Librairie Universelle (p. 3-28).

LE CHASSEPOT

Étude satyrique.

SOMMAIRE.

La vérité sur la naissance de Napoléon Ier. — L’aumonier et la Montijo. — La famille Walewski ; son origine. — Les pédérastes de Wilna. — Madame Georges Sand et l’amour lesbien. — Persigny et la Maskowa. — La petite fille de Léonie Leblanc. — Le bouge nommé la Griffe impériale. — Madame Leverrier et Arago. — La comtesse de Goyon, la duchesse de Persigny et… l’âne. — Le prince Cammerata et Eugénie de Montijo. — M. de Nieuwerkerke et la princesse Mathilde. — Le comte de Glaves et Eugénie de Théba. — Adelina Patti et le marquis de Caux. — Le docteur Véron et Rachel foirée ; 5,000 fr. la nuit. — Plonplon et sa dyssenterie chronique ; traitement.

L’heure est venue de dire la vérité à tous et de la dire en face. L’heure est venue de donner une photographie vraie des monstres qui gouvernent la France.

Assez de mensonges, assez de duperies. — Voilà dix-huit ans que Bonaparte nous écrase de son pouvoir despotique ! Voilà dix-huit ans que d’infâmes ministres se jouent de nous ! Voilà dix-huit ans qu’un clergé ignoble tyrannise la conscience du peuple ! Voilà dix ans que l’homme de Guernesey nous sonne le tocsin ! — C’est en trop, il faut en finir.

Tremblez, ministres et sénateurs, je me promets de vous démasquer tous.

Tremblez, généraux et députés de carton, qui votez sans comprendre, je me promets de parler de vos maîtresses.

Tremblez, gens d’église, je me promets de faire l’histoire de vos crimes.

Quant à toi, Napoléon, je m’occuperai peu de toi : depuis que tu règnes, on a appris à te connaître.

Chaque ouvrier sait que tu ne vaux pas plus que ton oncle et moins encore que ton grand-père, fusillé comme brigand.

Chaque Français cache dans son sein une balle qu’il te réserve, pour quand viendra le grand jour du réveil.


Je vais faire dans cette brochure une étude aussi approfondie que possible de la société au point de vue moral.

Je m’occuperai parfois d’histoire rétrospective, mais cela ne sera que quand il y aura lieu.


On a cru jusqu’à ce jour que Napoléon Ier était né le 14 août 1769 ; c’est une erreur profonde. En montant sur le trône pour ruiner la France et faire périr ses enfants, Buonaparte usa d’un moyen, auquel n’aurait jamais songé l’homme du Deux-Décembre.

Il brûla toutes les pièces qui accusaient son origine et sa naissance, sauf une seule, qu’on laissa par mégarde aux Archives et que nous avons eue entre les mains.

Il est né, d’après ces documents authentiques, le 8 mars 1769, et non le 15 août de la même année.

À cette époque, le 15 août, jour de l’Assomption, était à Paris et partout une véritable fête populaire.

Napoléon, en fin politique, le comprit, et il changea la date de sa naissance.

Qu’arriva-t-il ? Avec le temps on confondit l’Assomption avec la Saint-Napoléon, et par la suite le 15 août devint la fête du tyran.


En 1865… année du choléra… le 24 octobre… tout Paris fut informé par la voie des journaux de la visite que firent l’Empereur et l’Impératrice dans les différents hôpitaux de la capitale.

Le jour où le couple impérial se rendit à l’Hôtel-Dieu, un fait incroyable s’y passa. Il y avait, parmi les suivants de Napoléon, un des aumôniers attachés audit établissement. Ce digne prêtre ne quittait des yeux la Montijo, tandis que notre détesté souverain prodiguait çà et là des paroles de consolation. Celle-ci s’en aperçut et devina, aux regards passionnés de l’aumônier, quels devaient être ses désirs. Elle aurait sans doute répondu à ses provocations, si le respect et la dignité du lieu ne l’avaient arrêtée. Notre aumônier ayant remarqué qu’il avait été compris, s’en alla au fond de la salle se réjouir en paix. Au moment du départ, ce fut avec une bien vive émotion qu’il vit s’éloigner l’illustre Sœur de charité.

