Le Canapé couleur de feu/Texte entier

Le Canapé couleur de feu : Histoire galante (1741)
Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux (p. i-52).


INTRODUCTION


Le Canapé couleur de feu, par Fougeret de Montbron, est une des nombreuses productions qui, avec Le Sopha, de Crébillon le fils, forment cette littérature à transformations par quoi se manifesta avant tout l’influence des contes orientaux sur les auteurs européens. En Italie, le théâtre fiabesque de Gozzi en est l’illustration la plus singulière et la mieux réussie. En Angleterre, le génie de Shakespeare l’avait inventée et ses comédies n’ont pas attendu que l’Orient vînt rappeler à l’Occident qu’au temps du paganisme les métamorphoses n’étaient point niées.

Il est vrai qu’en France, la tradition de la littérature merveilleuse ne s’était point perdue, et Perrault avait su remettre en honneur les contes de fées.

Le Canapé couleur de feu ressortit à la fois à la littérature merveilleuse et à la littérature galante ; l’histoire qui y est rapportée a encore l’avantage de ne point avoir été, comme Le Sopha, habillée à l’orientale. C’est un conte de fées, mais un conte français, et il est de son époque, sur les mœurs de laquelle il nous renseigne.

L’histoire est jolie : Un chevalier, n’ayant pu satisfaire aux désirs de la laide fée Crapaudine, elle le métamorphose en canapé ; il ne doit reprendre sa forme première que lorsque pareille mésaventure aura lieu sur lui. Cela ne manque point d’arriver lors de la noce d’un vieux Procureur.

Le Canapé couleur de feu est de Fougeret de Montbron, et c’est seulement par erreur qu’on en a fait une réédition où il est attribué à Gresset.

Il y en a plusieurs éditions : Amsterdam 1714, in-12 ; Lyon, 1717, in-4o ; La Haye, 1737, in-12 ; Amsterdam, 1741-1742 ; La Haye, s. d. ; Londres, 1742 ; 1745, in-12 ; Paris, à l’Hôtel de Soissons, 1775. Il a été inséré en 1733 et en 1734 dans les deux éditions du volume in-8 intitulé Les dons des enfants de Latone.

Les éditions les plus répandues dans le commerce sont celles de Bruxelles 1867 (Vital-Puissant), in-8 de 54 pages, tiré à 312 exemplaires, et une autre qui vient également de Bruxelles, 1887. Cette dernière édition a été tirée à 610 exemplaires. En voici la description :

Le Canapé couleur de feu, histoire galante, par Fougeret de Montbron [marque : satyre trayant une chèvre]. À Paris, rue Saint-Honoré ou à l’Hôtel Soissons, mdccclxxvii, in-8 de 54 pages, couverture imprimée.

Nous avons mentionné Le Sopha, de Crébillon le fils. Il est juste d’ajouter que cet ouvrage est avant tout une imitation du Canapé couleur de feu, et sans compter ses propres mérites littéraires, le prototype d’un roman aussi célèbre mérite qu’on le réimprime.

G. A.


LE CANAPÉ
COULEUR DE FEU



CHAPITRE PREMIER

De la vergogne du Procureur
et le changement merveilleux du Canapé.


Un procureur, qui avait consumé toute sa jeunesse à ruiner de pauvres plaideurs, voulant, comme l’on dit, faire une fin, résolut de consacrer à l’hymen quelques années qui lui restaient à vivre. Il jeta, pour cet effet, les yeux sur la veuve d’un de ses confrères : elle était jeune et de figure à faire naître des désirs aux plus insensibles. Aussi ses charmes donnèrent-ils si vivement dans la visière de maître Crapignan que, pour s’épargner la peine de soupirer en vain, il fut lui offrir sa vieille personne et, par-dessus le marché, cinquante mille écus, qui étaient le reste de ses petites épargnes. La dame comptant, comme de raison, enterrer bientôt celui-ci avec l’autre, n’hésita point à lui donner la main. On célébra les noces ; quant à la cérémonie et au banquet, tout alla pour le mieux. Tandis que les parents et amis des conjoints tintamarraient à la manière de gens qui ne se sont jamais vus et qui s’entretiennent avec cordialité d’un bout de la chambre à l’autre, le nouveau couple s’éclipsa et fut se retrancher dans le cabinet de toilette préparé pour Madame.

La porte soigneusement barricadée et la portière par dessus, M. de la Chicane, crachant d’avance le coton, conduit sa fringante épouse sur un canapé, où la belle, avantageusement postée, se prépare à lui en donner pour ses vieilles menteries et pour son argent. — Mon Dieu, dit-elle, mon ami, quelle chaleur il fait aujourd’hui ! en vérité on étouffe. — C’est, répond-t-il, que nous sommes dans les jours caniculaires. — Voici, continua-t-elle, en se couchant à demi, un admirable canapé pour la commodité. Oui, repart-il, rien n’est plus commode. J’y fais la méridienne depuis dix ans. Cependant, Madame quitte son fichu et dévoile des appas qui ressuscitent l’humanité du procureur. Il s’émancipe, il tâte, il baise, il tressaille… Enfin, déboutonnant son haut-de-chausse, il lui lève la jupe et se met en posture de lui faire gagner son douaire. Mais inutilement, après avoir sué sang et eau et fait craquer le canapé pendant une heure, il est contraint d’abandonner la besogne.

Comme on se rajustait tristement de part et d’autre, pour aller rejoindre la compagnie, on entendit un cri de joie et, tout à coup, le canapé changea de forme, prit celle d’un jeune homme parfaitement beau et bien fait. — Miséricorde ! s’écria le procureur, plus effrayé de cette merveille que sa femme ; êtes-vous l’âme de quelque malheureux qui aurait besoin de prières ? — Je n’ai besoin de rien, répondit l’inconnu, et je ne suis point un revenant comme vous l’imaginez. Je n’ai pas cessé de vivre, quoique j’aie été métamorphosé ; et si vous daignez me prêter une oreille attentive, je vous conterai mon aventure ; aussi bien vous dois-je cette satisfaction, puisque c’est à vous à qui je suis redevable d’avoir recouvré mon premier état. — Ah ! dit la nouvelle mariée, je vous en conjure ; mais nous n’avons plus de canapé, et je ne vois ici qu’un siège ; mon ami, va en chercher deux autres. — Oh ! parbleu, Madame, dit le nouvel hôte, il serait honteux que vous fussiez entrée ici sans étrenner ; je profiterai, s’il vous plaît, des instants que votre mari nous laisse. Quoique je serve depuis si longtemps de siège à autrui, je suis assez reposé sur l’article pour vous donner en bref un témoignage du respect et de la considération que j’ai pour vous. Il dit et fit les choses si promptement que le Procureur ne s’aperçut de rien à son retour.


CHAPITRE II

Du pays de l’Inconnu et de ce qui occasionna sa métamorphose.


Quand le trio fut assis, l’inconnu se moucha, cracha et rompit le silence en ces termes — Je suis un gentilhomme des environs de Liége, allié aux meilleures maisons du pays. Mes biens sont situés sur les bords de la Meuse, auprès des Ardennes. Je ne vous dirai pas mon nom, parce que je ne crois pas que cela soit bien essentiel ; et puis il y a si longtemps que je suis Canapé, que je ne sais trop si je m’en souviendrai au juste. Ainsi, je me nommerai, si vous le trouvez bon, le chevalier Commode, à cause de la commodité que tant d’honnêtes gens, y compris monsieur et madame, ont trouvée chez moi lorsque j’étais fait pour la mollesse, le repos et les plaisirs des deux sexes.

