LIX. Haute trahison
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Pendant que ces divers événements se déroulaient, le roi veillait dans son Louvre, entouré de ses conseillers. L’esprit du jeune roi, dans cette journée qui avait failli lui coûter son trône, avait reçu deux coups de foudre. Deux événements s’étaient produits. Deux de ces formidables événements qui laissent de profondes et indestructibles sensations.

Le premier, c’était la lettre du gouverneur de la Bastille racontant la capture de Guise par Capestang. Le deuxième, c’était l’avis que Lorenzo avait pu murmurer à Louis au moment le plus périlleux de la journée.

Concini le trahissait...

Depuis longtemps, il en était sûr. Il le sentait. On le lui disait. Mais il doutait, au fond. Cette fois, la certitude était entrée violemment dans sa pensée. Concini trahissait. D’instinct, il sentait que l’heure était venue d’agir, s’il voulait sauver non seulement son trône, mais aussi sa vie. Et il se rappelait les paroles de Capestang qui claironnaient dans sa tête comme une fanfare de bataille :

"Défendez-vous, sire ! Regardez autour de vous, étudiez les visages, scrutez les consciences et, quand vous aurez trouvé, frappez sans prévenir, comme frappe la foudre."

Oui ! Se défendre. Attaquer. Frapper... Et ce jeune homme, cet enfant, à la minute terrible où il fallait faire acte d’homme, songeait :

"Pourquoi ai-je laissé partir Capestang ? Pourquoi l’ai-je insulté ? Oh ! pourquoi n’est-il pas là, à mes côtés ? Appuyé sur une telle épée, que ne pourrais-je entreprendre !"

Louis commença par donner l’ordre de fermer toutes les portes du Louvre. Défense à qui que ce fût de sortir ! Mais déjà, à ce moment, Lorenzo et Belphégor étaient hors du Louvre. Léonora Galigaï avait entendu cet ordre, et, dès l’instant même, elle alla trouver Marie de Médicis pour trouver un moyen de sortir coûte que coûte, de courir à l’hôtel d’Ancre. Elle avait deviné, elle !...

Elle avait vu Lorenzo parler au roi. Elle voyait clairement que quelque formidable danger se formait en nuage prêt à crever sur la tête de Concino. Elle tremblait pour lui. Mais elle ne perdait rien de sa lucidité et de sa promptitude de décision. Quels arguments employa-t-elle ? Que dit-elle à Marie de Médicis ? Sans doute, il y eut là quelque scène longue et terrible, car ce fut seulement à deux heures du matin que la reine mère se décida à escorter sa première dame d’honneur jusqu’à un guichet qu’elle fit ouvrir, les gardes n’osant résister et persuadés d’ailleurs que l’ordre du roi ne pouvait concerner la reine.

Vingt minutes plus tard, le capitaine Vitry sortait du Louvre à la tête de cinquante gardes.


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Deux hommes avaient été frappés au cœur par la lettre de La Neuville apportant l’incroyable et pourtant véridique nouvelle de l’arrestation de Guise par Capestang ; c’étaient Richelieu et Concini. C’est donc avec une fébrile impatience qu’ils attendaient l’arrivée du gouverneur, que le roi avait envoyé chercher. Des explications que La Neuville allait apporter dépendait la fortune de Capestang, c’est-à-dire d’un homme que tous deux considéraient comme leur ennemi mortel. Cependant, malgré les courriers expédiés, La Neuville n’arrivait pas.

Vers une heure du matin, Louis s’enferma dans son cabinet avec Luynes et eut avec son favori une grande conférence. Sans doute, de suprêmes résolutions furent prises alors, car Luynes, s’élançant, parcourut le Louvre, interrogeant mystérieusement les valets et les gardes. Il revint enfin tout effaré dans le cabinet royal et sa première parole fut :

"Sire, vos soupçons ne doivent être que trop fondés : la marquise d’Ancre vient de quitter le Louvre !"

Le roi frappa ses mains l’une contre l’autre.

"Que faire ? murmura-t-il. Attendre à demain ?

