Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/33/04

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 944-987).


IV

MACHINE À COMPOSITION MOBILE


Depuis 1822, date du brevet de la première machine à composer, de nombreuses tentatives ont été faites pour réaliser l’assemblage de caractères d’une façon plus rapide et plus économique qu’à la main.
xxxx Parmi les plus anciennes tentatives, réalisées dans le but d’augmenter la vitesse de composition, on peut citer les machines Winder et Porter. Dans ces machines, les caractères étaient placés, à la main ou au moyen d’un distributeur mécanique, dans de longs tubes verticaux, leurs crans étant tournés tous du même côté. Ainsi les types se trouvaient à proximité de la main de l’ouvrier, ce qui évitait de les chercher dans la casse. Une invention similaire tendant à procurer une aide au compositeur fut le dispositif « Lagerman », qui constituait réellement un appareil auxiliaire adapté à la casse. Les types, levés comme à l’ordinaire, mais au moyen des deux mains, étaient jetés aussi rapidement que possible dans un entonnoir. Il était supposé que le mécanisme trouvait le moyen de les recevoir et de les redresser d’une façon parfaite, en les assemblant correctement sous forme d’une ligne continue ; la justification devait être assurée ultérieurement à la main.
xxxx Le degré suivant fut atteint avec les machines à chute directe, dont les types principaux furent ceux de Fraser, Hattersley, Kastenbein, Empire et, plus récemment, le Pulsometer. Dans ces machines, les caractères étaient emmagasinés dans des canaux rectilignes disposés pour converger vers un point commun situé à proximité d’un couloir d’assemblage, dans lequel ils parvenaient au fur et à mesure sous l’action d’un clavier ; un mécanisme les transférait dans une galée où les lignes étaient ensuite justifiées à la main. La distribution de la matière composée était assurée soit automatiquement, soit au moyen d’un second clavier, similaire à celui employé pour la composition.
xxxx D’autres systèmes, comportant un tambour tournant, formant magasin de caractères, tels la Thorne et la Simplex (réunies ensemble un peu plus tard), marquèrent une nouvelle avance, bien faible, vers la solution du problème. Ces machines comportaient un ruban-transporteur sur lequel les types venaient s’assembler et qui les conduisait dans un long canal formant composteur pour y être justifiés, toujours à la main, et de là mis mécaniquement en galée.
xxxx Une disposition différente fut inaugurée avec la Makie, basée sur le principe de Jacquard et utilisant des caractères de fonderie, tandis que la Sweet et la Hagerman produisaient successivement, au moyen de poinçons en acier, l’empreinte des caractères dans une plaque de carton-pâte, pour constituer un flan d’après lequel un cliché stéréotype était coulé à la manière ordinaire. Après cela vint la machine Hooker, due à l’ingéniosité d’un compositeur anglais et actionnée par l’électricité. Une particularité intéressante de cette machine était son clavier qui, au lieu de présenter une série de touches, comportait une quantité de plaques de dimensions différentes, reproduisant par leur assemblage la disposition d’une casse ordinaire. La pression du doigt de l’opérateur sur l’une de ces plaques libérait un caractère correspondant par l’intermédiaire d’électro-aimants. Ce système ne fut jamais exploité industriellement.
xxxx Toutes ces machines employaient des caractères de fonderie, pourvus, dans la plupart des cas, d’un crantage spécial, assurant les combinaisons voulues pour leur distribution lorsque celle-ci était automatique. Par conséquent, indépendamment des difficultés de fonctionnement inhérentes aux manutentions mécaniques complexes auxquelles étaient soumis les caractères, d’épaisseur parfois très faible, elles présentaient deux défauts en quelque sorte rédhibitoires : elles ne justifiaient pas, ou justifiaient mal quand cette fonction était prévue ; les caractères, devant resservir pour plusieurs compositions successives, s’usaient et se détérioraient dans des proportions très inégales, suivant la fréquence d’emploi propre à chacun d’eux, de sorte que la composition obtenue était plutôt inférieure en qualité par rapport à celle réalisée à la main.
xxxx L’époque qui suivit dans l’histoire des machines à composer commença vers 1886, lors de l’apparition de la Linotype. Pour parler exactement, celle-ci ne constitue pas une machine à composer des caractères ; au contraire, sa fonction consiste à assembler des matrices, d’après, lesquelles une ligne-bloc est fondue : d’où son nom.
xxxx D’après le même principe, on imagina plusieurs autres machines, parmi lesquelles la Monoline et la Typograph, dont le lecteur a vu précédemment la description sommaire.
xxxx La machine « Monotype » ouvrit une nouvelle ère pour le monde de l’imprimerie. Ses créateurs s’étaient efforcés de doter la typographie d’une machine qui pût combattre successivement toutes les objections, tant théoriques que pratiques, susceptibles d’être soulevées raisonnablement contre la composition mécanique.
xxxx La machine « Monotype » produit de la composition formée de types séparés, autrement dit, de caractères mobiles, fondus séparément pour chaque nouveau texte exécuté.
xxxx Le principe d’après lequel la machine « Monotype » a été établie permet des applications presque illimitées, et les problèmes qu’on peut être amené à résoudre dans un atelier de composition tombent toujours dans ses possibilités, quelque compliqués qu’ils puissent être. Une notable partie de ses avantages sont dus à la séparation de ses fonctions, — opération de composition indépendante de la fonte des caractères composés. Par cette application concrète et rationnelle de la division du travail, rien n’est sacrifié de la vitesse de production, ni de la commodité d’exécution du travail : le compositeur, uniquement, compose sur son clavier, et la fondeuse coule et assemble automatiquement les caractères, sans que son fonctionnement puisse troubler en quoi que ce soit le travail du claviste, qui garde ainsi toute sa liberté d’action.


le système de la machine « monotype »


1. Le système de la machine « Monotype » comporte l’emploi de deux instruments distincts et indépendants : un clavier-perforateur (fig. 1), manipulé par le compositeur appelé aussi « claviste », et une fondeuse (fig. 16), dont le fonctionnement est automatique[1].
Fig. 1. — Le clavier « Monotype » modèle « D ».

2. Le lien entre ces deux instruments est une bande de papier continue, percée de trous par le premier et déchiffrée automatiquement par le second, qui les transcrit aussitôt sous la forme de lignes justifiées, composées de caractères mobiles, fondus successivement et assemblés dans l’ordre voulu par le texte.

3. Un caractère typographique (fig. 2) comporte trois dimensions principales :
xxxx La force de corps, qui se mesure dans le sens de la hauteur de la gravure de la lettre, et s’exprime en points typographiques, Didot ou Fournier ;
xxxx La largeur ou épaisseur, qui se mesure dans le sens transversal, ou parallèle aux lignes ;
xxxx Enfin, la hauteur en papier ou hauteur typographique, qui se mesure entre le pied du caractère et la face imprimante appelée œil.
xxxx Cette dernière dimension doit être uniforme pour tous les types, afin de permettre l’impression correcte des caractères de tout genre ou dimension réunis dans une même forme.

Dans le système de la machine « Monotype », les épaisseurs des différentes lettres et signes d’une même fonte sont établies dans un rapport déterminé et constant avec celle des plus larges caractères de cette fonte pris comme base, ainsi qu’on le verra plus loin.
Fig. 2. — Un caractère typographique avec ses trois dimensions.
Ces relations restent les mêmes pour toutes les séries de caractères pouvant être disposés suivant le même arrangement dans le châssis-matrices : la force de corps et le dessin de l’œil n’apportent aucune modification à cette règle.

4. Les matrices d’après lesquelles ces caractères sont fondus sont groupées dans un châssis (fig. 3), sous la forme d’un carré présentant quinze rangées de quinze matrices, ce qui donne un total de : matrices pour le jeu complet.
xxxx Chaque matrice est constituée par un petit parallélipipède de bronze, à base carrée de 1/5 de pouce anglais de côté. L’ensemble des matrices contenues dans le châssis occupe donc une surface carrée de 3 pouces, soit 76 millimètres de
Fig. 3. — Châssis porte-matrices.
côté environ.
xxxx La figure 4 montre, légèrement agrandies, deux matrices : celle de droite vue par sa face inférieure, poinçonnée de l’empreinte du caractère, celle de gauche présentant sur sa face supérieure la cavité conique qui servira à en assurer le centrage sur le moule ; le trou transversal, visible sur les deux, sert au passage de la broche qui les maintient dans le châssis.

Si on regarde le châssis (fig. 3), et si on dénomme « colonnes » les rangées de matrices parallèles aux glissières, on remarque que, dans chacune de ces colonnes, les caractères représentés apparaissent de même largeur et, de haut en bas (en regardant les faces poinçonnées), ces largeurs vont en augmentant, pour ainsi dire régulièrement. Pour mémoire, les rangées transversales de matrices seront, par opposition, dénommées « lignes ».

5. Les rapports entre les largeurs ou épaisseurs, très différentes entre elles, des caractères d’une même fonte


Fig. 4. — Matrices : vue du cône de centrage et de la face poinçonnée.

« Monotype » sont définis de la façon suivante :
xxxx Quelle que soit la dimension de cette fonte, l’épaisseur des caractères les plus larges, dont le cadratin ou Em[2] est le prototype, est supposée divisée en dix-huit parties égales, nommées « unités », et l’épaisseur de chacun des autres caractères est représentée par un nombre donné et entier de ces unités, compris ordinairement entre 5 et 18. Venant de dire que dans chacune des colonnes de matrices les caractères sont de même épaisseur, on peut maintenant ajouter, en se reportant au dispositif de matrices représenté par la figure 24, que, dans la rangée supérieure (col. 1), les caractères ont une valeur de 5 unités, tandis que ceux du rang inférieur (Col. 15) valent 18 de ces mêmes unités ; autrement dit, les premiers ont une valeur égale aux cinq dix-huitièmes des seconds.
xxxx L’épaisseur des caractères des rangées intermédiaires (col. 2 à 14) équivaut respectivement à :

6 - 7 - 8 - 9 - 9 - 9 - 10 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 et 15 unités.

On remarque immédiatement qu’il existe trois rangées de 9 unités et deux de 10 ; la raison en est que, le nombre des caractères présentant ces épaisseurs étant plus élevé, il a fallu créer plusieurs rangées de la même valeur ; d’autre part, il n’existe pas de caractères de 16 et 17 unités, et l’on passe de 15 à 18 unités directement. Il est possible, évidemment, de combiner d’autres arrangements présentant des valeurs différentes de celles ci-dessus, suivant les nécessités imposées par le dessin des caractères on leur groupement.
xxxx Bien que le rapport entre la valeur en unités d’un caractère donné et du cadratin soit fixe dans une même fonte, on doit maintenant considérer que l’épaisseur des types de 18 unités, par exemple, varie non seulement avec la force de corps, mais encore d’après la « chasse » de la série de caractères à laquelle ils appartiennent, c’est-à-dire suivant que l’œil est large ou étroit. Cette variation est indiquée par ce que l’on appelle la valeur ou dimension de « set » de la fonte.
xxxx Le set d’une fonte est la largeur ou épaisseur, exprimée en points et fraction de point anglais, des caractères de 18 unités de cette fonte et ne doit pas être confondu avec la dimension de corps (fig. 2). Un caractère large de corps 8 peut être de même set qu’un caractère étroit de corps 9.
xxxx Un caractère quelconque, dans un corps, peut être remplacé par un autre de même valeur de set et de même nombre d’unités, ou bien encore ce caractère pourra être substitué à un autre de même épaisseur, tout en n’étant pas de même set ; par exemple, une lettre de 12 unités de set 8 est interchangeable comme épaisseur avec un signe de 8 unités de set 12. De même, les matrices qui les représentent peuvent être mises à la place l’une de l’autre, parce que les caractères qu’elles donneront seront d’une dimension identique.

