Le Chapelet rouge/Partie 2/Chapitre III

Le Grand Écho du Nord (p. 42-48).

III


Les autres, comme disait le substitut, avaient écouté avidement, mais sans rien deviner de cette offensive. Ils furent donc surpris qu’on les priât de se retirer dans leurs chambres ou ailleurs, sans toutefois quitter le château.

Ils sortirent. M. Rousselain donna ensuite l’ordre au brigadier, de veiller à ce que la salle voisine restât vide. Il ne voulait pas que des éclats de voix pussent parvenir au-dehors.

Christiane qui s’était tenue à l’écart, non loin de la fenêtre, se rapprocha un peu. Elle paraissait plus attentive et plus grave, étonnée aussi, et cherchait des yeux son mari. Le visage de Bernard, si inquiet d’ordinaire et si mobile, ne trahissait aucune impression.

Jean d’Orsacq s’était replié sur lui-même, comme insouciant des paroles prononcées. Mais comment admettre qu’il ne les eût pas prononcées à bon escient, et que, après avoir, en fait, conduit l’instruction depuis un quart d’heure, il n’eût pas agi avec une intention déterminée et avec la ferme résolution d’atteindre le but qu’il s’était fixé ? Pour cela, M. Rousselain tenait à lui laisser toute latitude. Il pencha son buste au-dessus de la table qui le séparait du comte, et lui dit :

— Veuillez développer toute votre pensée, monsieur.

— Mais, fit Jean d’Orsacq, ma pensée ne va pas au-delà de ce que je vous ai exposé. Nous cherchons ensemble une vérité qui se dérobe.

— Qui se dérobe moins, depuis que vous avez parlé, monsieur. Puisque, dès la première heure, vous vous êtes efforcé de vous renseigner par vous-même, et que vous avez réussi sur certains points, ayez donc l’obligeance de nous faire part de toutes vos constatations…

— Je n’ai rien constaté, monsieur le Juge.

— Disons vos hypothèses, si vous le préférez. Et comme ces hypothèses s’appuient tout de même sur plusieurs faits, par exemple l’existence d’issues possibles pour entrer dans le parc et dans le château, ou pour en sortir, je vous demande si vous n’avez pas relevé d’autres détails ?

— Aucun, monsieur le Juge d’instruction, je vous assure, ou alors, des détails tellement insignifiants !

— Aucun n’est insignifiant, déclara M. Rousselain.

Le comte se décida, mais n’était-il pas décidé dès le premier instant ?

« Eh bien, monsieur le Juge d’instruction, il y a parmi ces détails, celui-ci qui me tracasse. Bernard, quand tu es sorti avec nous, hier soir, tu avais un chapeau ?

— Non, j’étais tête nue.

— Retenez cette réponse, monsieur le Juge d’instruction, M. Debrioux était tête nue. Or, ce matin, au petit jour, comme j’explorais le parc minutieusement, surtout le côté droit qui, le soir, était resté dans l’ombre, puisque la lumière des ampoules ne l’atteignait pas, j’ai trouvé une casquette que j’ai reconnue.

— Comme vous appartenant ?

— Non. Tous les feutres et casquettes de chasse sont accrochés derrière l’office, précisément en haut de cet escalier de service qui vient du sous-sol. En passant, l’individu aura pris cette casquette.

— Pour quel motif ?

— Je l’ignore. Peut-être pour se travestir en cas de rencontre inopinée, et il l’aura jetée dans le parc, une fois son coup fait, c’est-à-dire à dix heures une ou deux minutes.

— Et vous l’avez ramassée ?

— Près d’un buisson sur les premières pentes des monticules, entre la première grotte où s’abritait Vanol et la seconde grotte où aboutit une bifurcation de l’avenue qui va d’ici à la rivière. Vanol, évidemment, ne pouvait ni voir ni entendre un individu passant près de ce buisson, mais — et c’est cela qui me déconcerte — Bernard, lui, devait le rencontrer puisqu’il se promenait entre la deuxième, la troisième et la quatrième grottes. »

Bernard s’étonna.

— Je ne comprends pas ton insistance, dit-il.

Christiane le regardait et regardait aussi Jean d’Orsacq. Elle non plus ne comprenait pas.