— Allons donc, sire ! Voulez-vous donc laisser au gibier le temps de brouiller la voie ? Donnez du cor, c’est le bon moment ou jamais !"

Cette affectation de rude franchise dans le conseil impressionnait toujours vivement le jeune roi. Et cette fois, sans doute, les conseils de Luynes concordaient avec sa propre volonté, car il fit appeler Vitry.

"Capitaine, lui dit-il, il s’agit de marcher à la bataille.

— Contre qui, sire ? fit Vitry, dont l’œil étincela.

— Contre M. le maréchal d’Ancre.

— Enfin ! rugit Vitry.

— Oh ! oh ! fit Louis XIII, il paraît que la bataille vous plaît, mon brave capitaine ?

— Eh ! vivadiou, grommela Luynes, à qui ne plaît-elle pas ?

— Sire, dit Vitry, j’ai un vieux compte à régler avec M. Concini, qui m’a dit un jour un de ces mots qu’on n’efface qu’avec du sang, un de ces mots qui valent leur pesant de vendetta, comme dit M. d’Ornano. Sire, si vous me donnez l’ordre d’arrêter le maréchal d’Ancre, il est justement dans la grande galerie."

Le roi ouvrit la bouche comme s’il allait parler. Luynes et Vitry le dévoraient du regard.

"Non ! reprit tout à coup Louis XIII en passant une main sur son front pâle. Il faut être sûr d’abord !

— Parfaudious ! gronda Luynes.

— Silence ! dit Louis XIII en se redressant. Vitry, voici l’ordre : vous allez vous rendre à l’hôtel d’Ancre. Vous y arriverez en même temps que Mme la maréchale, qui sort à l’instant du Louvre. Vous la ferez garder à vue. Vous ferez une exacte perquisition dans l’hôtel. Et si vous trouvez quelque papier indiquant que M. Concini conspire, vous mettrez la marquise en état d’arrestation. Puis vous reviendrez au Louvre. Allez."

Vitry fit demi-tour et partit, rapide comme la vengeance. À ce moment un huissier annonça :

"M. le gouverneur du château de la Bastille."

Dans la rumeur que causa l’arrivée de La Neuville, le départ mystérieux de Vitry passa inaperçu. Sur un signe que fit Louis XIII, tout le monde entra dans le cabinet.

"Comte, dit le roi, vous avez été bien long à vous rendre à mes ordres.

— Sire, balbutia La Neuville, j’ai dû, pour le service de Votre Majesté, m’absenter du château. À peine ai-je su la volonté du roi que je suis monté à cheval pour accourir.

— C’est bien. Expliquez-moi le sens de votre lettre. Donnez-nous des détails. N’oubliez rien. Allez donc, comte. Nous écoutons."

La Neuville jeta autour de lui un regard effaré et vit une si poignante curiosité sur tous ces visages tendus vers lui qu’il commença à soupçonner que quelque chose d’étrange avait dû lui arriver.

"Mais, sire, dit-il en tremblant d’inquiétude, ma lettre est positive. Le prisonnier qu’on m’a amené est de telle importance, et votre chevalier, sire...

— Mon chevalier !

— Oui. M. de Trémazenc de Capestang. Votre chevalier, dis-je, m’a donné si peu d’instructions relatives à ce prisonnier que j’ai cru devoir en référer directement à Votre Majesté.

— Ainsi, le duc de Guise est bien à la Bastille ? gronda Richelieu.

— Certes, monseigneur ! dit La Neuville stupéfait.

— Et il y a été amené par ce Capestang ? demanda Concini.

— Sans aucun doute, monsieur le maréchal, répondit La Neuville, qui marchait d’effarement en stupéfaction.

— Ainsi, dit Louis XIII, c’est bien vrai ! Nous n’avons pas rêvé ! Cette chose prodigieuse a pu se faire et s’est faite !

— Sire ! bégaya le gouverneur, s’il y a erreur, je n’en suis pas responsable. Je suis couvert par un ordre écrit tout entier de la main du roi !

— Un ordre ! s’exclama Louis, dont le regard s’illuminait. L’avez-vous, cet ordre ?

