Le Conseiller des femmes/Prospectus

Le Conseiller des femmes
Le Conseiller des femmesProspectus (p. 1-7).



LE CONSEILLER

DES

FEMMES.

Journal hebdomadaire


PROSPECTUS


Depuis trois ans, de toutes parts la presse périodique fait passer tous les jours sous nos yeux son prisme aux mille couleurs où sont reproduits, sans s’altérer, les opinions et les systèmes d’une société qui marche à grands pas dans la voie d’une civilisation plus parfaite. Politique, littérature, science, industrie, elle a tout envahi. La province même, jusqu’ici peu verbeuse, a voulu rendre à Paris ce que Paris lui donnait, et, du centre à la circonférence, comme de la circonférence au centre, il s’est fait un échange continuel de publications en tous genres. Cependant, il faut le dire, dans ce grand mouvement de la presse, dans cette active agitation de l’humanité, au dix-neuvième siècle, les femmes ont trouvé peu d’organes pour les représenter, et pas une loi ne stipule encore en France en faveur de leur éducation. Toutefois, on ne saurait se le dissimuler, elles ne doivent pas rester en dehors de l’impulsion sociale imprimée à leur siècle. Les principales questions politiques de notre temps, s’agitent et se résolvent autour d’elles, et la duchesse de Berry, la reine Christine, Dona Maria et la princesse Victoria d’Angleterre, sont des noms que les partis, à tort ou à raison, ont inscrits sur leurs drapeaux. Nous pouvons même rappeler, sans vouloir entrer en rien dans la politique du jour, que sous l’empire ce fut ce cri : Plus de conscription ! si énergiquement proféré par les mères, qui contribua puissamment à la chûte du système despotique de l’épée.

Aujourd’hui notre époque, toute de critique, semble préparer à la civilisation une voie nouvelle ; il est donc temps que la femme jette un regard attentif sur la génération qui s’avance et que, de sa voix tendre, elle fasse pénétrer bien avant dans le cœur de ses enfans, des principes de paix et d’harmonie. Impuissante dans l’état actuel de notre législation, elle peut beaucoup dans la famille. Appelée à être le guide constant et naturel de l’enfance, l’avenir de la prochaine génération lui appartient tout entier. Elle peut à son gré, par la douceur de ses manières, modifier le caractère aigri d’un époux, d’un frère, d’un ami que le vent des passions emporte. À tous les âges, dans tous les états, on peut sentir son influence, car son pouvoir, pour être caché, n’en est pas moins réel. Qu’elle n’oublie donc pas que si les hommes font les lois, les femmes font les mœurs. Que pour entrer dans l’arène elle rappelle à son souvenir les noms si justement célèbres de Mme Roland, à l’ame si élevée, de Mme de Staël, au génie si fécond, au style si pur !… Astres brillans qui ont laissé sur leur passage un rayon d’immortalité !

Les femmes pour se dévouer n’ont besoin que de sentir l’utilité de leur action ; faisant abstraction de toute individualité, guidées seulement par le besoin d’adoucir quelques maux, de sécher quelques larmes, on les a vues avoir leur héroïsme, leur intrépidité, et, victimes résignées, marcher à la mort sans trembler. Qui de nous ne se rappelle encore le généreux dévouement de ces modestes filles de Dieu, de ces pieuses sœurs de Ste-Camille qui, seules, s’acheminaient dans une ville de mort et de deuil, guidées par un sentiment sublime ? Qui n’a lu les vers touchans qu’une muse à la verve facile et pure, leur a consacrés ? qui ne les a bénies, et quelle femme ne s’est glorifiée en leur nom ?

Dernièrement encore, sous Anvers, et lorsque la mort lançait contre tous, sans choix, son mandat d’amener, n’a t-on pas vu une jeune fille oublier son propre danger pour ne voir que celui des soldats que le plomb meurtrier vient frapper ? Partout on tue, elle seule console, elle seule fait espérer, c’est le bon génie du soldat, c’est l’ange de la paix face à face avec le démon de la guerre.

Pourquoi donc aujourd’hui, quand il y a tant à faire pour ramener l’humanité à des sentimens d’union et de concorde, les femmes garderaient-elles le silence ? pourquoi, sans être accusées de fanatisme, ne parleraient-elles pas religion, et pourquoi la morale, sous les traits de la bienveillance, ne serait-elle pas enseignée et appliquée à tous les devoirs sociaux ? Quelques-unes déjà ont sondé les maux de leur siècle et leurs efforts porteront leurs fruits.