Bernard ajouta avec un vague sourire :

— L’individu a pu s’en débarrasser après mon passage, car à t’écouter, on pourrait croire que c’est moi qui me suis servi de cette casquette.

— Je ne dis pas ça. Ce qui me déconcerte, c’est qu’elle t’appartient, et que tu chassais hier avec.

— Quel dommage ! dit Bernard en souriant de nouveau. Si j’avais su que ma casquette fût là, je l’aurais mise plutôt que de m’exposer à la pluie.

D’Orsacq laissa tomber ces mots :

« Bresson croit — je dis bien — Bresson croit que l’individu descendant de la fenêtre avait un pardessus et une casquette. »

Un silence. La figure de Christiane se crispait. Bernard paraissait assez calme.

Les deux magistrats se consultèrent à voix basse et M. Rousselain conclut :

« Ça prend tournure. Il est manifeste qu’il y a là quelque chose d’équivoque, et que le comte, en ayant l’air de cheminer à droite et à gauche suit une route directe… Et avec quelle maîtrise !… Quel chef-d’œuvre de préparation et d’investissement ! Le terrain est prêt pour l’assaut… Ça ne peut pas tarder. »

Le substitut murmura :

« Il y a de la haine entre ces deux hommes. Mais pourquoi ? »

— La femme ! Toujours la femme, dit M. Rousselain avec un petit tapotement des doigts sur la table.

— Vous croyez ? Jusqu’ici, rien ne permet cette supposition.

— Non, mais regardez-la… Ce qu’elle est belle ! Regardez la flamme de ses yeux… et cette physionomie tragique…

Il parlait en connaisseur, qui sait apprécier la beauté féminine. Il répéta, ravi de son épithète :

« Oui, tragique… C’est une tragique… »

Et, reprenant soudain son rôle de juge d’instruction, il demanda à d’Orsacq :

« Alors, vous ne pensez pas, monsieur, que l’individu soit venu du dehors ?

— À la réflexion, non, monsieur le Juge d’instruction. D’abord, s’il est facile pour s’en aller de franchir le mur à l’aide d’une simple chaise, il n’est pas commode d’arriver par là, car, de l’autre côté, le terrain est en pente abrupte et le mur élevé. Ensuite, selon la logique des choses, l’affaire n’a pu être combinée qu’à l’intérieur, par quelqu’un qui suivait, de minute en minute, la vie du château et qui savait que, de telle heure à telle heure, cette pièce serait vide, puisque la petite fête devait avoir lieu sur l’eau dès que la nuit serait venue.

— Donc, ce doit être, ou bien un domestique…

— Je ne le crois pas, fit d’Orsacq, un domestique n’aurait pas eu l’idée d’utiliser l’escalier de service et de laisser ouverte la porte basse.

— Ou bien l’une des personnes qui se trouvaient dans le parc ?

Comme d’Orsacq ne protestait pas, le juge, coup sur coup, formula des précisions :

« Dans le parc, c’est-à-dire sur le bord de la rivière… c’est-à-dire l’un des vos invités… l’un de ceux que nous interrogeons depuis une heure… »

Le silence continuait. Le juge insista :

« Le cercle se restreint de plus en plus, monsieur. Si nous procédons par élimination, nous arrivons forcément à une accusation stricte. Est-ce que vous vous y maintenez ?

— Je n’accuse personne, fit vivement d’Orsacq.

— Si le mot vous gêne, mettons que vos paroles désignent quelqu’un à mon attention. Est-ce bien ainsi que je dois les interpréter ?

On attendit la réponse de Jean d’Orsacq. Elle ne vint pas. Et l’on sentait même qu’il était bien résolu à ne pas la donner pour l’instant. Son visage était dur, obstiné. Christiane chuchota :

« Tout cela est odieux. »

— Qu’est-ce qui est odieux, madame ? questionna M. Rousselain.

— Tout cela… tout cela… fit-elle vaguement.

