LIII
Le roi Uncham est vaincu par les Tartares.


Le roi Chinchis, ayant entendu cette réponse, assembla une grande armée et se disposa à la guerre contre le roi Uncham, dans le dessein de tirer raison de cet affront, et alla se camper dans une plaine nommée Tanduc, et lui envoya déclarer qu’il eût à se défendre. Lequel vint aussitôt à la tête d’une très grande armée, et s’alla camper tout près des Tartares. Alors Chinchis, roi des Tartares, ordonna aux enchanteurs et aux astrologues de lui dire quel événement le combat devait avoir ; alors les astrologues rompant un roseau en deux morceaux les posèrent à terre, donnant le nom d’Uncham à l’un de ces morceaux et à l’autre celui de Chinchis, et puis ils dirent au roi : « Sire, pendant que nous ferons les invocations des dieux, il arrivera par leur puissance que ces deux morceaux de roseaux se choqueront l’un l’autre, et celui qui montera sur l’autre marquera quel roi sera victorieux dans ce combat. » Une grande multitude de monde étant accourue à ce spectacle, les astrologues commencèrent leurs prières et leurs enchantements, et aussitôt les morceaux du roseau commencèrent aussi à se mouvoir et à se combattre l’un contre l’autre, jusqu’à ce que celui qui avait le nom de Chinchis prit le dessus sur celui qui avait été nommé Uncham : ce que les Tartares ayant vu, ils furent par là comme assurés de la victoire. Le combat se donna donc le troisième jour, et après un grand carnage de part et d’autre la victoire demeura à la fin au roi Chinchis, d’où il arriva que les Tartares subjuguèrent le royaume d’Uncham. Chinchis régna encore six ans après la mort d’Uncham, pendant lesquelles il conquit plusieurs provinces ; mais à la fin, en assiégeant un certain château et s’étant approché de trop près, il fut atteint d’une flèche au genou, dont il mourut. Il fut enterré sur une montagne nommée Altaï[1], où tous ceux de sa race et tous ses successeurs ont depuis choisi leur sépulture, et on y transporte leurs corps, quand ils seraient à cent journées de là.

  1. L’Altaï ou monts d’Or, chaîne de montagnes bornant au nord l’ancienne Mongolie.