Je n’avais de passe-temps jadis que la chasse : dès le matin, j’entrais dans la forêt et je n’en sortais rarement que le soir ; tantôt je prenais des oiseaux à la pipée, tantôt à la glu, une autre fois aux filets ; en un mot, le seul amusement que j’eusse au monde, je savais le varier, de manière que je ne m’ennuyais jamais. Un jour que je m’étais plus fatigué que de coutume, je m’endormis sous une feuillée épaisse. De ma vie, il m’en souvient encore, je n’eus, en dormant, de songes plus agréables : à la vérité, j’étais bien en état d’en avoir de semblables, n’ayant alors qu’environ dix-huit ans. Je m’éveillai enivré de ces plaisirs que l’on sent et que l’on ne définit pas. Mais quelle fut ma surprise lorsque je vis à côté de moi une charmante personne, dont l’image adorable m’avait occupé si délicieusement pendant mon sommeil. Elle savait trop bien lire dans les cœurs pour ne point voir ce qui se passait alors dans le mien : entraîné par l’amour, retenu par la crainte, je voulais parler et n’osais. Ces mouvements divers lui expliquaient mieux ce qui se passait dans mon âme que tout ce que la parole aurait pu me suggérer de plus délicat et de plus tendre, et mes yeux, interprètes fidèles de mes sentiments, lui tinrent un langage si pressant qu’elle eut pitié de moi et me parla ainsi :

— Vous êtes étonné, sans doute, de voir une fille de ma sorte dans ces lieux sauvages et déserts ? — Ma foi, madame, dis-je en me levant, on le serait à moins. Ce n’est guère l’usage de trouver des personnes de votre figure et parées comme vous l’êtes dans les forêts ; je ne sais si ceci est un rêve. — Non, reprit-elle, vous ne fûtes jamais plus éveillé ; fiez-vous-en à moi, je m’y connais. — À la bonne heure, repartis-je ; mais ne pourrais-je savoir à qui j’ai l’honneur de parler maintenant ? — À la fée Printanière, répondit-elle, première dame de compagnie de la fée Crapaudine, qui règne depuis six cents ans dans les Ardennes. — Voilà, dis-je, pour une souveraine, un vilain nom. — Oh ! si vous la voyiez, repartit Printanière, vous trouveriez que son nom cadre assez bien avec sa figure. Mais puissiez-vous ne la voir jamais ! — Que je meure, répondis-je, s’il m’en prend envie sur l’idée que vous m’en donnez ! — Ah ! poursuivit-elle en soupirant et laissant échapper quelques larmes, vous ne la verrez peut-être que trop tôt pour votre malheur et le mien ; car il est inutile de vous cacher que je vous aime, et le sort qui vous menace ne me permet pas de vous laisser ignorer plus longtemps mon ardeur.

Crapaudine vous vit ces jours passés tirer des merles avec la sarbacane ; votre bonne mine et votre dextérité lui ont tellement gagné l’âme qu’elle a résolu de vous enlever et de vous faire tireur ordinaire de ses plaisirs. — Parbleu, répondis-je en colère, que Mme Crapaudine cherche ses tireurs où il lui plaira, je tire pour mon amusement, et… — Hélas ! interrompit Printanière, elle serait femme à vous faire tirer pour le sien jusqu’à vous mettre sur les dents ; car elle ménage si peu son monde ! — Ce ne serait point la fatigue qui me rebuterait à son service, répliquai-je, si elle était aussi aimable que vous, et je fixerais volontiers mon bonheur au plaisir d’être attaché à une personne de votre mérite. — Eh bien ! reprit Printanière, en me regardant tendrement, il ne tient qu’à vous d’être heureux ; mais déterminez-vous promptement et voyez si vous voulez me suivre, tandis qu’il est encore temps. Si Crapaudine arrivait, je ne serais point maîtresse de vous secourir. — Ah ! mon adorable fée, m’écriai-je, pour fuir un pareil monstre et vivre sous vos lois, j’irai, s’il le faut, dans les climats les plus éloignés. — Ce n’est pas la peine, dit Printanière, Crapaudine nous découvrirait, fussions-nous au centre de la terre ; d’ailleurs, ma destinée me fixe à sa cour, je ne puis m’en éloigner sans ses ordres. Mais je sais un moyen de vous avoir toujours auprès de moi, même à ses yeux. Il n’est question que de savoir si vous m’aimez assez pour vous résoudre à être métamorphosé en petit épagneul. — J’y consens, à condition, néanmoins, que, quand nous serons dans votre appartement, je reprendrais ma forme ordinaire. — Voilà qui est fait, repartit Printanière : en même temps elle me transporte à travers les airs, sous la figure du plus joli petit chien du monde.


CHAPITRE III

Arrivée de Commode au palais de Crapaudine, et comme il y fut accueilli par les autres femmes de sa cour.


Nous arrivâmes en deux minutes trente et une secondes à l’appartement de Crapaudine. Printanière ne m’avait pas trompé en me disant que son nom cadrait avec sa figure. La princesse avait environ quatre pieds de haut sur trois de large, de petits yeux louches et fistuleux, tendres et languissants à ravir ; le front petit et triangulaire, les sourcils et les cheveux du plus beau roux du monde ; les joues pendantes et livides, mais appétissantes, une bouche d’une grandeur très honnête, parée d’une demi-douzaine de dents couleur de chocolat ; le tout merveilleusement assorti avec le plus aimable petit nez pointu qu’on puisse voir, ayant au cou une légère cicatrice d’écrouelle, qui ne paraissait presque pas, et deux grossissimes tétons mulâtres qui n’en faisaient qu’un par l’étroite union que la nature avait mise entre eux, lesquels étaient étayés et retenus par une crevée à l’épreuve.

Crapaudine, assise alors dans une manière de chaise curule, très basse, à cause de ses petites jambes, et prodigieusement évasée, eu égard à l’énorme largeur de ses fesses, s’amusait avec ses femmes à éplucher des oignons pour une salade de pissenlits, qu’elle avait pris la peine de cueillir de ses propres mains, sur les remparts du château. — Eh bien, dit-elle d’une voix de basse-contre à Printanière, avez-vous vu mon tireur de merles ? — Non, madame ; j’ai parcouru toute la forêt, et quelque exactes qu’aient été mes recherches, je n’ai pu en apprendre de nouvelles. — Allez, ma mie, répondit Crapaudine, vous ne serez jamais qu’une sotte : on trouve toujours un homme quand on le veut trouver ; et, si vous aviez bien cherché… Mais je ferai moi-même mes commissions. Que demain, avant l’aurore, tous mes équipages soient prêts pour la chasse, nous verrons si j’aurai meilleur nez que vous. — Tarare, voulus-je dire, et au lieu de tarare, je ne fis qu’aboyer. — Oh ! oh ! demanda la princesse, d’où vous vient ce petit animal ? — Madame, dit Printanière, il y a quelque temps que je l’ai : une bohémienne, en reconnaissance de quelque service que je lui ai rendu, m’en a fait présent. — Sait-il faire quelque chose ? — Oui, madame, il danse, il saute, il rapporte. — Et quel nom lui donnez-vous ? Celui de Bacha. Mettez-le à terre que je le voie. Venez ici, Bacha. Mais, au lieu d’obéir, je me mis à lui montrer les dents et me retranchai sous les jupes de mon aimable maîtresse, où je vis d’avance une partie des charmes que je me promettais d’inventorier à mon aise lorsque je serais chez elle. — Excusez, madame, dit Printanière, il est un peu sauvage quand il ne connaît pas son monde. Ce qu’il y a pourtant de vrai, c’est que je ne l’étais pas alors pour ma belle fée, quoique je ne la connusse que depuis quelques moments. Je m’élançais le long de ses jambes, je lui baisais les genoux, et mes petites pattes et ma langue allaient fourrageant où elles pouvaient atteindre.