6. Les différentes gravures ou séries de matrices « Monotype » sont classées en deux catégories principales :
xxxx 1° Les séries normales, comportant 249 matrices, soit les deux alphabets de romain (grandes capitales et bas de casse), les deux alphabets d’italique et les petites capitales, plus les chiffres, signes de ponctuation et signes spéciaux, ainsi que les matrices d’espaces ;
xxxx 2° Les séries de caractères gras ou de fantaisie, composées de 100 matrices, soit les deux alphabets (capitales et bas de casse), les chiffres, signes de ponctuation et signes spéciaux.

Les combinaisons infiniment variées de ces jeux de matrices s’effectuent, dans le châssis, en tenant compte des valeurs respectives d’unités des caractères représentés ; mais, quelle que soit la disposition réalisée, celle-ci n’affecte en rien, dans les claviers modèles « D » et « DD », le groupement type adopté pour les multiples alphabets qu’ils comportent, dont les touches occupent identiquement les mêmes positions les unes par rapport aux autres, indépendamment de celles assignées aux matrices correspondantes. Ceci sera expliqué plus en détail dans un paragraphe suivant, traitant du mécanisme et du fonctionnement du clavier, car, auparavant, il convient de donner un aperçu général du principe de la justification appliqué à la machine « Monotype ».
xxxx Imaginez un compositeur qui pourrait connaître, avant de commencer à assembler une ligne, la dimension précise des espaces qu’il devra insérer entre les mots dans son composteur, de sorte que cette ligne soit justifiée exactement lorsqu’il y aura introduit la dernière lettre du dernier mot ! Voilà le genre de « compositeur » que constitue la fondeuse « Monotype » qui, avant de commencer à exécuter une ligne, dont tous les caractères ont leurs dimensions fixes déterminées, connaît l’épaisseur précise à donner aux espaces justificatives qu’elle comportera, de sorte que la ligne achevée soit mathématiquement de la justification demandée.
xxxx Pour réaliser ces conditions, le clavier mesure successivement l’épaisseur de chacun des caractères frappés et ajoute cette épaisseur à celles des caractères et des espaces provisoires déjà introduits dans la ligne en cours ; la dernière lettre de cette ligne étant composée, un mécanisme effectue la différence entre le total de toutes ces épaisseurs et la longueur de la ligne. Le nombre d’espaces provisoires insérées ayant également été enregistré par une tige indicatrice spéciale, il reste à répartir la quantité dont la ligne est courte entre ces espaces provisoires, afin d’augmenter leur valeur primitive de la proportion ainsi déterminée. Cette répartition est indiquée, automatiquement et sans aucun calcul, après la rotation, à la fin de la ligne, d’un tambour de justification divisé, sur lequel la tige indicatrice précitée désigne finalement deux nombres, que le claviste n’aura qu’à frapper dans deux rangs de touches rouges spéciales placées à la partie supérieure de son banc de clefs, et la ligne sera justifiée.


l’unité sur la machine « monotype »


7. La base essentielle des calculs de dimensions dans la composition de la machine « Monotype » est le pouce anglais. La sixième partie du pouce égale un pica ou cadratin de corps 12 anglais, qui vaut 12 points de ce pays ; donc, un pouce vaut : points anglais, et le point lui-même égale : de pouce.
xxxx L’unité fondamentale sur la machine « Monotype » est la dix-huitième partie du point anglais, autrement dit sa valeur est égale à :

.

Connaissant maintenant ce qu’est cette unité fondamentale, que l’on peut appeler unité de set 1, on obtiendra la valeur de l’unité d’un set donné en multipliant cette unité fondamentale par le nombre désignant ce set. Ainsi, par exemple, l’unité du set 9 1/4 égale :

Par suite, l’épaisseur ou largeur d’un caractère quelconque dans ce set s’obtiendra en multipliant simplement le produit de l’unité du set en question par la valeur en unités de ce caractère. Conséquemment, une lettre de 9 unités du set 9 1/4 aura donc une épaisseur de :


et le cadratin de ce set, valant 18 unités, mesurera :

Il existe actuellement un nombre très important de dimensions de set, s’étendant de 5 à 26 inclus, en s’accroissant consécutivement de 1/4 en 1/4 de set. Les épaisseurs des caractères des différentes valeurs d’unités dans chacun de ces sets sont données dans un tableau de dimensions de types, délivré avec les machines.
xxxx Il a également été établi par des calculs analogues, pour les différents systèmes de mesure usités en typographie, anglais, Didot, Fournier, etc., des tableaux de conversion donnant, pour toutes les justifications courantes exprimées en unités de ces systèmes et pour chacun des sets ci-dessus mentionnés, l’équivalent de chaque justification en dimensions propres à la machine « Monotype », désignées en cadratins, demi-cadratins et unités du set choisi.


le clavier « monotype », modèle « d »


8. Représentons-nous un instrument analogue à une machine à écrire de grande dimension (fig. 1), comportant les touches qui représentent les caractères romains et italiques, grandes capitales et bas de casse, plus l’alphabet de petites capitales ou, facultativement, les deux alphabets de caractères gras. La particularité la plus remarquable de ce clavier est que, bien qu’il possède un nombre assez élevé de touches, sa manœuvre est rendue excessivement simple par le fait que la disposition de tous ces alphabets est identique : cette disposition est celle uniformément adoptée pour toutes les machines à écrire et connue sous le nom de « clavier universel », groupement permettant le doigté le plus rapide et le plus aisé. L’opérateur a donc seulement à apprendre la constitution de l’un quelconque de ces alphabets pour être en mesure de composer à volonté et avec une égale facilité du romain, de l’italique ou du gras, et ceci d’autant mieux que les touches affectées à ces divers caractères sont de couleurs différentes.
xxxx En plus des touches de composition, on trouve, à la partie supérieure du banc de clefs, deux rangs horizontaux de touches rouges numérotées dans chacun d’eux de 1 à 15 ; ces touches servent à déterminer la justification, autrement dit à donner leur dimension exacte aux espaces variables ou justifiantes, frappées après chaque mot au moyen de deux barres d’espace situées symétriquement à la partie inférieure dudit banc de clefs. Il existe, en outre, une touche verte, servant à ramener les mécanismes
Fig. 5. — Vue des bancs de clefs, gauche et droit, du clavier « Monotype ».
calculateur et justificateur à leurs points de départ, prêts pour l’exécution d’une nouvelle ligne. Le fonctionnement de ces divers mécanismes est assuré par l’air comprimé, à 1 kilogramme de pression environ, fourni par une source quelconque, un compresseur par exemple, alimentant une canalisation sur laquelle est branché le robinet, avec tuyau flexible, qui la relie au clavier.

9. La disposition générale de ce clavier est la suivante :
xxxx Les touches ou clefs sont réparties sur deux cadres symétriques séparant le banc de clefs en deux moitiés, droite et gauche (fig. 5), qui s’enlèvent et s’échangent instantanément. Ces bancs de clefs s’adaptent directement sur deux autres cadres, amovibles et interchangeables également, dénommés châssis intermédiaires. Ces « intermédiaires » constituent en réalité le perfectionnement le plus important que présente le clavier modèle D, car ce sont eux qui permettent de changer à volonté la disposition du châssis-matrices sans modifier en quoi que ce soit l’ordre des touches.
xxxx Pour prendre un exemple, lorsqu’on veut passer du dispositif n° 1, à trois caractères (romain, italique et petites capitales), au dispositif avec italique et gras, il est simplement nécessaire de remplacer l’intermédiaire de droite par celui qui est affecté à ce dernier dispositif.
xxxx Un châssis intermédiaire est constitué essentiellement par la réunion de lames de combinaisons ou lames intermédiaires, dont le nombre est égal à celui des touches du banc de clefs correspondant. Chacune de ces lames intermédiaires présente, en un point convenable de son bord supérieur, un talon qui se trouvera attaqué par la touche dont cette lame sera l’organe transmetteur et, le long de son bord inférieur, deux dents dont les positions détermineront précisément la combinaison de perforation nécessaire à l’enregistrement du caractère figuré sur cette touche, quel que soit son emplacement dans le châssis-matrices ; là réside tout le secret de l’infinie variété de groupements de caractères que ce dispositif ingénieux permet de réaliser !

Il serait bon, pour l’instant, de jeter un coup d’œil sur la manière dont les changements de position successifs des matrices sur le moule sont contrôlés, sur la fondeuse, par la bande perforée par le clavier. On a vu, page 947, que les matrices, au nombre de 225, sont groupées dans leur châssis sous la forme d’un carré, qui en comporte quinze rangées dans chaque sens ; les rangées longitudinales, parallèles aux glissières du châssis, sont dénommées « colonnes » et contiennent chacune des matrices donnant des caractères d’une même épaisseur (un nombre déterminé d’unités, de 5 à 18, tandis que d’une colonne à l’autre cette épaisseur augmente ou diminue ordinairement d’une unité) ; les rangées transversales ont été appelées « lignes ».
xxxx Admettons que le repérage de chaque ligne et de chaque colonne de matrices soit assuré par une perforation particulière, à l’exception de la quinzième colonne (celle de 18 unités) et de la quinzième ligne, qui correspondent dans ces deux directions à la position de repos ou de limite de course du mécanisme, il en résultera immédiatement :
xxxx Que la matrice de cadratin, appartenant à la fois à la quinzième
Fig. 6. — Répartition et désignation des perforations sur la bande de papier.
colonne et à la quinzième ligne (fig. 24), ne nécessitera aucune perforation pour être représentée ;
xxxx Que chacune des quatorze autres matrices de cette quinzième colonne ou quinzième ligne précitées ne requerra qu’une perforation, celle de la ligne ou de la colonne à l’extrémité de laquelle elle se trouve ;
xxxx Enfin, que l’une quelconque des 196 autres matrices du châssis auront besoin de deux perforations pour être mises en position : une pour la colonne à laquelle elle appartient, déterminant en même temps la valeur d’unités correspondante, la seconde pour la ligne à l’intersection de laquelle la matrice choisie se rencontre dans ladite colonne.
Fig. 7. — Vue perspective montrant l’action d’une touche sur la lame intermédiaire correspondante, qui sélectionne les valves voulues.
En résumé, la totalité des combinaisons de perforations de mise en position des matrices ne nécessitera donc que :

poinçons.

