Le Diable à Paris/Série 2/Où va une femme qui sort

OÙ VA UNE FEMME QUI SORT
énigme
par laurent-jan
I
de la franchise dans ses rapports avec la femme.

De toutes les dissimulations qui composent la sincérité de la Femme, les plus naïves sont les plus habiles. Cette vérité, vieille comme Ève, est inutile comme l’expérience. — Mais après tout, si les vérités servaient à quelque chose, rien ne les distinguerait plus des mensonges.

Quand, gracieusement blottie dans une causeuse, une jeune femme se laisse songeusement bercer par ses rêveries, et, tout en jouant du bout de ses mules mignonnes avec les bronzes de son foyer, cisèle une vengeance ou caresse un espoir, il n’est peut-être pas impossible à un observateur intelligent, et surtout hors d’âge, de suivre sur le joli front qu’il étudie l’ombre des caprices qui le traversent. — Toute eau calme laisse ainsi deviner les cailloux de son lit ; mais vienne une faible brise, et tout disparaît. De même, au plus léger mouvement de tête pour replacer une boucle de cheveux, au plus imperceptible froncement de sourcil, voilà le livre féminin qui se ferme avant que le lecteur ait pu nettement en déchiffrer un mot.

Il peut donc être admis, à la rigueur, que les femmes ne sont pas absolument impénétrables dans la méditation. Quelques savants un peu bourgeois et très-mariés vont même jusqu’à soutenir qu’il est possible de soupçonner parfois la vérité dans leurs paroles. Par respect pour les maris, et dût en sourire la plus candide jeune fille, acceptons encore cette prétention de la vanité masculine. — Mais après, ô profonds physiologistes ! que devinez-vous jamais dans le regard de vos propres femmes ; dans ce regard perlucide qui reste calme devant le mensonge comme celui de l’aigle devant le soleil ? Que découvre votre pénétration au milieu de toutes les angéliques perfidies du geste et de la démarche ? Que peut enfin toute votre science en face de ce machiavélisme mimé qui pousse l’affectation jusqu’au naturel, et la duplicité jusqu’à la franchise ?

Rien, n’est-ce pas ? C’est qu’en effet, où commence l’action, la femme a dit à la physiologie : « Tu n’iras pas plus loin. »

Et la physiologie s’est tenue coite.

Mais aussi, quel admirable et constante sollicitude pour en arriver là ! — Jamais un mot d’abandon qui ne soit réfléchi ; jamais un sourire sans cause qui n’ait un but ; jamais un mot échappé de l’âme qui ne vienne de la tête. — Être toujours sur le qui-vive de son cœur, et cela sans relâche, la nuit comme le jour, et dans le mariage, plus encore la nuit que le jour, quelle force et quelle constance ! Et cependant pas une femme ne préfère être vraie. Il n’est pas de petite fille qui ne trouve sur-le-champ dix façons de ne pas dire la vérité, sans toutefois mentir positivement. Or, prenez un collégien, le plus fort de sa classe, un prix d’honneur si vous voulez, proposez-lui le même sujet, et, à coup sûr, l’espoir de l’Université ne s’en tirera que par un gros mensonge bien écarlate ; et encore, le malheureux se cognera-t-il dix fois à la vérité en le balbutiant les yeux baissés.

C’est que, dès l’enfance, la femme commande à son regard et s’en joue déjà, tandis que le vieil usurier est souvent trahi par le sien. Puis, avec quelle exquise délicatesse de chatte elle étudie son geste, qu’elle saura rendre oublieux et naïf à force d’art et de grâce !

Contraint ou brutal, le geste de l’homme est toujours au contraire un misérable révélateur. Le plus grand ennemi d’un diplomate, c’est son avant-bras. — Aussi, tout grand politique en est-il réduit à se lier les mains par une habitude, soit en les emprisonnant dans ses goussets comme Talleyrand, soit en les joignant comme Louis XI, ou enfin, ce qui est plus prudent encore, en les cachant derrière le dos comme Napoléon.

Donc, reconnaissons humblement ceci : — Le geste et le regard des femmes obéissent : le geste et le regard des hommes dénoncent. — Où nous trouvons des traîtres, elles ont des esclaves. De là leur force et notre perte.