Cependant, la princesse ayant achevé d’éplucher les oignons, on mit la table, et j’eus l’honneur d’être présent à son souper, qui consistait en un haricot aux navets pour entrée, une oie grasse pour rôt, accompagnée de sa salade, et pour entremets un cervelas de la rue Desbarres, avec deux plats de dessert, composés d’un demi-quarteron de poires de Martin-sec et d’un morceau de fromage de Brie, exhalant une odeur tout à fait semblable à celle dont Henri IV faisait si grand cas. Tandis que Crapaudine se repaissait ainsi, toutes les dames du palais me mangeaient de caresses ; l’une me donnait du bonbon, l’autre de petits pâtés à la crasse et quelques mies qui tombaient dessus la nappe ; celle-ci me passait la main sur le dos, celle-là sous le ventre ; une autre m’essuyait les yeux avec mes longues oreilles, car c’est le défaut des chiens d’être toujours chassieux ; enfin, de ma vie je ne fus si bien fêté.

La princesse, ayant cessé de manger et dit ses grâces, fila environ une demi-bobine de soie par manière de récréation, après quoi on la déshabilla et elle se mit au lit. Quand on nous eut congédiés, chacune de ces dames vouait me mener coucher avec elle ; mais cela n’étant ni du goût de Printanière, ni du mien, nous les quittâmes et fûmes nous renfermer dans notre appartement, où, ayant repris ma forme, j’employai mon temps à tout autre chose qu’à lécher, comme je faisais un instant auparavant. Heureux si je l’avais bien moins employé ! je vivrais peut-être encore avec cette charmante fée ; mais il fallait remplir l’ordre de notre destin.


CHAPITRE IV

Les nouveaux amants pris en flagrant délit : la disgrâce de Printanière et la métamorphose de Commode en canapé, pour avoir fait à la princesse un affront que le sexe ne pardonne pas.


Nous passâmes les deux tiers de la nuit plongés dans ce que l’amour a de plus délicieux et de plus exquis. Cependant, la fatigue nous arrachant à des plaisirs dont il nous était impossible de nous rassasier, le sommeil s’empara de nos sens ; et ayant oublié qu’il y avait chasse le lendemain, nous dormîmes si bien que Crapaudine nous surprit, Printanière et moi, sous la même couverture. Mon infortunée maîtresse fut sur-le-champ disgraciée et transportée dans les airs, je ne sais où. Pour moi, la princesse m’enferma elle-même dans une chambre voisine de son appartement. J’y avais déjà passé les deux plus cruelles heures de ma vie, en déplorant plus la perte de l’objet de mon ardeur que celle de ma liberté, lorsque Crapaudine entra, dans une espèce de déshabillé, à dessein sans doute de me séduire.

— Eh bien, monsieur le tireur de merles, dit-elle en m’abordant et fermant scrupuleusement les verrous, vous venez donc débaucher nos filles ? Savez-vous qu’aucun mortel jusqu’en ce jour n’eut l’audace de s’introduire dans ce palais impunément, et que je devrais punir votre témérité ? — Ma foi, répondis-je, madame, c’est votre faute ; que ne me laissiez-vous prendre mes merles en repos ? — Eh ! qui vous en a empêché ? reprit-elle, en se donnant des grâces. — Vraiment, répliquai-je, nous savons le dessein que vous aviez sur notre personne, et ce n’a été que pour l’éluder que je me suis laissé enlever. — Ah ! petit traître, s’écria-t-elle, imitant le fausset, voilà donc de vos tours ! Quoi ! vous savez que je vous aime, et, au mépris de ma tendresse, de mon rang et de mes charmes… — À l’égard de vos charmes, interrompis-je, je n’en avais qu’une légère idée au portrait que Printanière m’en a fait ; mais à présent que je les vois en original, je leur rends toute la justice qui leur est due. — Oh ! vous convenez donc de la différence qu’il y a de moi à cette petite étourdie, dont vous étiez coiffé ? — Assurément, répondis-je, vous ne vous ressemblez en aucune façon. — Ça, continua-t-elle, en se haussant sur la pointe des pieds pour me caresser le menton, ce n’est point assez que vous reconnaissiez ce que je vaux, il faut m’en donner des preuves. — Eh ! quelles preuves, madame, exigez-vous de moi ? — Mais… dit-elle, en s’inclinant dans une bergère et me tirant entre ses bras, il est des choses que ma modestie ne permet pas d’expliquer ; c’est à vous de les deviner. Puis, la passion la suffoquant, elle balbutia mainte autre belle phrase que je n’entendis pas. Cependant je ne sais comment cela se fit : je me trouvai la culotte presque sur les talons, dans un état passablement honnête ; et, par un charme inconcevable, je me mettais en devoir de la besogner, lorsqu’un lacet de nonpareille, qui contenait sa gorge, venant à rompre, me fit tomber deux tétons énormes au-dessous de la ceinture. Cet accident me tira de l’enchantement où le diable m’avait jeté ; et, à l’aspect d’une jouissance si monstrueuse, je ne me retrouvai plus.

Crapaudine, néanmoins, ayant peine à quitter prise, me serrait toujours étroitement et se trémoussait sous moi de son mieux. Mais ses efforts n’aboutissant à rien, l’amour fit tout à coup place à la rage ; et l’inhumaine, me détachant sur la poitrine un des meilleurs coups de poing qui se soient jamais donnés, je me fis, en tombant à dix pas de là, une bosse à la tête et une contusion au derrière, dont je me ressens encore aujourd’hui, faute d’avoir été pansé dans le temps. Enfin, Crapaudine, me lançant de ses petits yeux chassieux des regards à faire dresser les cheveux de frayeur, me prononça cet arrêt :

— Pour expier l’injure que tu m’as faite, dit-elle, on prendra désormais sur toi les plaisirs que tu n’as pu me procurer. Tu serviras indistinctement à tout le monde, maître et valet ; chacun te fera gémir sous les secousses qu’il te donnera, et tu ne recouvreras ta première forme que lorsque entre tes bras on aura commis une faute égale à la tienne.

En même temps elle me cracha au visage ; et, avant que je pusse m’essuyer, je me trouvai canapé : incontinent après je fus emporté par quatre génies à Paris, et exposé en vente sur le pont Saint-Michel.