Lorsque vint le soir, ce disciple de Loyola, ne pouvant plus contenir l’ardeur de ses sens enflammés, se rendit mystérieusement par une porte dérobée dans cet endroit funèbre qu’on appelle la salle des morts.

Sur l’un de ces plateaux, sur celui du milieu,
Une femme gisait, jeune, amaigrie et nue,
Étalant à ses yeux sa pâleur inconnue,
Sombre comme le jour, froide comme le lieu.

(Péchés de Jeunesse.)
Dumas fils.

Au milieu d’une obscurité profonde et d’un silence affreux, empressé, haletant, il se jette sur ce cadavre… Il satisfait encore son immonde passion, quand tout à coup entre un interne. Ô surprise ! Ô horreur !… Il voit cet homme, cet aumônier, dans une attitude dégoûtante ; il le voit demandant à la mort les jouissances que lui refuse son sacerdoce.

Savez-vous à présent quel châtiment on a infligé à ce ministre de Dieu ? Vous ne sauriez le croire. — On l’a nommé tout simplement premier aumônier dans un de nos lycées impériaux.


M. le comte de Walewski, de défunte mémoire, naguère président du Corps législatif et membre d’une foule d’ordres, n’aurait laissé, s’il faut en croire les bruits de cour, que quelques millions à sa femme et à ses enfants.

Les journaux du Gouvernement ont trop vanté ses vertus civiques pour que nous taisions l’origine de cette fortune soi-disant médiocre.

Un pauvre Polonais, nommé Walewski, avait un fils de 14 ans, mauvais garçon, qu’il plaça chez un avocat, où il ne devint pas meilleur. Il avait atteint sa dix-septième année, quand l’avocat vit disparaître de sa maison sa montre et son élève, qui était allé solliciter à Wilna le poste de garçon marqueur dans un billard. Le jeune Walewski, faisant cheminer la montre que suivait de loin l’avocat, arrive à Varsovie enfin, où, dans une nouvelle salle de billard, il trouve à s’occuper. Peu propre jusqu’alors à aucun genre de travail ou d’étude, Walewski sentit se développer en lui le génie du jeu dont il était si assidûment le témoin ; quand l’occasion de marquer ne se présentait pas, il s’exerçait à jouer et devint si habile qu’il attira l’attention d’un prince russe, voyageur et spéculateur.

— Que gagnez-vous, lui demanda ce dernier ?

— Vingt sous par jour et au plus quarante.

— C’est indigne de vos talents. Suivez-moi, nous trouverons partout des billards. Vous jouerez, je parierai pour vous, et le quart des paris que vous m’aurez fait gagner vous appartiendra. Pour cette fois, l’avocat perd les traces de sa montre, car le voleur polonais et le seigneur russe s’en vont côte à côte en Allemagne, en Italie, jouant, pariant, et surtout gagnant si régulièrement que Walewski rompit le traité et, acquérant d’abord le titre de comte du Saint-Empire, alla exercer son art en Angleterre, d’où, fort riche, il vint se faire présenter à la cour de France.

Le comte Walewski eut l’honneur de faire la partie de Marie-Antoinette, qui mit pour enjeu des belles peintures de Petitot et les perdit.

Titré et de plus honnête homme, Walewski retourna en Pologne. Là, poursuivant le cours de cette nouvelle vie, M. le comte de Walewski fit les frais d’une institution, où vingt-quatre garçons étaient gardés à vue pour servir aux pédérastes de Wilna.


Il y avait en 1848 une certaine dame, Georges Sand, fort connue dans le monde galant, qui avait la manie de se vêtir en homme. Elle avait l’habitude d’aller chaque soir chez Madame Henry, rue Richelieu, qui tenait une pépinière de jolies femmes. Elle s’y rendait avec autant d’ardeur que jadis Messaline au quartier des Esquilies.

La plus coupable d’entre ces deux femmes n’est certes pas Messaline. Que voulait l’épouse de Claude ? Du plaisir. Que cherchait-elle ? De la volupté. Ce que voulait notre chère dame était bien différent. Comme toutes les filles de Lesbie, elle aimait les fleurs, et, comme elles, elle préférait certains endroits pour les cueillir. Elle allait dans ce lupanar en faire une ample moisson ; puis, quand elle avait de ses lèvres humides effeuillé les roses flétries que portent à leur ceinture les filles de joie, elle partait heureuse et contente.

