Le Charme des adieux

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 207-208).

LE CHARME DES ADIEUX

Chaque adieu nous emporte un lambeau de notre âme :
— Les plus durs ne sont pas ceux que mouillent des pleurs.
Chaque adieu fait tomber un fil d’or de la trame
Que l’amour va brodant de fugitives fleurs.

Et chaque adieu, pourtant, au fond du cœur nous laisse
Je ne sais quoi de doux d’un autre cœur venu,
Qui, par le souvenir d’une égale faiblesse,
Nous rend cher et charmant notre mal inconnu.

Ce parfum qui d’un être à l’être ami s’échange,
Je l’ai bu sur ta bouche et le garde en partant :
Car il fait vivre en moi, dans un divin mélange,
Le bonheur que je quitte et celui qui m’attend !