CHAPITRE V

Une célèbre embaucheuse de filles achète le canapé ; un abbé recommandable par ses exploits d’amour en a l’étrenne.


Il n’est pas, continua le chevalier Commode, que vous n’ayez ouï parler de la Fillon, cette femme si recommandable par les plaisirs clandestins qu’elle procurait à tout le monde en bien payant. Ce fut à elle à qui je fus adjugé par enchère, et l’on me plaça aussitôt mon arrivée dans un cabinet préparé pour les joyeux ébats. Comme la Fillon était extrêmement achalandée, je n’y fus pas longtemps sans étrenne.

Le premier que j’eus l’honneur de porter fut un abbé que ses talents à récréer le beau sexe ont fait parvenir à la prélature. J’avoue que de mes jours je ne fus secoué si vigoureusement et à tant de reprises. — Est-il possible, interrompit le procureur, que des gens de cette robe fréquentent de semblables endroits ? — Eh ! pourquoi non ? reprit le chevalier. L’affublement apostolique est-il un préservatif contre l’incontinence ? Si vous le croyez, que vous êtes dans l’erreur ! Mettez-vous en tête que la plupart de ceux qui embrassent cet état n’ont en vue que de se procurer une vie tranquille et voluptueuse : exempts de tous les embarras de ce monde, ils ne connaissent que les plaisirs ; et c’est pour se les assurer qu’ils se sont imposé la loi du célibat. À leur habit évangélique, toutes les portes leur sont ouvertes ; ils s’insinuent adroitement dans le sein des familles et s’en rendent tôt ou tard les maîtres ; de pauvres maris se voient contraints, pour entretenir la paix dans le ménage, d’inviter les cafards à boire leur vin ; heureux encore si on les quitte à si bon marché ! Mais, tandis qu’ils sont occupés du soin de leurs affaires, que n’ont-ils point à redouter des manœuvres de ces pieux fainéants ? — Fi ! fi ! s’écria la procureuse, j’aimerais mieux recevoir chez moi le régiment des gardes qu’un homme d’église. — Ma mie, dit le procureur, ne voyons ni les uns ni les autres, ce sont de mauvaises connaissances. — Oh ! mon fils, ce que j’en dis n’est que pour vous prouver combien je suis éloignée d’avoir de liaison avec aucun membre du clergé. — Il ne faut jurer de rien, répondit Commode : si vous aviez connu celui qui me remua de si bonne grâce, vous auriez eu bien de la peine à lui refuser votre estime ; au moins suis-je très persuadé qu’il n’y a point de femmes à la Cour qui ne lui aient accordé la leur, et vous conviendrez qu’elles y sont connaisseuses en mérite autant et plus qu’ici. — C’était donc un homme bien rare ? dit la procureuse, d’un ton de convoitise. — Rare au point que, si j’avais eu souvent affaire à gens aussi déterminés, je n’y aurais jamais résisté, eussé-je été de fer ; et j’avoue, à sa gloire, que pendant plusieurs assemblées du clergé, où j’ai eu l’honneur d’être exercé par tous les gros abbés et monseigneurs du monde, je n’en ai jamais trouvé de si francs sur l’article, pas même chez messieurs du grand couvent. — Quoi ! s’écria le procureur, vous aviez la pratique des cordeliers ! — Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? Nous avions celle de tous les ordres réguliers et séculiers de la ville, et bien nous en prenait, car les gens du bel air nous escroquaient si fréquemment que nous aurions été contraints mille fois à fermer la boutique, sans les secours quotidiens dont l’Église nous gratifiait. Aussi le sacerdoce était-il servi de préférence aux autres états. Dès qu’il se présentait un pucelage à dénicher, c’était un prélat ou quelque prieur bien renté qu’on en accommodait. À propos d’aubaine de cette espèce, il faut que je vous fasse part de l’entretien d’un doyen de chapitre avec une jeune personne dont il eut les prémices.


CHAPITRE VI

Le préambule du saint homme et ce qui s’ensuit.


— Eh bien, ma chère enfant, disait le pieux ribaud, en la faisant asseoir sur moi à côté de lui, quel âge avez-vous ? — J’ai quatorze ans, monsieur. — Et vous n’avez encore vu personne ? — Qui que ce soit. — Tant mieux, car tout dépend de la façon dont on entre dans le monde ; c’est le commencement de la vie qui décide pour tout le reste. À l’âge où vous êtes, il est difficile de débuter comme il faut si l’on n’est dirigée et conduite par d’honnêtes gens : quel malheur pour vous, ma fille, si vous étiez tombé entre les mains de quelque homme du siècle ! — Eh mais, monsieur, que m’en serait-il arrivé, je vous prie ? — Ce qu’il arrive à ceux qui reçoivent de mauvais principes ; vous seriez égarée. L’esprit de débauche et de libertinage est si généralement répandu chez les mondains qu’on risque tout à les fréquenter. Ce sont la plupart des traîtres qui, vous ayant ravi votre innocence, vous abandonnent ou vous entraînent avec eux dans les voies de l’iniquité.

Voilà bien du préambule pour dépuceler une fille, interrompit le procureur. — En ces sortes de rencontre, interrompit le chevalier, il est quelquefois essentiel de préambuler, souvent on ne recule que pour mieux sauter. D’ailleurs, quoique l’on soit d’église, ne vous imaginez pas que l’on en vaille davantage ; si cela était, chacun voudrait en être, le métier est déjà si bon par lui-même ; et puis quand le sacerdoce communiquerait les facultés prolifiques, ne faut-il pas que toutes choses prennent fin ? Un chef de chapitre n’est point censé être ordinairement un jeune clerc. Cependant donnez-nous patience, et vous verrez qu’il ne s’en tint pas à son prône.

— La modestie, continua M. le doyen, en posant une main sur l’épaule de la femelle et laissant échapper, comme par hasard, deux de ses doigts entre la chair et le fichu, la modestie est la vertu la plus nécessaire au sexe ; elle ajoute à ses perfections et diminue ses défauts ; une jolie personne l’est doublement quand, loin de s’enorgueillir des avantages dont la nature l’a favorisée, elle les estime toujours au-dessous de ce qu’ils sont et ne se presse jamais de les faire connaître. Vous êtes dans ce cas-là maintenant, ou je me suis bien trompé ; votre fichu dérobe aux yeux des choses qui doivent être fort belles à en juger par ce qui n’est point caché. — Monsieur, dit la nouvelle prosélyte, cela vous plaît à dire, je n’ai rien de beau. — Oh ! je gage que si, répond l’homme de Dieu, en lui découvrant un côté de la gorge. Comment, diable ! s’écria-t-il, émerveillé de ce qu’il voyait, vous n’avez rien de beau ? Ah ! friponne, vous serez fouettée. Puis le paillard la coucha de son long, lui leva la chemise, et lui ayant claqué préalablement les fesses, il me fit plier un instant après sous ses efforts ; les obstacles enfin augmentant son courage, j’entendis faire deux ou trois fois ouf ! à la fille et je n’entendis plus rien, preuve qu’il n’y avait plus rien à faire. Il lui trouva sans doute des allures telles qu’il les lui fallait, car il nous l’enleva dès ce jour, mais, de peur d’être tôt ou tard embarrassé pour les frais de gésine, il la fit épouser à un riche benêt de ses amis ; au moyen de quoi le bon prêtre fut déchargé de tout. — Peste, dit le procureur, l’expédient n’est pas d’un maladroit. — Bon, répartit Commode, il n’y a rien de plus ordinaire que ces sortes de tours de la part de messieurs les gens d’église : c’est pour eux que l’on se marie, quand on prend femme de leurs mains. — Vous devez avoir été témoin de scènes bien originales, dit la procureuse, dans une semblable maison ? — Oui, répond le chevalier et ce sont les ecclésiastiques qui y ont joué les plus grands rôles. Je vais vous en conter une assez singulière ; mais respirons un peu auparavant.


