Le Collier des jours/Chapitre XI

Félix Juven, Éditeur (p. 29-30).




XI




Il y avait, accroché au mur de la première pièce, tout près de la porte d’entrée, un tableau qui représentait un enfant à mi-corps, de grandeur naturelle. On disait que c’était mon portrait. Je sus plus tard qu’il ne l’était pas, qu’on avait acheté cette lithographie coloriée, je ne sais où, parce que l’Enfant Jésus, je crois, qu’elle représentait me ressemblait étonnamment. Cette image encadrée d’une bande de bois blanc, était drôlement placée dans ce coin, bien qu’elle fût le seul tableau du logis. Peut-être de l’autre pièce la voyait-on aussi, à cet endroit, et ma nourrice, qui se tenait plutôt dans la seconde chambre, l’avait-elle mise là exprès.

Souvent, moi sur son bras, elle se plantait devant, et me disait :

— Tu vois, c’est toi.

N’ayant pas encore l’habitude du miroir, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être ma figure, et je regardais cet enfant, pendu au mur, avec plus de surprise que d’intérêt. Il avait une robe rouge et des yeux bleus. Les miens, qui plus tard, tirèrent sur le jaune, ont été bleus d’abord, à ce qu’on m’a dit.

Je devais être alors un gros bébé robuste, avec des yeux très ouverts et très fixes.