Le Dernier Jour d’un Condamné
Le Dernier Jour d’un condamné, Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; OllendorffRoman, tome I (p. 654).


XVII


Oh ! si je m’évadais, comme je courrais à travers champs !

Non, il ne faudrait pas courir. Cela fait regarder et soupçonner. Au contraire, marcher lentement, tête levée, en chantant. Tâcher d’avoir quelque vieux sarrau bleu à dessins rouges. Cela déguise bien. Tous les maraîchers des environs en portent.

Je sais auprès d’Arcueil un fourré d’arbres à côté d’un marais, où, étant au collège, je venais avec mes camarades pêcher des grenouilles tous les jeudis. C’est là que je me cacherais jusqu’au soir.

La nuit tombée, je reprendrais ma course. J’irais à Vincennes. Non, la rivière m’empêcherait. J’irais à Arpajon. — Il aurait mieux valu prendre du côté de Saint-Germain, et aller au Havre, et m’embarquer pour l’Angleterre. — N’importe ! j’arrive à Longjumeau. Un gendarme passe ; il me demande mon passeport… Je suis perdu !

Ah ! malheureux rêveur, brise donc d’abord le mur épais de trois pieds qui t’emprisonne ! La mort ! la mort !

Quand je pense que je suis venu tout enfant, ici, à Bicêtre, voir le grand puits et les fous !