CHAPITRE VII

D’un abbé qui se faisait fouetter, pour réveiller en lui la partie brutale


Commode ayant pris du tabac, éternué cinq ou six fois, parce qu’il avait perdu l’usage de cette poudre céphalique, dont la principale vertu est de barbouiller le nez, continua à parler ainsi :

— Comme je ne devais reprendre ma première forme qu’aux conditions que vous savez, je ne demandais pas mieux que d’avoir de la pratique, malgré la fatigue que cela me causait, mettant toujours mon espoir en l’insuffisance de quelque passe-volant. Un jour donc que je m’ennuyais d’être seul, il entra dans mon cabinet une jeune demoiselle, et peu après un abbé qui pouvait avoir environ la cinquantaine. Les portes étant soigneusement fermées, les rideaux tirés et tout, jusqu’au moindre petit trou, bouché avec précaution, la fille lui cria d’un ton courroucé : — D’où venez-vous, libertin ? Ne vous ai-je pas défendu de sortir sans ma permission ? — Ma chère mère, répond l’abbé d’un air soumis et contrefaisant au mieux l’écolier, je viens du catéchisme. — Du catéchisme ? du catéchisme, effronté ! à l’heure qu’il est ? Vous êtes un menteur ! En même temps elle lui lâche deux ou trois soufflets et autant de coups de pied dans le derrière. Voyons, voyons, dit-elle, si vous avez profité. Combien y a-t-il de péchés mortels ? — Il y en a… il y en a, ma chère mère, ma chère mère, je ne m’en souviens pas. — Comment fripon que vous êtes, vous ne connaissez pas vos péchés mortels ! Oh je vous apprendrai à les connaître, moi. Allons vite, à genoux. — Ah ! ma chère maman, s’écria-t-il, je vous demande pardon, je les étudierai. — Non, répliqua-t-elle, s’étant munie d’une poignée de verges, vous aurez le fouet ; culottes bas ! L’abbé, après quelque légère résistance, découvre l’échantillon d’un derrière jaune, sec et ridé. — Oh ! poursuivit la fille, cela ne suffit pas, il faut tout voir. Puis elle lui attache la chemise aux épaules et lui baisse la culotte aux jarrets. Enfin, dès qu’il eut reçu environ une demi-douzaine de coups, il feignit de vouloir les esquiver avec les mains ; mais elle lui lia par devant et l’étrilla ensuite jusqu’au sang. — Quel diable de ragoût ! dit le procureur. Et qu’arriva-t-il de tout cela, s’il vous plaît ? — Qu’il pensa me rompre les reins au même instant sur sa fouetteuse et que jamais on ne s’acquitta d’un exploit de cette espèce aussi vigoureusement. Mais devinez ce qu’il fit pour procéder au second ? — Que sais-je ? répondit le procureur, il mangea peut-être une pomme de rainette et but un verre d’eau par-dessus. — Point du tout, poursuivit le chevalier, il ne fit que changer de rôle : au lieu d’écolier, il devint maître, et la maîtresse devint écolière. De façon, dit la procureuse, que la maîtresse fut fouettée à son tour. — Justement, reprit Commode, l’abbé, pour se remettre en humeur, donna une légère teinte d’incarnat au derrière le plus blanc et le plus appétissant du monde. — Il faut avouer, ajouta la procureuse, que voilà un secret de ressusciter les puissances bien singulier et bien bizarre. — Vous vous trompez, répliqua le chevalier, rien n’est plus naturel et plus de mode aujourd’hui ; cela s’appelle cérémonie et il n’y a pas jusqu’aux moindres communautés consacrées à Vénus où l’on ne trouve toujours provision de verges pour ceux qui sont dans ce train-là. — Il n’est pas douteux que la cérémonie, puisque cérémonie il y a, ne mette le sang en mouvement, et c’est pour les personnes difficiles à émouvoir que la chose a été imaginée. Les effets en sont si prompts et si miraculeux que je serais peut-être encore canapé maintenant si Monsieur en avait essayé avant de tenter l’aventure. — Malapeste ! s’écria le procureur, je ne suis pas si fou. J’ai été étrillé en ma jeunesse à Saint-Lazare, mais, autant qu’il m’en souvient, cette cérémonie alors n’était rien moins qu’amusante pour moi. — Vraiment, je le crois bien, répondit Commode. Quelle comparaison ! la main d’un grand coquin de frère lai n’a point la vertu de celle d’une jolie femme. Si vous aviez été aussi bien aux Feuillantines qu’à Saint-Lazare, je gage que vous n’auriez jamais voulu en sortir et que vous vous seriez aisément habitué aux corrections que des sœurs jeunes et fringantes vous auraient données. — En voici assez, dit la procureuse, sur l’article de la cérémonie et de son excellence. — Tant et si peu que vous voudrez, répondit le chevalier ; quand je vous ennuierai, faites-moi l’honneur de m’avertir. — Vous n’êtes point fait, répartit civilement le procureur, pour ennuyer personne, et nous avons tant de plaisir, madame et moi, à vous entendre, que si nous ne craignions d’abuser de votre complaisance, nous vous prierions de raconter quelque autre chose. — Volontiers, reprit Commode, écoutez cette aventure-ci.


CHAPITRE VIII

Quatre moines se trouvent chez la Fillon sans le savoir et y font par occasion ce que l’on fait en si bon lieu.