Eh bien ! non, loin de s’humilier devant cette incontestable supériorité, la même vanité masculine, se sentant acculée, prend alors ses grands airs, se rengorge et nous dit : « Ah çà, mon cher monsieur, mais nous avons Tartufe ! »

En effet, voilà notre grand hypocrite de bataille à nous autres Tartufe ! — Mais quel piteux hypocrite, bon Dieu ! — Un pauvre hère qui commence par se cacher deux actes durant, tant il a peur de se trahir ! — un fourbe rampant, honteux, mielleux, dont l’habit sombre, la voix sombre, l’œil sombre, la démarche sombre, disent de trente pas et à tout venant : Défiez-vous de moi, car je suis un grand fourbe ! — un trompeur qui ne trompe ni Elmire, ni Valère, ni Mariane, ni Dorine, ni personne enfin, sauf un niais ; — un séducteur qui prêche au lieu d’aimer, et cela près d’une femme de trente ans, et la femme de son ami encore ! — deux circonstances qui, pour le dire à sa honte, rendaient sa tentative l’alpha de la séduction ; — un plat gredin, qu’au dénoûment chacun bafoue et qu’on jette dehors. Ne voilà-t-il pas vraiment un héros dont nous devons être bien fiers ! Oh ! baissons la tête.

Maintenant, voyez Célimène : — toujours souriante, toujours charmante, toujours aimée, elle se joue de tout le monde, sans sermons, sans maximes, sans tirades, et presque sans le savoir. Dans ce contraste, Molière a été profond et vrai comme toujours. Il a dit aux hommes en leur montrant Tartufe : Voilà comme vous êtes vrais quand vous trompez ; et aux femmes en leur montrant Célimène : Voilà comme vous trompez quand vous êtes vraies.

Eh quoi ! vont s’écrier ici les hommes, en sommes-nous donc tellement réduits à la franchise, que nous ne puissions mentir un peu aussi ? — Mais, mon Dieu ! maris que vous êtes, il n’est pas question de cela, et vous restez les maîtres de tout dire, excepté cependant de vous dire les maîtres. Il s’agit de savoir si vous êtes chaque jour victimes de la dissimulation féminine, oui ou non ; et c’est oui. Or, nier cette royauté est une faute d’autant plus grave, que tout pouvoir contesté en est plus rigoureux.

Mais que faire alors ? demandera le côté de la barbe ; faut-il nous couvrir la tête de cendres, et gémir dans notre abaissement jusqu’à la consommation des siècles et des femmes ? Non, certes ; il faut au contraire affermir tout notre cœur et rassembler tout notre courage ; mais ce cœur, nous devons le remplir d’un impitoyable dédain, mais ce courage, nous devons le dépenser en patience. Ce qu’il faut enfin, c’est que tous les hommes de sagesse, d’esprit et de science, s’unissent pour étudier lentement et sans relâche le grand mystère de la dissimulation féminine. Toutes les cartes marines et toutes les observations astronomiques n’empêchent pas, il est vrai, un vaisseau de sombrer ; mais le capitaine sait du moins où il est ; et si la côte est proche, l’équipage peut encore se sauver. — Voyez là-bas, tout là-bas, au fond de l’azur, à l’horizon, ce petit point noir qu’on dirait une mouche que le ciel se serait mise par coquetterie ; eh bien ! après avoir flairé le vent, le plus jeune matelot vous dira où ce grain tombera, et ce qu’il faut faire pour l’éviter. — Comment, un enfant peut savoir ainsi où va un nuage du ciel, et le plus savant homme de France ne peut pas deviner, au sourire, à la voix, à la toilette, où va sa femme quand elle lui dit : « Je sors ! » — C’est moins que triste et plus que bête.

Et cependant, entre tous les hiéroglyphes féminins, celui-là paraît un des plus simples à étudier.

Et cependant, où va une femme qui sort est une incessante et cruelle inquiétude qui torture tout homme à dater du jour où il s’entend dire pour la première fois en rentrant chez lui : « Madame est sortie. »

De ce moment s’éveillent en lui toutes les jalousies qui saisissent un mari au prologue de son malheur.

