Charlieu (p. 74-77).

CHAPITRE XVIII.

Oline Nestersoff.

Avec le jour nous fûmes sur pied. Ne soyons cependant pas ingrat envers les lits du gouverneur de Derbent, et constatons que pour la troisième fois, à Derbent, nous couchâmes sur quelque chose qui ressemblait à un matelas, et dans des serviettes qui ressemblaient à des draps.

L’hospitalité russe avait devancé notre réveil ; une calèche, probablement attelée dès la veille au soir, nous attendait à la porte.

Il faut répéter à chaque instant, et on ne le répétera jamais assez, que nul peuple ne comprend comme le peuple russe toutes les délicatesses de l’hospitalité.

Outre ses rues secondaires, Derbent, comme les églises latines, est coupé en croix par deux grandes artères, l’une longitudinale, l’autre transversale.

L’artère longitudinale va de la mer à la ville persane et tatare ; seulement elle est forcée de s’arrêter au bazar, les difficultés du terrain l’empêchant de monter plus haut.

L’artère transversale va de la porte du midi à la porte du nord, ou, si l’on aime mieux cette seconde désignation, de la porte du lion à la porte de la fontaine.

Les deux côtés de la rue ascendante sont garnis de boutiques presque toutes de chaudronniers et de forgerons. Au fond de chacune de ces boutiques était creusée une niche, et dans cette niche, avec l’immobile gravité qui caractérise son espèce, était perché un épervier.

Avec cet épervier, chaque jour de fête ou de repos, le forgeron ou le chaudronnier se donne, comme un grand seigneur, la satisfaction d’une chasse aux alouettes ou aux petits oiseaux.

Après avoir visité le bazar, nous gagnâmes la mosquée. Le moullah nous attendait pour nous la faire visiter. Je voulais, selon l’usage oriental, ôter mes bottes, mais il ne le permit point ; on se contenta de relever les tapis sacrés et de nous faire marcher sur le carreau.

En sortant de la mosquée, une espère de cippe funéraire frappa ma vue. Je demandai ce que c’était ; il me semblait que cette colonne devait se rattacher à quelque légende.

Je ne me trompais pas, ou plutôt je me trompais ; ce n’était pas une légende, c’était une histoire.

Il y a à peu près cent trente ans, lorsque Derbent, ville persane, était sous la domination de Nadir-Schah, les habitants se révoltèrent contre un gouverneur très-doux et très-pacifique que le hasard leur avait donné, et le chassèrent de leurs murs.

Nadir-Schah n’était pas homme à se laisser fermer, à lui maître de l’Asie, la porte de l’Europe ; il envoya pour remplacer le gouverneur pacifique le plus féroce de ses favoris, en lui recommandant de reprendre la ville à quelque prix que ce fût, lui laissant le choix de la vengeance qu’il devait tirer des habitants.

Le nouveau khan s’achemina vers Derbent, força ses portes et reprit la ville.

Le lendemain de sa rentrée en possession, le khan donna l’ordre à tous les fidèles de se rendre à la mosquée.

Les bons musulmans s’y rendirent, les mauvais restèrent chez eux.

À chacun de ceux qui se rendirent à son ordre il fit, à leur entrée dans la mosquée, arracher un œil.

Quant à ceux qui étaient restés à la maison, on leur arracha les deux.

On pesa les yeux de tous ces borgnes et de tous ces aveugles ; il y en avait, mesure persane, sept batmann ; mesure russe, trois pouds et demi ; mesure française, cent dix livres.

Tous ces yeux sont enterrés sous la colonne qui s’élève en face de la porte, entre les deux platanes.

J’étais en train d’écouter cette histoire, qui ressemblait assez à un conte de la sultane Scheherazade, lorsque je vis s’avancer vers moi une troupe d’une vingtaine de Persans, conduits par un vingt et unième qui paraissait leur chef.

J’étais loin de me croire l’objet de leur recherche, mais au bout d’un instant il ne me fut plus permis de conserver aucun doute à ce sujet.

C’était bien à moi qu’ils en voulaient.

