Le Cid/Édition Marty-Laveaux/Romance primero

LE CID, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachetteÉdition Marty-Laveaux (p. 87-89).

romance primero.


seDelante el rey de Leon
doña Ximena una tarde
se pone á pedir justicia
por la muerte de su padre.

enPara contra el Cid la pide,
don Rodrigo de Bivare,
que huerfana la dexó,
niña, y de muy poca edade.
enSi tengo razon, ó non,
bien, Rey, lo alcanzas y sabes,
que los négocios de honra
no pueden disimularse.
enCada dia que amanece,
veo al lobo de mi sangre,
caballero en un caballo,
par darme mayor pesare.
enMandale, buen rey, pues puedes,
que no me ronde mi calle :
que no se venga en mugeres
el hombre que mucho vale.
enSi mi padre afrentó al suyo,
bien ha vengado á su padre,
que si honras pagaron muertes,
para su disculpa basten.
enEncomendada me tienes,
no consientas que me agravien,
que el que á mi se fiziere,
á tu corona se faze.
en— Calle des, doña Ximena,
que me dades pena grande,
que yo daré buen remedio
para todos vuestros males.
enAl Cid no le he de ofender,
que es hombre que mucho vale.

y me defiende mis reynos,
y quiero que me los guarde.
enPero yo faré un partido
con él, que no os esté male,
de tomalle la palabra
para que con vos se case.
enContenta quedó Ximena
con la merced que le faze,
que quien huerfana la fizo
aquesse mismo la ampare[1].

  1. « Par-devant le roi de Léon, un soir se présente doña Chimène, demandant justice pour la mort de son père.

    Elle demande justice contre le Cid, don Rodrigue de Bivar, qui l’a rendue orpheline dès son enfance, quand elle comptait encore bien peu d’années.

    « Si j’ai raison d’agir ainsi, ô Roi, tu le comprends, tu le sais bien : les devoirs de l’honneur ne se laissent point méconnaître.

    Chaque jour que le matin ramène, je vois celui qui s’est repu comme un loup de mon sang, passer pour renouveler mes chagrins, chevauchant sur un destrier.

    Ordonne-lui, bon roi, car tu le peux, de ne plus aller et venir par la rue que j’habite : un homme de valeur n’exerce pas sa vengeance contre une femme.

    Si mon père fit affront au sien, il l’a bien vengé, et si la mort a payé le prix de l’honneur, que cela suffise à le tenir quitte.

    J’appartiens à ta tutelle, ne permets pas que l’on m’offense : l’offense qu’on peut me faire s’adresse à ta couronne.

    — Taisez-vous, doña Chimène : vous m’affligez vivement. Mais je saurai bien remédier à toutes vos peines.

    Je ne saurais faire du mal au Cid ; car c’est un homme de grande valeur, il est le défenseur de mes royaumes, et je veux qu’il me les conserve.

    Mais je ferai avec lui un accommodement dont vous ne vous trouverez point mal : c’est de prendre sa parole pour qu’il se marie avec vous. »

    Chimène demeure satisfaite, agréant cette merci du Roi, qui lui destine pour protecteur celui qui l’a faite orpheline. »