Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 235-236).
XXXV
De la province de Sindinfu.


Il y a encore une autre province frontière de la susdite province de Chunchi, nommée Sindinfu, qui touche aussi à celle de Mangi. La ville principale s’appelle aussi Sindinfu[1], qui fut autrefois très grande et très riche ; elle peut avoir vingt milles de tour. Elle a eu aussi un roi très riche et très puissant ; lequel ayant laissé trois fils pour lui succéder, ils partagèrent la ville en trois parties, faisant ceindre chacun sa part de fortes murailles ; mais le Grand Khan a réduit sous son obéissance et la ville et le royaume. Il passe une rivière, nommée Quianfu (le fleuve Kiang), par le milieu de cette ville. Cette rivière a un demi-mille de largeur ; elle est fort profonde et fort poissonneuse ; il y a plusieurs villes et châteaux bâtis sur ses bords ; son cours s’étend à quatre-vingt-dix journées de cette ville. Les vaisseaux chargés de différentes marchandises montent par cette rivière en grand nombre. Il y a dans la ville de Sindinfu un pont de pierre pour la traverser, qui est long d’un mille et large de huit pas ; et sur ce pont l’on élève tous les matins des boutiques de toutes sortes de marchandises, que l’on ôte le soir. Il y a aussi une maison bâtie sur ce pont, où demeurent les officiers du roi, pour recevoir un droit de tous ceux qui passent, de même que pour toutes sortes de denrées. En avançant à cinq journées de cette ville, on passe par une plaine où il y a des villes, des châteaux et beaucoup de maisons de campagne ; on trouve là aussi beaucoup d’animaux sauvages.

  1. Ancienne capitale du royaume de Chou, aujourd’hui Tching-tou, qui compte, dit-on, un million et demi d’habitants.