Tous les romantiques du temps se rappellent qu’elle fut surnommée le colonel des tribades, et que depuis ce titre lui est resté.

Aujourd’hui cette vieille dame écrit des romans où elle prêche la morale, car, grâce à ses amis, elle est devenue une des étoiles de la littérature ; en un mot, elle est une célébrité[1].


M. Fialin, duc de Persigny, ministre de l’intérieur en 1852, appartient aux forêts par sa naissance. Il n’y a de grand et de noble dans son pays que les chênes, dont il n’eut jamais la fermeté. Il fit ses études au collége de Limoges, mais sans aucun succès. On raconte même sur lui une anecdote assez piquante.

Il était alors en quatrième ; un matin, au cours d’histoire, son professeur, homme d’un grand mérite, lui adressa cette question :

Dites-moi, je vous prie, de quel peuple Annibal était chef ?

Le ministre en herbe répondit, avec le même sang-froid qu’il montra au Deux Décembre.

— Annibal était chef des Cochinchinois. (Hilarité générale.)

Cette sottise, ajoutée à mille autres qu’il a depuis faites, prouve que, chez cet homme, la bêtise était une chose incurable, un legs de famille.

Peu de jours après l’échauffourée de Strasbourg, Fialin, ancien sergent-major de dragons, renvoyé sans certificat de bonne conduite du régiment pour une cause d’indélicatesse, se rendit, les poches vides, à Paris pour entrer dans la police.

Lorsque Louis-Napoléon se présenta de nouveau à Boulogne pour renverser le gouvernement de Juillet, Fialin portait la cage où était l’aigle impérial. Si ce rapace ne prit point son vol, c’est que son maître n’avait point encore escamoté à la Banque les cinquante millions qui devaient assurer le coup d’État.

Après le 10 décembre, Napoléon fit épouser à l’ex-sergent Mlle de la Moskova, que l’on rangeait au nombre des femmes galantes, malgré le refus de sa mère. La dot de 7,000,000 ne pouvant satisfaire sa convoitise, Fialin fit empoisonner le frère de sa femme, jeune homme de 17 ans, placé dans un pensionnat interne rue d’Enfer, afin d’avoir les autres millions provenant de la fortune Lafitte.

Mme la princesse de la Moskova, que son père, l’illustre banquier, avait laissée légataire des 14 millions jusqu’à la majorité des enfants, fut dépouillée de cette fortune par la police de Piétri et de Fialin, et par un jugement inique fut interdite… comme folle.

Les patriotes de Guillaume Tell ont vu vivre misérablement à la Chaux-de-Fonds (Suisse) la fille unique du banquier, la belle-mère du duc de Persigny, ministre de l’intérieur, membre du Conseil privé, etc., etc., etc.

Ce qui maintenant nous démontre que chez ce scélérat l’immoralité aussi n’avait point de bornes, c’est le trait qui va suivre.

En 1867… vers le mois de mars… M. le duc de Persigny invita chez lui Mlle Léonie Leblanc, une des pensionnaires les plus aimées du théâtre des Variétés.

Cette actrice avait une petite fille, âgée de dix ans à peine, fort jolie et fort mignonne, qui promettait beaucoup pour l’avenir.

Qu’arriva-t-il ?…

Le petit Fialin, qui avait vu l’enfant, fit ce jour-là des propositions à la mère… qui furent acceptées.

Le marché fut conclu et arrêté au prix de cinquante mille francs. Dès la semaine suivante, la pauvre petite servait de hochet aux appétits contre nature de l’ancien ministre.


Quelque temps après la mort du duc de Morny, frère de Napoléon III, M. le comte de Goyon, général de division, M. Rouher, ministre d’État, M. le duc de Cambacérès, grand-maître des cérémonies, M. Fleury, écuyer de l’Empereur, se rendirent tous quatre, comme un seul homme, dans un établissement situé boulevard Monceaux, qu’on appelait à la Cour : la Griffe impériale.

Là, dans un magnifique salon, préparé pour la circonstance, eut lieu une scène d’orgie et de débauche, comme il ne s’en fit jamais chez Lucullus, comme on n’en vit jamais chez le Régent.