— Le voici. C’est une véritable inspiration de la Providence qui m’a fait le prendre à tout hasard."

Louis saisit, arracha presque le parchemin à La Neuville et se mit à le parcourir avidement. Bientôt un étrange sourire crispa ses lèvres pâles. Il ferma les yeux et murmura :

"Capestang ! murmura-t-il. Mon brave chevalier ! Est-ce ta bravoure ou ton esprit qu’il faut le plus admirer ?"

Et il passa le parchemin à Richelieu, qui blêmit de fureur en reconnaissant l’ordre qu’il avait dicté au roi. L’ordre destiné à faire emprisonner Cinq-Mars et relâcher Laffemas !

"Sire, dit-il de sa voix tranchante comme un couperet, quoique Votre Majesté puisse penser de cet aventurier, c’est un voleur. Il s’est emparé à main armée de la signature du roi et il en abuse dans un but que nous ne connaissons pas. C’est un crime de lèse-majesté !

— C’est un crime ? dit Louis XIII qui gardait son énigmatique sourire.

— Un crime qu’il faut punir ! reprit durement Richelieu. Mais ce n’est pas tout, sire. L’ordre porte qu’on amène à M. de La Neuville un prisonnier dont le nom n’est pas écrit, Votre Majesté sait pourquoi. Jusqu’ici, tout va bien. Mais l’ordre porte également que M. de La Neuville doit remettre un autre prisonnier dont le nom n’est pas écrit. M. le gouverneur, avez-vous remis un prisonnier à ce Capestang ?

— Mais, oui, monseigneur ! fit La Neuville éperdu. Je ne pouvais hésiter après avoir vu la signature de Sa Majesté.

— Ah ! ah ! fit Richelieu dans un grondement de tigre prêt à bondir sur sa proie.

— Paix ! fit le roi. Dites-nous, monsieur, quel est ce prisonnier que vous avez remis ?

— Mais, sire... c’est celui qu’on m’a demandé ! C’est le numéro 14 de la tour du Trésor !

— C’est-à-dire ? fit le roi.

— C’est-à-dire, sire, M. le duc d’Angoulême !

— Le duc d’Angoulême ! gronda Louis XIII qui pâlit.

— Voilà donc la vérité qui éclate enfin ! grinça Concini. Le misérable Capitan conspire avec Angoulême, la chose est claire. Il a voulu faire coup double : il a délivré le plus acharné, le plus formidable adversaire de Votre Majesté et l’a en même temps débarrassé d’un rival ! Guise à la Bastille. Angoulême délivré ! Jamais le roi n’a couru un tel danger. Car, tant que Guise était libre, son influence balançait aux yeux des rebelles celle du duc d’Angoulême !

— Sire, ajouta Richelieu, ceci n’est plus un crime de lèse-majesté ; c’est un crime de haute trahison envers la sûreté de l’État et la vie du roi."

Louis XIII ne dit rien. Il jeta un sombre regard sur ces deux seigneurs, dont l’un, déjà, lui inspirait une sorte de terreur sourde, et dont l’autre était lui-même, dans son esprit, accusé de trahison. Ce regard finit par se fixer sur Concini seul. Que pensait Louis XIII à ce moment ? Nul n’eût su le dire. Il se rappelait peut-être que ce Capitan, cet aventurier dont on lui demandait la tête l’avait sauvé par quatre fois sans rien lui demander ! Que Capestang n’apparaissait que pour l’arracher à la mort ou à la ruine, puis rentrait fièrement dans sa pauvreté silencieuse ! Que jamais il n’avait vu plus loyale physionomie, que jamais il n’avait entendu plus chevaleresques paroles que celles du chevalier !

"Que pensez-vous qu’il faille faire, monsieur le maréchal ? dit-il tout à coup.

— Sire, c’est bien simple. Il faut nous emparer dès cette nuit du duc d’Angoulême et du misérable Capitan qui a osé bafouer Votre Majesté. Sire, il faut les arrêter !

— Et qui s’en chargera ? Qui connaît leurs retraites ?

— Moi ! dit Concini palpitant.

— Vous ! fit le roi stupéfait, tandis que Richelieu reculait en se pinçant les lèvres.