Le clavier en comporte 31, dont deux sont d’un diamètre quelque peu supérieur aux vingt-neuf autres ; ces deux poinçons correspondent aux deux rangées de clefs de justification (touches rouges), dont il a été parlé page 951, et servant à contrôler le mécanisme justificateur de la fondeuse. Le dernier poinçon qui reste à considérer (en réalité, le dixième dans l’ordre réel qu’il occupe) est le poinçon de l’espace justifiante ou espace variable.
xxxx La figure 6 montre le fac-similé d’un fragment de bande perforée comportant les diverses perforations, avec leur désignation. Les deux premières, situées juste au-dessous de la ligne supérieure qui les comprend toutes, sont les perforations de justification, reconnaissables à leur diamètre plus grand et correspondant chacune à l’un des rangs de touches rouges sur le clavier et à un coin de justification particulier sur la fondeuse ; elles sont ordinairement utilisées en connexion avec une perforation de valeur d’unités ou de repérage de colonne, numérotées de 1 à 14 dans la moitié de droite de la ligne supérieure de perforations et reproduites un peu plus bas que celle du deuxième rang de touches de justification précitées.
xxxx Les quatorze trous représentés dans la ligne qui vient ensuite, dans la moitié gauche de la bande, sont les perforations de sélection ou de repérage de ligne ; elles ne sont pas absolument contiguës comme celles des colonnes, mais ceci n’a aucune importance quant à leur action réelle sur la fondeuse.
xxxx Le groupe de deux perforations qui se présente un peu plus bas constitue la perforation d’espace justifiante et comprend, en combinaison avec le trou de repérage de la colonne de 6 unités, dans laquelle la matrice correspondante
Fig. 8. — Figures représentant une valve au repos, puis en action.
est située, un second trou (celui de gauche), gouvernant l’action des organes de transfert, dont on a parlé lors de la description de la fondeuse, qui déterminent la mise à dimension du moule pour la fonte des espaces variables.
xxxx On constatera de suite qu’il n’existe pas de perforation indiquant la position de la quinzième colonne, pas plus que de la quinzième ligne, particularités déjà mentionnées, et, lorsque l’on s’occupera, au chapitre suivant, du mécanisme de mise en position des matrices, on expliquera comment, pour la fonte de cadratins lorsque le châssis doit être repéré à sa quinzième position dans chaque sens, aucune perforation ne doit exister sur la bande, ce qui se voit (fig. 6) dans les deux sections qui suivent la perforation d’espace dont on parlait tout à l’heure. En fait, un blanc, ou même une simple perforation, est en quelque sorte une double perforation imaginaire.
xxxx Les lignes de trous continus existant de chaque côté de la bande de papier « Monotype » ont pour but d’en assurer l’entraînement précis et le guidage, au moyen des roues dentées que possède le clavier, ainsi que la fondeuse, et l’avancement du papier, pour chaque caractère enregistré, est égal à la distance d’un de ces trous au suivant, autrement dit au « pas » de ces perforations marginales.

10. Lorsque le compositeur agit successivement sur les touches, le clavier doit remplir les trois fonctions principales suivantes :

1° Les perforations correspondant à la mise en position de la matrice que chaque touche désigne doivent être exécutées dans la bande de papier ;
Fig. 9. — Vue perspective montrant les organes de commande des poinçons et de contrôle de la crémaillère des unités.

2° La valeur en unités du caractère représenté doit être mesurée, puis ajoutée aux valeurs d’unités précédemment enregistrées dans la ligne en cours ;

3° Enfin, la bande de papier doit être avancée d’une division après chaque frappe de touche, pour être prête à recevoir la perforation suivante.