À la porte on frappa. Le brigadier passa la tête, puis, sur un signe de M. Rousselain, entra. Il amenait l’agent de la brigade mobile et son compagnon. Celui-ci, un petit maigre, pâle, aux yeux de malice, raconta qu’il avait reconstitué l’itinéraire de la dame aperçue par le paysan de la chaumière. Cette dame, après une heure de marche, avait abouti à la gare et s’était assise sur un banc, loin de la lumière. Le train passait à 11 h. 33 du soir. Elle avait pris un billet de seconde classe pour Paris. Pour le signalement, aucune indication, les employés de la gare ne s’étant pas souciés de cette voyageuse. Cependant, suivant le préposé au guichet, elle portait sous le bras un paquet en forme de rouleau, enveloppé d’un journal, ficelé, et d’où dépassaient des feuilles de papier ornées de vignettes jaunes.

« C’est bien ce que je supposais, dit Jean d’Orsacq, ces titres étaient ornés de vignettes jaunes et enveloppés dans un journal ficelé.

— De sorte que ?…

— De sorte que mon cambrioleur, c’est-à-dire mon invité, filant par le sentier des grottes, a couru jusqu’au mur et, montant sur une chaise qu’il avait préparée, a jeté les titres à sa complice qui les a ramassés de l’autre côté, et, tout tranquillement, rebroussant chemin, il est retourné le long des grottes. Je suis convaincu, monsieur le Juge d’instruction, que si l’on « minutait » le temps nécessaire pour effectuer ces trajets, on aboutirait aux dix minutes employées par l’individu pour sauter de cette fenêtre, courir au mur et revenir.

— Et revenir auprès de M. Vanol, acheva Bernard Debrioux.

Il s’était levé, il demeurait encore maître de lui, mais ses poings crispés, sa pâleur, révélaient une agitation intérieure qui grandissait de plus en plus.

Christiane, toute frémissante, attendit encore une réponse de Jean d’Orsacq. Il allait protester. Il ne se pouvait pas qu’il ne donnât point quelques explications qui balaieraient cette atmosphère de haine implacable. Il y avait là un malentendu. D’Orsacq allait le dissiper, elle l’en suppliait de toute son attitude et de son regard éperdu.

Il ne souffla pas mot. L’accusation était donc nette, sans réticence, irrémédiable.

— Je ne comprends pas… Je ne comprends pas… répéta-t-elle à voix basse.

Et le juge dit à son voisin : « C’est clair, cependant. Et comme c’est passionnant ! »

Il ne fallait pas que la véhémence, contenue mais si tenace, de l’accusateur se refroidît. M. Rousselain ne le lâcha pas :

— Vous avez été trop loin, monsieur, pour ne pas aller jusqu’au bout.

— Je le reconnais, dit le comte. Mon intention n’était pas du tout formulée en moi quand cet entretien a commencé, mais certains incidents et mes réflexions me donnent le devoir de dire tout ce que je sais, ou tout ce que l’on peut déduire de mes certitudes.

— Toujours à propos du vol, sans doute ?

— Oui, monsieur le Juge d’instruction, à propos des titres qui m’ont été dérobés. Tout de suite, dès hier soir, une question s’est posée à mon esprit, opiniâtre, obsédante qui pouvait savoir que ces titres avaient été déposés dans ce coffre-fort à peu près inutilisé ? Qui pouvait connaître le secret de la serrure ? Qui, sinon quelqu’un qui se trouvait ici depuis quelques jours, quelqu’un qui a pu épier, surprendre certains de mes actes, certaines de mes pensées, pourrait-on dire, se poster, un des soirs précédents, à cette fenêtre, parfois entrouverte la nuit, me voir entrer ici et m’agenouiller devant le coffre et compter chacun des déclics de chacun des trois boutons que je tournais, quelqu’un qui a pu enfin devenir le maître de mes secrets et le maître de l’argent enfermé par moi dans ce coffre ?

Jean d’Orsacq fit une pause et continua :

» Le problème ainsi établi s’est résolu aisément, et sa solution devait fatalement éveiller les soupçons et diriger mes recherches vers le coupable. »

D’Orsacq avait poursuivi sa route sans dévier d’un seul pas, l’œil fixé sur le but à atteindre et qui devenait de plus en plus distinct. La minute redoutable approchait. Encore un instant, et le nom allait être prononcé.

— Et cette solution ? répéta M. Rousselain.

