Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 181-182).
XLIII
De la province de Ciartiam.


Après cela on vient à la province de Ciartiam (Kharachar), qui est sujette du Grand Khan, et qui renferme beaucoup de villes et de châteaux ; la ville capitale est appelée du nom de la province. On y trouve dans plusieurs rivières beaucoup de pierres précieuses, surtout des jaspes et des chalcédoines, que les marchands portent à la province de Cathay (Chine orientale). La province de Ciartiam est fort sablonneuse, ayant plusieurs eaux amères, ce qui rend la terre stérile. Quand quelque armée étrangère passe par ce pays-là, tous les habitants s’enfuient dans le pays voisin avec leurs femmes, leurs enfants, leurs bêtes et leurs meubles, où ils trouvent de bonne eau et des pâturages, et ils y demeurent jusqu’à ce que l’armée soit passée ; quand ils s’enfuient ainsi, le vent efface tellement leurs vestiges sur le sable, que les ennemis ne peuvent y rien connaître ; mais si c’est l’armée des Tartares, auxquels ils sont sujets, ils ne s’enfuient pas : ils transportent seulement leur bétail dans un autre lieu, de peur que les Tartares ne s’en saisissent. En sortant de cette province il faut passer pendant cinq jours au travers des sables, où l’on ne trouve presque point d’eau, si ce n’est amère, jusqu’à ce que l’on arrive à une ville nommée Lop, et remarquez que toutes les provinces dont nous avons parlé jusqu’ici, à savoir Cassar, Yarcham, Cotam, Peim et Ciartiam, jusqu’à ladite ville de Lop, sont mises entre les limites de la Turchie[1].

  1. C’est-à-dire qu’au temps de Marco Polo la langue et les croyances des Turcs manifestaient leur influence jusque-là. (P.)