— Sire, dit Concini, donnez-m’en l’ordre, et dans quelques heures, je vous amène le duc d’Angoulême et le Capitan. Et Votre Majesté est sauvée !"

Louis XIII eut un instant d’hésitation, puis :

"Soit, dit-il. Allez. Mais, sur votre vie, vous m’entendez ? Sur votre vie, je veux que ces deux hommes soient pris vivants !

— Où Votre Majesté désire-t-elle que je les fasse conduire ? demanda Concini, dont le front se voila d’un nuage.

— Ici. En mon Louvre. Allez, maréchal ! Le mot de passe aux guichets du Louvre est : Meudon !

— Meudon !" répéta sourdement Concini, dans l’esprit duquel ce mot retentit avec fracas.

En effet, Concini se disait que c’était à Meudon qu’il trouverait le duc d’Angoulême, puisque Giselle était à Meudon. Et son raisonnement était assez juste, en somme. Quant à Capestang, il savait le trouver à l’auberge de la Bonne-Encontre. Concini allait s’élancer. Luynes se rapprocha du roi et lui souffla à l’oreille :

"Sire, vous le laissez se sauver !...

— S’il se sauve, répondit Louis XIII à voix basse, il nous débarrasse et s’avoue coupable du même coup. S’il revient avec les deux prisonniers, eh bien ! nous verrons ! Allez, maréchal, reprit-il tout haut. Mettez-vous en campagne à l’instant même et prenez au Louvre autant de gardes qu’il vous conviendra.

— Oh ! sire, répondit imprudemment Concini, j’ai mes gardes dans la cour du Louvre !"

Et il partit.

Il disait vrai : une trentaine de ses spadassins ordinaires l’attendaient, rangés en bataille, à la tête de leurs chevaux. Ils étaient commandés par Rinaldo et Louvignac. Quant à Bazorges, Pontrailles, Chalabre et Montreval, deux étaient morts au Panier-Fleuri, à Longjumeau, deux autres avaient été tués par Capestang au moment où ils attaquaient le duc de Guise près de l’hôtel de Condé. En sorte que Capestang, qui s’était juré de rendre sept coups d’épée pour les sept blessures qu’il avait reçues en arrivant à l’hôtel Concini, n’avait plus que trois dettes à payer.

Concini sortit du Louvre à la tête de ce peloton. Les regards que lui avait jetés le roi, les avertissements suprêmes de Léonora, l’ordre donné de fermer toutes les portes du Louvre, tout lui prouvait que le roi se défiait de lui et que l’heure de l’action décisive allait enfin sonner. Soudain, son cœur se mit à sauter. Une sueur inonda son front livide. Une sorte de râle puissant gronda dans sa poitrine. Il haleta :

"Meudon ! Meudon ! Ce n’est pas seulement le duc d’Angoulême ! Meudon, c’est Giselle ! c’est l’amour ! Et cette fois, ah ! malheur à Léonora si elle se met encore en travers ! Cette fois, Giselle ne m’échappera pas !... Rinaldo ?"

Rinaldo, comte de Lérouillac, vint à l’ordre, se plaça botte à botte près de son maître, et tous deux convinrent ensemble de leur plan de campagne qui peut se résumer en quelques mots : marcher d’abord tout de suite sur Capestang, puis attendre le petit jour pour aller préparer à Meudon l’embuscade contre Angoulême et sa fille.

La troupe s’avançait au pas. Vers trois heures et demie du matin, elle arriva aux abords de la Bonne-Encontre. Rinaldo prit aussitôt ses dispositions... Un quart d’heure plus tard, l’auberge était cernée de toutes parts, et la route occupée.

"Attaquons-nous, monseigneur ?" demanda Rinaldo.

Concini demeura quelques instants silencieux, puis il dit :

"Le roi le veut vivant !

— Oui, je vous comprends, monseigneur, ricana Rinaldo. Mais enfin, que diable ! un accident est vite arrivé dans une bagarre ! D’autant que le drôle se défendra, vous savez.