Depuis une année un journal littéraire, rédigé par des femmes, se publie à Paris, qui possède aussi une charmante publication féminine, connue sous le nom d’Heures du soir. L’élan est donné, l’humanité femme se réveille de sa longue léthargie.

La presse, véritable science du bien et du mal, est aujourd’hui le plus sûr moyen d’action qu’on puisse employer, et, tandis que des hommes supérieurs s’agitent et se travaillent dans l’intérêt de telle ou telle coterie, guidées par un esprit de conciliation, par un désir du bien, par un sentiment du juste et de l’utile, c’est dans l’intérêt de la morale que nous parlerons.

Convaincues qu’il appartient à notre sexe de retremper le caractère de l’homme, nous avons conçu le projet de fonder à Lyon, ville populeuse où les femmes sont en majorité dans les ateliers, dans les fabriques, un journal-pratique ayant pour but d’améliorer leur condition, dans toutes les positions sociales. Cette œuvre est grande, elle exercera une heureuse influence sur la population ouvrière, non-seulement à Lyon, mais sur tous les points de la France où sont agglomérés, sans choix, des hommes et des femmes dont, trop souvent, aucun sentiment moral ne forme les liens, n’établit les rapports.

Étranger à la politique et seulement occupé du développement moral de toutes les classes, notre journal rendra un compte consciencieux de tous les modes d’enseignement et de leur application bien dirigée, des ouvrages de femmes envisagés comme travail de littérature ou de morale ; des divers moyens qui pourront être indiqués aux mères de famille pour l’allaitement des enfans, le sevrage, la première éducation et successivement toute la vie. Une analyse des meilleurs traités anglais, sur cette matière, ajoutera encore à l’utilité de notre œuvre à laquelle participeront plusieurs collaboratrices anglaises que nous nous sommes adjointes.

Les modes, comme objet de goût, auront place dans ce journal, qui s’occupera aussi du théâtre, toutes les fois que les mœurs pourront y puiser un exemple ou une critique.

Tous les procédés économiques applicables aux moindres ménages seront soigneusement indiqués. Des recettes pharmaceutiques, d’une grande simplicité enseigneront aux mères la médecine préventive et la thérapeutique rationnelle.

Des observations grammaticales, des solutions simples sur les règles des participes français, seront données de manière à ce que chacun puisse en faire, à son profit, l’application immédiate.

Les nouvelles notices biographiques des femmes célèbres dans toutes les conditions ; des notions historiques ou géographiques, ajouteront aussi à la variété et à l’intérêt de notre œuvre. Nous tâcherons toujours d’instruire en amusant, car nous sentons que notre siècle meurt d’ennui et qu’il lui faut des distractions.

N’oubliant jamais que le sentiment religieux est notre appui le plus solide, nous puiserons dans les livres divins tous nos préceptes, certaines que si Dieu est pour nous, nul ne sera contre nous.

Toutes les publications nouvelles faites dans l’intérêt de la religion ou de la morale, auront place dans nos colonnes, qui donneront aussi une feuille destinée aux demandes et propositions.

Afin de hâter par tous les moyens le progrès des femmes, nous engageons toutes celles qui peuvent en quelques manières collaborer à notre œuvre à se mettre en rapport immédiat avec nous, pour que nous puissions faire figurer leurs noms dans notre prochain numéro.

Sous le titre de Conseiller des Femmes, notre journal paraîtra à dater du 1er novembre tous les samedis de chaque semaine. Le prix de l’abonnement, qui ne saurait être de moins d’une année, est de 10 francs pour toutes les villes de France. On s’abonne : à Paris, chez M. Louis Colas, rue Dauphine, no  32 ; à Lyon, au bureau du journal, rue Royale, no  14, et chez M. L. Boitel, imprimeur, quai St-Antoine, no  36.

Pour toutes les autres villes de France, chez les Directeurs de poste.

Le Conseiller des Femmes paraîtra par livraison de 16 pages d’impression, le caractère, le papier et la disposition typograohique, seront en tout conformes au prospectus.

Ce journal est fondé par actions portant intérêt à cinq pour %. Il y a des actions de 100 francs et des demi-actions de 50 francs ; on se les procure au bureau du journal.

Il paraîtra à la fin de chaque année une table des matières avec l’indication du numéro d’ordre.

Chaque semestre formera un volume de 300 pages, et chaque numéro du journal sera revêtu d’une couverture en papier de couleur.

La Directrice,
Eugénie NIBOYET, née MOUCHON.

Lyon, le 1er octobre 1833.



LYON, IMPRIMERIE DE L. BOITEL, QUAI SAINT-ANTOINE, 36