Deux mousquetaires, assiégés un matin par quatre moines qui venaient leur demander à dîner, firent entendre aux révérends qu’il serait plus convenable qu’ils mangeassent en maison bourgeoise qu’à l’hôtel, où la jeunesse dissolue et peu dévote ne rendait pas toujours ce qu’elle devait à des gens d’un caractère aussi respectable que le leur. Les pères, flattés des égards que ces messieurs paraissaient avoir pour eux, déférèrent à leur sentiment et consentirent, pourvu que la chère fût bonne, à les suivre partout où ils voudraient. — En quel endroit mener ces canailles-là ? dit l’un des mousquetaires à l’oreille de son camarade. — Te voilà bien embarrassé, répondit-il : parbleu, il n’y a pas tant de cérémonie à faire, menons-les chez la Fillon, personne ne joue mieux le rôle d’honnête femme qu’elle ; il lui sera facile d’en imposer à de pareils nigauds, qui, vraisemblablement, ne la connaissent pas. — Il n’est question que de la dire parente de l’un de nous et de lui supposer un nom. — Nous l’appellerons, si tu veux, la comtesse de Grand-Fond. — Oui-dà, répartit l’autre, cela fait un beau nom. Messieurs, dit-il, haussant la voix, nous irons dîner chez la comtesse de Grand-Fond, tante du baron. — Nous y serons bien reçus, je vous jure, c’est une dame qui fait parfaitement les honneurs de chez elle. À l’égard du cérémonial, que cela ne vous inquiète pas : vous ne serez pas gênés en aucune manière, vous boirez à votre soif et vous aurez la liberté d’aller pisser dès l’entremets, si l’envie vous en prend ; ce n’est pas une bagatelle, d’autant plus que, dans les tables bien réglées, c’est une espèce d’indécence d’y aller avant le dessert. — Ma foi, répondit un des pères, je me moque de l’indécence quand j’ai quelque besoin, je ne me retiendrais pas pour le pape. N’est-il point du dernier ridicule de s’asservir à de sottes et frivoles bienséances qui ne tendent qu’à la destruction du genre humain ? Pour moi, messieurs, j’aime mieux braver le préjugé que d’en être le martyr. Tandis que Sa Révérence s’expliquait ainsi, on avait dépêché un grison à la Fillon, pour la prévenir sur le personnage qu’elle devait faire, moyennant quoi la scène fut jouée au naturel.

— En vérité, mon neveu, dit-elle, voyant arriver la compagnie, vous n’êtes point raisonnable de m’amener ces messieurs sans m’en donner avis. Je suis honteuse de n’avoir que mon ordinaire à leur offrir. — Madame, répondit d’un ton grivois un des moines, à petit manger bien boire ; nous nous accommoderons de ce qu’il y aura. — Bon, bon, répondit le prétendu neveu, ne prenons pas les paroles de ma tante à la lettre ; elle se plaît parfois à tromper son monde et… — Savez-vous, interrompit la Fillon, que Mlles Finelame et du Déduit sont des nôtres ? — Morbleu, tant pis, repartit l’autre mousquetaire, les révérends pères le trouveront peut-être mauvais : elles sont si jeunes… — Vous vous moquez, s’écrièrent-ils tous ensemble, la compagnie des dames ne nous fait point peur ; vraiment, plus on est de fous, plus on rit ; il suffit qu’elles soient de votre connaissance pour que nous soyons charmés de les voir. Les enfroqués ne languirent pas longtemps dans l’attente ; les belles parurent au moment même, et le feu de paillardise qui sortit alors de leurs yeux fit connaître aux autres le plaisir que leur faisait l’arrivée de deux convives de cette espèce. La Fillon fit donner des sièges, et, pendant que le dîner se préparait, on tint une conversation très intéressante sur les plus beaux lieux communs du monde, en quoi les anachorètes ne manquèrent pas de déployer leur érudition monastique. Par exemple, entre les questions qui furent mises sur le tapis, celle de la puanteur des urines, après qu’on a mangé des asperges, fut débattue avec toute la chaleur et l’esprit imaginables ; on disserta beaucoup aussi sur les choux-fleurs, qui ne font pas le même effet, quoique l’eau dans laquelle on les fait cuire devienne infecte au point de n’en pouvoir supporter l’odeur. Un des pères, prédicateur de son métier, dit à ce sujet des choses au-dessus de la portée humaine. Il était en train de résoudre une question encore plus embarrassante, lorsqu’on vint avertir qu’on avait servi. La dispute, si j’ai bonne mémoire, roulait en ce moment sur les épinards et la farce à l’oseille : les uns voulaient que la farce à l’oseille tînt le ventre plus libre que les épinards ; les autres soutenaient le contraire, et chacun défendait son avis avec toute la subtilité et l’éloquence que requérait une matière aussi épineuse ; mais comme le potage refroidissait, la question resta indécise, et l’on fut se mettre à table.

Il fallait voir de quel cœur les bons religieux officiaient. Alors on avait beau les exciter à parler, leurs réponses n’étaient jamais que oui et non, ou simplement un signe de tête.

Cependant, vers la fin du repas, la Fillon sortit, sous prétexte de quelques affaires. Les frapparts, qui n’avaient encore rien dit aux demoiselles, tant à cause du plaisir de manger, dont ils s’étaient constamment occupés jusqu’au dessert, que par la crainte de déplaire à la dame du logis, s’égayèrent peu à peu, et quelques verres de champagne achevant de les coiffer, les mousquetaires en enfermèrent un dans mon cabinet avec l’une des princesses. Le révérend père prédicateur, qui avait conservé le plus de sang-froid, quoiqu’il eût sablé plus que personne, courut à la porte exhorter son camarade à la continence. — Père Pia, s’écriait-il, craignez l’ange séducteur et les pièges qu’il vous tend. — Paroles en l’air, père Pia était déjà sur moi, s’agitant et se démenant comme un possédé. Enfin chacun eut son tour, et le prédicateur lui-même, entraîné par l’exemple, succomba à la tentation ainsi que les autres. — Il prit le bon parti, dit le procureur. — Pas tant bon, répliqua Commode, il y gagna un rhume de chaleur dont la cure lui coûta le profit de deux ou trois années de sermon de carême.

Mais, pour revenir au Père Pia, l’un des mousquetaires faisant mine de caresser la demoiselle à qui il venait de prodiguer son encens : — Ah ! monsieur, s’écria-t-il, par pitié ne nous enviez pas ce petit quart d’heure de récréation. Vous autres, gens du monde, vous en trouvez les occasions quand il vous plaît, cela ne vous manque pas plus que le boire et le manger ; mais de pauvres diables de moines, tels que nous, n’ont pas cet avantage : nous sommes comptables au public et à nos communautés de la moindre de nos démarches. Hélas ! si vous nous empêchez de profiter de celle aubaine-ci, il ne s’en présentera peut-être point une semblable de six mois. Mettez-vous un moment en notre place : six mois de jeûne pour gens de bon appétit, cela fait une bien cruelle épreuve. — À d’autres, cria le mousquetaire, vous n’en faites jamais de si longue. — Je vous demande pardon, repartit père Pia, jusqu’à ce que nous soyons dans les dignités de l’ordre, on observe notre conduite de plus près que vous ne l’imaginez : nos supérieurs sont des tyrans qui n’en veulent que pour eux.

De si sages et si judicieuses remontrances furent reçues comme elles devaient l’être, continua le chevalier ; et les moines et les filles ayant sacrifié à Vénus et à Bacchus jusqu’à n’en pouvoir plus, on termina la fête en les mettant tous à la porte dans l’état où ils étaient. — Cela n’est guère charitable, dit la procureuse. — Ah ! les coquins ! repartit Commode, plût à Dieu qu’on les eût renvoyés avec cent coups d’étrivières : ils m’ont tellement contaminé et disloqué ce jour-là que la Fillon, me jugeant incapable de servir davantage, fut obligée de se défaire de moi.


CHAPITRE IX

Des joueurs de convulsions achètent le canapé.