— Rinaldo, fit Concini en posant la main sur le bras du spadassin, ce n’est pas seulement Louis qui veut Capestang en vie, c’est moi !

— Alors, fit gravement Rinaldo, c’est bien le roi qui commande ; le roi sera obéi !"

Concini comprit ces paroles et frissonna. Puis, secouant la tête :

"Capestang ne peut mourir tout simplement d’un coup de poignard, puisqu’il est accusé de haute trahison, il faudra qu’il parle. Or, tu sais comme on fait parler les gens dans la chambre de la question. Pour arracher des aveux au Capitan, nous serons trois : moi, toi - et le tourmenteur juré.

— Bravo, monseigneur ! Il ne s’agit plus que d’entrer dans l’auberge sans donner l’éveil.

— Pourvu que le sacripant ne nous ait pas éventés déjà ! Je vois de la lumière, il me semble..."

Concini s’interrompit brusquement et tressaillit. Derrière cette porte qu’il désignait à Rinaldo, un bruit de verrous poussés venait de se faire entendre.

"Quelqu’un va sortir ! gronda sourdement Concini.

— À pareille heure !" souffla Rinaldo.

La porte s’ouvrit. Une ombre parut. Un homme qui se mit à marcher d’un bon pas vers la rue de Tournon. Ils distinguaient son manteau, son chapeau à plumes, sa démarche hardie.

"Lui ! grinça Concini.

— Oui ! gronda Rinaldo.

— Attention au coup de sifflet !

— Laissons-le arriver à la hauteur de nos gens..."

L’homme avait fait une vingtaine de pas. Le coup de sifflet, soudain, déchira le silence. L’homme s’arrêta. De toutes parts, en un clin d’œil, surgirent des ombres silencieuses. Concini et Rinaldo se ruèrent. L’homme tira son épée.

"Au nom du roi ! haleta Concini.

— Capestang, vous êtes mort si vous résistez ! rugit Rinaldo.

— Eh bien ! répondit l’homme d’une voix étrange, vous allez voir comment meurt un Capestang !"

L’épée, dans la nuit, jeta une lueur livide. Il y eut un cri ! un homme venait de tomber. Mais, dans le même instant, les spadassins, tous ensemble, tombèrent sur celui qui venait de dire : « Vous allez voir comment meurt un Capestang. » Aussitôt, il fut saisi par les bras, par les jambes, renversé, son épée brisée, solidement lié de cordes, bâillonné d’un large mouchoir qui lui couvrait presque tout le visage.

"Enfin !" murmura Concini ruisselant de sueur.

Comme on avait fait après la bataille du Grand-Henri, il fut jeté en travers d’un cheval, comme un sac.

"Huit hommes pour conduire le prisonnier au Louvre ! commanda Concini. Monsieur de Marsac, ajouta-t-il en s’adressant à l’un d’eux, je vous nomme chef dizainier. Prenez la tête du détachement. Vous répondez du prisonnier sur votre vie. Une fois au Louvre, vous le ferez porter dans les appartements du roi. Là seulement vous lui délierez les jambes, mais non les mains. Vous le présenterez au roi et vous direz : « Sire, M. le maréchal d’Ancre vous envoie Capestang, l’un des deux accusés de haute trahison. Quant au duc d’Angoulême, M. le maréchal vous l’amènera lui-même dans la matinée. » Vous ajouterez que la capture de ce traître a encore coûté la mort à deux ou trois dévoués serviteurs, et que je suis blessé à la main. Vous avez compris ?

— Oui, monseigneur !"

Une minute plus tard, le détachement prenait le chemin du Louvre. Concini et Rinaldo, à la tête de leurs gens, se dirigèrent vers Meudon, au pas, de façon à y arriver le jour. Rinaldo riait.

"Avez-vous entendu, monseigneur, de quelle voix de matamore il nous a dit de regarder comment meurt un Capestang ? — Un capitan ! fit joyeusement Concini. Ce pauvre diable mourra dans la peau d’un capitan. Mais nous verrons demain s’il a encore envie de gasconner, quand il sera aux mains du tourmenteur juré. Allons ! ajouta-t-il en respirant largement, voilà qui s’annonce bien !"