— Qu’est-ce que cela, mon cher prince ? demandai-je à Bagration.

— Mais, me répondit-il, cela m’a tout l’air d’une députation.

— Croyez-vous qu’on ne vienne pas pour m’arracher un œil ? Je ne tiens pas du tout à être roi du royaume des aveugles.

— Je ne crois pas que vous ayez rien à craindre de pareil ; d’ailleurs, nous serions là pour vous défendre : on n’arrache pas comme cela les yeux à un membre honoraire du régiment des montagnards indigènes. En tout cas, je connais le chef de la députation ; c’est un très-brave homme, fils de celui qui a présenté les clefs de la ville à l’empereur de Russie, et que l’on nomme Kavous-Beg-Ali-Bend. Je vais m’informer à lui de ce qu’il vous veut.

Il alla à Kavous-Beg-Ali-Bend et lui demanda ce qu’il voulait.

— C’est bien simple ; me dit-il en revenant : ce brave homme, qui parle russe, a lu vos livres traduits en russe ; il les a racontés, — vous savez comme les Persans sont conteurs, — il les a racontés à ses compagnons, et les gens que vous voyez là sont autant d’admirateurs des Mousquetaires, de la Reine Margot et de Monte-Cristo.

— Écoutez, mon cher prince, lui dis-je, je ne suis pas venu de Paris à Derbent pour qu’on me fasse poser ; dites-moi franchement ce que me veulent ces gens.

— Je vous l’ai dit ; parole d’honneur ; n’ayez pas l’air d’en douter, vous leur feriez beaucoup de peine ; les voilà, prenez un air grave et écoutez.

En effet, le chef de la députation s’approcha de moi, posa la main sur son cœur et me tint le discours suivant en idiome moscovite :

« Illustre voyageur ! »

On me traduisit cet exorde. Je m’inclinai le plus gravement que je pus. Kavous-Beg reprit :

« Illustre voyageur !

» Votre nom nous est bien connu par vos œuvres traduites en russe. Depuis longtemps les journaux ont annoncé l’honneur que vous voulez bien nous faire en venant visiter notre ville. Depuis longtemps nous vous attendions : nous vous voyons maintenant, et nous en sommes heureux. Que Votre Excellence nous permette donc de lui exprimer la joie et la reconnaissance de la population persane de Derbent, et qu’elle nous permette d’espérer encore qu’elle n’oubliera pas notre ville, comme aucun de ses habitants n’oubliera jamais le jour de votre arrivée chez eux. »

Je m’inclinai.

— Recevez, lui dis-je, les remercîments bien sincères d’un homme qui a eu toute sa vie l’ambition d’être l’émule de Saadi, sans jamais avoir eu l’espoir de devenir son rival.

Le prince lui traduisit ma réponse comme il m’avait traduit son discours. Il la répéta à tous ses compagnons, qui parurent on ne peut plus satisfaits.

— Maintenant, me dit le prince, je crois que vous feriez bien de l’inviter à dîner.

— Vous croyez que la plaisanterie n’a pas duré assez longtemps comme cela ?

— Mais je vous jure que ce n’est pas une plaisanterie.

— Et où voulez-vous que je l’invite à dîner ? Au café de Paris ?

— Mais non, chez vous.

— Mais je ne suis pas chez moi : je suis chez le général Acceiff, gouverneur de Derbent.

— Vous êtes chez vous. Écoutez ceci et tenez-le pour dit : Au Caucase, et par tout le Caucase, vous pourrez entrer dans la première maison venue en disant : « Je suis étranger et viens vous demander l’hospitalité. » L’homme à qui vous ferez cette faveur vous abandonnera sa maison, se retirera lui et sa famille dans la plus petite chambre, veillera chaque jour à ce que vous ne manquiez de rien ; et quand, au bout de huit jours, quinze jours, un mois que vous serez resté chez lui, vous quitterez la maison, il vous attendra au seuil pour vous dire : « Prolongez d’un jour l’honneur que vous me faites et ne partez que demain. »

— Alors, invitez-le de ma part, mon cher prince ; mais c’est à une condition.