Le sort me fit tomber dans une maison de convulsionnaires ; mais j’avais été si maltraité dans ma première condition qu’on me réduisit presque en canelle à la troisième ou quatrième séance, de façon que mes nouveaux hôtes songèrent encore à me réformer… — Oh ! parbleu, interrompit le procureur, puisque vous avez été chez des convulsionnaires, vous voudrez bien nous apprendre ce que sont au juste ces gens-là ; on en dit des choses si merveilleuses ! — Merveilleuses pour les sots, répondit Commode, car les personnes éclairées et impartiales ne seront jamais dupes de leurs friponneries. C’est une espèce d’enthousiastes ou de fous, comme il vous plaira, détachée d’une secte à laquelle il était difficile autrefois de refuser son estime, mais qui s’est dégradée par de mauvaises parades qu’elle fit représenter, il y a quelques années, dans un lieu saint, et s’est rendue chez les honnêtes gens aussi méprisables que son antagoniste.

Comme la sagesse du gouvernement ne se prêta point aux trivelinades de ces farceurs, ils firent, depuis, plusieurs bandes, et s’assemblèrent dans des maisons particulières, ou ils continuèrent à jouer leurs fanatiques scènes. — Mais, demanda la procureuse, quels avantages prétendent-ils tirer de ces folies ? — Ceux d’en imposer au peuple crédule, de gagner sa confiance et de se rendre dans la suite, s’il est possible, un parti considérable. L’honneur d’être à la tête d’une secte, pour ces sortes de gens affublés de noir, n’est pas moins flatteur et délicieux que celui d’avoir le commandement général d’une armée. La vaine gloire et l’ostentation sont les mêmes dans le cœur de tous les hommes, elles ne font que changer d’objets, selon les diverses professions qu’ils embrassent. — Vous n’avez donc rien trouvé, poursuivit la procureuse, de fort extraordinaire dans ce que font ces sortes de bateleurs ? — Non, en vérité, répliqua Commode, leurs plus beaux tours de force, d’adresse et d’équilibre, ne valent pas, à beaucoup près, ceux de la troupe des sieurs Colin et de Restier ; et je puis vous assurer que le premier convulsionnaire du monde n’est pas digne d’être mis en parallèle avec le dernier sauteur de la foire. — Songez-vous, dit le procureur, que vous offensez une infinité d’honnêtes gens par un parallèle aussi inégal ? — Il ne l’est pas tant que vous le croyez, repartit le chevalier ; s’il y a des personnes d’un rang distingué qui se mêlent de convulsionner, on peut vous en citer qui, dansant sur la corde, voltigent, marchent sur les mains et hasardent le saut périlleux sur des matelas : jamais les seigneurs n’ont eu tant d’émulation qu’aujourd’hui pour tous les exercices, excepté pour ceux qui conviennent à leur état. — Cela est bien louable, reprit le procureur. — Au moins, continua Commode, tout le mal qui peut arriver d’un goût si extravagant, c’est de se casser le cou ; et, dans la société, quelques cous de plus ou de moins ne sont pas une affaire. Mais, morbleu ! s’étudier à gâter la cervelle du pauvre monde par de sacrilèges histrionades, c’est ce que je ne puis digérer ; et, si j’en étais cru… — Vous n’êtes point l’apôtre des convulsionnaires, interrompit la procureuse. — Ce serait l’être d’une bande de scélérats, répliqua le chevalier. Combien de jolies filles ne m’ont-ils pas fait passer sur le corps, pour n’y faire autre chose que des grimaces et des contorsions horribles ! — Vraiment, dit le procureur, ce n’était point là votre compte ; je ne suis pas surpris que vous soyez si mécontent ; avec des personnages de cette espèce, vous auriez pu mieux employer votre temps. — Il est vrai, répondit Commode, mais c’était ma destinée de n’être plus employé au déduit que chez vous, comme vous allez voir.



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CHAPITRE X

Le canapé vendu à une dévote, les peines et les mortifications qu’il essuie à son service.


Je vous ai déjà dit que mon dernier exercice de chez la Fillon m’ayant réduit dans un état qui faisait pitié, il n’était pas possible que je demeurasse longtemps où la fatigue était si grande : aussi me vendit-on bientôt. Ce fut une dévote qui m’acheta ; cela me faisait une condition tranquille, à la vérité, mais ennuyeuse au delà de toute expression.

Ma très révérende et dégoûtante maîtresse me fit placer dans sa chambre, de sorte que j’avais l’avantage d’être toujours en sa présence et celui de l’entendre faire ses oraisons. Tout son train et sa compagnie ordinaire consistaient en une idiote de servante, un chat, un chien et un vieux directeur qui l’aidait charitablement à médire de son prochain et à manger son revenu. — Cet homme-là était bien complaisant, dit la procureuse. — Tous ceux de sa profession le sont extraordinairement, repartit le chevalier, surtout quand ils trouvent leur avantage de l’être ; celui-ci n’eut point à se repentir de l’avoir été, car la bonne dame lui légua tout son bien, au préjudice d’un frère qui n’était rien moins qu’à son aise. — Quoi ! cette malheureuse se piquait de piété et commit une injustice aussi criante ! — Que vous connaissez peu les privilèges de la dévotion ! s’écria Commode. Ce qui serait inique pour des profanes tels que vous ne l’est nullement pour les dévots. Ils ont fait un concordat avec le ciel qui les dispense de bien faire. Une action dont la noirceur révolterait l’humanité chez les gens ordinaires devient, par leur crédit, une action digne d’être gravée dans les fastes et proposée à l’univers pour exemple. — Et quel était, demanda le procureur, votre emploi dans cette boutique ? — Je servais à tout, hormis à l’essentiel, répondit le chevalier, et jamais le nom de Commode ne me convint mieux qu’en ce lieu-là.

M. Ventru, c’était le nom du directeur, grommelait ordinairement son bréviaire sur moi ou y reposait sa sainte personne après les repas ; et le bonhomme ayant le défaut, ainsi que ses semblables, de manger un peu goulûment, donnait, sans façon, carrière à son ventre et m’empoisonnait tous les jours par les vapeurs d’une fausse digestion. — La peste soit du bouc ! dit le procureur en se portant la main au nez. Ce n’est point là le pire, continua Commode ; la dévote prenait journellement un anodin, et, comme vous savez que cela ne se prend pas si exactement qu’il ne s’en échappe toujours quelque chose, j’avais la mortification de humer ce qu’elle ne pouvait retenir. Il arriva même un jour que je pensai être noyé par la méprise de la servante : c’était elle qui était chargée du soin d’abreuver le derrière de madame. L’innocente femme, ayant mal pris cette fois-là ses dimensions lui échauda le canal de l’urètre et ses dépendances. La bonne dame, peu habituée à être injectée en pareil endroit, serra les fesses et emporta la canule d’un coup de croupe, de manière que je ne perdis pas une goutte de la décoction. — Et que fit-on à la pauvre Jeanne, demanda le procureur, pour l’expiation d’une semblable faute ? — On la condamna à recevoir vingt coups d’étrivières, laquelle sentence M. Ventru prit la peine d’exécuter dans la minute, et ce fut sur moi que la tragédie se passa. Jeanne, reconnaissant son crime, se coucha modestement et livra son derrière à la merci du vieux directeur, qui, malgré sa résignation, ne lui fit grâce de rien. — Ces gens d’église, dit la procureuse, sont sans pitié. — Il est vrai, repartit Commode, la dureté de cœur est un défaut qu’on leur reproche avec justice, mais en telle circonstance un homme du monde n’aurait pas été plus traitable. Jeanne était jeune et jolie, elle avait la peau belle et de l’embonpoint ; tant de charmes flattaient trop la vue pour ne pas mettre à profit les instants où il était permis de les admirer : et comme cela ne se pouvait faire décemment qu’à l’occasion de la peine infligée à la pénitente, le bonhomme Ventru ne se pressait pas de finir et comptait distinctement tous les coups qu’il lâchait, ainsi que tout paillard, prêtre ou non, aurait fait en sa place… — La pauvre fille ! interrompit le procureur, il fallait qu’elle eût bien de la patience. — Par sambleu ! répliqua le chevalier, il fallait que j’en eusse bien davantage, moi. Ce n’était point assez que je fusse sans cesse infecté et sali par les deux plus vilains derrières de France, j’étais encore le souffre-douleur des bêtes de la maison. Théâtre éternel des querelles du chien et du chat, j’avais toujours à pâtir de leur mésintelligence. Le moindre petit os à croquer allumait entre eux une guerre civile dans laquelle j’héritais d’ordinaire de maints coups de griffes et de dents. Maître Minet même, en sa meilleure humeur, aiguisant nonchalamment ses ongles crochus sur ma peau, me découpait chaque jour quelque partie du corps. Et monsieur est témoin que j’étais presque en lambeaux lorsque madame eut la courtoisie de prendre congé de ce monde pour aller en l’autre.