On y interpréta l’amour de mille façons, de mille manières, et sous les poses les plus diverses.

À Rome, on buvait du sang dans une coupe passée à la ronde, quand il s’agissait d’éprouver son courage ou de sceller quelque pacte ; là-bas, dans ce bouge infâme, on y but du champagne dont on avait arrosé Le corps de vingt prostituées.


M. Leverrier, directeur de l’observatoire, sénateur et membre de l’Institut, a été surnommé à tort le Christophe Colomb des comètes.

On lui a jusqu’à ce jour attribué une foule de découvertes qu’il n’a point faites et qu’il est incapable de faire.

Si la fortune vient des femmes, M. Leverrier doit savoir si c’est juste. Ce que l’on ignore à son égard, c’est l’objet qui lui a servi de marche-pied pour arriver à la renommée.

Avant d’avoir le poste qu’il occupe, il fut longtemps secrétaire de François Arago, qui l’initia aux secrets de la science astronomique. À cette époque, il venait d’épouser une forte femme, pleine de charmes, que les ans n’ont point respectés. Elle avait la stature et la corpulence de l’illustre Sempronia, la puissante mère des Gracques. Si elle n’a jamais dit comme la matrone romaine : « Pueri mei sunt ornamenta mea, » c’est que son époux en se palpant le front aurait pu dire autre chose.

François, appelé à voir souvent Mme Leverrier, et frappé bientôt de sa beauté, lui parla un soir en secret.

… Ils ne tardèrent pas à se comprendre.

François ayant dans son sac quelques découvertes qu’il n’avait pas mises au jour, en gratifia son secrétaire devenu soudain son ami. En échange de ce bienfait, qui assurait à son époux un peu d’immortalité, Mme Leverrier accorda au célèbre astronome une nuit de voluptés.

En 1801, les élèves de l’École polytechnique furent invités, le jour du couronnement de Napoléon Ier, à signer une adresse pour congratuler le nouveau maître.

Arago, qui était du nombre, brisa la plume qu’on lui tendait.

— Moi, signer, s’écria-t-il, jamais ! Ce serait signer l’arrêt de mort de la liberté !

M. Leverrier à sa place n’aurait pas refusé ; il se serait soumis de bonne grâce… Devise oblige !…

Voici la sienne :

Je sers qui me paie.

Au mois de mai dernier… deux dames de la Cour… Mme la comtesse de Goyon et Mme la duchesse de Persigny, faisaient une promenade sentimentale dans la forêt de Fontainebleau.

Chemin faisant, elles rencontrèrent un âne qui broutait paisiblement. La comtesse, considérant les parties sexuelles de la bête, dit dans sa surprise extrême :

— Voyez donc, chère amie, comme cet animal est fort !

— Eh quoi ! reprit la duchesse, cela vous étonne ; mais mon mari est comme cela.

— Pas possible ?

— Je vous assure… Elle n’entre pas dans mon bracelet.

— En vérité, je ne puis vous croire… Mesurez donc… Nous verrons s’il y a différence.

Ce qui fut dit fut fait. Aussitôt ces dames se mirent à l’œuvre. La comtesse saisit l’âne par la tête afin qu’il n’avançât, tandis que la duchesse ôta son bracelet et le fixa sur l’organe que vous connaissez.

Bientôt l’animal se raidit ; ses sens furent éveillés ; la duchesse s’en aperçut ; elle voulut retirer le bracelet…

Impossible !

L’âne, délivré des douces étreintes de la comtesse, s’enfuit au galop.

Une fois sorties de leur torpeur, elles se dirigèrent du côté où était parti le voleur ; et, après une heure de recherches infructueuses, elles retrouvèrent l’animal dans une maison voisine.

Elles racontèrent la chose au fermier qui s’empressa de restituer le bracelet.


Après la formation du Conseil d’État du nouvel Empire, une séance extraordinaire fut tenue aux Tuileries, sous la présidence de Sa Majesté Impériale, pour préparer la loi de sûreté générale.

Le prince de Cammerata, qui s’y était distingué par une improvisation éloquente, était de tous les gentilshommes de la cour le plus aimé des femmes. L’impératrice Eugénie se faisait remarquer par la préférence qu’elle lui accordait.