La figure 7 fait tout d’abord comprendre par quels moyens l’action du doigt de l’opérateur sur une touche est transmise jusqu’aux valves qui mettront en jeu les poinçons voulus. Quand une touche A se trouve abaissée pour l’enregistrement du caractère qu’elle porte, la palette qui termine le bras inférieur de son levier B vient appuyer derrière le talon Cl appartenant à la lame intermédiaire C qu’elle élève de ce fait. Cette lame intermédiaire possède, le long de son bord inférieur, deux dents qui attaquent chacune un cadre oscillant D, lequel transmet directement son mouvement à une barre de valve E, qui se meut ainsi dans le même sens que la lame intermédiaire.
xxxx Les deux barres de valve E, sélectionnées par la lame de combinaison C ou lame intermédiaire, déterminent donc l’ouverture des valves F correspondantes, lesquelles admettront l’air comprimé provenant de la chambre B (fig. 8), par les tubes I, jusqu’aux deux pistons B (fig. 9). Chacun de ces pistons est connecté avec un levier de piston C, qui produira l’élévation de sa barre porte-poinçon D, et les deux poinçons E choisis exécuteront les perforations nécessaires dans la bande de papier. À cet effet, celle-ci est maintenue entre la barre-guide des poinçons W et un cylindre-matrice fixe, non représenté, dans lequel se ramasseront, entre parenthèses, les confetti minuscules ainsi découpés.
xxxx La seconde fonction est dévolue au mécanisme calibreur et totalisateur, actionné par le cadre de rappel f qui oscille lors de l’élévation des leviers de pistons C (fig. 9) ; une biellette R transmet ce mouvement par le balancier G au levier combiné H, assurant d’abord l’engrènement de la crémaillère des unités D avec la roue d’unités C (fig. 10).
xxxx Dès que, par la continuation de ce mouvement, le levier d’arrêt G (même figure) se trouve dégagé de la roue d’unités,
Fig. 10. — Ensemble du mécanisme d’enregistrement des unités.
celle-ci tourne, en sens inverse des aiguilles d’une montre, sous l’impulsion de la crémaillère principale B, poussée par le piston I, qui est soumis à une pression d’air constante dans le cylindre A. La crémaillère des unités D se déplace donc vers la droite jusqu’à ce que sa butée vienne prendre contact avec un arrêt de calibrage F mis en jeu par la barre du poinçon de colonne (barre D) de droite (fig. 9), le petit balancier U et la lame de connexion T. Cet arrêt de calibrage occupe une position telle que la roue d’unités C (fig. 10) aura ainsi tourné d’autant de dents que le caractère frappé vaut d’unités.
xxxx Les arrêts de calibrage F, qui présentent une épaisseur uniforme égale à une dent de la crémaillère d’unités D, sont groupés côte à côte dans un support et se trouvent reliés dans l’ordre voulu avec les différentes barres des poinçons, de manière que chacune d’elles détermine exactement la course correspondant à la valeur en unités de sa propre colonne. Cette connexion est assurée par une boîte de calibrage interchangeable, analogue aux châssis-intermédiaires, ce qui permet, dans certains cas, de modifier la combinaison de valeurs d’unités des châssis-matrices.
xxxx Dès que la touche est libérée, le levier d’arrêt G vient reprendre contact avec la roue d’unités qu’il immobilise dans sa nouvelle position, puis la crémaillère d’unités D se dégage de la denture de cette roue et se trouve ramenée vers la gauche par un levier de rappel et son ressort (non figurés) jusqu’à son point de repos, tandis que l’arrêt de calibrage F actionné retombe au niveau de ses voisins, et l’ensemble de ce mécanisme est prêt pour l’enregistrement de la valeur du caractère suivant.
xxxx 
Fig. 11. — Mécanisme actionnant le pointeur de justification.
Lorsque le compositeur agit sur l’une des deux barres d’espace mentionnées page 951, pour la frappe d’une espace justifiante, il provoque, outre les perforations voulues, la mise en fonction du petit mécanisme représenté par la figure 11. Sur la canalisation aboutissant au piston du deuxième poinçon (perforation d’espace) est dérivé un tube A, par lequel l’air est admis à ce moment sous le piston B qui, faisant osciller le levier C, cause l’élévation du cliquet D. Ce dernier, attaquant la crémaillère F, qui porte à sa partie supérieure le pointeur de justification I, la fait monter d’une dent, et le cliquet fixe G retient cette crémaillère pendant que le cliquet D retombe au repos.
xxxx Le pointeur I se présente donc, par rapport au tambour de justification (fig. 12), devant une zone horizontale dont la hauteur correspond au nombre d’espaces mises dans la ligne en cours.
xxxx 
Fig. 12. — Tambour de justification set 7 3/4.
La figure 10 nous montre également les organes permettant à l’opérateur de rendre compte de l’avancement de la ligne qu’il compose. La crémaillère E, dite crémaillère des « ems », indique, par le moyen de l’index O qui se déplace devant l’échelle des ems M, le nombre de cadratins, ou ems, et demi-cadratins restant encore disponibles pour compléter cette ligne.
xxxx Le mécanisme qui vient ensuite, par lequel le tambour de justification (fig. 12) est automatiquement actionné en temps voulu et se trouve arrêté en position exacte après l’enregistrement du dernier caractère, est représenté par la figure 13. À partir du moment où l’index de la crémaillère des ems A a atteint la division 4 sur l’échelle, le piston-moteur B, venant en contact avec le coulisseau de butée C, détermine à chaque enregistrement d’un nouveau caractère, et malgré la pression d’air s’exerçant continuellement sur le piston de rappel D, une rotation partielle du tambour E qui correspond précisément à la valeur en unités de ce caractère. Cette rotation amène devant l’extrémité du pointeur de justification une nouvelle section de tambour précité, indiquant, dans chacune de ses positions, les deux touches rouges qui seraient à frapper pour justifier la ligne, ce que nous verrons plus loin.
xxxx Pour assurer l’enregistrement successif des perforations sur la bande de papier, il est nécessaire de pourvoir au déplacement régulier de celle-ci : troisième fonction mentionnée page 957.
Fig. 13. — Mécanisme de commande automatique du tambour de justification.
Dans ce but, un mouvement particulier d’encliquetage, détaillé sur la figure 14, est commandé par la tige A, soumise à l’action d’un balancier mû par deux petits pistons, non représentés ici, mais dont le jeu est immédiatement compréhensible quand on regarde fonctionner le clavier. Chaque fois qu’une touche est abaissée, cette tige, dont la course est réglée par des butées, descend en faisant osciller à gauche le levier d’encliquetage Z ; ce mouvement permet au cliquet d’entraînement C de s’engager dans la dent suivante du rochet Y. Aussitôt la touche actionnée rendue libre, la tige A remonte et le cliquet C oblige le rochet précité à tourner, ainsi que son arbre W et les roues d’entraînement du papier, goupillées sur celui-ci. Le cliquet de détente G s’oppose normalement à tout mouvement en arrière du rochet Y, et le cliquet d’arrêt E, coopérant avec le contre-rochet X, a pour mission d’éviter qu’il passe plus d’une dent à chaque mouvement d’oscillation du levier d’encliquetage Z. Le pas des perforations marginales de la bande est de 1/8 de pouce anglais ; la dimension des perforations étant de 1/16 de pouce, il s’ensuit que la distance la plus réduite pouvant exister entre deux trous voisins est de 1/16 de pouce également.
xxxx Un dispositif complémentaire est prévu pour assurer, au fur et à mesure, sur une bobine spéciale, l’enroulement du papier venant d’être perforé, en le maintenant convenablement tendu pendant le travail. La figure 14 montre, articulée avec le levier d’encliquetage Z, une biellette H, connectée à son extrémité supérieure avec le levier d’enroulement T, qui obéit alors au mouvement du levier Z et oblige le cliquet S à saisir le rochet d’enroulement J, une ou deux dents en arrière, en même temps qu’il arme le ressort de tension I. On comprend de suite que, lors du relèvement de la touche, la tige A, en remontant, fait osciller sur la droite le levier Z qui libère la biellette H (à cause de l’ouverture oblongue visible à la partie inférieure de celle-ci), laissant conséquemment le ressort I rappeler le cliquet S et son levier T sur la droite pour assurer l’enroulement et la tension correcte du papier.
xxxx Ayant ainsi décrit les diverses fonctions se rapportant à l’enregistrement des perforations sur la bande de papier, il reste maintenant à considérer de quelle manière la composition et la justification des lignes sont réalisées.
Fig. 14. — Mécanisme d’avancement et d’enroulement du papier.
À la partie avant du mécanisme enregistreur, on a remarqué, bien en vue (fig. 10), une échelle graduée, l’échelle des ems, analogue à un typomètre et comprenant 65 divisions principales, représentant des cadratins, entre lesquelles existent des traits plus petits, indiquant les demi-cadratins.
xxxx Dans la composition de la machine « Monotype », le cadratin ou em vaut uniformément 18 unités, correspondant à 18 dents sur la roue d’unités, et le demi-cadratin ou « en »[3] mesure par conséquent 9 unités, ou 9 dents sur ladite roue. Celle-ci possède 162 dents et son limbe porte dix-huit divisions égales, représentant chacune 9 unités ou un demi-cadratin ; une révolution complète de cette roue enregistre donc exactement 9 cadratins. En son centre se trouve un pignon qui compte aussi dix-huit dents et s’engrène constamment avec la crémaillère des ems E (fig. 10), portant l’index O, qui se déplace devant l’échelle des ems précitée ; la division de celle-ci étant égale à la denture de la crémaillère E, on voit de suite que l’avancement de 9 dents sur la roue d’unités correspondra à un demi-cadratin (ou en) sur cette échelle. Par conséquent, les rotations partielles successives que pourra subir la roue d’unités seront en quelque sorte totalisées et représentées, en cadratins et demi-cadratins, par le déplacement de la crémaillère des ems et de son index O devant l’échelle en question, en même temps que la position occupée à chaque instant par cet index renseignera le compositeur sur le nombre d’ems et de demi-ems restant disponibles dans la ligne en cours. On doit ajouter que, lorsque la dent de droite du levier d’arrêt G, prise comme, repère, est, au repos, en concordance avec un des traits gravés sur la roue C, l’index O se trouve exactement en face d’une des divisions de l’échelle des ems M.
xxxx La course de la crémaillère des ems E est variable entre 2 ems environ et 65 ems et se règle par le moyen d’un curseur de butée, déplaçable sur la glissière K (fig. 10), qui la guide et que l’on aperçoit sur la figure 1, sous la forme de deux cornes qui servent à le manœuvrer, se présentant sur cette glissière à un centimètre de son extrémité gauche. Un bouton micrométrique permet d’ajuster la position de ce curseur à une unité près.
xxxx Lors de la mise en route d’une composition au clavier, l’opérateur doit d’abord s’enquérir de la désignation des caractères choisis pour ce travail et de leur dimension de set ; ensuite, la justification lui ayant été indiquée en cicéros et demi-cicéros, il devra convertir celle-ci en cadratins, demi-cadratins et unités du set. Cette valeur sera immédiatement trouvée sur un barème nommé Tableau d’équivalents de cicéros, fourni avec les machines. Ce tableau donne, dans chacune de ses colonnes verticales, correspondant aux différents sets, et en regard des justifications par demi-cicéros, le nombre de cadratins, demi-cadratins et unités sur lequel devra être justifié le curseur de butée pour déterminer à la fondeuse la justification demandée.
xxxx Ainsi, par exemple, un travail devant être exécuté en série Ronaldson 10-10, de set 9 3/4, sur 21-cicéros, on trouvera sur le Tableau d’équivalents, à l’intersection de la colonne de set 9 3/4 et de la ligne correspondant à 21 cicéros, la valeur : 27 cadratins et demi, plus une unité. Si cette composition doit être faite, par contre, en Moderne large, série 7-12, de set 12, le tableau indiquera, pour cette même justification de 21 cicéros, une valeur de 22 cadratins, plus 7 unités. Si on choisit finalement ce dernier genre de caractères, l’opérateur ajustera alors son clavier sur cette mesure, le munira d’un tambour de justification de set 12, puis, ayant frappé une touche rouge quelconque, du rang inférieur de préférence, pour assurer à la fondeuse l’amenée en galée de la dernière ligne qui se présentera (tout ceci se trouve expliqué plus loin), il sera prêt à commencer son travail.
xxxx Supposons que le texte qu’il doit composer débute comme suit : « La Monotype est une remarquable machine… »
xxxx Comme il s’agit de la première ligne d’un paragraphe, il frappera d’abord la touche du cadratin ; ensuite la lettre L capitale, etc. Ouvrons ici une parenthèse. On a vu, page 958, qu’il existe, en connexion avec les poinçons de repérage des colonnes de matrices, un certain nombre de palettes oscillantes K, F (fig. 9 et 10), appelées arrêts de calibrage, dont le rôle est de limiter exactement la course de la crémaillère d’unités D suivant la valeur du caractère frappé. Le premier de ces arrêts de calibrage, en commençant par la gauche, détermine un avancement de 4 dents de la roue, autrement dit l’enregistrement de 4 unités, cette quantité représentant l’épaisseur des types les plus minces, tandis que le dernier arrêt sur la droite permet l’enregistrement de 21 dents ou unités, dimension des caractères les plus larges. D’autre part, étant donné qu’il existe dans le châssis-matrices trois colonnes de 9 unités, l’arrêt de calibrage correspondant est soumis, par une disposition spéciale, à l’action de chacun des trois poinçons repérant ces colonnes ; de même, l’arrêt suivant obéit aux deux poinçons des colonnes de 10 unités. On se rappelle que tous ces arrêts ont la même épaisseur, équivalant au pas ou à la distance entre deux dents de la crémaillère d’unités.
xxxx Considérons maintenant ce qui va se passer dans notre clavier lorsque l’opérateur actionnera successivement les touches voulues, et, pour cela, reportons-nous aux figures ci-dessus. L’index O de la crémaillère des ems E a dépassé 22 ems, et l’un des traits gravés sur la roue d’unités C se trouve à 7 dents sur la droite de la dent de repère du levier d’arrêt G ; d’ailleurs, un autre trait de cette roue se présente en l’ace de la division 7 d’un petit vernier disposé vers son sommet, confirmant qu’on est bien ajusté à 22 ems et 7 unités.
xxxx La première touche frappée étant le cadratin, aucune perforation ne s’exécutera sur la bande, mais l’élévation des pistons extrêmes B causera d’abord l’engrènement de la crémaillère des unités D avec la roue C (fig. 10), en même temps que l’arrêt de calibrage de 18 unités sera élevé sur le trajet de cette crémaillère ; puis le levier d’arrêt G dégagera la denture de la roue qui, sous l’action de la crémaillère motrice B, poussée sur la gauche par le piston I, se mettra à tourner jusqu’à ce que le talon de la crémaillère D rencontre l’arrêt précité : la roue d’unités aura ainsi tourné de 18 dents, valant chacune une unité.
xxxx Dès que la touche est libérée, le levier d’arrêt G revient en contact avec la roue C qui se trouve ainsi maintenue dans sa nouvelle position ; ensuite l’arrêt de calibrage mis en jeu redescend et la crémaillère des unités D en fait autant et, aussitôt désengrenée d’avec la roue, se trouve rappelée à son point de départ par son ressort. Simultanément, ou plutôt vers la fin de ce retour au repos du mécanisme enregistreur, le mécanisme d’encliquetage de la figure 14 fait avancer la bande de papier d’un cran.
xxxx La touche suivante, L capitale, étant maintenant abaissée, le même cycle de mouvements se répétera identiquement, avec cette différence que, cette fois, ce sera l’arrêt de calibrage de 12 unités qui se présentera sur le trajet de la crémaillère D, en même temps que le poinçon de droite E (fig. 9), correspondant à la onzième colonne de matrices (colonne de 12 unités), perforera la bande de papier, tandis que le poinçon de gauche E, repérant la treizième ligne horizontale, agira semblablement, et ainsi de suite.
xxxx On a expliqué précédemment que toutes les matrices d’une colonne quelconque possédaient la même valeur d’unités, mais il existe une exception à cette règle. À la partie inférieure de la colonne de 6 unités est ordinairement placée la matrice d’espace justifiante ou espace variable, contrôlée par la barre d’espace située au bas de chaque banc de clefs. Ces barres d’espace mettent en jeu, en plus du poinçon de la colonne de 6 unités, le dixième poinçon à partir de la gauche (poinçon d’espace), contrôlant le mécanisme de transfert sur la fondeuse. La barre portant le premier de ces poinçons commande évidemment l’arrêt de calibrage de 6 unités, tandis que celle du second poinçon est connectée de son côté avec l’arrêt extrême de gauche qui, s’élevant simultanément avec le précédent, limite la course de la crémaillère d’unités à 4 dents au lieu de 6, ce qui signifie que chaque espace justifiante frappée est enregistrée provisoirement pour une valeur constante de 4 unités (sa dimension minimum) au cours de la composition de la ligne, exception à laquelle on vient de faire allusion.
xxxx L’opérateur achève maintenant de composer la ligne donnée comme exemple et celle-ci se termine par le sixième mot, « machine ». Au cours de ce dernier mot, un timbre, déclenché par la crémaillère des ems qui, partie de 22 ems et 7 unités, s’est peu à peu avancée vers la droite, a retenti en lui indiquant que cette ligne est arrivée dans sa zone de justification. On a exposé comment a été réalisé l’enregistrement successif de tous les caractères frappés, en même temps que la totalisation de leurs épaisseurs (espaces avec leur dimension provisoire comprise) ; il reste à démontrer par quels moyens va être effectuée et obtenue la justification, autrement dit la détermination précise de la dimension des espaces justifiantes que contiendra cette ligne une fois fondue.
xxxx On a vu comment l’échelle de justification ou tambour est mise automatiquement en rotation vers la fin de la ligne. La surface de ce tambour de justification (fig. 12) est divisée en 72 colonnes verticales, numérotées à leur partie inférieure de 0 à 71 et correspondant chacune à une unité ; en d’autres termes, la révolution complète de ce tambour équivaut à l’enregistrement de 72 unités, soit 4 cadratins (ou ems). Cette surface cylindrique est, en outre, partagée, dans le sens de sa hauteur, en 20 zones horizontales, séparées, de même que les bandes verticales ci-dessus, par des traits fins équidistants. Dans chacun des petits rectangles ainsi délimités se lisent deux nombres, présentant l’apparence d’une fraction, dont la signification va être expliquée dans un instant.
xxxx On sait également que, chaque fois qu’une espace justifiante est frappée, le pointeur de justification I se trouve élevé d’un cran par sa crémaillère F (fig. 11) et se présente de ce fait devant une zone horizontale du tambour qui correspond, à tout moment, au nombre d’espaces introduites dans la ligne. À partir de l’instant où l’index de la crémaillère des ems A (fig. 13) atteint la division 4 sur son échelle, position annoncée à l’opérateur par un timbre, le tambour E se met à tourner automatiquement, à chaque enregistrement d’un nouveau caractère (ou d’une espace), d’autant de divisions que ce caractère comporte d’unités, et sa position est déterminée de telle façon par son mécanisme de commande que le nombre qui se lit au bas de la tranche verticale en face de laquelle se présente le pointeur indique exactement, après chaque mouvement du tambour, de combien d’unités la ligne reste courte.
xxxx Revenons maintenant à l’exemple de la page 962 et effectuons le total des épaisseurs de tous les caractères et espaces de cette première ligne :

= 378 unités.