CHAPITRE XI

Le canapé entre chez le procureur et y recouvre sa première forme au bout de dix ans.


Délabré et déguenillé comme je l’étais alors, il n’y avait qu’un philosophe ou un homme ennemi de l’ostentation tel que vous qui pût se charger d’un aussi mauvais meuble que moi. Enfin vous fûtes assez modeste pour ne pas me juger indigne de décorer votre cabinet. — Eh ! mais, dit le procureur, vous n’aviez pas mauvaise façon ; quand ma nièce vous eut raccommodé, vous étiez comme tout neuf. — Tudieu, repartit le chevalier, vous parlez d’une fille de grand mérite ; je n’ai jamais vu coudre ni tricoter de meilleure grâce. — Avouez, papa, que vous en étiez un peu féru et qu’il n’a pas tenu à vous d’avoir quelques privautés incestueuses avec elle. Vous souvenez-vous d’un jour que, la trouvant endormie sur moi, vous lui glissâtes une main sous la jupe ? — Oh ! répliqua-t-il, c’était seulement pour voir si elle était chatouilleuse. — Votre maître clerc, reprit Commode, eut la même curiosité un matin que vous étiez au Palais : je croyais, ma foi, qu’elle était en léthargie. — Quoi poussa-t-il les choses assez loin pour… — Belle demande ! Il s’y prit si légèrement qu’il fit tout ce que vous aviez envie de faire, et il n’y eut que cela qui l’éveilla. — Ah ! la coquine ! Peut-on avoir le sommeil si dur ! J’aurais répondu sur ma tête de la sagesse de cette fille-là. — Mais, repartit le chevalier, vous n’auriez point eu tort ; mademoiselle votre nièce faisait une fille aussi sage qu’une autre. — Comment, morbleu ! vous appelez sage une fille qui s’abandonne à un faquin de clerc… Hé ! sait-on ce que l’on fait quand on dort ? Dès que la raison et le jugement ne sont point de la partie, toutes les actions sont indifférentes : or vous savez que dans le sommeil on extravague plus qu’on ne raisonne… — À la bonne heure ! interrompit l’homme de chicane, il est tout simple d’extravaguer en dormant ; mais que l’on fasse des enfants sans s’en apercevoir, c’est ce qu’on ne me persuadera point. — Vraiment, répondit Commode, je ne dis pas que votre nièce ne se soit point aperçue de quelque chose ; mais la besogne était déjà si avancée lorsqu’elle s’avisa de le sentir qu’il y aurait eu du ridicule à elle de vouloir l’interrompre.

Le chevalier avait à peine cessé de parler qu’on heurta à la porte du cabinet. C’étaient plusieurs aimables de la noce qui, s’impatientant de ne pas voir les nouveaux mariés, les plaisantaient à travers la serrure et leur lâchaient mille jolies petites saillies bourgeoises sur la longueur de leur tête-à-tête.

Commode, qui n’avait plus rien, ou très peu de chose à dire, n’ayant entendu que le jargon barbare des coutumes, pendant qu’il était chez le procureur, fut charmé d’avoir un honnête prétexte de se taire. Il voulait prendre congé de monsieur et de madame ; mais on le retint de force, et il fut du souper. On prétend même que la procureuse trouva le moyen de l’introduire dans sa chambre, et que, tandis que reposait le bonhomme, à qui l’on avait eu la précaution de faire prendre un breuvage soporatif, ils veillèrent tous deux au grand contentement l’un de l’autre.

Cependant le chevalier, aspirant au bonheur de revoir ses foyers, comme un Picard qui a la maladie du pays, repartit quelques jours après, malgré les larmes de la procureuse et les promesses qu’elle lui fit de l’épouser aussitôt qu’elle aurait expédié son nouveau mari.

Le destin avait arrêté qu’il retournât à ses premières amours ; et la fée Printanière devait être la récompense de toutes les peines qu’il avait souffertes pour elle.

Le célèbre auteur de l’Almanach de Liège, homme digne de foi, si jamais il en fut, assure qu’il la retrouva fidèle. Quoi qu’il en soit, Crapaudine consentit à leur mariage, à condition néanmoins que Commode, avant toute chose, réparerait amplement la faute qui avait causé ses disgrâces. Le pas était glissant ; il y avait tout à craindre qu’il ne faillît encore. Printanière, qui savait qu’à toutes sortes d’exercices un peu d’habitude est nécessaire (elle ignorait, sans doute, que la procureuse y avait pourvu), se hâta de lui donner quelques leçons, puis, lui ayant fait prudemment avaler une demi-douzaine d’œufs frais, avec deux cuillerées de garus, elle le conduisit chez Crapaudine.

La princesse avait eu soin de se précautionner d’un double lacet pour soutenir le poids immense de sa gorge, soupçonnant que la chute imprévue d’une aussi grande quantité d’appas pouvait jadis avoir causé au chevalier la distraction dont elle l’avait puni si rigoureusement.

Elle était mise à ravir, coiffure en papillon, croix à la dévote et pendeloques de strass, robe et jupon de taffetas, gorge de pigeon en falbalas, chaussure à l’anglaise, panier du Pont-au-Change, et tant de jolies choses relevées par deux grandes mouches sur les tempes avec un petit œil de vermillon.

Commode ne put s’empêcher de faire un éclat de rire, la voyant ainsi parée. Heureusement, Son Altesse, qui avait très bonne opinion d’elle-même, attribua ce mouvement de gaieté au plaisir qu’il avait de la revoir. De manière qu’il fut très bien accueilli. Enfin, grâce au garus et aux œufs frais, il obtint son pardon ; et deux jours après, son mariage ayant été déclaré avec Printanière, Crapaudine, pour l’attacher à sa maison, créa la charge de grand sarbacanier de la couronne, dont elle le revêtit à cause des talents extraordinaires qu’il avait montrés autrefois pour le noble exercice de la sarbacane.


FIN