— La voici. Depuis longtemps, monsieur le Juge d’instruction, je suis en rapport avec un M. Sourdenal, de Paris, qui m’apporte des affaires à mettre sur pied, des affaires mal administrées que je relève, que j’alimente, et que je peux ensuite introduire en Bourse. Il m’apporta, il y a quelques mois, une affaire de ce genre, appuyée sur un brevet, en me priant de ne pas l’interroger sur les personnes qui s’étaient adressées à lui et qui lui avaient demandé une discrétion absolue, cela pour des motifs que l’on ne m’indiquait pas, mais qui n’avaient en somme, pour moi, aucun intérêt. L’affaire était-elle bonne ou mauvaise, c’était l’essentiel. Je l’étudiai consciencieusement, je la fis étudier. J’y mis de l’argent. J’en fis mettre. Et tout s’annonçait bien, lorsque ce brevet, qui n’avait pas été pris avec toutes les précautions nécessaires, fut attaqué. D’où procès, d’où panique en Bourse, et désarroi chez quelques-uns des possesseurs de ces titres. Particulièrement, la position d’un des clients de Sourdenal, du client qui avait présenté l’affaire, devint intenable.

» Naturellement, Sourdenal, qui était responsable et qui d’ailleurs n’avait prêté que sur couverture, réclama son argent. Le débiteur était insolvable. Restait le paquet de titres déposés en couverture. Comme j’étais de mon côté créancier de Sourdenal, il livra les titres à mon secrétaire qui me les remit. C’était il y a vingt jours, un samedi, à Paris. Les banques étaient fermées. Je remontai en auto pour venir ici. J’emportai ce paquet et le déposai dans ce coffre. Qui a pu s’informer de cette circonstance, sinon tel individu qui avait intérêt à la connaître, qui aura épié mon secrétaire, qui m’aura vu sortir de mes bureaux de Paris, avec un portefeuille sous le bras, et qui, venant ici lui-même, deux semaines plus tard, aura profité de l’occasion… »

M. Rousselain dit : « Le nom de ce client ? »

D’Orsacq répliqua :

— Le nom ? Sourdenal me l’a confié. Je l’ignorais jusqu’à dimanche matin.

Bernard Debrioux s’approcha. Il avait le même air résolu que d’Orsacq. De part et d’autre, pas de recul possible. La haine était la même, le désir de combat aussi ardent.

— Tu affirmes que tu ignorais ce nom jusqu’à dimanche matin ? demanda-t-il.

— Je l’affirme.

— Tu mens !

Bernard prononça ces mots avec une violence incroyable. Les deux ennemis se dressèrent aussitôt l’un contre l’autre et Bernard répéta, plus calme d’attitude, mais plus dur encore d’intonation : « Tu mens. Tu connais le nom de cet homme depuis le premier jour.

— Tu le connais donc aussi, toi ?

— Parbleu ! puisque c’est moi.

Christiane murmura, toute défaillante :

— Ce n’est pas vrai, Bernard… ce n’est pas vrai !… Ce ne peut être toi…

— C’est moi ! s’écria Bernard, la voix provocante, et face à face avec Jean d’Orsacq.

— Tu avoues donc ?… ricana celui-ci.

Bernard haussa les épaules.

— J’avoue quoi ? J’avoue que j’ai été pris dans une mauvaise affaire, que la chance a tourné contre moi, mais que j’ai réglé scrupuleusement et que je suis ruiné.

— Et c’est tout ?

— Que veux-tu qu’il y ait de plus ?

— Tu as perdu et tu as réglé ? rien d’autre ?

— Tu le sais bien, puisque c’est toi, en définitive, qui as été réglé.

— Et où est-il, cet argent ? fit d’Orsacq d’un ton de moquerie. Tu n’as aucune idée là-dessus ?

— Aucune !… riposta Bernard.

Le comte fit un pas, et sourdement : « Écoute, Bernard, je te conseille de ne pas reculer devant l’aveu. Peut-être ne me connais-tu pas ? Si tu me connaissais, tu saurais que rien ne m’arrête. Je m’acharnerai jusqu’au bout, parce que je veux, tu entends, « je veux » la vérité. »

Il frappa du poing et redit : « Je veux la vérité. Aucune considération au monde ne m’empêchera de la mettre en lumière, quelle qu’elle soit. Donc, réponds. Et tout de suite, sinon j’agis. »

Bernard se croisa les bras.