Dans une de ces fêtes, hélas ! l’infortuné prince, ayant à son bras celle qui savait si bien l’accaparer, eut le malheur de lui dire : « Je t’aime !… » L’insulte était publique… Aussitôt la comtesse de Théba, comme une couleuvre blessée, s’élança vers le conspirateur de Boulogne et demanda vengeance.

À l’instant même, le prince Cammerata fut livré au mouchard Zambo, exécuteur ordinaire des crimes de Napoléon ; il lui fit sauter la cervelle par derrière d’un coup de pistolet.


On lisait dans un des plus spirituels numéros du Figaro :

« Simple question ? »

Le ministère de la maison de l’Empereur pourrait-il nous dire d’où proviennent les merveilleuses toiles qui ornent certain pavillon Louis XIII dans les bois de Gonards, près de Versailles ?

« Pour mieux préciser. »

Ce pavillon est généralement fréquenté par les plus hauts personnages ; nous citerons MM. Fleury, de Nieuwerkerke et madame la princesse Mathilde.

« Par contre, l’Empereur n’y pénètre jamais, dit-on. »

Tous les journaux ayant donné leur opinion sur cette affaire, nous n’y joindrons qu’une petite note scandaleuse.

Tout le monde sait que M. de Nieuwerkerke, directeur des musées impériaux, a facilité l’enlèvement de certains tableaux du Louvre ; mais, ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’en sa qualité d’amant de la princesse Mathilde, il jouit, comme les castors, de la propriété de construire des maisons avec le même objet.

S’il ne va pas sur les places publiques soulager son corps, comme faisait Diogène dans les rues d’Athènes, c’est que la crainte d’être arrêté l’en empêche.


Le comte de Glaves, jeune Espagnol, parent d’Eugénie de Théba, avait, rue de la Madeleine, un hôtel richement meublé, loge à l’Opéra et aux Italiens. Mesdames de Montijo, de Glimes, et la future impératrice des Français, étaient les commensaux assidus du noble Castillan.

On assurait dans le quartier que la comtesse de Théba y venait très-souvent seule et que, souvent, elle oubliait de s’en aller, quand venait le soir…

Après le mariage de la fille Montijo avec Louis-Napoléon, le comte de Glaves, en conduisant un quadrille échevelé aux Tuileries, tomba sur le parquet et se fractura le bras gauche. On transporta, par ordre de la jeune impératrice, le blessé dans une des chambres… des rois de France.

La nuit suivante, Napoléon fut tiré de son sommeil de lion par le bruit de joyeux éclats de rire. Il se leva et se rendit dans l’appartement d’Eugénie.

Jugez de son effroi, Elle en était absente ! Mortifié, colère, il prit son élan et parcourut en chemise tous les corridors du palais, en criant à tue-tête : Ousqu’es-tu, Eugénie ? Ousqu’es-tu ?

Dans sa course furieuse, il arriva tout à coup devant la chambre du comte de Glaves et y pénétra sans frapper. Ô surprise ! Ô terreur ! Il vit son épouse couchée à côté du blessé… et put se convaincre que tous les membres de l’Espagnol n’étaient pas fracturés.

Une heure après, un agent de police prenait de Glaves et le conduisait à la frontière.

Napoléon aurait dû se rappeler, quand il épousa Mlle Montijo, ces vers immortels :

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N’en défend pas les rois.


La Patti était dernièrement en représentation à Bruxelles.

Le soir de la première — on jouait Lucie — un souper de quinze couverts fut offert à la Diva et à son époux, le marquis de Caux.

Le repas se fit à l’hôtel de Bellevue ; il fut splendide. — Parmi les propos tenus dans cette soirée, en voici un des plus drôles :

— Nous n’avons, disait le marquis, que 80,000 livres de rentes… et c’est peu !

— Comment, reprit un invité ; mais je trouve cela très-beau !

— Sans doute, si nous n’étions qu’Adelina et moi, cela pourrait nous suffire, mais nous sommes obligés d’en donner la moitié à la famille de ma femme… Il ne nous reste donc que 40,000 francs.

— Eh bien ! Et ce que la marquise gagne au théâtre ?

— Ah ! cela c’est différent !… C’est pour payer mes dettes !

