Le Convoi de Casimir Périer (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 289-290).


LE CONVOI DE CASIMIR PÉRIER [1].

 

Ah ! puissent tous les sons de l’hymne qui commence
Monter vers le séjour où s’enfuit l’espérance !

Élisa Mercœur.
 

Que ta douleur est belle et touchante, ô Patrie !
Quand de leur splendeur morte en revêtant ton deuil,
        Tu t’inclines sur le cercueil
Des vengeurs, des soutiens de ta cause chérie !

Lorsque, pour honorer leurs mânes triomphans,
Tu confonds des partis les regrets unanimes !
Et que tes yeux de mère ont des larmes sublimes
        Quand tu pleures sur tes enfans !

C’est à ces pleurs sacrés, à ce funèbre hommage,
Offert à l’éloquence, aux vertus, au courage,
À cet auguste adieu, lorsque d’un peuple entier
La foule sur la terre, à son dernier passage,
Escorte un orateur, un poète, un guerrier
Quand, pour trouver un mot qui dit tout, on le nomme,
C’est à ce saint aspect de la douleur de tous,
C’est témoin de sa mort qu’on se sent plus jaloux
        De l’existence d’un grand homme.


(1832.)
  1. N’étant point encore entrée dans aucun cimetière, lors du convoi de Casimir Périer, Élisa voulut profiter de cette circonstance pour visiter le Père-Lachaise, parce que la foule, disait-elle, ferait disparaître toute idée de mort. Pauvre enfant ! elle était loin de penser que trois ans après elle occuperait un tombeau près de celui de ce ministre !

    Placées dans la grande allée comme tous ceux qui avaient devancé le convoi, nous y étions depuis un quart d’heure lorsqu’on cria de faire place. Un monsieur, qui se trouvait près d’Élisa, lui dit : « Mademoiselle Mercœur ne se sent-elle pas inspirée à la vue de cette imposante cérémonie ? Qu’ils seraient beaux, mademoiselle, les vers que vous feriez sur une telle circonstance, dans ce lieu où tant de grands hommes reposent !… » Réfléchissant quelques instans sur l’avis qui venait de lui être donné, Élisa porta une de ses mains sur son front, comme si elle y avait cherché quelque chose ; et, après que le cortège eut défilé, elle nous dit les deux strophes ci-dessus… Il me serait impossible de peindre l’étonnement de ce monsieur.