Le Diable au corps (Nerciat)/Argument-1

Texte établi par [s. n.],  (p. vii-x).



ARGUMENT DU DOCTEUR.


Cette production dramatique, de nature à ne pouvoir occuper la scene, ne se pique point d’avoir une forme théatrale. Qu’on cherche donc ailleurs un plan, des divisions, des unités, de l’imbroglio, un dénouement : ici, rien de tout cela, j’en avertis : tout y est sens dessus dessous, sens devant derriere, comme dans la chanson. On y dit… ce qu’on veut : on y fait… ce qu’on peut — l’action ? Oh ! pour de l’action, il y en a par-tout un peu ; par fois beaucoup. — Les caracteres ? — je n’en dis rien ; mais il y a tel lecteur qui concevra sans peine la réalité possible de mes originaux. — Attendez. Puisque vous ne verrez jamais les personnages sur la scene, il est bon d’aider un peu votre imagination et de vous donner une idée de leur figure.

ACTEURS.

La Marquise, une superbe brune, aux grands yeux noirs et hardis ; port noble ; son de voix un peu mâle ; belles formes, poil court, frisé, touffu.

La Comtesse de Motte-en-feu, laideron piquante, divine ; nez en l’air, blonde ardente, détails mignons, beautés un peu fatiguées, poil doré, lisse.

Le Vicomte de Molengin, joli flandrin, fieffé petit-maître, persifleur ; vit énorme qui n’est bon à rien.

Philippine, charmante blonde, soubrette matoise, fraîche, ferme, teint d’Hébé, poil doux et rare.

Bricon, colporteur-espion ; polisson carré, nourri ; œil perçant, sourire de Priape ; chevelure de Samson ; le vit bretteur.

L’Abbé Boujaron, prêtre Napolitain ; traits mâles, physionomie de réprouvé ; vigueur monacale ; vices de toutes les nations, de tous les états ; vernis de mondanité parisienne ; poil crépu, tirant sur le roux ; le vit un peu fait en canule, en baguette de tambour.

Joujou, housard-domestique de la marquise ; giton de quinze ans, ayant toutes les graces naturelles, tous les charmes de la premiere jeunesse, mais d’une brute ingénuité.

Le Tréfoncier, prélat Allemand ; traits agréables un peu féminins, nez de Faune, bouche riante, caustique, meublée de fort belles dents, œil lascif, couleurs vives, fraîches, secondées de quelque peu d’art ; manieres de petit-maître, tournure d’homme de cour ; taille réguliere, jambe élégante, joli pied ; ni trop ni trop peu de ce dont le beau sexe fait son plus cher amusement ; goûts bizarres, libertinage d’officier, caprices de prélat.

Nicole, attachée à la marquise sur le même pied que Philippine. Nicole est une vigoureuse beauté, tirant sur le mâle, mais on ne peut pas plus attrayante ; grands yeux noirs et brûlans, petit front, sourcils épais couleur d’ébene ; peau brune, mais vivement colorée ; grande et belle taille un peu forte ; tetons d’une fermeté surprenante, veinés d’azur ; extrémités mignonnes à proportion du corps ; charmes d’une rare fraîcheur ; motte charnue, saillante, largement ombragée d’une forêt de poils.

Hector, Cascaret, Belamour, toujours le même : être privilégié que la Nature a composé de tout ce qui plaît dans l’un et l’autre sexe ; — blond-cendré charmant, blancheur animée ; beaux, grands, vifs et tendres yeux bleus ; nez parfait, bouche amoureuse ornée des plus jolies dents, taille de hauteur médiocre, mais sans défaut ; Adonis pardevant, Ganimède parderriere, Belamour a de quoi charmer tout le monde et ne se refuse au bonheur de personne.

Le Suisse, grand, gros et large automate, exact à son devoir, brusque et buveur, comme tous ses semblables.

Un Âne, monture de fantaisie de la marquise ; animal docile d’un beau gris-foncé, rayé de noir chanfrein blanc, sabot mignon, d’ailleurs tous les attraits qui peuvent rendre un âne intéressant.


La scene est, le matin, dans la chambre à coucher de la marquise, endroit délicieux qu’on peut nommer le temple de la mollesse et du libertinage. Tout y est recherché : les moindres ornemens y sont analogues aux goûts sensuels de la divinité qui l’habite, et propres à faire naître des desirs. Le lit est le trône de Vénus. Tout près, est une petite garde-robe commode, et de laquelle on verra qu’un acteur principal a su tirer parti. — L’après-midi, la scene se transporte dans le cabinet du jardin, réduit mystérieux destiné aux folies mignonnes ; décorations lubriques et sans énigme ; facilités adroites, avantageuses : meubles d’un goût exquis et favorables à tous les caprices de la marquise.