Donc, à la fin du mot « machine », 378 unités ont été totalisées dans la ligne et, comme le clavier a été ajusté sur 22 ems et 7 unités, soit :

unités,


la ligne est trop courte de :

unités,


nombre qu’on lit d’ailleurs au bas de la tranche verticale du tambour devant laquelle se présente le pointeur de justification, et ce dernier se trouve, de son côté, à la hauteur de la cinquième bande horizontale.
xxxx Si l’on calcule ce que vaut cette différence, en se reportant aux explications données page 950, on trouvera d’abord que l’unité de set 12 vaut :

de pouce,


ce qui fait pour 25 unités manquantes :

de pouce.

Il ne s’agit que de répartir également cette quantité entre les cinq espaces employées pour que la ligne en question soit parfaitement justifiée. Chaque espace devra ainsi être augmentée de :

de pouce.

Si on remarque maintenant, chose évidente, que toutes les lignes possédant ce même nombre d’espaces et se trouvant trop courtes de la même quantité que ci-dessus détermineront le repérage par le pointeur du même petit rectangle sur le tambour, on pourra conclure qu’il n’y aura qu’à inscrire dans ce rectangle les données, calculées comme on va le voir, qui réaliseront sur la fondeuse l’augmentation d’épaisseur que requerrait l’espace justifiante pour compléter l’une quelconque de ces lignes.
xxxx En parlant du banc de clefs, on a mentionné l’existence, à sa partie supérieure, de deux rangées de touches rouges, numérotées semblablement de 1 à 15 dans chacune d’elles (fig. 5). Ces touches font effectuer des perforations dans la bande de papier, de la même manière que les touches des caractères, mais dans des buts tout différents. Ces touches rouges sont utilisées à la fin de chaque ligne, et l’une des perforations qu’elles produisent (celle de plus grand diamètre sur la figure 6) sert, lorsque la bande est mise sur la fondeuse : 1° à suspendre l’action de la pompe et en même temps à envoyer la ligne achevée à la galée ; 2° à causer l’engagement d’un coin spécial avec certains organes, de manière qu’il puisse être amené dans la position que délimite en même temps la seconde perforation. Il existe deux de ces coins spéciaux, nommés coins de justification, l’un offrant une pente très faible, l’autre présentant une inclinaison beaucoup plus accentuée. Cette partie du mécanisme de la fondeuse sera décrite en détail plus loin, mais il faut, pour être compris, dire ici quelques mots de son action.
xxxx La justification de la composition obtenue sur la machine « Monotype » est basée sur l’accroissement de l’épaisseur minimum (4 unités du set employé) de chaque espace justifiante de la quantité nécessaire pour obtenir des lignes de longueur correcte. Le coin faible de justification, contrôlé par le rang inférieur des touches rouges, augmente cette épaisseur de 0,0005 de pouce par cran, tandis que le coin le plus fort, gouverné par le rang supérieur des touches justificatives, l’accroît quinze fois plus pour un déplacement égal.
xxxx Chacun de ces coins de justification peut prendre quinze positions équidistantes, qui concordent avec les quinze repérages des colonnes de matrices du châssis, et leur point de départ initial ; pour le set 12, correspond aux touches 1-1 des deux rangs précités. Partant de ces positions, si on frappe la touche 2 du rang inférieur, on augmentera l’espace de un demi-millième de pouce ; la touche 3 qui suit l’augmenterait de deux demi-millièmes, et ainsi de suite jusqu’à la touche 15, qui produirait un accroissement d’épaisseur de 14 demi-millièmes, ou 0,007 de pouce. Si on veut continuer cette série, il faut ramener le coin dépendant de ce rang inférieur en position 1 et frapper la touche 2 dans le rang supérieur, ce qui ajoutera à l’espace 0,0075 de pouce, soit encore un demi-millième de plus. En recommençant de nouveau la même manœuvre avec les touches rouges du rang inférieur, on l’augmentera toujours de un demi-millième de pouce chaque fois que l’on frappera la touche suivante ; puis, arrivé à la dernière, on appuiera sur la touche 3 du rang supérieur, en revenant à la position 1 dans le rang inférieur, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on ait atteint les touches 15 des deux rangs.
xxxx Par ce procédé simple, on aura pu obtenir sans difficulté espaces différentes dont l’épaisseur progresse par demi-millième de pouce, c’est-à-dire moins de deux centièmes de millimètre ! Le principe d’action des coins de justification est en tous points comparable au fonctionnement d’un appareil numéroteur ou compteur quelconque ; en effet, dans un instrument de ce genre, le disque des unités effectue une révolution par dixième de tour, et, lors du passage du 9 au 0, le disque des dizaines avance d’une division ; puis le premier continue sa rotation, unité par unité, jusqu’à accomplissement d’une nouvelle révolution, qui provoque un second report de dizaine, et ainsi de suite. Dans la justification sur la machine « Monotype », le rang inférieur de touches rouges tiendrait lieu de rang des unités, celles-ci valant en réalité 0,0005 de pouce ; et le rang supérieur, celui des quinzaines, dans cette numération quinto-décimale.
xxxx Par le calcul (p. 964) on a trouvé que chacune des cinq espaces de la ligne, à laquelle il manque 25 unités, requiert une augmentation d’épaisseur de 0,0462 de pouce. En divisant cette quantité par 0,0075, on saura le nombre de crans dont devra être reculé le coin de justification le plus fort ; la réponse est 6, et il reste 0,0012 qui, divisé par 0,0005, donne : 2, indiquant le nombre de crans pour le déplacement à faire subir au coin le plus faible. Or, dans le set 12, qu’on a pris comme exemple, les positions de départ de ces deux coins, correspondant à la dimension minimum de l’espace justifiante, soit 4 unités (valeur pour laquelle elle est provisoirement enregistrée), sont données par les touches 1-1 ; par conséquent, pour justifier la ligne, on devra frapper la sixième touche après la première, dans le rang supérieur, c’est-à-dire la touche 7, et la deuxième après la première également dans le rang inférieur, autrement dit la touche 3. Pour conclure, si on marque maintenant les deux nombres 7 et 3 l’un au-dessous de l’autre dans le petit rectangle désigné par le pointeur sur le tambour, on aura ainsi une indication permanente et définitive des clefs rouges à utiliser pour toute ligne comportant 5 espaces et 25 unités en moins, quelle qu’en soit la justification propre, puisqu’il ne s’agit là que d’un certain nombre d’unités manquantes à répartir entre un nombre donné d’espaces.
xxxx En effectuant semblablement ces calculs pour des lignes comprenant de une à vingt espaces et courtes de 0 à 71 unités, dans ce set 12, on trouverait de la même manière quelles touches rouges il faudrait actionner pour obtenir la justification exacte dans chacun de ces cas, et on pourrait marquer de même chaque résultat dans le petit rectangle correspondant : c’est ce qui a été réalisé par les techniciens qui ont créé la machine « Monotype ».
xxxx Il ressort naturellement de ces explications que, pour chaque changement de set, il est indispensable de munir le clavier d’un nouveau tambour correspondant à ce set, car, en effet, une ligne trop courte de 25 unités, pour rester dans l’exemple, nécessitera, en set 12, la répartition de 0,231 de pouce entre ses espaces, pendant que ce même nombre d’unités, en set 6, ne vaudra plus que 0,1155, l’unité de set 6 étant évidemment deux fois plus faible que celle de set 12.
xxxx Le tambour est actionné automatiquement à partir de 4 cadratins, lus sur l’échelle des ems. Sa position est réglée, dans le sens de sa rotation, de telle façon par son mécanisme de commande que, lorsqu’une ligne s’achève exactement sur 0 em, 0 unité, autrement dit lorsqu’il ne lui manque aucune unité pour être complète, le pointeur se présente juste en face de sa première tranche verticale, marquée du reste du chiffre 0 à sa partie inférieure ; on observera en même temps que, quelle que soit la hauteur à laquelle le pointeur se trouve, il indique le même symbole ou combinaison de touches rouges à frapper, étant donné que les espaces justifiantes, en nombre quelconque dans cette ligne, devront chacune mesurer uniformément et exactement 4 unités, puisqu’il ne reste aucune surépaisseur à leur adjoindre. Ce symbole de dimension minimum de l’espace, qui diffère d’ailleurs d’un tambour à l’autre d’après la valeur du set, s’appelle la constante du tambour.
xxxx La première ligne ayant été composée et les touches de justification voulues actionnées, l’opérateur doit continuer par la suivante, mais il lui faut auparavant ramener la crémaillère des ems à son point de départ (pour lequel le clavier a été réglé) et faire retomber au repos le pointeur de justification. Ces fonctions sont simultanément réalisées en agissant sur une touche verte, dite de renversement ou de rappel de ligne, située à l’angle inférieur gauche du banc de clefs de droite. Cette touche supprime la pression d’air agissant dans le cylindre moteur A et l’admet dans celui de renversement V (fig. 10), en même temps que, par l’action d’un piston prévu dans le même bloc guidant le piston B (fig. 11), elle dégage le levier d’arrêt G de la denture de la roue d’unités, sans cependant faire engrener avec elle la crémaillère des unités D ; la roue est donc à ce moment libre d’obéir à l’action de la crémaillère motrice B, poussée par le piston de gauche, non représenté, et tourne jusqu’à ce que la crémaillère des ems E soit venue buter contre son curseur réglable (mentionné p. 962) ; en même temps, un organe particulier, connecté avec le dispositif de relevage du levier d’arrêt G précité, écarte simultanément les deux cliquets D et G (fig. 11) de la crémaillère F portant le pointeur I, ce qui lui permet de redescendre à son point de repos. Une petite manette, située à gauche du bâti perforateur, permet de simplifier encore cette manœuvre de renversement en la faisant exécuter automatiquement par une clef quelconque du second rang de touches rouges, au moment où l’opérateur l’actionne pour achever la justification de la ligne qu’il vient de perforer.

