Despret frères (p. 73-75).

Cependant, quel effroi vient me saisir pour lui,
Lorsque de tous cotes, l’émeutier, aujourd hui,
L’émeutier, monstre affreux, à l’œil oblique et sombre,

Profère, en blasphémant, des menaces dans l’ombre !…
Ah ! pendant dix-huit ans, de ta famille en pleurs,
Louise, ce fut lui qui causa les malheurs !…
Ainsi qu’un meurtrier qui guette sa victime
Pour bien saisir l’instant de perpétrer son crime,
Il attend le moment marqué pour ses desseins :
C’est alors qu’en tous lieux des hordes d’assassins,
Brandissant le poignard et rugissant de rage,
Se livreront sans crainte au massacre, au pillage 6 !

Deux fois Paris a vu ces rapaces tyrans
Verser sur son pavé le sang à longs torrents ;
Comme d’avides loups qu’on traque en leurs repaires,
Pour venger les agneaux arrachés à leurs mères,
Ils furent poursuivis par le glaive des lois,
Qui sur ces forcenés s’appesantit deux fois :
Mais qui pourrait dompter leur altière insolence ?
Naguère ils surprenaient des hommes sans défense ;
Le dirai-je ? ils brûlaient les vierges, les enfants 7,
Et ces lâches forfaits les rendaient triomphants !
Sur la pique sanglante ils élevaient des têtes,
Et conviaient le peuple à leurs horribles fêtes !
Ils tendaient aux soldats une trompeuse main,
Sous un perfide fer pour mieux percer leur sein 8 !
Qui le croirait ? On vit des mégères, leurs femmes,
De ces cruels bandits les complices infâmes,
Entr’ouvrir sans pâlir le flanc des malheureux ;
Exciter leurs douleurs, en repaître leurs yeux ;
Mutiler des enfants, outrager la nature ;
Sans pudeur, sans pitié rire de leur torture ;
Avec des cris affreux, mêlés de joyeux chants,
Promener dans Paris leurs restes palpitants !
Ce n’est pas tout encore, ô noble et triste France !
De te couvrir de deuil ils gardent l’espérance ;
Le mot d’ordre est donné, mot digne de l’enfer ;
Écoutez, le voici : « Du feu ! du plomb ! du fer !  ! 9 »

Si, pour notre malheur, en ce grand jour d’alarmes,
Dans leurs sauvages mains on voit briller des armes,

Vous en aurez aussi, défenseurs de la loi,
Vous en aurez aussi, défenseurs de la foi,
Pour repousser leurs coups en ces moments terribles !
Ne les redoutez pas, vous serez invincibles ;
Car le Croyant pour vous supplîra le Seigneur,
Qui contre eux enverra l’ange exterminateur,
Celui qui d’Israël en protégeant l’armée,
Devant elle guidait la colonne enflammée !

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