Le Comité de l’Afrique française

Le Comité de l’Afrique française
Revue pédagogique, second semestre 1891 (p. 351-353).

LE COMITÉ DE L’AFRIQUE FRANÇAISE



Quand, au mois d’août dernier, est parvenue en France la déplorable nouvelle du désastre de la mission Crampel, tout le monde a pu lire dans les journaux l’appel adressé au public par le Comité de l’Afrique française, en vue de recueillir les fonds nécessaires à la continuation de l’entreprise commencée. Bien des personnes en France, peu au courant des questions géographiques, ont sans doute alors entendu parler de ce comité pour la première fois ; plus d’une vraisemblablement s’est demandé ce qu’il était et quel but il se proposait. C’est, croyons-nous, faire une besogne utile, nous dirons même patriotique, que de contribuer à faire connaître et le comité et son œuvre.

On sait qu’un traité récent conclu avec l’Angleterre a placé sous l’influence française une partie considérable de l’Afrique du nord-ouest ; on sait aussi que nos possessions de l’Afrique occidentale, Sénégal, Soudan français, Rivières du Sud et Congo, s’accroissent presque incessamment grâce au courage de nos soldats et au dévouement de nos explorateurs. Or, dès la fin de 1889, a été émise une grande et noble idée, celle d’étendre d’une façon continue notre influence et notre domaine, à travers le Soudan et le Sahara, du Congo au Sénégal, à l’Algérie et à la Tunisie. Aussitôt, comprenant la nécessité d’agir sans retard en vue de la réalisation de ce plan, de peur d’être devancés par d’autres nations rivales, notamment par l’Angleterre et l’Allemagne, un certain nombre de personnes généreuses organisèrent à leurs frais une première expédition, l’expédition Crampel, dont le but était d’explorer la région comprise entre le Congo et le lac Tchad et d’y conclure des traités, puis de revenir, s’il était possible, par le nord, vers la Tunisie ou l’Algérie.

D’autres expéditions furent également favorisées, dans les mêmes conditions, par l’initiative privée et sans que, dans ces entreprises dangereuses et d’un succès toujours incertain (l’événement, hélas ! vient de le prouver), les ressources de l’État fussent engagées aucunement non plus que sa responsabilité.

Ce sont ces premiers souscripteurs des explorations africaines qui, désireux d’accroître leurs ressources afin d’étendre leur champ d’action, ont résolu, dans une pensée purement patriotique, en dehors de tous les partis, en dehors de toute préoccupation d’affaires, de former un comité qui, sous le nom de « Comité de l’Afrique française », s’efforcera, par tous les moyens en son pouvoir, de développer l’influence et le commerce français dans l’Afrique de l’ouest, du centre et du nord.

Le Comité existe depuis bientôt un an ; chaque mois voit augmenter le nombre des adhérents, mais jamais les souscriptions ne seront trop nombreuses, jamais elles ne le seront assez. L’objet des fonds recueillis est d’organiser des missions d’exploration dans les régions africaines soumises ou à soumettre à notre influence ; d’encourager les travaux scientifiques relatifs à ces régions ; de poursuivre des études et recherches destinées à préparer ou à appuyer les établissements privés de nos nationaux, de tenir les adhérents régulièrement au courant des faits concernant l’Afrique, spécialement au point de vue de l’action des nations européennes colonisatrices.

Tout souscripteur d’une somme quelconque devient membre adhérent et recevra pendant l’année le Bulletin mensuel publié par le Comité. Les noms des membres adhérent sont publiés dans ce Bulletin. Les souscriptions doivent être adressées à M. Armand Templier, librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain, à Paris.

Nous recommandons aux lecteurs de la Revue pédagogique, nous recommandons à tous les membres du personnel de l’enseignement primaire cette œuvre patriotique et nationale à laquelle le Comité de l’Afrique française consacre ses efforts. Qu’ils s’y associent ; qu’ils la fassent connaître autour d’eux. Il s’agit du renom et de la grandeur de la France. Or il en est de cette conquête pacifique que nous entreprenons comme de celle qui se fait les armes à la main. On ne réussira qu’à force de dépenses, qu’à force d’argent. Si au lieu d’avoir avec eux une poignée d’hommes suffisante pour inquiéter les populations dont ils traversaient le territoire, trop faible pour les intimider et les tenir en respect, Crampel et Fourneau avaient pu emmener une escorte plus nombreuse et mieux pourvue, l’un n’aurait pas été forcé de reculer devant l’attaque d’une tribu de sauvages, et nous n’aurions pas à ajouter le nom de l’autre à la liste, déjà si longue, du martyrologe africain. L’initiative privée, en Angleterre et en Allemagne, a suffi pour trouver des millions en vue des expéditions des Stanley, des Peters, des Wissmann. Serions-nous donc incapables du même effort ? Et nous verra-t-on marchander ou refuser par indifférence les ressources nécessaires à ceux de nos compatriotes qui, dévoués à la gloire et à la richesse de la France, ne marchandent, eux, ni leurs peines, ni leur santé, ni leur vie ?