Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/04/01

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 75-77).


CHAPITRE IV

COMPOSITION



I

ÉTUDE DE LA CASSE


L’apprenti, familiarisé avec les divers instruments qui sont indispensables pour les débuts de l’exercice de sa profession devra apprendre sa casse.

À l’aide d’un modèle, reproduction exacte de la casse qui lui est remise, le jeune compositeur essaye d’abord de retenir l’emplacement occupé par chaque lettre. Puis, tout, en lui donnant quelques conseils pour hâter une étude un peu aride, il est indispensable d’appeler son attention sur les particularités à l’aide desquelles il pourra aisément distinguer certaines lettres de quelques autres.

Les lettres b, d, p, g, n, u, présentent un léger écueil pour le débutant. Celui-ci doit se souvenir que, lors de la fonte, chaque lettre frappée dans son sens normal, sur la matrice, se trouve sur la tige qui la supporte reproduite renversée de la tête au pied ; l’oubli de cette particularité donne lieu à des confusions qu’il est nécessaire d’éviter et sur lesquelles il est bon d’appeler l’attention. La lettre b, placée dans le composteur cran invisible, représente sur le plomb un q ; le d représente un p ; inversement, le p représente un d ; et le q, un b. La lettre n est un u ; et la lettre u, un n.

Le chiffre 6 semble un 9 ; le 9, un 6.

Il est encore d’autres points qu’il est bon de signaler :

La différence entre l bas de casse, plus maigre et ne comportant qu’un crochet à la partie supérieure gauche, et I grande capitale ; Entre O grande capitale et 0 (zéro), plus étroit, plus maigre et n’ayant pas parfois dans un mot grande capitale le même alignement d’œil ;

Les lettres bas de casse o, s, x, z, les chiffres 0 et 8 dans certains types de caractères, le guillemet (« ») n’offrent pas le même aspect lorsqu’ils sont retournés, c’est-à-dire composés le cran dessus ou visible :

Les petites capitales n, o, x, s, z, présentent de même une défectuosité d’aspect, lorsqu’elles sont composées le cran dessus, c’est-à-dire à l’envers :

Les lettres H, I, retournées, peuvent présenter la même apparence, mais l’alignement horizontal est défectueux et fait reconnaître à l’œil l’erreur commise :

Les accents graves et aigus (bas de casse, petites capitales et grandes capitales) sont inversés ; ainsi : l’é (que l’on prononce é gu) a sur le plomb un accent analogue, à l’è grave ; l’è grave, au contraire, est un é gu ; L’apostrophe (’) est plus petite que la virgule (,) ; en outre, elle est placée à l’opposé du cran, alors que la virgule se trouve du côté de celui-ci ;

Il faut éviter soigneusement de confondre les petites capitales o, s, x, v, z, avec les mêmes lettres bas de casse : fréquemment les fondeurs donnent aux petites capitales une force et une épaisseur d’œil légèrement différentes de celles des lettres bas de casse ; souvent l’alignement lui-même est différent soit en pied, soit en tête, de celui des lettres bas de casse ; en outre, ces petites capitales reçoivent un cran haut placé sur la face opposée à celle qui porte le cran de fonte régulier : un typographe averti ne saurait oublier ce détail tout particulier.

b) Il est un autre sujet sur lequel il est nécessaire d’appeler également l’attention : le classement méthodique des blancs et des espaces : espaces fines (1 point), moyennes (1 point ½, 2 points) et fortes (2 points ½, 3 points et 4 points), demi-cadratins, cadratins et, enfin, cadrats.

Cette classification doit être scrupuleusement respectée ; elle est indispensable pour permettre au compositeur un emploi raisonné des blancs que nécessite le caractère employé. Trop fréquemment on voit des compositions, irréprochables sous maints rapports, donner au point de vue de l’espacement une piètre idée du soin avec lequel elles ont été exécutées. D’ailleurs, le mélange d’espaces fines et d’espaces moyennes, ou encore celui des espaces fortes et des espaces moyennes, et parfois des demi-cadratins et des espaces fortes, occasionne à l’ouvrier une perte de temps, conséquemment d’argent. Pour obtenir un travail régulièrement espacé, donc exempt de reproches, le compositeur doit en effet, durant son travail, effectuer hâtivement un tri ennuyeux, qu’il lui eût été facile d’accomplir au cours d’une distribution convenablement exécutée.

c) Aussitôt que l’apprenti sait convenablement la casse, il doit s’exercer à la lecture sur le plomb ; c’est grâce à cet exercice seulement qu’il aura chance de connaître et de retenir les particularités propres à chaque lettre. La lecture sur le plomb s’opère, en somme, comme une lecture ordinaire de la gauche vers la droite, le renversement de la lettre ayant lieu, on l’a vu, de la tête au pied. Aussi après quelque temps d’exercice cette lecture est relativement facile ; même elle ne tarde pas à devenir aisée.

Une grande habileté de lecture est indispensable pour la distribution : de la rapidité et de la sûreté avec lesquelles un compositeur lit sur le plomb dépendent éventuellement la qualité de sa distribution et, ultérieurement, la pureté de sa composition. La presque totalité des coquilles (lettres à la place d’une autre) d’une épreuve peuvent en effet être attribuées à une mauvaise distribution, conséquemment à une lecture défectueuse sur le plomb ; bien peu sont à porter au compte d’une distribution brouillonne ou exagérément vive. Qui lit bien et se possède bien distribue bien et, par suite, peut prétendre, à part certaines erreurs inévitables, donner une composition exempte de coquilles.