— Laquelle ?

— C’est qu’il me donnera son discours en persan, afin que je le fasse encadrer.

— C’est bien de l’honneur pour lui : il vous l’apportera en venant dîner.

Et le prince transmit mon invitation à Kavous-Beg-Ali-Bend, qui me promit de venir dîner et d’apporter son discours.

Pendant que tout cela se passait, on avait amené quatre chevaux.

— Qu’est-ce encore ? demandai-je à Bagration ; est-ce que des chevaux, par hasard, seraient des chevaux savants, et auraient-ils lu mes œuvres ?

— Non, ce sont tout simplement quatre chevaux qu’on nous amène pour monter à la citadelle, où nous ne pouvons pas aller en voiture.

— Est-ce que nous ne pouvons pas aller à pied ?

— Si vous voulez laisser vos bottes dans la boue, et après vos bottes vos chaussettes, oui ; mais si vous tenez à y arriver de façon à présenter vos compliments au gouverneur de la citadelle, à sa femme et à sa fille, qui vous attendent à déjeuner, montez à cheval.

— Comment ! le gouverneur m’attend à déjeuner ?

— Du moins, il me l’a fait dire. Mais, après tout, si cela vous ennuie, vous êtes libre de refuser.

— Je n’aurais garde, peste ! Êtes-vous sûr que tous ces gens-là ne me prennent pas pour un descendant d’Alexandre le Grand, qui, selon eux, a bâti leur ville ?

— Mieux que cela : ils vous prennent pour Alexandre le Grand lui-même. Vainqueur d’Arbelle ! voici Bucéphale, montez.

J’enjambai Bucéphale, et priant Bagration de faire tête de colonne, je marchai après lui.

Nous arrivâmes à la forteresse.

Il faut croire que le digne colonel avait suivi nos mouvements avec une lunette d’approche ; il m’attendait à la porte avec son adjudant…

Après les premiers compliments échangés, je lui demandai la permission de me retourner.

J’avais la ville à l’envers de la façon dont je l’avais vue la veille, et je n’étais pas fâché de la connaître de ce côté-là.

Au lieu de monter au sommet de la montagne, Derbent, cette fois, descendait à la mer sur une largeur d’un kilomètre et sur une longueur de trois ; d’où nous étions, on n’apercevait que des toits de maisons coupés par des rues, puis, dans la totalité de la ville, deux massifs de verdure seulement…

L’un qui était le jardin public,

L’autre les platanes de la mosquée, à l’ombre desquels sont enterrés les yeux des habitants de Derbent.

Moynet fit de la ville un dessin microscopique, qu’il compte bien refaire sur une échelle dix fois plus grande.

J’ai rarement vu quelque chose de plus majestueux que le tableau que j’avais sous les yeux.

Bagration me fit observer que selon toute probabilité le déjeuner refroidissait, et qu’il lui paraissait convenable de faire notre entrée.

Nous trouvâmes toute une famille charmante qui nous attendait : femme, fille, sœur, tout cela parlait français.

Au bord de la mer Caspienne, comprenez-vous cela ? — c’était merveilleux.

Pendant le déjeuner, le gouverneur raconta que Bestucheff Marlinsky avait logé à la citadelle à son retour de la Sibérie.

— Et vous savez ? ajouta la femme du gouverneur, Oline Nesterzoff est enterrée à cinq cents pas d’ici.

— Non, répondis-je, je ne sais pas.

En effet, je savais ce que c’était que Bestucheff.

Bestucheff Marlinsky était le frère du Bestuchcff qui fut pendu à la forteresse de Pétersbourg avec Pestel, Kakowsky, Releyelf et Mouravieff, pour le complot du 14 décembre.

Décembriste comme son frère, Bestucheff avait comme lui été condamné à mort ; mais l’empereur Nicolas lui fit grâce de la peine capitale, et l’envoya aux mines de la Sibérie.

Deux ans après, il eut la permission de revenir comme soldat faire la guerre de Perse. Ce fut alors qu’il logea à la citadelle. Il avait reconquis le grade d’enseigne.

