Le Confesseur (Iwan Gilkin)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 90-92).


Le Confesseur


En vain tes paupières jalouses
Voilent tes regards anxieux ;
Mes yeux pareils à des ventouses
Sucent les secrets de tes yeux.

Je vois ainsi qu’une rivière
Couler ton sang dans ton cerveau ;
Et je promène une lumière
En ton cœur comme en un caveau.

J’y vois des richesses étranges,
De l’or et des bijoux royaux
Ignorés des yeux bleus des anges
Gardiens des célestes joyaux.

J’y vois des bontés et des crimes,
Des viols, des blessures, des morts,
Et sur les bouches des victimes
Les doux baisers de tes remords


Ô dents qu’enivrent les morsures,
Ô lèvres soûles de péchés,
De tortures et de luxures,
Et du vin des pardons cachés,

Fleurissez sans inquiétude,
Fleurs du bonheur triste et charnel
Qui parfumez ma solitude,
Car mon silence est éternel.

Et je sais pencher sur les hommes,
Dont les lâches confessions
M’ont appris quels monstres nous sommes,
Mon cœur fait d’absolutions.

Mais moi, moi, faux Vincent de Paule
Qui connais le néant des dieux
Et qui porte sur mon épaule
Vos forfaits et le poids des cieux,
 
Quand je crierai vers l’azur vide,
Quand l’angoisse fendra mon cœur,
Quand tombera mon front livide
Sur mon sein gonflé de rancœur,


Quel enfant épris de mensonge,
Angélique étancheur de fiel,
Me tendra, sur ma croix, l’éponge
Pleine de vin et d’hydromel ?