VII

LE BAIN

Oui, malheureusement, le guillemot avait un rendez-vous quelque part, et il lui était impossible d’y manquer.

Il s’envola donc sans prendre congé de personne, tout à coup.

Certes, Tom avait bien pris ses mesures ; mais, vous savez, faute d’un point Martin perdit son âne.

Or, dans l’affaire qui nous occupe, quand le point que visait Tom vint à lui faire défaut, Tom, hélas ! perdit à la fois sa proie et — ce qui est plus grave — son équilibre.

Dépasser le but, c’est souvent manquer la chose.

Tom manqua la chose et dépassa le but.

Or, comme il était posté à l’extrémité d’une grande vergue qui planait au-dessus de la mer, il fit, après avoir peut-être essayé, mais bien vainement, de suivre ce guillemot dans son vol, une chute énorme, suivie d’un plongeon prodigieux dans les flots azurés.

Patatras ! plouf !

L’entrée subite de Tom dans le monde sous-marin se fit avec un grand éclat, sans doute, et les poissons qui suivaient le Neptune en furent positivement émerveillés.

Le bruit de sa chute, que signala immédiatement de son côté le mousse observateur, mit l’équipage et les passagers en grand émoi.

— Un chat à la mer ! s’écria le mousse.

Patatras ! Plouf !

À peine avait-il parlé ainsi, qu’un matelot s’élança à l’arrière, un harpon à la main.

— Ce doit être ce pauvre Tom ! dit piteusement le lieutenant Coquillard, attiré sur le pont par la rumeur générale, et dont le visage était blanc comme la barbe.

Puis, serrant dans sa poche le domino — toujours un double-six ! qu’il tenait encore à la main quand il avait gravi, quatre à quatre, l’escalier du pont, le lieutenant gémit :

— Vingt francs à celui qui le repêchera !

À ces mots, il y eut comme un steeple chase de matelots, du côté de l’arrière où l’infortuné Tom, tombé à l’avant, devait fatalement reparaître et passer peut-être à portée des cordes, des lignes et des perches qu’on s’empressa de couler à l’eau ou de tendre à sa surface.

Puis chacun attendit, en grand silence.

Moment de suprême anxiété !

Les poissons purent alors contempler à leur aise, s’ils sont curieux, de nombreuses têtes humaines rangées au-dessus des lisses, sondant du regard avec stupeur le mystère des ténébreuses profondeurs salées.

— Le voilà ! hurla enfin une voix rauque.

Un long hourra répondit à ce cri et tous les cœurs furent soulagés.

L’instant d’après monsieur Tom, pris à la peau du cou par le croc d’un harpon, aux environs des chaînes du gouvernail, était hissé à bord, gonflé comme une éponge et ruisselant comme un torrent.


Monsieur Tom, pris par la peau du cou…

Le passager auquel nous devons les aimables croquis qui illustrent cette histoire aussi authentique que touchante, a retracé la scène dans tous les détails de son horreur aquatique.

Regardez l’image ci-contre, âmes sensibles, et plaignez le pauvre Tom !