J’avais beaucoup parlé de lui, à Nidjni-Novogorod, avec Aninkoff et sa femme, les deux héros de mon roman du Maître d’armes, exilés de décembre tous deux, qui après trente ans de Sibérie venaient de rentrer en Russie ; la comtesse Aninkoff, notre compatriote Pauline Xavier, m’avait montré une croix et un bracelet que Bestucheff lui avait forgés avec un morceau des fers de son mari.

Ces deux bijoux, — car sous les mains de l’habile forgeron un anneau de chaîne s’était transformé en deux véritables bijoux, — ces deux bijoux étaient le symbole matériel de la poésie, qui transforme tout ce qu’elle touche.

Je connaissais donc Bestucheff Marlinsky comme décembriste, comme exilé, comme orfévre, comme poëte et comme romancier.

Mais, je le répète, tout cela ne m’apprenait pas ce que c’était que cette Oline Nesterzoff, dont la tombe était à cinq cents pas de la forteresse.

Je demandai des renseignements sur elle.

Nous vous montrerons d’abord sa tombe, me dit la femme du gouverneur, et ensuite nous vous raconterons son histoire.

À partir de ce moment j’eus grande hâte que le déjeuner finît. J’aime fort les bons déjeuners, mais j’aime encore mieux les bonnes histoires, et si j’eusse vécu du temps de Scarron et que j’eusse été de ses dîners, le plat que j’eusse préféré eût été le rôti servi par sa femme.

Le déjeuner fini, ces dames voulurent nous accompagner jusqu’au cimetière chrétien.

Nous gravîmes encore une centaine de pieds à peu près pour sortir de la forteresse, et nous nous trouvâmes sur un plateau dominant d’un côté un immense ravin, de l’autre côté formant au contraire la pente ascendante de la montagne.

De ce côté, les murailles de la citadelle sont criblées de balles ; bloquée en 1831 par Kasi-Moullah, elle résista, mais eut énormément à souffrir du voisinage d’une tour prise par les montagnards.

Aussi la tour est-elle rasée aujourd’hui, pour que pareil accident ne se renouvelle pas.

Cette tour faisait partie du système de fortification qui relie cette première citadelle à une seconde ; elle se rattache en outre à cette fameuse muraille rivale de celle de la Chine, et qui, au dire de certains historiens, s’étendait de Derbent à Taman, traversait tout le Caucase et séparait l’Europe de l’Asie.

Finissons-en tout de suite avec cette muraille qui a été l’objet de tant de discussions savantes, et disons ce que nous en savons.

Nous l’avons suivie à cheval de la première forteresse à la seconde, c’est-à-dire pendant six verstes.

Là elle s’interrompt, mais pour faire place à un ravin infranchissable dans lequel il eût été impossible de la prolonger ; mais de l’autre côté elle reparaît, et nous l’avons, à cheval toujours, suivie pendant vingt verstes ; c’est tout ce que nous avons cru consciencieusement devoir faire en l’honneur de la science.

Le prince tatar Khazar-Outzmieff, que nous avons connu à Bakou, l’avait suivie vingt verstes plus loin que nous, c’est-à-dire pendant quarante-sept verstes, et pas un instant il n’avait perdu ses traces.

Les gens du pays lui avaient affirmé qu’elle s’étendait indéfiniment.

Je sais que mon savant et illustre ami M. Jomard a soutenu une thèse là-dessus ; si, comme je l’espère bien, je le retrouve en bonne santé à mon retour à Paris, je lui donnerai, sur la fameuse muraille de Derbent, tous les renseignements qu’il pourra désirer.

Mais ce qui m’occupait dans ce moment-là, ce n’était point cette muraille antique, si étendue, si discutée qu’elle soit : c’était la tombe d’Oline Nesterzoff.

Nous nous acheminâmes vers elle en tournant à gauche à notre sortie de la porte des montagnes.

Un peu à part d’un petit cimetière qui domine la mer Caspienne s’élève une tombe d’une forme très-simple.

