crainte servile, et ils font semblant de ne pas voir. Ne peuvent-ils fermer les yeux, ils se laissent encore arrêter, dans le devoir de la réprimande, par les paroles flatteuses, par les nombreux présents. Dès lors, ils trouvent d’eux-mêmes mille excuses pour ne pas sévir. Ils n’ont fait pourtant que réaliser la parole de ma Vérité Ce sont des aveugles conduisant des aveugles. Quand un aveugle en conduit un autre, c’est bus les deux à la fois qu’ils tombent dans le fossé 4 (Mt 15, 14).

Certes, ce n’est pas ainsi que faisaient, — et que font encore aujourd’hui, s’il en reste quelques-uns, mes chers ministres, dont je t’ai dit, qu’ils avaient les propriétés et la condition du soleil. Et vraiment, ils sont des soleils ! En eux, nulles ténèbres de péchés, en eux pas d’ignorance ; car ils suivent la doctrine de ma Vérité. En eux point de tiédeur, car ils sont embrasés du feu de ma charité. Grandeurs, situations, plaisirs du monde, tout ne leur est rien ; aussi n’ont-ils pas peur de corriger le vice. Qui n’a pas l’ambition de la puissance ou de la prélature, ne craint point de les perdre et reprend avec vigueur. Celui dont la conscience est sans reproche, n’a peur de rien.

Aussi n’était-elle point obscurcie dans mes oints, dans mes christs, cette perle précieuse de la Justice ! Elle y brillait au contraire avec éclat. Ils embrassaient la pauvreté volontaire ; ils cherchaient l’abaissement avec une humilité profonde, sans souci des railleries, des affronts, des calomnies, des injures, des opprobres, des peines et des tourments des hommes. Blasphémait-on contre eux, ils bénissaient et acceptaient tout avec une véritable patience, comme des anges de la terre, et plus que des anges, — non par nature, mais par fonction par le don surnaturel qui leur avait été fait, de distribuer le corps et le sang de mon Fils unique.

Et, en vérité, ils sont des anges. L’ange que j’ai proposé à votre garde, vous communique les bonnes et saintes inspirations. Eh bien mes ministres, eux aussi, étaient des anges. C’est ma Bonté qui leur avait confié votre garde. Sans cesse, ils avaient l’œil sur les âmes qui leur étaient soumises, pour leur inspirer, en gardiens fidèles, de bonnes et saintes pensées ; sans cesse, ils m’offraient pour elles, en leurs oraisons continuelles, les doux désirs de leur charité ; sans cesse, ils les soutenaient par l’enseignement de la parole, ou par l’exemple de leur vie.

Ils sont donc bien, tu le vois, des anges, messagers de ma Charité, préposés à votre garde, vrais luminaires dans le corps mystique de la sainte Église, guides sûrs, capables de vous conduire, vous les aveugles, dans la voie de la Vérité, par les bonnes pensées qu’ils vous inspirent, par leurs prières, par l’exemple de leur vie, par l’enseignement, ainsi qu’il a été dit.

Avec quelle humilité ils gouvernaient et conservaient ceux dont ils avaient la charge ! En eux quelle espérance et quelle foi vivante ! Ils n’auraient pas craint de voir les biens temporels manquer pour eux et leur troupeau ! Aussi, avec quelle largesse, distribuaient-ils aux pauvres les richesses de la sainte Église ! Avec quelle rigueur ils observaient l’obligation de faire trois parts du temporel, pour leurs besoins, pour les pauvres et pour l’Église, Ils n’avaient point à prendre de dispositions testamentaires ils ne laissaient point de fortune après leur mort. Quelques-uns même avaient pour les pauvres endetté l’Église. Si large était leur charité, si ferme leur espérance dans ma divine Providence, que la crainte servile n’avait sur eux nulle prise. Ce n’est pas eux qui auraient en peur de manquer, si peu que ce soit, du temporel ou du spirituel.