Jusque-là, en effet, madame était allée voir sa famille, visiter une amie, ou faire des emplettes.

Il y donc toute une déclaration d’indépendance parfaitement nette dans ce mot simple et pourtant si terrible : « Madame est sortie. »

II
ce que c’est qu’une femme qui sort[1].

I. — Toute femme seule qui, sans s’inquiéter du soleil, de l’ombre, du temps et du chemin, va, légère et sérieuse, droit devant elle, et qui, sans avoir l’air de se hâter et sans paraître voir personne, dépasse tout le monde, est à coup sûr — une femme qui sort.

II. — Semblable aux anges qui traversent les tempêtes sans éteindre leur nimbe de feu ni mouiller leurs blanches ailes, une femme qui sort a toujours autour d’elle une auréole de beau temps.

Par le plus triste ciel, la pluie s’écarte de son front, et le pavé s’avance blanc et sec sous son pied, qui l’effleure à peine.

Quelque temps qu’il fasse, une femme qui sort arrive donc toujours où elle va — parfaitement immaculée.

Au retour, il est vrai, l’auréole a disparu ; mais ce n’est plus alors qu’une femme qui revient.

III. — Une femme se promenant avec son mari n’est jamais une femme qui sort.

Toutefois, si, parti dans l’intention d’aller se promener à droite, le mari, croyant changer d’avis, va au contraire à gauche, et rencontre un ami de fraîche date, les casuistes le considèrent comme le mari d’une femme — qui sort.

IV. — Une femme peut encore sortir avec un enfant, lorsque cet enfant ne parle pas encore, ou avec une amie, quand cette amie doit la quitter en chemin.

V. — Une femme qui a sa voiture à elle ne commence à sortir que du moment où elle en descend.

Toute femme qui, partie à pied, prend une voiture de place, est une femme qui sort du moment où elle y monte.

VI. — Avant d’arriver où elle ne veut pas être vue, une femme qui sort va toujours où elle veut qu’on la voie.

VII. — Rien ne fait distinguer la toilette d’une femme qui sort à l’instant de son départ. C’est le chapeau du jour, c’est la robe nouvelle, c’est le châle qu’on lui connaît. — Mais bientôt le châle s’allonge, le chapeau s’avance, le voile descend, les dentelles disparaissent, les bijoux se cachent, et toute la toilette se referme et s’assombrit enfin comme un papillon qui replie ses splendeurs.

VIII. — Une femme qui sort prend toujours le côté opposé à celui où elle va.

IX. — Sans jamais retourner la tête, ni lever les yeux, une femme qui sort est magnétiquement avertie dès qu’elle est suivie ou seulement reconnue. Elle retombe alors subitement de poésie en prose, comme une sylphide de théâtre quand le fil qui la faisait légère vient à se casser.

X. — Un sot salue une femme qui sort, un fat l’évite en souriant, un galant homme ne la rencontre jamais.

La simplicité des axiomes de ce décalogue démontre qu’il est aussi facile de reconnaître une femme qui sort, qu’il est difficile de savoir où elle va.

Il est vrai que beaucoup de maris se contentent de ce qu’on leur dit, au retour, de l’endroit où l’on n’a pas été ; mais cette sagesse-là ne s’acquiert qu’à la longue et de souffrance lasse.

Il est encore vrai que quelques jaloux s’abaissent jusqu’à employer l’espionnage, ce qui les couvre toujours de confusion, en leur révélant dans leurs femmes une foule de vertus discrètes, de surprises touchantes et de prévenances délicates qu’ils étaient loin de soupçonner.

Sans partager l’indifférence des uns ni les injurieuses défiances des autres, examinons froidement les ressources de notre position.

