V


Or si vous demandez comment s’appelait le chevalier inconnu, je peux bien dire que c’était messire Lancelot du Lac. En sortant du Sorelois, il était si dolent de n’avoir pu trouver Galehaut et si chagrin de se croire oublié de la reine, bref, il mangea, dormit si peu, que sa tête se vida et qu’il devint insensé. Tout l’été et jusqu’à la Noël, il erra. Enfin, la veille de la Chandeleur, la dame du Lac le découvrit qui gisait dans un buisson au cœur de la forêt de Tintagel, en Cornouaille. Elle le tint auprès d’elle tout l’hiver et le carême ; et, en lui promettant qu’elle lui ferait avoir la plus grande des joies, elle le guérit si bien qu’il se trouva plus fort et plus beau que devant. Et elle s’était gardée de lui apprendre la mort de Galehaut.

Cinq jours avant l’Ascension, elle lui prépara un cheval et des armes.

— Bel ami, lui dit-elle, le temps approche où tu recouvreras ce que tu as perdu. Sache qu’il te convient d’être le jour de l’Ascension, à none, dans la forêt de Camaaloth. Certes, si tu ne t’y trouvais à cette heure, tu aimerais mieux ta mort que ta vie.

— Par tous les saints, dit Lancelot, j’y serai à pied ou à cheval !

Et il alla droit à la forêt, où il parvint pour voir de loin Méléagant combattre Keu et enlever la reine. Son destrier était si las qu’il ne put arriver à temps, et ce fut grâce à celui de monseigneur Gauvain qu’il attaqua les cent chevaliers pour sauver sa dame. Et à présent il lui fallait tenter de la conquérir encore. Mais le conte retourne maintenant à la demoiselle du château.