C’est là, en effet, le signe que la créature espère en Moi et non en elle-même n’avoir pas de crainte servile. Ceux qui ont placé en eux-mêmes leur espérance, craignent toujours. Ils ont peur de leur ombre ; ils se demandent sans cesse, si le ciel et la terre ne vont pas leur manquer. Avec cette crainte au fond du cœur, et la fausse espérance qu’ils ont mise en leur petite science, ils sont tourmentés d’une sollicitude misérable, pour assurer ou conserver les choses temporelles. Quant aux spirituelles, l’on croirait qu’ils les ont rejetées par derrière leurs épaules ; on ne trouve plus personne qui en ait souci.

Ils ne pensent pas, ces pauvres ministres orgueilleux et sans foi, que c’est Moi qui suis Celui qui pourvoit, en tout et pour tout, aux nécessités de l’âme et du corps, bien que ma Providence mesure son assistance, à l’espérance que vous avez en elle. Dans leur présomption, ils ne considèrent pas, les malheureux, que je suis Celui qui suis, qu’ils sont, eux, ceux qui ne sont pas, et que leur être ils le tiennent de ma Bonté, comme aussi toute grâce ajoutée à leur être.

C’est donc bien en vain, que se fatigue celui qui veille sur la cité, si je ne la garde pas moi-même. Tous ses efforts seront inutiles, toute sa vigilance sera en défaut, s’il ne s’en remet qu’à lui seul, du soin de la protéger : car c’est Moi, et Moi seul, qui la protège. Je veux, il est vrai, que l’être et les grâces que je vous ai donnés, vous les fassiez fructifier, dans la vertu, pendant cette vie, par l’exercice de votre libre arbitre, que vous avez reçu avec la lumière de la raison. Car, je vous ai bien créés sans vous, mais je ne vous Sauverai pas sans vous.

Vous n’étiez pas encore que déjà je vous aimais ! Ils le voyaient bien, ils le Savaient bien, mes bien-aimés ! Aussi m’aimaient-ils ineffablement ! Cet amour qu’ils avaient pour Moi, leur inspirait une si large espérance, qu’ils ne craignaient plus rien. Il ne tremblait pas, Silvestre, quand il comparut devant l’empereur Constantin, pour disputer avec douze Juifs, en présence de tout le peuple. Il avait la foi vivante ; et donc il croyait, que, m’ayant avec lui, nul ne pourrait prévaloir contre lui. Et les autres, de même. Ils perdaient toute crainte, par l’assurance qu’ils avaient de n’être pas seuls ils se sentaient accompagnés. En demeurant dans ma charité, ils demeuraient en Moi, et de moi ils recevaient la lumière de la Sagesse de mon Fils ; de moi, ils recevaient la puissance, pour rester inébranlables et forts devant les princes et les tyrans du monde ; de moi encore ils recevaient le feu de l’Esprit-Saint en participant à sa clémence et à son ardent amour. Et cet amour avait, il a toujours pour cortège dans quiconque le veut participer, la lumière de la foi, l’espérance, la force, la vraie patience, l’infatigable persévérance, jusqu’au dernier instant de la mort. Ils n’étaient donc pas seuls, tu le vois, ils étaient bien accompagnés ; voilà pourquoi ils n’avaient pas peur. Il n’est pour avoir peur, que celui qui se sent seul, et qui n’espère qu’en lui, privé qu’il est de l’amour de la charité. La moindre menace l’épouvante. Il est seul sans moi, qui donne à l’âme, qui me possède par affection d’amour, une sécurité souveraine. N’ont-ils pas prouvé, ces glorieux et chers élus, qu’aucune menace n’avait de prise sur leur âme ? Ne les a-t-on pas vus maintes fois, châtier les hommes et les démons, qu’ils enchaînaient par le pouvoir et la vertu que je leur avais donnés sur eux, pour répondre à leur amour, à leur foi et à l’espérance qu’ils avaient mis en Moi.

