LIX
De la valeur et de l’industrie des Tartares.


Les Tartares sont belliqueux et courageux dans les armes et infatigables dans le travail. Ils ne sont ni mous ni efféminés, n’étant point accoutumés aux délices ; mais ils sont endurcis à la fatigue et supportent facilement la faim. Il arrive souvent qu’ils seront un mois sans manger autre chose que du lait des juments et la chair des bêtes qu’ils prennent à la chasse. Leurs chevaux mêmes, quand ils vont à la guerre, n’ont point d’autre nourriture que l’herbe des champs, en sorte que cette nation est fort laborieuse et se contente de peu. Lorsqu’ils vont faire quelque expédition dans quelque pays éloigné, ils ne portent point d’autres équipages que leurs armes et de petites tentes pour se mettre à l’abri lorsqu’il pleut. Chacun porte aussi deux petits vases ; dans l’un ils mettent leur lait, l’autre est pour cuire leurs viandes. Mais lorsqu’ils veulent faire une prompte marche, ils prennent leur lait, dont ils font une espèce de pâte, quand il est coagulé, et qui leur sert de boire et de manger[1].

  1. Faut-il voir ici, comme le suppose le savant commentateur qui nous sert de guide habituel, un procédé de condensation du lait analogue à celui qui est en usage aujourd’hui et qu’on croirait, à tort par conséquent, d’invention nouvelle ? Ou bien s’agit-il tout bonnement du lait transformé en fromage ? Nous ne trancherons pas la question.