— Tout m’est égal quoi qu’il arrive. Agis.

Se maîtrisant, d’Orsacq alla prendre l’appareil téléphonique, le posa sur la grande table, auprès du juge d’instruction, et décrocha le récepteur.

Une dernière fois, il observa Bernard. Celui-ci demeurait impassible. Alors, il articula :

« Allo ! Mademoiselle, ayez l’obligeance de me demander Paris… Auteuil 37-57. »

Bernard bondit vers lui : « Je te défends ! Qu’est-ce que tu oses faire ! Mais c’est une ignominie !

— Une ignominie, dit à son tour Christiane indignée. Comment osez-vous ?

— Monsieur le juge d’instruction, prononça d’Orsacq, je m’adresse à votre autorité. La justice est ici pour faire toute la lumière. Un moyen, un moyen sûr d’y parvenir, consiste à obtenir une réponse téléphonique immédiate dont rien n’ait pu altérer la franchise.

— Tu oses faire une pareille chose ? articula Bernard. Tu oses mêler ma mère et ma sœur ?… »

M. Rousselain s’était levé. Il s’interposa entre le ménage Debrioux et d’Orsacq.

Le comte lui tendit le second récepteur et reprit :

« Allo… c’est Paris ? Auteuil 37-57 ? Ah ! c’est vous, madame Debrioux ? Ici le comte d’Orsacq. »

M. Rousselain écoutait. Il entendit les quelques phrases qui furent échangées.

« Oui, c’est moi, monsieur d’Orsacq, dit une voix inquiète. Qu’y a-t-il donc ? J’espère que Bernard n’est pas malade ? ni Christiane ?

— Non, non, rassurez-vous, fit d’Orsacq. Votre fils va très bien, il est à la chasse. Et sachant que vous étiez toujours chez vous à cette heure-là… »

Bernard Debrioux scanda, révolté :

« Quelle infamie ! C’est une honte que la justice puisse se prêter à une pareille comédie. »

M. Rousselain ne broncha pas. Jean continuait :

« Il m’a prié de vous demander si sa sœur Germaine a bien fait la commission hier soir.

— Germaine est sortie ce matin, et je ne sais pas de quelle commission vous parlez. Mais je sais que, hier soir, elle s’est absentée à la suite d’une lettre qu’elle avait reçue de son frère, le matin.

— C’est cela. Elle a quitté Paris à six heures ?

— Oui, et elle est rentrée après minuit.

— Avec le paquet, n’est-ce pas ? C’est cela qui tourmente Bernard.

— Je suppose que oui. Avant de sortir, ce matin, elle m’a remis un rouleau enfermé dans un journal et ficelé. Je l’ai rangé dans mon armoire.

— Je vous remercie, chère madame. Je tranquilliserai Bernard tout à l’heure.

Il raccrocha et alla remettre l’appareil à sa place. Puis, il revint en face de Bernard, et lui dit :

« Le rouleau de titres que tu as volé hier soir dans mon coffre-fort et que tu as jeté par-dessus le mur à ta sœur Germaine se trouve actuellement — c’est ta mère qui vient de nous le dire, et M. le juge d’instruction l’a entendu — dans l’armoire à glace de ta mère, à qui ta complice l’a confié. Je crois maintenant que nous sommes bien d’accord, hein ? »

Bernard prononça lentement, les yeux fixes :

« Tout à fait d’accord, Jean. »

Christiane gémit, haletante :

« Ce n’est pas vrai… je ne peux pas croire…

— Il faut croire ce qui est, dit Bernard, toujours face à face avec d’Orsacq. J’avoue.

— Tu as bien pris les titres qui m’appartenaient ?

— J’ai pris les titres.

— Tu les as portés à ta sœur qui faisait le guet ?

— Exactement.

— Et ils sont au domicile de ta mère, où il suffit d’un coup de téléphone à Paris de M. le juge d’instruction pour que la police aille les saisir. C’est bien cela, n’est-ce pas ?

— C’est bien cela. »