Ta langue serait impuissante à raconter leurs vertus ; l’œil de ton intelligence ne saurait voir la récompense qu’ils en ont reçu dans la vie durable, et que recevra quiconque marchera sur leurs traces. Ils sont devant moi comme des pierres précieuses, parce que j’ai eu pour agréables leurs travaux et la lumière qu’ils répandirent avec le parfum de leurs vertus dans le corps mystique de la sainte Église. Voilà pourquoi, je leur ai conféré une très haute dignité dans la vie éternelle, où ils possèdent la béatitude et la gloire dans ma vision, après avoir donné l’exemple d’une vie d’honneur et de sainteté, et distribué avec éclat la lumière du corps et du sang de mon Fils unique, et tous les autres sacrements.

Aussi c’est d’un amour tout à fait à part que je les aime, tant à cause de cette dignité à laquelle je les ai élevés en faisant d’eux mes oints, mes ministres, qu’à cause du zèle qu’ils ont déployé pour ne pas laisser enfoui, dans l’ignorance et la négligence, le trésor confié à leurs mains. Ils ont reconnu que c’était de Moi qu’ils le tenaient, et ils ont apporté à le faire valoir toute leur sollicitude, une profonde humilité, de vraies et réelles vertus. Comme c’était pour le salut des âmes, que je les avais mis en si grand honneur, ils ont travaillé sans relâche, ces bons pasteurs, â ramener les brebis dans le bercail de la sainte Église. Par amour, affamés qu’ils étaient des âmes, ils affrontaient la mort pour les arracher aux mains du démon. Ils étaient faibles, je veux dire qu’ils se faisaient faibles avec ceux qui étaient faibles. Que de fois, pour ne pas accabler le désespoir du prochain, et le mettre plus à l’aise pour découvrir son infirmité, ils faisaient semblant de la partager. Je suis faible comme vous, disaient-ils, tout comme vous. Pleurant avec ceux qui pleuraient, ils se réjouissaient avec ceux qui étaient dans la joie, et savaient ainsi distribuer à chacun, la nourriture qui lui convenait. Ils conservaient les bons, et leurs vertus les remplissaient d’allégresse car ils n’étaient pas dévorés par l’envie, et leur cœur se dilatait dans la plénitude, par la charité qu’ils avaient pour le prochain et pour ceux surtout dont ils avaient la charge. Quant aux pécheurs, ils les retiraient de leur iniquité, en se faisant avec eux et pour eux infirmes et pécheurs, par une véritable et sainte compassion, et ils les corrigeaient de leurs fautes par la pénitence, que souvent, par charité ils partageaient avec eux. L’amour qu’ils avaient pour les pécheurs était tel, qu’ils avaient plus de peine de la pénitence qu’ils imposaient, que ceux-là mêmes qui la recevaient ; parfois même, ils l’accomplissaient réellement, surtout s’ils s’apercevaient qu’elle répugnait trop au pénitent. Par ce moyen la rigueur était changée en douceur.

O mes bien-aimés De prélats qu’ils étaient, ils se faisaient sujets ! Eux les seigneurs, ils se faisaient serviteurs. Ils se faisaient infirmes, eux qui étaient sains, exempts d’infirmités, purs dela lèpre du péché mortel. Forts ils étaient, et ils se faisaient débiles. Ils se faisaient simples, avec les simples et les idiots, petits avec les petits, et ils savaient ainsi, par humilité et charité, se proportionner à tous et fournir à chacun la nourriture dont il avait besoin.

Qui donc les faisait agir de la sorte ? La faim et le désir qu’ils avaient conçu en moi, de mon honneur et du salut des âmes. Ils accouraient à la table de la très sainte Croix pour y manger cet aliment ils ne fuyaient aucun labeur, ils ne refusaient aucune fatigue. Pleins de zèle pour les âmes, pour le bien de la sainte Église, pour l’expansion de la sainte Foi, ils se jetaient d’eux-mêmes au milieu des épines de la tribulation, et s’exposaient à tous les périls avec une véritable patience, faisant monter vers moi, l’encens parfumé de leurs désirs pleins d’angoisse et de leur humble et continuelle prière. Ils oignaient de leurs larmes et de leurs sueurs les plaies du prochain, ces plaies du péché mortel, et rendaient aux pécheurs la santé parfaite, si ceux-ci recevaient humblement ce précieux baume.