Ô Marfori ! Il paraît que tu fais des élèves !


Monsieur Charles Giraud, ancien ministre de l’instruction publique et des cultes, aujourd’hui professeur de droit romain — place du Panthéon — inspecteur général de l’instruction primaire en France, possède une magnifique collection d’ouvrages érotiques.

Il occupe à Neuilly une habitation superbe, où il se procure des délices de toutes sortes.

Le dimanche — par exemple — son seul passe-temps est de faire poser toutes nues des nymphes du quartier Bréda ; son unique plaisir est d’enseigner à ses bonnes (qu’il renouvelle fréquemment) le métier de Vénus — le plus souvent il joint à ses instructions la pratique.

Voyez jusqu’où peut aller l’amour de l’enseignement !

C’est un bon homme au fond, pas trop bête, qui sait faire des dettes pour les femmes. Il commet parfois des discours fort insensés, sans logique et sans raison ; quant à la morale, je n’en parlerai pas, il s’inspire d’ordinaire des Priapées de Maynard.


On jouait un soir à la Comédie-Française une pièce nouvelle d’un auteur fort estimé. Rachel, comme toujours, avait le principal rôle. Toute la presse avait été convoquée pour la circonstance. Le docteur Véron, rédacteur alors du Constitutionnel (grâce aux 100,000 francs que lui avait prêtés M. Thiers), se trémoussait dans un fauteuil d’orchestre.

Après la représentation il se rendit dans la loge de Rachel pour la féliciter ; puis, une fois que les importuns s’en furent allés, il lui demanda la permission de l’accompagner jusque chez elle. Elle accepta.

On monta en voiture, et une heure après on fut rendu à domicile.

Déjà Rachel se disposait à remercier le bon docteur, lorsque le coupé s’arrêta devant la demeure de Véron. En femme d’esprit, elle ne se fâcha point, mais elle tint au docteur ce langage : « Vous êtes fort habile, cher ami, j’en conviens ; seulement… vous savez… je n’ai pas l’habitude de me donner… c’est 5,000 francs.

C’était clair et c’était raide.

Le rédacteur du Constitutionnel consentit de bonne grâce.

Rachel ne pouvant lui accorder cette nuit-là, due à un vieux sénateur, lui promit la suivante.

Le lendemain elle prit 50 grammes de magnésie avant de se coucher ; Véron, qui était venu avec l’espoir de goûter dans les bras de l’illustre tragédienne des voluptés infinies, passa une nuit affreuse, dans des draps où ne se firent point sentir les parfums de la rose.


La presse s’occupe beaucoup trop, je trouve, de la santé du prince Napoléon. Sa vie n’est pas plus utile au bonheur du pays que celle de Napoléon III.

Si les médecins qui le soignent connaissaient un peu mieux leur histoire, ils seraient d’accord, il y a longtemps, sur l’origine de la fièvre dont il est atteint. Si Ricord a renoncé à lui donner ses soins, c’est que depuis, dix ans il le traite pour des maladies secrètes.

Interrogez-le plutôt ; vous verrez ce qu’il vous répondra : « Cet homme, s’écriera-t-il, en examinant l’abdomen du moribond impérial, est atteint d’une dyssentero-craintplomberie chronique, contractée à la bataille d’Inkermann, en fuyant devant l’ennemi.

Voilà le traitement à suivre pour une pareille affection :

1o Rester assis, matin et soir, pendant trois heures, sur la baïonnette d’un fusil chassepot, afin de resserrer certains organes.

2o Apprendre par cœur, dans cette position, la Nouvelle lettre sur l’Histoire de France, par M. le duc d’Aumale, à M. Napoléon Bonaparte, afin d’exciter votre nature pléthorique.

Si ce moyen ne suffit pas, allez à Londres vous débarrasser de cette maladie, en attendant que votre cousin débarrasse la France, car un grand poète a dit :

Des deux Napoléon les gloires sont égales,
Fort bien, chacun le sait ; ce ne sont faits nouveaux :
D’Europe le premier prenait les capitales,
Le troisième aux Français vole leurs capitaux !

… Janvier 1869.
  1. Elle est d’ailleurs une des actrices du Gamiani, ce livre aux scènes tribadiques dont l’auteur est Lui, son premier amant, Alfred de Musset.