Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/07/06

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 134-137).


VI

MISE EN PLACARDS


Pour commencer sa mise en pages ou sa mise en placards, le metteur réunit lui-même ou se fait préparer, à proximité de son rang, sur un marbre, ou sous son rang même, et dans l’ordre donné par les copies, les compositions corrigées dont il aura besoin.

Autant que possible, les différentes fractions de ces compositions sont disposées dans l’ordre où le metteur aura à les employer, afin de lui éviter toute finisse manœuvre.

a) L’usage s’est établi, dans toutes les imprimeries, de fournir en placards, lorsque l’auteur le désire, les premières épreuves d’un livre.

On appelle placards la réunion en paquets, ou en colonnes de longueurs égales, des diverses compositions d’un même travail : les placards sont en paquets, si les épreuves sont faites la composition seulement ficelée et placée sur porte-page ; ils sont, au contraire, en colonnes, si la composition est imposée.

La mise en placards est, en quelque sorte, la préparation de la mise en pages ; ces deux opérations exigent donc, à quelque chose près, le même travail et le même soin.

Les placards ne comportent ni signatures, ni titres courants, ni folios ; toutefois, le titre abrégé du volume, ou le nom de l’auteur, ou une autre indication conventionnelle, figurent en tête de la première page de chaque série ; ils sont accompagnés d’un chiffre donnant, le numéro d’ordre du placard :

xxxxxxxxxxxxxxxx Jurispr. commentée,xx Pl. 1
Dict. encyclop., Pl. 1
Gramm. franc., Pl. 2

Si les placards sont conservés en paquets, ces diverses indications sont répétées, et de manière très apparente, sur le porte-page du premier paquet de chaque placard.

Quelques maisons emploient également le système de la fiche volante, dont une extrémité est glissée entre deux compositions, alors que l’autre tombant verticalement laisse apparaître très nettement les indications nécessaires.

Dans nombre d’imprimeries, il est d’usage courant de glisser dans la ligature de chaque page, en les maintenant par quelques cadrats, les chiffres de pagination : ce procédé a l’avantage, au cas d’une interversion dans l’ordre des paquets, d’éviter à l’auteur des recherches inutiles.

Le numéro d’ordre des placards imposés est reporté à la craie au revers de la composition.

b) Le plus généralement les épreuves sont tirées sur feuilles in-plano, à raison de huit pages par feuille, en paquets, dans l’ordre suivant :

  1 2 3 4  
5 6 7 8


de préférence à celui-ci que recommandent pourtant un grand nombre d’auteurs, et qui est utilisé plutôt pour les placards en colonnes :

  1 3 5 7  
2 4 6 8

Le papier est partagé en deux fractions dans le sens de la hauteur ; dans le sens de la largeur, en quatre parties ; la composition est placée respectivement au milieu de chacune de ces fractions ou parties. Les marges qui encadrent le texte sont dès lors assez importantes et suffisent simplement aux corrections, aux modifications ou aux ajoutés de l’auteur.

c) Lorsque les remaniements apportés au texte sont importants et obligent le metteur à augmenter le nombre des paquets d’une feuille d’épreuve, il est d’usage de ne modifier en rien la numération primitive des paquets ou des placards : les placards et les paquets supplémentaires empruntent, le cas échéant, au précédent, son numéro d’ordre, auquel vient s’ajouter, à titre de signe distinctif, la mention : bis, ter, quater, ou toute autre désignation : lettres italiques : a, b, c, d, etc. ; lettres grandes capitales : A, B, C, D, etc.

d) Le mécanisme de la mise en placards est en tout semblable à celui de la mise en pages, plus élastique toutefois.

Le paquet est placé dans la galée de mise en pages sur le bord latéral gauche, le porte-page enlevé ; il est délié et poussé à fond vers la partie latérale en même temps que vers la tête[1] de la galée ; le texte est dressé en le frappant du bout des doigts de la main droite et en appuyant légèrement la main gauche vers le pied qui est libre.

Le metteur examine chacun des feuillets du manuscrit. Les titres sont placés accompagnés du blanc qui leur est nécessaire ; les intercalations, quelles qu’elles soient, sont mises en place. Les alinéas du manuscrit et ceux de la composition sont sommairement comparés pour assurer leur concordance et éviter une interversion ou une erreur toujours possible. Pour les mises en placards il n’est pas d’usage de rectifier la numération des renvois, non plus que celle des notes : ce travail est exécuté, seulement lors de la mise en pages : mais les notes auxquelles les appels renvoient sont placées en bas de pages, après le blanc séparatif du texte : cette disposition est préférable à celle de l’intercalation dans le texte, près de l’appel, qui coupe le discours.

De manière générale, il n’est pas coutume, non plus, d’intercaler, dans les placards, les figures destinées à illustrer le texte ; on se contente d’épingler sur les marges, à l’endroit voulu, une épreuve de la gravure ; plus simplement même, on se borne fréquemment à adresser à l’auteur une épreuve générale de tous les clichés à utiliser : l’auteur indique à l’aide de cette épreuve, ou du fumé du graveur, l’emplacement qu’il désire voir occuper par chaque figure. Les légendes sont insérées dans les placards ; au cas contraire, elles sont répétées par l’auteur sur l’épreuve ; d’autres fois le manuscrit est retourné avec les épreuves, et le metteur doit s’y reporter pour ces divers travaux.

e) La mise en placards a le grand avantage de faciliter, de préparer l’opération de la mise en pages : le metteur se trouve en effet, au moment d’exécuter celle-ci, en présence d’un travail dont la plus grande partie a été faite antérieurement : les titres, les blancs, les intercalations diverses, les tableaux, les notes, etc., sont en place et n’exigent alors de la part de l’ouvrier aucune attention particulière.

Toutefois, la mise en placards présente une disposition de l’ensemble que l’on peut dire provisoire : on n’y rencontre, on l’a vu, ni folio, ni titre courant, ni signature ; les paquets peuvent varier légèrement de longueur, pour éviter une ligne creuse en tête de page, pour conserver un renvoi et sa note dans le même paquet, pour supprimer l’isolement d’une ligne fin de citation, etc. Ces différences n’ont aucune importance ; elles s’accentuent d’ailleurs fréquemment, si plusieurs épreuves successives sont fournies en placards, à la suite des corrections, des changements de texte effectués par l’auteur qui possède la plus grande liberté pour les modifications qui lui paraissent nécessaires : dans les corrections de placards on évite en effet les rejets de lignes, les chasses de texte, en un mot toutes « les combinaisons dispendieuses » auxquelles on a recours, lors de la mise en pages ou des corrections de mise en pages, pour rester en feuille.

Mais, pour qu’il puisse retirer un réel profit de la mise en placards, il est indispensable que le metteur en pages s’astreigne à respecter, lors de l’exécution de ce travail, la plupart des règles concernant les blancs des titres, les intercalations, les tableaux, les notes, auxquelles il devra se conformer ultérieurement pour sa mise en pages.

Les paquets en placards reçoivent en pied, suivant les usages de la maison, une interligne forte ou un douze ; puis, après avoir été liés et placés sur un porte-page, ils sont placés sous le rang, dans l’ordre où ils sont exécutés, par piles soit de huit pages, soit de quatre pages.

  1. Nous appelons tête de la galée la partie comportant l’équerre.