Le Couvre-feu/Le Baleinier
Regardez ce vaisseau, dont une mer fatale
Semait d’écueils tranchants la route boréale ;
Qui, captif de l’hiver, dont l’acerbe rigueur
De ses muscles de cuivre oxydait la vigueur,
Voyait le pôle, armé d’immobiles naufrages,
Autour de sa voilure engourdir ses cordages ;
Et qui, par le printemps, loin du pôle emporté,
Du soleil qu’il revoit sent la chaude clarté
De ses agrès roidis assouplir la rudesse !
De ses ailes de lin dégonflant la paresse,
Il se rouvre les flots qu’il avait crus d’airain.
Fier des dangers franchis, il vogue en souverain ;
Mais du froid, dont il sort, le récent esclavage
Sous un ciel sans péril poursuit son sourd ravage ;
Et, victime du Nord, le navire infiltré
S’engloutit au soleil qui l’avait délivré.
Et cherchez maintenant le sens de ce symbole !
Vous en voyez plus d’un sous cette parabole.
Moi, celui que j’y vois, c’est que souvent, hélas !
Au sort qu’il a vaincu l’homme ne survit pas.
Le destin terrassé garde longtemps rancune.
Qu’on laisse prendre au cœur le pli de l’infortune !
Le salut vient trop tard : et, sourdement blessé,
On meurt, en plein bonheur, de son malheur passé.