Voyage de Marco Polo, Texte établi par Eugène MüllerDelagrave (p. 155-156).
X
Leur retour à Venise.


Ils quittèrent donc la cour de Koubilaï et s’embarquèrent sur une flotte de quatorze navires chargés de munitions ; chaque navire avait quatre mâts et quatre voiles. Ils reçurent, en s’embarquant, deux tables d’or, ornées des armes du roi, qu’ils devaient montrer à tous les commandants des provinces de son empire, en vertu desquelles on devait leur fournir les provisions et autres choses nécessaires pour leur voyage. Le roi leur donna pour adjoints des ambassadeurs tant pour le souverain pontife que pour quelques autres princes chrétiens. Et après trois mois de navigation ils arrivèrent à une certaine île nommée Jana, et de là, traversant la mer Indienne, après beaucoup de temps ils arrivèrent au palais du roi Argon. Ils lui présentèrent la fille qu’il devait prendre pour femme, mais il la fit épouser à son fils. Des six cents hommes que le roi avait envoyés pour amener la nouvelle reine, plusieurs moururent en chemin et furent regrettés. Or nos Vénitiens et les ambassadeurs qui les accompagnaient partirent de là, après avoir obtenu du vice-roi, nommé Acata, qui gouvernait le royaume pendant la minorité, deux autres tables d’or, suivant la coutume du pays, pour leur servir de sauf-conduit par tout le royaume. Ils sortirent de cette manière sains et saufs et avec beaucoup d’honneur de ce pays-là ; et, après un long voyage et beaucoup de peines, ils arrivèrent, avec le secours de Dieu, à Constantinople et de là ils se rendirent à Venise, en bonne santé, comblés d’honneurs et de richesses, l’an de Notre-Seigneur 1295, remerciant Dieu de les avoir conduits, à travers tant de dangers, dans leur chère patrie. Il a fallu marquer ces choses dès le commencement, afin que l’on sût de quelle manière et à quelle occasion Marco Polo, auteur de cette relation, a pu être informé de tout ce qu’il rapporte et de toutes choses qui vont être décrites dans les chapitres suivants.