VI
Koubilaï impose silence aux juifs et aux mahométans.


Or les Juifs et les mahométans qui étaient dans l’armée de Koubilaï reprochaient aux chrétiens qui étaient venus avec Naiam, que Jésus-Christ dont Naiam avait fait porter le signe sur son étendard, n’avait cependant pu les secourir ; et ils réitéraient tous les jours ces reproches, pour couvrir de honte les chrétiens et tourner en mépris leur religion aussi bien que la puissance de Christ ; or les chrétiens qui s’étaient soumis à l’obéissance du roi Koubilaï, ne pouvant plus supporter ces outrages, surtout parce qu’ils retournaient contre l’honneur de Jésus-Christ, en firent leurs plaintes à l’empereur. Sur quoi il fit assembler les juifs et les mahométans, et, s’étant retourné du côté des chrétiens, il leur tint ce discours en présence de tous : « Votre Dieu et sa croix n’a voulu donner aucun secours à Naiam ; mais vous ne devez pas pour cela vous en chagriner ni avoir honte de votre religion, parce que Dieu, qui est bon, est juste aussi et ne peut par conséquent favoriser le crime et l’injustice. Naiam était traître à son roi, il avait excité une rébellion contre tout droit et justice ; après cela il implorait le secours de votre Dieu dans sa malice ; mais lui, comme un Dieu qui est bon et juste, n’a point voulu favoriser ses mauvais desseins. » Ensuite il ordonna aux juifs et aux mahométans et à tous les ennemis du nom chrétien de ne pas blasphémer davantage contre le Dieu des chrétiens ni contre sa croix ; et de cette manière il leur imposa silence. Koubilaï, ayant ainsi apaisé le tumulte, s’en retourna, rempli de gloire et de joie de sa victoire, à sa ville royale de Cambalu[1].

  1. Khan-Balikh, ou la ville du Khan, aujourd’hui Pékin. (P.)