11. Avant de terminer ce paragraphe, il faut dire quelques mots du dernier modèle de clavier créé, le type « DD ». Ce clavier (fig. 15) représente en réalité deux machines réunies en une seule, bien qu’il ne possède qu’un nombre de touches égal au modèle « D ». Il comporte deux bâtis perforateurs et deux mécanismes enregistreurs et justificateurs, utilisant deux tambours de justification distincts. Il permet au compositeur d’exécuter simultanément le même travail en deux genres de caractères et deux justifications différentes, si on le désire. Par exemple, un roman peut être transcrit pour une édition populaire en 11 set, sur une justification de 30 cicéros, d’un côté de cette machine, en même temps qu’il se trouvera perforé, de l’autre côté, poux une édition de luxe, en 8 1/2 set, sur 18 cicéros, ou tout autre dimension, et ceci sans aucune complication ni difficulté pour l’opérateur.
Fig. 15. — Le clavier « Monotype » modèle « DD ».
De même, une composition comprenant un grand nombre de caractères différents à combiner ensemble, ce qui nécessiterait en fait 450 matrices, pourra être réalisée très simplement et sans aucun trouble ni perte de temps. Ce clavier permet également de travailler sur de très grandes justifications, allant jusqu’à 112 cicéros, ou de composer des tableaux compliqués, comprenant deux dimensions de caractères et de multiples séries de chiffres, etc…
xxxx Il est utilisable immédiatement comme simple clavier, pour un travail courant ; il n’y a qu’à tourner d’un côté ou de l’autre la manette du petit distributeur pneumatique placé juste au-dessus de son banc de clefs pour provoquer le verrouillage et, par conséquent, l’arrêt de l’un ou de l’autre des mécanismes perforateurs. À part ce détail, ses éléments constituants sont en tous points semblables à ceux du clavier « D ».

la fondeuse « monotype »

12. La fondeuse « Monotype » (fig. 16) est une machine dont le fonctionnement, entièrement automatique, est commandé essentiellement par la bande de papier perforée sur le clavier que l’on vient d’étudier, et qui fond successivement, dans l’ordre voulu par le texte, tous les caractères et espaces que doit comporter chaque ligne et les assemble au fur
Fig. 16. — La fondeuse « Monotype », vue de face.
et à mesure ; aussitôt complétée, cette ligne, qui se trouve parfaitement justifiée, est transportée mécaniquement sur une galée, où elle vient rejoindre les lignes précédentes pour former un paquet de composition.

13. L’élément principal de cette machine est le moule, dans lequel se forme le corps des caractères, dont il détermine exactement les trois dimensions. Le moule est fixé sur la table de la fondeuse, juste au-dessus du creuset, lequel est rempli d’alliage à caractères (constitué d’antimoine, d’étain et de plomb en certaines proportions), maintenu en fusion à la température convenable par le moyen de deux ou trois brûleurs Bunsen, suivant le modèle. Dans le creuset se trouve une pompe à haute pression, dont le corps et le canal de refoulement sont immergés dans le métal fondu.
xxxx La cavité du moule, dans laquelle prennent naissance les caractères, est ouverte à sa partie supérieure ; pour l’injection du métal, il est nécessaire que cette ouverture soit obturée, et ce rôle est dévolu à l’une des matrices, dans laquelle se formera l’œil du caractère choisi.
xxxx On a vu que ces matrices, au nombre de 225, sont contenues dans un châssis et s’y trouvent rassemblées en formant un carré comportant quinze d’entre elles dans chaque sens. Ce châssis-matrices est guidé dans un plan horizontal par un système de glissières qui lui permettent de se déplacer suivant deux directions perpendiculaires, ainsi que de s’appliquer sur le moule à chaque révolution du mécanisme. Lorsque le caractère est fondu, il possède à sa partie inférieure un « jet » ayant servi à sa coulée et qui se trouve sectionné par le mouvement de l’un des blocs du moule ; ce mouvement est provoqué par un organe particulier, le transporteur de types, dont la fonction consiste à recevoir le type à sa sortie du moule et à l’amener devant le canal d’assemblage de ligne, dans lequel il est alors éjecté, chaque nouveau caractère avançant le précédent dans ce canal, jusqu’à ce que les perforations de justification déterminent le mouvement d’un mécanisme de galée qui assurera le transfert de la ligne achevée et sa superposition avec la ligne mise en galée quelques instants auparavant. Ces fonctions se renouvelant périodiquement, il en résulte qu’au bout d’un certain temps cette galée est remplie et qu’il suffit alors de l’enlever et de la remplacer par une vide, sans qu’il soit pour cela nécessaire d’arrêter la machine. Un bloc extensible sert de support pour la première ligne délivrée et maintient ses caractères d’aplomb pendant son avancement successif sous l’action des lignes suivantes entrant en galée.
xxxx Les types fondus sont solidifiés presque immédiatement par le moyen d’un courant d’eau froide circulant au travers du moule, en même temps que dans la partie de la table de la machine sur laquelle ce dernier est fixé ; le débit de cette eau de refroidissement est très faible et se règle d’ailleurs suivant la dimension des caractères obtenus. Les matrices sont, de leur côté, soumises à l’action d’un jet d’air comprimé qui les maintient à une température convenable.
xxxx Si cette machine ne comportait pas d’autres mécanismes que ceux énumérés ci-dessus, elle ne différerait pas des fondeuses à caractères ordinaires, donnant un type à chaque révolution de leur arbre moteur, mais, comme la fondeuse « Monotype » est essentiellement une machine à fondre et à composer, il est nécessaire que les types qu’elle produit d’une manière continue soient différents l’un de l’autre et correspondent au texte qu’elle doit convertir en caractères mobiles, correctement assemblés.
Fig. 17. — Action d’une came et de sa contre-came sur leur levier à galet.
Il faut donc que le châssis-matrices change constamment de position au-dessus de l’orifice du moule, de façon que les matrices requises viennent dans l’ordre voulu se présenter pour le fermer, en même temps que la lame du moule prendra la position précise dont dépendra l’épaisseur de chaque type fondu. Ces conditions sont contrôlées, ou gouvernées en quelque sorte, par la bande de papier perforé que nous connaissons.

14. La fondeuse est, par son principe même, absolument indépendante et s’installe sans aucune difficulté à une distance quelconque du clavier qui lui prépare sa besogne. Elle nécessite simplement : une force motrice quelconque, pourvu qu’elle soit régulière, à laquelle elle emprunte moins d’un demi-cheval pour son fonctionnement ; une alimentation d’air comprimé, à la même pression (1 kilogramme) que pour le clavier, pour assurer le déchiffrage de la bande perforée et le contrôle des organes de composition et de justification ; une canalisation de gaz et d’eau, pour le chauffage de son creuset et le refroidissement du moule. Son mécanisme est divisé en plusieurs groupes distincts qui sont actionnés, chacun pour leur compte, par huit leviers, soumis à deux jeux de cames et contre-cames, clavetées sur deux arbres parallèles supportés à sa gauche dans un bâti spécial. La disposition de ces cames, dont le profil convexe sur l’une correspond à une zone concave sur l’autre, assure aux leviers b un mouvement positif dans chaque sens (fig. 17), condition indispensable lorsque divers organes s’entre-suivent ou s’entre-croisent à des intervalles de temps très rapprochés ; l’emploi de cames simples et de ressorts de rappel, dans de telles conditions, serait trop incertain, si ce n’est même dangereux.
Fig. 18. — Vue de la tour pneumatique.

