Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 158-159).
XIV
De la province de Géorgie.


La province de Géorgie paye tribut au roi des Tartares et le reconnaît pour son souverain. Les Géorgiens sont de beaux hommes, bons guerriers et fort adroits à tirer de l’arc ; ils sont chrétiens selon les rites des Grecs ; ils portent les cheveux courts comme les clercs d’Occident. Cette province est de difficile accès, principalement du côté de l’orient, car le chemin est très étroit et bordé d’un côté par la mer, et de l’autre par des montagnes. Il faut passer par ce chemin-là, qui est long de quatre lieues, avant que d’entrer dans le pays, ce qui fait qu’on en peut empêcher l’entrée à une grande armée, avec peu de monde. Les habitants ont plusieurs villes et châteaux ; leur principale richesse est en soie, dont ils font de riches étoffes. Quelques-uns s’appliquent aux ouvrages mécaniques, d’autres aux marchandises. La terre est assez fertile. Ils racontent une chose admirable de leur terre : ils disent qu’il y a un grand lac, formé par la chute des eaux des montagnes, qu’ils appellent communément mer de Chelucelam[1]. Ce lac a environ six cent milles ; toute l’année il ne donne de poisson que le carême jusqu’au samedi saint ; ce lac est éloigné de toutes autres eaux de douze milles.

  1. La mer Caspienne, qui, mal connue à cette époque, était l’objet de maintes légendes.