Le Catéchisme du Peuple/Leçon 1

LE
CATHÉCHISME
DU PEUPLE
PAR
A. DE FUISSEAUX


CHAPITRE I. — Première Leçon

De la Condition du Peuple et de son esclavage


1. Qui es-tu ?

R. Je suis un esclave.


2. Tu n’es donc pas un homme ?

R. Au point de vue de l’humanité, je suis un homme ; mais par rapport à la société, je suis un esclave.


3. Qu’est-ce qu’un esclave ?

R. C’est un être auquel on ne reconnaît qu’un seul devoir, celui de travailler et de souffrir pour les autres.


4. L’esclave a-t-il des droits ?

R. Non.


5. Quelle différence y a-t-il au point de vue physique entre l’esclave et l’homme libre ?

R. Il n’y a aucune différence ; l’esclave aussi bien que l’homme libre doit boire, manger, dormir, se vêtir. Il a les mêmes nécessités animales, les mêmes maladies, la même origine, la même fin.


6. Qu’est-ce qu’un homme libre ?

R. C’est celui qui vit sous un régime de lois qu’il s’est volontairement données.


7. À quoi reconnaissez-vous en Belgique l’homme libre de l’esclave ?

R. En Belgique, l’homme libre est riche ; l’esclave est pauvre.


8. L’esclave existe-t-il dans tous les pays ?

R. Non. La République Française, la République Suisse, la République des États-Unis et d’autres encore ne sont composées que d’hommes libres. Tous les citoyens font les lois et tous s’y soumettent.


9. Que faut-il donc pour faire d’un esclave un homme libre ?

R. Il faut lui donner le droit de vote, c’est-à-dire établir le suffrage universel.


10. Qu’est-ce que le suffrage universel ?

R. C’est le droit pour tout citoyen, mâle et majeur de désigner son député en lui donnant mission de faire des lois pour les travailleurs.


11. Par qui se font les lois en Belgique ?

R. Les lois se font maintenant en Belgique, pour les riches et contre les pauvres.


12. Ne pouvez-vous rendre autrement votre pensée ?

R. Oui. On peut dire qu’en Belgique les lois sont faites par ceux qui ne font rien, et contre ceux qui travaillent.


13. Sur quoi repose notre système gouvernemental ?

R. Sur l’argent.


14. Citez des exemples ?

R. On ne peut être sénateur que si l’on paie au moins 1.600 francs d’impôt à l’État ;
— On ne peut être député que si l’on paie les dîners, les voitures, les cigares de l’électeur.
— On ne peut être électeur que si l’on paie 42 fr. 32 c. d’impôt.
— On doit être soldat si l’on n’a pas 1.600 francs pour payer un remplaçant.


15. La probité, le travail, l’intelligence ne comptent donc pour rien !

R. Ils ne comptent pour rien aussi longtemps qu’on est pauvre. Au contraire on peut se passer facilement de probité, de travail, d’intelligence si l’on a de l’argent.


16. Citez des exemples.

R. Je ne saurais car ils sont trop nombreux et je ne voudrais pas faire de jaloux. Il me faudrait faire la nomenclature de tous les financiers véreux, de tous les notaires en fuite, de tous les administrateurs malhonnêtes, de tous les manieurs d’argent qui ne cherchent le pouvoir que pour tripoter plus à leur aise.


17. Quel est le moyen de changer cet état de chose honteux ?

R. C’est de donner au peuple le droit de suffrage. — Le peuple qui est honnête parce qu’il travaille, nommera des honnêtes gens qui feront des lois honnêtes.