XLIV
De la ville de Mien et du tombeau du roi.


À quinze journées de chemin, on vient à la ville que l’on appelle Mien (aujourd’hui Taï-Koung), qui est grande et belle. C’est la capitale du royaume de même nom ; elle est sujette du Grand Khan ; les habitants sont idolâtres et parlent une langue particulière. Il y a eu en cette ville un roi fort riche, lequel, étant près de mourir, se fit faire un tombeau dont je vais donner la description. Il fit bâtir une tour de marbre de la hauteur de dix pas et épaisse à proportion : à chaque coin du mausolée étaient des tours rondes par en haut et couvertes d’or partout ; sur le sommet de ces tours, on devait mettre plusieurs petites cloches d’or, qui devaient sonner par le souffle du vent. On devait couvrir une autre tour d’argent et mettre sur le sommet des clochettes d’argent, qui devaient aussi rendre un certain son par la seule agitation du vent. Il fit bâtir ce tombeau pour immortaliser son nom et sa mémoire dans le monde[1]. Le Grand Khan, ayant subjugué la province de Mien, défendit d’endommager ce tombeau, qui était fait à l’honneur de son nom : car c’est une coutume observée parmi les Tartares de ne point troubler le repos des morts. Il y a dans cette province beaucoup d’éléphants, des bœufs sauvages, qui sont grands et beaux, des cerfs, des daims et plusieurs autres bêtes sauvages.

  1. Les découvertes faites aux temps modernes dans ces régions confirment les assertions de l’ancien voyageur.