Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 19-21).


CHAPITRE VI

(115)

De la dignité des prêtres. Comment la vertu des sacrements n’est pas amoindrie par les fautes de ceux qui les administrent ou qui les reçoivent. Et comment Dieu ne veut pas que les Séculiers s’arrogent le droit de les corriger.

Ainsi faisaient mes chers et glorieux ministres, ceux dont je t’ai promis de te faire voir l’excellence personnelle, outre la dignité dont je les ai honorés en faisant d’eux mes christs : car, s’ils exercent dans la vertu cette dignité, ils sont revêtus de ce doux et glorieux Soleil dont je leur ai confié la dispensation. Regarde le doux Grégoire, Sylvestre, et tous ceux qui, avant eux et après eux, ont succédé au Souverain Pontife Pierre, à qui ma Vérité confia les clefs du royaume des cieux par ces paroles : Pierre, je te donne les clefs du royaume des cieux. Ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans le ciel, et ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel (Mt 16, 19).

Remarque bien, très chère Fille, qu’en te montrant l’excellence de leurs vertus, je te ferai plus pleinement comprendre la dignité à laquelle j’ai élevé mes ministres.

Cette clef du royaume des cieux est celle du Sang de mon Fils unique ; c’est par cette clef, que fut ouverte la vie éternelle, qui si longtemps avait été fermée par le péché d’Adam. Quand je vous eus donné ma Vérité, le Verbe mon Fils unique, il souffrit mort et passion et, par sa mort il détruisit votre mort, en vous baignant dans son sang. Ainsi son sang et sa mort, en vertu de la nature divine unie à votre nature humaine, ouvrirent la vie éternelle.

A qui laissa-t-il les clefs de ce Sang ? Au glorieux apôtre Pierre et à tous les autres qui sont venus et qui viendront après lui jusqu’au dernier jour du jugement. Tous ont donc et auront la même autorité que Pierre, et aucune de leurs fautes n’ amoindrira cette autorité, ni n’affaiblira la perfection du Sang ou des autres sacrements. Car, je te l’ai déjà dit, aucune tache ne peut ternir ce Soleil, ni sa lumière ne peut être obscurcie par les ténèbres du péché mortel, qui se trouvent en celui qui l’administre ou en celui qui le reçoit. Leur faute ne peut nuire en rien aux sacrements de la sainte Église, ni amoindrir leur vertu. Tout ce qu’elle peut, c’est de diminuer la grâce ou d’aggraver la culpabilité, en celui qui les administre et en celui qui les reçoit indignement.

Ainsi, mon Christ sur terre tient les clefs du Sang. S’il t’en souvient bien, je t’ai manifesté cette vérité par une allégorie, lorsque je voulus te faire comprendre, quel respect les séculiers doivent porter à mes ministres, qu’ils soient bons ou mauvais, et combien ils m’offensaient par leurs irrévérences, Je te montrai, tu le sais, le corps mystique de la sainte Église, sous la forme d’un cellier qui renfermait le sang de mon Fils unique ; c’est ce sang qui fait la valeur de tous les sacrements, qui ne contiennent la vie que par la vertu du Sang.

A la porte de ce cellier était mon Christ en terre, à qui était confiée l’administration du Sang. A lui il appartenait d’établir des ministres, pour l’aider à distribuer ce sang au corps entier de la Religion chrétienne. Celui qui était agréé et sacré par lui était institué ministre, les autres, non. C’est de lui qu’est issue toute la hiérarchie cléricale, et c’est lui, qui assigne à chacun son office, pour la dispensation de ce glorieux sang.

Comme c’est lui qui établit ses auxiliaires dans leurs fonctions, c’est à lui aussi qu’il appartient de les corriger de leurs fautes. Et je veux qu’il en soit ainsi. A raison de l’excellence et de la dignité dont je les ai revêtus, je les ai tirés de la servitude, je veux dire que je les ai affranchis de la domination des princes temporels. La loi civile n’a rien à faire avec eux, elle n’a pas à intervenir pour leur répression. Ils ne relèvent que de celui qui a pouvoir pour gouverner et administrer dans la Loi de Dieu. N’allez pas toucher à mes christs ! Le plus grand malheur où puisse tomber un homme, c’est de s’en constituer le justicier.