Sur la vue d’ensemble, représentée par la figure 16, on distingue en A et A1 les roues dentées qui terminent les arbres de cames précités, en B le creuset et en C le piston de la pompe ; D est la cheminée, E la tour pneumatique, F le levier de centrage ; en G on voit, le mécanisme de galée, recouvert d’une tablette à compartiments I et garni en H de la galée proprement dite ; en K le pont, avec ses châssis mobiles supportant le châssis-matrices et son plongeur-centreur indiqué en L ; enfin, en M la poignée de mise en marche.
xxxx Lorsqu’un rouleau de papier perforé est reçu du claviste, il est mis en place sur le petit bâti E qu’on a appelé la tour pneumatique, de forme rectangulaire et qui renferme 31 tubes verticaux w (fig. 18), dont 28 assurent la communication entre les lumières t du cylindre déchiffreur u et deux groupes de goujons pneumatiques a (fig. 19), sortes de petits pistons logés dans les blocs de contrôle du mécanisme de mise en position dont on parlera plus loin. La bande de papier passe sur le cylindre u précité et présente chaque groupe de perforations en face des lumières qu’il comporte, au fur et à mesure de son avancement sous l’action des roues d’entraînement v, dont les chevilles
Fig. 19. — Ensemble du bloc du contrôle avant, ou bloc de contrôle d’unités.
s’engagent dans les perforations marginales. Quatorze des tubes w vont rejoindre un nombre égal de goujons pneumatiques dans le bloc de contrôle d’unités ou des colonnes (fig. 19), situé en avant, près du mécanisme de galée ; et quatorze autres aboutissent aux goujons pneumatiques du bloc de contrôle des lignes ou sélecteur, orienté perpendiculairement sur le côté droit, au voisinage du creuset.
xxxx Les trois tubes qui complètent le jeu font agir un nombre égal de pistons qui sont de dimensions un peu plus grandes que les goujons pneumatiques ci-dessus, logés en triangle dans un bloc de forme particulière, dit bloc de contrôle de justification, fixé au milieu de la machine, et qui déterminent respectivement l’engagement de trois tiges m sur un gradin n que comporte le levier de centrage B (fig. 20). La tige du milieu contrôle la mise à dimension du moule pour la fonte des espaces justifiantes, tandis que les deux tiges extérieures provoquent le changement d’épaisseur de ces espaces à chaque nouvelle ligne et mettent en même temps en marche le mécanisme de galée précité.
xxxx Lorsque la machine fonctionne, la bielle a (fig. 20), qui actionne un mécanisme d’encliquetage fort ingénieux, visible au haut de la tour pneumatique, cause la rotation, dent par dent, de la roue dentée h, calée sur le même arbre que les roues à chevilles v (fig. 18). La distance dont le papier avance ainsi à chaque révolution des arbres à cames est limitée par le contact entre la butée i, appartenant à un anneau oscillant qui porte le cliquet d’entraînement, et une vis de butée k et correspond exactement au pas des perforations marginales citées plus haut. Aussitôt ce contact assuré, la continuation de la descente de la bielle a détermine, par l’intermédiaire d’une biellette g, l’application d’un patin de cuir s (fig. 18), monté dans un cadre pivotant appelé barre à air et présentant une rainure longitudinale alimentée par le tube q. Le papier étant
Fig. 20. — Fondeuse vue du côté du train de cames.
pressé entre cette barre à air et le cylindre déchiffreur u, une petite valve d est ouverte par l’action du bras oscillant c, admettant alors l’air comprimé dans la cavité du patin s, qui coïncide exactement avec les lumières t (fig. 18).
xxxx Si la bande de papier présente à ce moment une perforation, simple ou double, en face de ces dernières, la pression d’air se transmet instantanément, par les tubes w correspondants, jusqu’aux goujons pneumatiques ainsi sélectionnés dans l’un et l’autre bloc de contrôle.
xxxx On a déjà expliqué comment les matrices sont disposées dans leur châssis, en rangées longitudinales ou colonnes, suivant leur valeur comprise entre 5 et 18 unités. Le châssis mobile, qui supporte et fait mouvoir transversalement le châssis-matrices, est pourvu d’une tige de commande dont la tête se déplace dans la direction e-e, au-dessus du bloc de contrôle d’unités u, représenté schématiquement sur les figures 21 à 23, et l’action des organes de mise en position du châssis est telle que, par exemple, si le premier goujon pneumatique est soulevé, la tête de la tige de commande précitée sera amenée en concordance avec lui, donnant comme résultat la présentation de la première colonne de matrices au-dessus de l’orifice du moule.
xxxx Lorsqu’aucun goujon pneumatique n’est actionné, la tige en question est sollicitée vers sa position de repos, ou de fin de course a gauche, déterminée d’ailleurs par un goujon fixe ; un blanc sur la bande perforée représente et contrôle en fait cette position de repos, correspondant au repérage sur le moule de la quinzième colonne de matrices (colonne de 18 unités), exactement comme si une perforation particulière la gouvernait. Les mêmes dispositions sont prévues pour le mouvement propre du châssis-matrices dans son sens longitudinal (direction d-d, mêmes figures), dépendant du bloc de contrôle des lignes, ou sélecteur, mais avec cette différence qu’au lieu de provoquer en même temps une variation de dimension du caractère, il n’en résulte uniquement que le choix ou sélection de la matrice requise, parmi les quinze que renferme la colonne repérée d’autre part comme on vient de l’exposer.
Fig. 21. — Diagramme montrant le principe de la mise en position du châssis-matrices ; position de repos (15e ligne et 15e colonne).
La figure 24 représente un des dispositifs de châssis-matrices dans lequel on remarque l’ordonnance des différentes lettres et signes des caractères romains, italiques, petites capitales et gras, suivant leurs valeurs en unités indiquées le long du côté gauche, ainsi que l’ordre des colonnes, dans le sens vertical sur cette figure, et l’ordre des lignes, dans le sens horizontal, au bas de l’encadrement. Sur la fondeuse, ce châssis serait, en réalité, renversé, puis tourné de 90° vers la droite.
xxxx Lorsqu’une matrice donnée a été présentée au-dessus du moule, la fonction suivante consiste à la centrer et à l’appliquer exactement sur ce dernier en concordance avec la cavité dans laquelle le corps du caractère sera formé. Ce rôle est assuré par le levier de centrage B (fig. 20 et 25), qui surmonte les mécanismes de mise en position et reçoit son mouvement de la quatrième paire de cames. Le bras horizontal de ce levier, connecté avec les organes du pont, cause, en s’abaissant, la descente du châssis-matrices, sans néanmoins forcer celles-ci sur le moule, tandis qu’un plongeur-centreur, guidé avec précision dans le pont et pourvu d’une extrémité conique rectifiée, pénètre au moment voulu dans le logement de même forme prévu à la partie supérieure de chaque matrice (fig. 4) et applique celle-ci exactement et avec une pression suffisante pour assurer l’étanchéité entre sa face inférieure et son siège sur le moule.
xxxx Il y a lieu d’observer que, d’une part, les mâchoires secondaires assurent simplement la mise en position approximative du châssis-matrices, de sorte que, d’autre part, le plongeur-centreur doit seulement rectifier la position de la matrice repérée pour réaliser l’alignement parfait de l’œil du caractère qu’elle porte, à la condition évidemment qu’il n’existe aucune malpropreté dans sa cavité conique et que celle-ci ne soit pas détériorée ; cette correction est d’ailleurs assurée avant que le contact ait lieu entre la face poinçonnée de la matrice et son siège sur le moule.
xxxx Le métal fondu est alors injecté dans la cavité de ce dernier, formant ainsi le caractère avec le relief correspondant à l’empreinte de la matrice centrée ; le mouvement de la pompe, sur lequel on reviendra, est déterminé au moment voulu par la seconde paire de cames.
xxxx Pendant ce temps, la crémaillère d’arrêt (fig. 19) se trouve déverrouillée, la bande de papier perforé est avancée d’un cran pour mettre en jeu d’autres goujons pneumatiques, et la suite de ces fonctions se répète ainsi sans interruption.
Fig. 22. — Diagramme montrant le principe de la mise en position du châssis-matrices ; position extrême opposée diagonalement à celle du cadratin (1re ligne, 1re colonne).
Le caractère étant presque instantanément solidifié, le châssis-matrices se relève sous l’action du levier de centrage B, qui dégage en même temps le plongeur-centreur pour laisser le châssis libre de prendre tout autre position. Le type nouvellement fondu est éjecté, par un mouvement en avant de la lame de moule u (fig. 25), dans le transporteur de types x et amené par ce dernier en face du canal d’assemblage de ligne, dans lequel il est introduit par un organe appelé expulseur, actionné par la huitième paire de cames. La fonte d’un caractère et l’introduction dans le canal de ligne du type précédent ont lieu dans le même instant.
xxxx Il convient maintenant d’examiner par quels moyens les différentes épaisseurs du corps des types sont déterminées dans le moule.
xxxx Les mâchoires secondaires o1-o2 sont pourvues de palettes horizontales x1-x2, dont la partie interne a pour objet, lors de leur jonction, de faire prendre à la tête K d’un coin particulier, appelé coin normal ou coin d’épaisseur A (fig. 26), une position qui dépend directement de celle de la crémaillère d’arrêt e au moment de leur fermeture, par conséquent de la colonne d’unités ainsi repérée. Le corps de ce coin normal A est disposé de telle manière et présente l’inclinaison et les reliefs voulus pour que, automatiquement, à chaque changement de position qu’il subit, la lame de moule se trouve réglée à la distance exacte de la paroi qui lui fait face, correspondant à l’épaisseur du type requis, quel qu’il soit.
xxxx On a examiné successivement comment les perforations d’enregistrement des caractères contrôlent les déplacements successifs du châssis-matrices, pendant la fonte d’un texte composé ; comment la dimension de la cavité du moule, dans le sens de l’épaisseur des types, est déterminée, d’une part, suivant la position qu’occupe le coin normal lors de la fonte de chaque caractère ou, d’autre part, d’après celles des coins de justification pour la fonte des espaces justifiantes ; enfin, par quels moyens les types, formés l’un après l’autre dans le moule, sont assemblés dans un canal spécial pour constituer la ligne. Il convient à présent de se rendre compte de l’action de la pompe, chargée d’injecter le métal dans le moule, et du fonctionnement du mécanisme de galée.
Fig. 23. — Diagramme montrant le principe de la mise en position du châssis-matrices : repérage d’une des matrices de l’intérieur et indication des valeurs d’unités et de la position des lignes et des colonnes de matrices.

xxxx La seconde paire de cames provoque, à chaque révolution des arbres de commande, l’oscillation d’un court levier de cames, dont l’extrémité supérieure est connectée avec une bielle E1 (fig. 27), pénétrant dans l’intérieur du bâti, où elle s’articule avec un levier d’accrochage F4, calé sur un arbre H1. Sur ce même arbre est monté fou un second clavier, d’enclenchement B1, pourvu à son extrémité d’un loquet A1, articulé librement sur un pivot G2 ; ce loquet présente une projection descendante A2, dans le voisinage de laquelle un manchon C1, porté par une tige coulissante D1, peut se déplacer d’avant en arrière sur cette figure.
xxxx Normalement, pendant le fonctionnement de la machine, le loquet A1 engage la tête du levier d’accrochage F4, de sorte que le levier d’enclenchement B1 participe à chacune des oscillations transmises par la bielle E1 ; la pompe proprement dite est reliée d’une façon directe avec un second bras du levier B1, non représenté, et se trouve ainsi actionnée continûment, injectant à chaque tour du métal dans la cavité du moule tant que le loquet A1 reste engagé avec le levier d’accrochage F4. Cette condition existera jusqu’au moment où la tige coulissante D1, sur laquelle est fixé le manchon C1, qui pour l’instant se trouve en dehors du plan d’oscillation de la projection A2 de notre loquet A1, subira un déplacement vers l’arrière par rapport à la figure précitée, ce qui causera, au retour des leviers en question vers la gauche, le soulèvement du loquet A1 comme en figure 28, ce qui fait que la pompe restera immobile pendant que le levier d’accrochage F4 continuera à aller et venir à chaque rotation des arbres à cames.
xxxx  Le déplacement longitudinal de la tige D1 est provoqué à chaque passage d’une perforation de justification, simultanément avec la mise en position des coins D et E, suspendant ainsi la fonte, ce qui est logique,
Fig. 24. — Dispositif n° 3 de châssis porte-matrices.
car on peut se demander quels seraient les caractères qui viendraient à ce moment-là. Ce déplacement peut également être obtenu à la main, au moyen d’une poignée ad hoc, de manière à permettre, à volonté, de faire fonctionner la machine sans produire de caractères.
xxxx Tout en déterminant la mise en position des coins de justification et, accessoirement, la suspension du mouvement de la pompe, les perforations de plus grand diamètre (13e et 31e trous) (fig. 6), produites par les touches rouges à la fin de chaque ligne, assurent l’enlèvement de la ligne achevée et sa mise en galée. C’est ce qui nous reste maintenant à expliquer.
xxxx Les deux tiges m extérieures, pourvues d’écrous ajustables n (fig. 20) à leur extrémité visible, sur lesquels agit le gradin encoché du levier de centrage B, assurent le soulèvement des coins de justification par le moyen de leviers élévateurs de forme particulière, qui possèdent chacun un bras descendant A1-A2 (fig. 29), lequel provoque, par l’intermédiaire d’un petit basculateur C, le déplacement longitudinal d’une tige cylindrique D, guidée dans le bâti de la machine. Lorsque cette tige est ainsi poussée vers l’avant, elle détermine la présentation du manchon ou galet d’arrêt C1 (fig. 27) dans le plan d’oscillation du loquet A1, suspendant par conséquent l’action de la pompe pendant la mise en place des coins précités, et ce même mouvement (de la tige D) produit simultanément la mise en marche du mécanisme de galée.
xxxx Ce mécanisme est situé, comme on le sait, sur le devant de la fondeuse, ainsi que le montre la figure 25. La tige cylindrique D, dont on parlait à l’instant, présente de ce côté son extrémité active en face d’une vis réglable appartenant au levier de déclenchement de galée 1 (fig. 29).
Fig. 25. — Fondeuse, vue avant, le pont enlevé, montrant les organes de mise en position du châssis, le moule et le mécanisme de galée.
En avant et à gauche de ce levier est disposé un arbre vertical maintenu en rotation par une commande à vis sans fin et portant à son sommet un rochet 3 ; un plateau-came 8 est pivoté concentriquement avec cet arbre vertical et porte un cliquet d’entraînement 2, maintenu normalement hors de contact avec le rochet 3 par un bec coudé que comporte le bras de gauche du levier de déclenchement 1.
xxxx Dès que la tige D (fig. 29) est actionnée par l’un des bras A1-A2 des leviers élévateurs des coins de justification, elle cause le déclenchement du levier 1, de sorte que le cliquet 2,
Fig. 26. — Ensemble des divers coins, vus en plan.
ainsi libéré, s’engage, sous l’action d’un ressort visible sur la figure 20, dans la denture du rochet en question. Le plateau-came 8 participe alors au mouvement de rotation de l’arbre précité, causant le déplacement en avant, après une rotation du levier cintré 4, du crochet-transporteur 5 qui amènera la ligne assemblée jusqu’à l’entrée de la galée, dans laquelle le cadre pousseur de ligne 6 en assure l’introduction.
Fig. 27. — Leviers de commande de pompe enclenchés (pompe en fonctionnement).
Le plateau-came continuant sa révolution, le levier cintré 4 revient en arrière en repoussant le crochet-transporteur jusqu’à son point de départ, et le levier de déclenchement l’accroche au passage le cliquet 2, qu’il immobilisera ainsi avec son plateau-came jusqu’à la prochaine fin de ligne. Au moment où la ligne achevée entre en galée, sa longueur est vérifiée par un trébucheur-calibreur, qui, pour une
Fig. 28. — Leviers de commande de pompe déclenchés (pompe arrêtée).
différence de quelques points, en plus ou en moins, provoque immédiatement, par l’intermédiaire du petit levier 7, le débrayage et l’arrêt de la machine de manière à prévenir le fondeur s’il ne se trouve pas à proximité et à éviter toute mise en pâte dans la galée.

