Le Commandant de cavalerie (Trad. Talbot)/3

Le Commandant de cavalerie (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Le Commandant de cavalerieHachetteTome 1 (p. 354-356).


CHAPITRE III.


Des évolutions appropriées aux jours de fête et aux exercices de l’hippodrome.


Voyons maintenant les soins particuliers que doit prendre le commandant de cavalerie. Avant tout, il offrira des sacrifices aux dieux pour sa cavalerie ; ensuite il fera tout pour qu’elle ait un air pompeux dans les fêtes ; puis il lui donnera la plus belle apparence possible dans tout ce qui doit être placé sous les yeux de la cité à l’Académie[1], au Lycée[2], à Phalère[3] et dans l’Hippodrome[4]. Ce sont là de nouvelles recommandations ; aussi vais-je indiquer le meilleur moyen d’exécuter le mieux qu’il se peut faire ces divers mouvements.

Je crois que les pompes sacrées seront agréées des dieux et des spectateurs, si, autour de toutes les chapelles et de toutes les statues qui décorent l’agora, en commençant par les Hermès[5], les cavaliers font une évolution en l’honneur des dieux. Dans les Dionysiaques[6], c’est en se groupant que les chœurs rendent hommage à toutes les divinités, et notamment aux douze grands dieux[7]. En se retrouvant aux Hermès, après avoir fait le tour de l’agora, on offrirait, selon moi, un beau spectacle en lançant les chevaux au galop jusqu’à l’Éleusinium[8].

Je ne négligerai point de parler des lances et du moyen d’éviter qu’elles ne s’embarrassent les unes dans les autres. Chacun devra les tenir entre les oreilles de son cheval, si on veut qu’elles paraissent toutes ensemble bien rangées et terribles. À ce galop succédant un temps d’arrêt, il sera beau d’aller ensuite au pas jusqu’aux chapelles par le chemin déjà parcouru. De cette manière, le spectacle de ce qu’il y a de plus brillant dans l’équitation viendra s’offrir aux dieux et aux hommes. Les cavaliers ne sont pas habitués à ces marches, je le sais ; mais je suis sûr qu’elles sembleraient bonnes, belles et agréables aux spectateurs. J’ai remarqué d’ailleurs que les cavaliers se sont toujours prêtés à de nouvelles évolutions, quand les commandants ont su faire exécuter ce qu’ils désiraient. Toutes les fois qu’on manœuvrera dans le Lycée, avant le jet du javelot, il sera beau de voir les deux divisions de cinq escadrons chacune, le commandant en tête, ainsi que les phylarques, faire une charge comme en bataille et de manière à remplir toute la largeur de la carrière.

Quand on aura franchi l’extrémité du théâtre située en face, il sera utile, je crois, de faire descendre rapidement de front, sur le terrain incliné, autant de cavaliers qu’on le pourra sans confusion. Je suis convaincu que, s’ils se croient en état de pousser leurs chevaux, ils le feront volontiers, tandis que, s’ils ne sont pas suffisamment exercés à la descente, il faut craindre que l’ennemi ne les y exerce malgré eux.

Lorsqu’il a été question des revues, j’ai dit quel ordre il fallait observer pour la perfection des manœuvres. Si le chef, en le supposant bien monté, tourne toujours le long de la file extérieure, lui-même sera continuellement au galop, et ceux qui se trouveront en dehors le suivront de la même allure, de sorte que le sénat ne cessera de voir galoper et que les chevaux ne se fatigueront point, se reposant à tour de rôle.

Quand la parade se fait à l’Hippodrome, rien n’est beau comme de voir le chef disposer ses troupes de manière qu’elles en remplissent toute la largeur et fassent retirer la foule qui le remplit. Il n’est pas moins beau de voir les escadrons se fuir et se poursuivre, chacun des cinq ayant son commandant en tête, et se passant les uns les autres. Il y a dans ce spectacle quelque chose de terrible, quand ils se portent de front l’un contre l’autre, et de majestueux, quand, après avoir parcouru l’Hippodrome, ils se font volte-face, et de beau encore quand, à un second son de trompette, ils se chargent une seconde fois au galop. Alors ils s’arrêtent, puis, au troisième son de trompette, ils se précipitent de nouveau l’un sur l’autre, et, se croisant pour terminer, ils se reforment en phalange, selon notre usage, et s’avancent vers le sénat. Je crois que ces manœuvres auraient un certain air de guerre et de nouveauté. Et, quant à s’y laisser devancer par les phylarques dans les mêmes manœuvres, ce serait quelque chose de peu honorable pour le commandant.

Reste l’exercice sur le sol battu de l’Académie ; je vais en dire quelques mots. Quand on y fera une charge, les cavaliers se pencheront en arrière pour ne pas être désarçonnés et tiendront la bride courte à leurs chevaux dans les conversions, de crainte qu’ils ne tombent seulement ; la ligne droite une fois reprise, il faut les lancer au galop. Par là, on offrira sans danger un beau coup d’œil au sénat.



  1. Jardin situé à 1 kilomètre d’Athènes, avec un gymnase : le souvenir de Platon a immortalisé cette localité où se réunissaient les disciples de l’illustre philosophe.
  2. Autre gymnase d’Athènes, Immortalisé par Aristote et ses disciples.
  3. Port naval d’Athènes.
  4. Lieu destiné aux courses de chars et de chevaux.
  5. Sortes de pilastres surmontés d’une tête de Mercure grossièrement sculptée, et répandus à profusion dans les rues d’Athènes.
  6. Fêtes de Bacchus. Il y en avait deux : les grandes ou urbaines, qui se célébraient au mois d’élaphébolion (mars) ; et les petites ou rurales, qui se célébraient en posidéon (décembre). Xénophon parle ici des premières.
  7. Les mêmes que les Romains appelaient consentes, et dont les noms se trouvent contenus dans ces deux vers attribués à Ennius :

    Juno, Vesta, Minerva, Ceres, Diana, Venus, Mars,
    Mercurius, Jovi’, Neptunus, Vulcanus, Apollo.

  8. Temple de Cérès et de Proserpine. Cf. De l’Équitation, i.