De spirituelles et ingénieuses études sur les femmes ont été faites de notre temps par des auteurs dont on doit justement admirer le talent merveilleux. Malheureusement, exécutés sans ensemble et souvent sans but sérieux, ces travaux devaient être sans résultat pour la science, comme pour le repos de l’humanité mâle. On peut faire ainsi de délicieux portraits, et bâtir de charmantes théories exceptionnelles, mais rien d’absolu, rien de complet, rien d’humanitaire enfin. — C’est que, comme l’a dit superbement l’autre jour un successeur de Platon, « l’Esprit est un habit, la Science est un paletot ; le premier peut ne servir qu’à son maître, mais il faut que l’autre aille à tout le monde. »

C’est donc par la science seulement qu’il nous sera peut-être donné un jour de deviner quelques-unes des énigmes actives ou parlées de ce sphinx si séduisant et si redoutable. Mais depuis que les sociétés savantes se sacrifient au bonheur du monde, jamais une seule, hélas ! n’a osé, comme Œdipe, se dévouer pour le salut de tous ; non, pas même l’Université de France, la fille aînée de nos rois ! Et pourtant, en sa qualité de vieille fille, cela devait lui aller comme une médisance. — C’est par une modeste résignation, disent les défenseurs des académies ; résignation tant que vous voudrez, mais, à ce compte-là, les huîtres aussi sont modestement résignées.

Si les hommes d’une seule génération, d’une seule ville, d’un seul quartier même, voulaient pourtant s’entendre et se confesser loyalement les uns les autres, que de soudaines clartés viendraient illuminer le brouillard où nous nous heurtons tous jalousement sans nous reconnaître ! que de câlineries inquiètes, que de joies fébriles, que de sensibleries boudeuses lues couramment à cœur ouvert !

proposition.

Supposons, par exemple, une mairie, ce qui n’exige pas une imagination ardente, et dans cette mairie un immense registre tenu en partie double, moitié par les maris de l’arrondissement, moitié par leurs amis. Sur le recto, les premiers inscriraient, chaque jour, tous les conseils aigres-doux, toutes les gracieuses sollicitudes, tous les caprices, toutes les toilettes, et surtout les vertus subites de leurs fidèles et douces campagnes ; puis, en regard, les amis viendraient expliquer et commenter à leur tour le texte primitif. On pourrait être à la fois ami d’un côté et mari de l’autre. — Il est bien entendu que la plus inviolable discrétion serait gardée des deux parts, et que ces précieuses chroniques conjugales paraîtraient sans noms d’auteurs.

Simple comme toutes les choses sublimes, ce projet sera-t-il réalisé un jour ? Hélas ! nous l’ignorons ; mais trois fois bénis et vénérés seraient les grands cœurs qui poursuivraient une telle œuvre un lustre seulement. — Comprenez-vous cela, gens de bien ? un dictionnaire universel de tous les mots, faits et gestes de la femme, traduits en franchise et avec les étymologies, — un arsenal où chacun de vous pourrait s’armer suivant le danger et selon la nature de l’ennemi, — une encyclopédie maritale enfin, dans laquelle toutes les questions seraient ainsi traitées par demandes et réponses :

exemple :
recto.

Ma femme a été hier au bal d’une pruderie si ridicule, que ce pauvre B. en a été tout déconcerté.

Aux reproches que je lui en ai faits, elle m’a répondu sèchement : « Aimeriez-vous mieux souffrir de ma légèreté que de voir sourire de ma — réserve ? »

Mari C.
verso.

Ô bonheur ! mais pourquoi donc hier, Marie, m’avez-vous si cruellement brisé le cœur ?

« Mon ami, c’est parce que, comme tous les grands généraux, quand nous prévoyons une défaite, nous faisons toujours avancer la — réserve. »

Ami B.

Ainsi pour tout. — Ah ! ah ! s’exclamerait alors chaque collaborateur dans les circonstances douteuses, voyons un peu dans notre grand-livre l’explication de ceci ! Et en un instant, sans confidence et partant sans honte, notre homme aurait pour se défendre l’esprit ouvert et le cœur fermé.