Le déclenchement du mécanisme de galée se produit chaque fois que l’une des tiges de commande m des coins de justification (fig. 20) est soulevée par le gradin du levier de centrage. Le mode d’action, des organes qu’elles mettent en jeu est exposé clairement sur les croquis schématiques de la figure 29.

le moule « monotype »

15. Le premier type de moule (fig. 30) crée pour la fondeuse « Monotype » permettait seulement à l’opérateur de
Fig. 29. — Schéma de déclenchement de galée en simple et double justification.
fondre les cadratins et les espaces de toute la hauteur du corps des caractères, ce qui, tout, en présentant de réels avantages pour la prise d’un flan en vue du clichage, apparaissait à nombre d’imprimeurs comme une source d’inconvénients pour le tirage direct sur les formes.
Fig. 30. — Moule « Monotype » standard à espaces hautes.
Leurs desiderata ont été pleinement satisfaits lors de l’apparition du moule à espaces basses (fig. 31) qui, tout en permettant d’obtenir à volonté des cadratins et espaces de la hauteur totale précitée, a été essentiellement établi pour la fonte des espaces de la hauteur réduite adoptée partout en typographie.

Dans ce nouveau système, la lame de moule, au lieu d’être exécutée en une pièce comme dans le moule standard, est constituée par deux éléments : une lame principale, dont la hauteur est égale à celle des espaces basses demandées, et une lame-obturateur, superposant cette
Fig. 31. — Moule « Monotype » à double lame, pour espaces basses ou hautes, à volonté.
lame principale et complétant sa hauteur jusqu’à affleurement avec les blocs du moule qui les guident l’une et l’antre. D’autre part, des matrices spéciales d’espaces, en acier trempé, de forme particulière (fig. 32), ne comportant pas de logement conique à leur partie
Fig. 32. — Matrices spéciales, en acier, pour espaces basses.
supérieure, sont disposées dans le châssis-matrices aux endroits prévus pour les espaces de dimensions fixes : cadratin, demi-cadratin, etc., et pour l’espace justifiante.

La lame principale est commandée directement, comme celle du type primitif, tandis que la lame-obturateur est soumise à un mécanisme de commande particulier, représenté par la figure 33, et qui s’adapte sur le pont et le levier de centrage. Lorsqu’une de ces matrices spéciales est mise en position au-dessus du moule, le plongeur-centreur 2038 se trouve de suite arrêté dans son mouvement de descente, puisque le sommet de ce petit bloc d’acier est plein et effleure la face supérieure du châssis-matrices ; il résulte de ce fait que le levier de manœuvre 2011, porté par le levier de centrage b16E, continuant à s’abaisser, fait rencontrer l’extrémité gauche d’un levier sélecteur 2015, fixé en 2010, avec la bosse d’une came 2019 montée sur l’arrière de la rondelle de butée 2028 appartenant au plongeur-centreur précité. Ce petit levier 2015, qui au repos présente son bec coudé visible au-dessus du levier de droite de la cisaille 2024, vient attaquer celui de gauche (pivoté en 2025),
Fig. 33. — Appareil à espaces basses.
inversant l’action indirecte du levier de manœuvre 2011 sur le levier de renvoi 1775 qui commande la lame-obturateur. Cette dernière reste, par conséquent, fermée et la lame principale seule est tirée en arrière, pour la mise à dimension de l’ouverture du moule, par sa tringle de commande normale (voir p. 976). La cavité restant disponible pour l’injection du métal se trouve donc limitée à la hauteur de cette lame principale et les espaces ou cadratins obtenus seront de cette hauteur. Les matrices spéciales mentionnées plus haut ne servent ainsi, en réalité, qu’à contrôler l’action de ce mécanisme d’espaces basses sur la lame-obturateur dont il vient d’être question.
xxxx Un nouveau type de moule a été mis en service récemment et fait partie d’une série dénommée série 20.000. Il réalise un nouveau progrès appréciable.

composition des corps 14, 18 et 24

16. Les types au-dessus du corps 13 ayant un œil plus grand que la surface des matrices ordinaires de 0,2 X 0,2 de pouce, il a été nécessaire de graver des matrices plus larges pour la composition des corps 14, 18 et 24. La figure 34 montre un jeu de l’un de ces corps dans un châssis à matrices, et l’on pourra remarquer que les dimensions intérieures de celui-ci ont été élargies de sorte qu’il puisse contenir huit rangées de doubles-matrices dans chaque sens. Dans le cas de caractères étroits, la dimension des matrices, dans le sens du set, est la même que pour les caractères petits corps, étant
Fig. 34. — Châssis à matrices pour la composition des gros corps.
doublée seulement dans le sens du corps, mais les caractères les plus larges sont poinçonnés sur des matrices doubles dans chaque sens : les premières ont, donc des dimensions de 0,2 X 0,4 de pouce, et les autres de 0,4 X 0,4. Ces matrices sont placées dans le châssis de la même manière que celles servant pour la composition ordinaire, mais les rangées d’unités n’y suivent pas nécessairement l’ordre de leur progression.
xxxx Une boîte spéciale de calibrage, un intermédiaire gauche, un coin spécial et un moule avec un bloc de corps par corps sont requis pour la composition des corps 14, 18 et 24 (les deux premiers accessoires servant ordinairement pour les trois corps d’une même série, mais non obligatoirement) ; la vitesse de la fondeuse doit être réduite suivant le set et le corps, en utilisant pour cela la boîte de vitesse employée pour la fonte des gros corps. Les mécanismes spéciaux pour la pompe et la commande de la lame de moule servant pour celle-ci sont également mis en service quand cela est nécessaire.
xxxx Les coins pour la composition des gros corps sont basés sur le pica de 0,166 de pouce, tandis que ceux des petits corps sont basés sur l’ancien pica de 0,1667 ; aussi, pour le réglage du cadratin, à la fondeuse, et la prise de justification, au clavier, ne doit-on employer que les tables de conversion concordantes.

la fondeuse « monotype » supra

17. Cette fondeuse n’est pas une machine à composer : elle a été
Fig. 35. — Fondeuse « Monotype » supra.
spécialement construite pour fondre des caractères mobiles et blancs pour la casse, du corps 5 au corps 24, à l’aide de matrices servant à composer ceux-ci, et du corps 14 au corps 72, avec l’aide des matrices employées pour la fonte seulement ; des vignettes de toutes sortes du corps 6 au corps 72 ; des interlignes basses ou hautes) et des filets ordinaires de 1 à 12 points ; des filets mats plein œil de 2 à 12 points, le tout coupé automatiquement sur toutes les justifications comprises entre 3 et 140 cicéros ou délivré en lames de longueur illimitée ; des filets anglais corps 6 et 12 points d’épaisseur et de 7 à 15 cicéros de longueur ; des garnitures en barres de différentes longueurs de 2, 3, 4, 5 et 6 cicéros d’épaisseur ; des bordures corps 6 et 12 en lames ; et, enfin, des interlignes d’attache de 12 points coupées sur toutes justifications à partir de 8 cicéros ou délivrées en lames de longueur illimitée.

conclusion

18. Ayant décrit et expliqué le fonctionnement du clavier et de la fondeuse « Monotype », on ne peut terminer sans parler un peu du travail qu’ils peuvent fournir et des conditions qu’ils requièrent pour en soutenir régulièrement la qualité et le rendement.
xxxx La production du premier de ces instruments ne se trouve limitée que par l’habileté du claviste auquel il est confié et par la qualité de la copie à transcrire, car son mécanisme répond à des vitesses de beaucoup supérieures à celles des champions les plus habiles. On affirme que pratiquement, en texte courant lisiblement écrit ou tapé à la machine, une allure moyenne de 8.000 lettres à l’heure, avec un compositeur quelque peu entraîné, est tout à fait normale. Cette allure est indépendante de la dimension des caractères (au clavier : valeur de set) employés pour le travail.
xxxx Pour la fondeuse, les conditions sont différentes, en ce sens que, son fonctionnement étant entièrement automatique, la production qu’elle donne ne dépend que de la vitesse à laquelle la dimension de la fonte obtenue permet de la faire tourner, quelles que soient les difficultés que comportait le travail de composition au clavier.
xxxx Quelles sont les qualités requises pour réaliser un semblable programme ? Elles se résument en quelques mots : de l’attention, de la propreté et du soin, de l’amour-propre en un mot, de la part des opérateurs auxquels sont confiées ces machines. L’homme qui sait comprendre et apprécier l’instrument dont il a la charge est toujours certain de faire mieux que celui qui accomplit machinalement et comme par manière d’acquit sa tâche quotidienne.
xxxx Un bon claviste et un fondeur monotypiste sérieux n’attendent pas qu’on leur fasse des observations au sujet de l’entretien de leurs machines et particulièrement des accessoires essentiels qu’elles comportent : tambours de justification, d’une part ; moules, matrices et coins de l’autre, dont le bon état a une influence primordiale sur la marche régulière qu’ils pourront en obtenir. Leur vigilance ne se laissera pas surprendre par le desserrage éventuel d’une pièce du mécanisme, car ils auront soin de vérifier de temps à autre celles qui leur semblent susceptibles de présenter ce risque. Leurs outils, clefs et tournevis, seront bien entretenus (ceci regarde surtout le fondeur), afin qu’ils ne puissent causer la détérioration des vis et des écrous.

L’aspect seul de l’installation est un critérium de la valeur de celui qui la conduit. C’est ici le cas d’appliquer la maxime : « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place », mais nous ajouterons : après avoir été préalablement nettoyée ! Cette recommandation est surtout impérieuse en ce qui concerne les moules et matrices, qui doivent toujours être entretenus en parfait état et exempts de toute détérioration si l’on désire, régulièrement et sans ennuis, obtenir de la composition irréprochable.

  1. Toutes les gravures qui illustrent le texte de ce paragraphe ont été aimablement prêtées par la Société anonyme « Monotype » (dont le siège social est à Paris, 85, rue Denfert-Rochereau). Nous devons remercier de manière particulière le Directeur de cette Société qui nous a facilité la rédaction de ces lignes par les documents qu’il a bien voulu nous fournir.
  2. On prononce emme.
  3. On prononce enne.