D’un côté, elle porte cette inscription :

Ici repose le corps de mademoiselle Oline Nersterzoff,
en 1814 et morte en 1833.

De l’autre côté, une rose est sculptée ; cette rose est brisée, effeuillée, anéantie par la foudre.

Au-dessus est écrit le mot russe,

Soudb, — fatalité.

Voici l’histoire de la pauvre enfant, ou du moins voici ce que l’on raconte :

Elle était la maîtresse de Bestucheff. Depuis un an, ils vivaient heureux sans que rien ait encore troublé leur union.

Dans un repas prolongé outre mesure, et dont les convives étaient Bestucheff et trois de ses amis, la conversation tomba sur la pauvre Oline.

Sûr d’elle, Bestucheff vanta fort sa fidélité.

Un des quatre convives offrit de parier qu’il ferait manquer la jeune fille à cette fidélité, dont Bestucheff était si fier.

Bestucheff accepta le pari : la chose dont l’homme heureux semble le plus las est toujours son bonheur.

Oline, dit-on, succomba ; on donna à Bestucheff la preuve de cette défaite.

Le lendemain, la jeune fille entra dans la chambre du poëte. Ce qui s’y passa, nul ne le sait.

On entendit un coup de feu, puis un cri, puis enfin on vit sortir Bestucheff, pâle et effaré.

On entra dans sa chambre.

Oline gisait à terre mourante, ensanglantée : une balle lui avait traversé la poitrine.

Un pistolet déchargé était près d’elle.

La mourante pouvait encore parler ; elle envoya chercher un prêtre.

Deux heures après elle était morte.

Le prêtre affirma sous serment qu’Oline Nesterzoff lui avait raconté qu’en voulant arracher un pistolet des mains de Bestucheff, le pistolet était parti par accident.

Elle avait reçu le coup, et elle mourait en pardonnant à Bestucheff ce meurtre involontaire.

Une instruction fut commencée contre Bestucheff ; mais sur la déposition du prêtre il fut absous.

Ce fut lui qui éleva la tombe d’Oline, qui fit graver l’inscription et sculpter cette rose frappée de la foudre, terrible symbole de la destinée de la pauvre Oline.

Mais à partir de ce moment, Bestucheff ne fut plus le même ; une sombre mélancolie, un besoin de danger, une soif de mort s’empara de lui.

Il s’offrait comme volontaire dans toutes les expéditions, et, chose étrange, toujours le premier et le dernier au feu, il en revenait toujours sans blessure.

Enfin, en 1841, on fit une excursion chez les Abazertzki ; on marchait sur le village Adler ; au moment d’entrer dans une forêt on fut prévenu que cette forêt était occupée par un nombre de montagnards trois fois considérable comme celui des Russes.

Les montagnards avaient en outre l’avantage de la position, puisqu’ils étaient retranchés dans une forêt.

Le colonel ordonna de sonner la retraite.

La retraite fut sonnée.

Bestucheff commandait les tirailleurs avec un autre officier, le capitaine Albrand.

Au lieu d’obéir à la voix du clairon, tous deux s’enfoncèrent dans la forêt à la poursuite des montagnards.

Le capitaine Albrand revint, mais Bestucheff ne reparut pas.

Le prince Tarkanoff, de qui je tiens ces détails, renvoya le capitaine Albrand à la recherche de Bestucheff avec cinquante chasseurs de Mingrélie.

Pendant que le capitaine Albrand et ses cinquante chasseurs cherchaient Bestucheff, on apporta au général Espégo une montre.

Cette montre fut reconnue pour celle de l’illustre romancier.

Ce fut tout ce que l’on retrouva, tout ce que l’on sut jamais de lui.

Je laissai à Bagration quatre vers que je le priai de faire graver, comme souvenir de mon passage à Derbent, au pied de la tombe de la pauvre Oline Nesterzoff.

Les voici :

Elle atteignait vingt ans ; elle aimait, était belle ;
Un soir elle tomba, rose effeuillée aux vents.
Ô terre de la mort, ne pèse pas sur elle ;
Elle a si peu pesé sur celle des vivants.