Certes, il resterait peut-être bien encore, par-ci, par-là, quelques petits écueils inédits sur l’océan du mariage ; mais connaissant ses courants capricieux, ses calmes perfides, et ses brisants à fleur de coquetterie, un jeune mari pourrait éviter du moins les dangers capitaux qui menacent si sournoisement les œuvres vives de son honneur. — Est-ce donc chose possible dans notre ignorance et notre égoïsme ? — Arrêtez ce gros monsieur qui passe, le crêpe au front ; c’est un triple veuf ; un gaillard qui a fait bravement trois fois le tour du mariage. Eh bien ! consultez-le, et vous le trouverez aussi penaud qu’un voyageur qui aurait fait trois fois le tour du monde à fond de cale. — Et cela doit être ; car sa position est exactement la même. Aller sans voir, souffrir sans apprendre, et se perdre sans le savoir, tel a été son passé, et tel serait son avenir s’il osait entreprendre demain une quatrième campagne. Le malheur moins l’expérience, c’est le malheur plus le malheur. Or, voilà notre lot jusqu’à ce jour dans tout ceci.

Mais aussi, avec quelle légèreté s’embarque-t-on ! — Le ciel est si pur ce jour-là, la mer est si calme, la brise est si douce : à quoi bon prévoir l’orage ? Et d’ailleurs, est-ce qu’il peut y avoir ombre de danger sur une mer si riante ? Allons donc ! vogue le mariage et vive le plaisir ! Une vague enjôleuse vient amoureusement baiser le sable sous vos pieds et vous soulève ; on part, on est parti. — Adieu. — Avec quelle ardeur on fait son premier quart, son quart de miel ! — Toujours en grande tenue, toujours sur le pont, toujours au gouvernail, on passe radieux entre les autres voiles, comme un noble cygne au milieu de vulgaires canards. Hélas ! ces canards-là ont été cygnes comme vous un jour !…

Cependant, à la longue, le vent fraîchit un peu. On descend, puis on se dorlote tant et si bien dans le roulis de son bonheur que vos yeux se ferment. « Pour Dieu, ne dormez pas ! — Ah bah ! la mer est belle. — Mais, malheureux, le sommeil vous perd ! — Au contraire, répondez-vous, il me gagne… » Et vous dormez… Malédiction ! Au réveil, le temps menace, l’équipage boude, votre navire est en pleine dérive. Seul, sans ancre, sans boussole, que devenir ? Par hasard passe une barque. — Ho ! hé ! de la barque, ho ! hé ! — Elle accoste. Par un hasard plus grand encore, il se trouve que c’est un de vos amis qui se promenait par là. Il monte respectueusement à bord, salue plus respectueusement l’équipage, le blâme un peu, vous plaint beaucoup, vous conseille respectueusement, et de plaintes en conseils vous jette droit à la côte, toujours respectueusement. — Ne criez pas, ne tirez pas le canon d’alarme ; car des rires et des huées répondraient seuls à vos signaux de détresse, et, loin de vous secourir, chaque voile s’éloignera en disant : « C’est un mari qui sombre, laissons aller. »

Et penser que les trois quarts de ces misérables étaient comme vous hier, et que l’autre quart vous ressemblera demain !

III
dernière supplication.

Encore une fois, très-précieux, très-illustres et très-chevalereux gens de bien, comme vous salue Rabelais, au nom de vos pères passés, de vos fils présents, et de votre esprit à venir, acceptez-vous notre proposition, et voulez-vous enfin crocheter le secret des femmes ?

— De par Dieu, oui, nous le voulons, répondez-vous, mais nous croyons que ce labeur serait mirifiquement ennuyeux.

— Voyre mais, vous dirait Panurge, qui vous hantait volontiers ; — pour des compaignons qui s’ébaudissent matutinalement : à faire lecture de politicq, et parachèvent le jour à ouïr musicque ou tragédie par semblant de liesse, ceci m’appert une paovre raison.

— Mais enfin, répliquez-vous, ne pourrions-nous donc pas étudier chacun chez soi ?

— Si c’est là votre dernier mot et votre premier courage, nous vous quittons avec le souhait de maître Alcofribas : « Restez en santé désirée, aimez vos femmes, dormez salé, buvez net, bercez vos enfants, et que Dieu vous saulve et vous guarde ! »

— Mais alors on ne saura jamais

ou va une femme qui sort.
laurent-jan.
  1. Suivant l’Académie, sortir est un verbe actif qui signifie simplement passer du dedans au dehors. Le verbe que nous employons ici nous prie de déclarer qu’il n’a rien de commun avec celui de l’Académie.