Le Crépuscule des Nymphes, suivi de Lectures antiques/Le Crépuscule des Nymphes/10

Slatkine reprints (p. 125-129).





LECTURES
ANTIQUES



AVANT-PROPOS


Je voudrais expliquer en peu de mots comment j’ai été amené à préparer ces morceaux choisis des littératures classiques.

Personne ne peut avoir la prétention de découvrir une page oubliée dans l’immense bibliothèque où nous apprenons le grec et le latin. On me l’a fait assez comprendre le jour où j’ai eu l’imprudence de présenter Méléagre ; tout le monde le connaissait par cœur, bien qu’il fût, pour une bonne part, inédit dans notre langue. Je l’ai senti plus nettement encore, lorsque ayant envoyé Bilitis à un éminent professeur de faculté, ce savant (ancien élève de l’École d’Athênes, chargé du cours d’archéologie grecque) m’écrivit négligemment qu’il l’avait lue avant moi. Sa lettre était d’ailleurs charmante.

Non certes, je ne découvrirai rien. On aurait tort de soutenir que même les gens du monde se bornent généralement à parcourir l’Odyssée avec Daphnis et Chloé, ou bien qu’ils connaissent Antigone mieux que les Suppliantes parce que Mademoiselle Bartet est plus agréable à regarder qu’un volume sans illustrations. Je sais trop, maintenant, jusqu’où s’étend l’érudition générale et je ne présenterai plus personne. Ce n’est pas sans dessein que cette série de Lectures antiques a débuté, non par un chapitre d’Eumathe ou une lettre de Synésios, mais par un-chœur d’Aristophane.

La seule excuse d’une telle entreprise est que, par une déplorable habitude, on lit le plus souvent les auteurs grecs dans les traductions françaises. Or il suffit d’examiner les plus célèbres d’entre elles pour admirer avec quelle attention zélée certains universitaires s’appliquent à corriger l’original. Avec eux, plus d’épithètes hardies, plus de métaphores à double image ; ils répandent sur l’auteur qu’ils daignent embellir une élégance qui leur est personnelle et surtout un « goût » qui supprime ou ajoute, au hasard des phrases, ce qu’il convient de biffer ou d’introduire çà et là. C’est une collaboration dont le Grec a tout l’honneur et le savant toute la peine. Tel est leur désintéressement.

Je l’admire. Je ne l’imiterai point. On trouvera ici de simples — versions grecques », aussi littérales, aussi serviles que possible, c’est-à-dire très respectueuses. Un de mes professeurs, M. Krebs, n’aimait pas qu’on inventât « de petits romans à côté du texte ». Je pense que les auteurs anciens, si on les consultait, seraient de son avis.

Il va sans dire que j’ai choisi, pour en faire l’objet de ces lectures, les pages les plus intéressantes parmi celles qui ne sont pas dans toutes les mémoires. On trouvera ci-après une satire historique, qui pour être moins connue que celles de Suétone, est cependant d’une autre envergure.

P. L.