Le Camouflage démocratique de l'Allemagne

Le camouflage démocratique de l’Allemagne
E. Wetterlé

Revue des Deux Mondes tome 48, 1918


LE
CAMOUFLAGE DÉMOCRATIQUE
DE L’ALLEMAGNE

On nous donne en Allemagne la comédie de la « démocratisation. » Guillaume II et le parti conservateur se rendent compte de la nécessité absolue d’accorder des satisfactions, au moins apparentes, à l’opinion publique, tant dans leur propre pays que dans les pays ennemis.

Je l’écrivais, il y a déjà deux ans : les Allemands ont, au point de vue diplomatique, préparé toutes leurs lignes de repli, comme l’Etat-major général de leur armée a organisé les siennes au point de vue militaire. En cas de succès complet, la ligne Westarp, c’est-à-dire le plan des grandes annexions prévues par la ligue pangermaniste ; en cas de demi-succès, la ligne de Wedel, annexions à l’Est et dépendance économique de la Belgique à l’Ouest ; en cas de partie nulle, la ligne Naumann, simple réalisation du plan de l’Europe centrale ; en cas de demi-échec, la ligne Erzberger-Scheidemann, ni annexions ni indemnités ; enfin, en cas de défaite, mais de défaite arrêtée avant l’exploitation complète par les Alliés de leur action victorieuse, la ligne Haase, démocratisation des institutions de l’Empire et de la Prusse.

Nous avons assisté, au cours des derniers mois, à l’occupation et à l’abandon successifs de toutes ces lignes, suivant les fluctuations de la situation militaire. Le vote de la résolution de paix par le Reichstag, le 17 juillet 1917, marquait le fléchissement initial de l’opinion publique allemande, quand l’Autriche épuisée manifesta pour la première fois son désir d’en finir à tout prix. Après la signature de la paix de Brest-Litowsk et du traité de Bucarest, lus majoritaires du Reichstag ne s’opposèrent nullement à un retour agressif des annexionnistes, qui réoccupèrent la ligne de Wedel. L’avance foudroyante des armées allemandes sur Amiens et sur Château-Thierry rendit toute leur assurance aux hobereaux prussiens, qui imposèrent pendant quelques jours au Reichstag l’acceptation du programme Westarp.

Aujourd’hui, l’Allemagne, qui voit venir la faillite de son militarisme, bat rapidement en retraite. Elle évacue toutes les premières lignes et, presque d’un bond, elle s’établit sur ses derniers retranchements, d’ailleurs soigneusement préparés et entretenus en vue de l’éventualité qui se produit : elle annonce qu’elle va se démocratiser.


Or, examinons d’un peu près les réformes intérieures qu’elle nous annonce. Il sera facile d’établir qu’il s’agit d’une simple manœuvre destinée, à déconcerter les Alliés.

Que demandent les socialistes allemands et, avec eux, les démocrates de l’aile gauche des nationaux-libéraux et du centre catholique ?

En premier lieu, l’introduction en Prusse du suffrage universel pour les élections du Landtag. La revendication est ancienne. Déjà, les révolutionnaires de 1848 l’avaient présentée et avaient obtenu du Roi une promesse qui ne fut jamais tenue. Avant la guerre, le comte de Bülow et M. de Bethmann-Hollweg avaient (oh ! combien mollement ! ) tenté de la faire aboutir. Toutes les fois que, depuis le début des hostilités, il fallut amadouer les partis de gauche, l’Empereur et son chancelier remirent le projet de loi à l’étude. M. de Hertling menaça même, il y a quelques mois, soit de donner sa démission, soit de dissoudre le Parlement prussien, si celui-ci refusait d’obéir à ses sommations répétées.

Malgré tout, le projet de réforme électorale est resté en souffrance. Le régime des trois classes et de l’élection à deux degrés et à bulletins ouverts assure aux conservateurs une majorité qui leur échapperait certainement si un mode de suffrage populaire lui était substitué. On demande donc au parti dirigeant, à celui qui représente la tradition prussienne, de jouer le rôle de suicidé par persuasion. Il s’y est toujours refusé. Il s’y résignera de mauvaise grâce au moment où, après une défaite militaire, le danger d’une révolution deviendra particulièrement menaçant.

De plus, il ne faut jamais oublier qu’en Allemagne, et surtout en Prusse, les questions confessionnelles sont toujours au premier plan des préoccupations gouvernementales et parlementaires. Or, dans une Chambre prussienne élue au suffrage universel, les partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite se tiendraient à égalité et, dès lors, le centre catholique, disposant d’environ un quart des mandats, déplacerait à sa guise les majorités et serait le maître incontesté de la politique intérieure du royaume. Cette considération ne fut peut-être pas étrangère à l’insistance que mit M. de Hertling à procéder à une réforme, dont par ailleurs son conservatisme l’éloignait.

D’un autre côté, il est incontestable qu’une dissolution de la Chambre prussienne est malaisée, sinon impossible en temps de guerre, tous les hommes valides étant mobilisés et la Constitution interdisant aux soldats de prendre part aux opérations d’un scrutin politique.

Une fois de plus, le roi de Prusse a donc fait une promesse-dont il sait qu’elle est difficilement réalisable. Sans doute, il semble que la Chambre des seigneurs ait modifié son attitude intransigeante et qu’elle accepte en théorie le principe du suffrage universel, direct et secret. La manœuvre est connue. Les Chambres prussiennes n’ont jamais refusé d’examiner la réforme électorale, mais, par des amendements savamment dosés, elles ont réussi à traîner les débats en longueur et à dénaturer de si étrange façon les projets du gouvernement, que celui-ci finissait par renoncer (de très bon cœur, d’ailleurs) à la lutte.

M. de Hertling avait si bien compris le danger d’un bouleversement complet du droit électoral prussien que, dans son discours à la Chambre des seigneurs, il avait insinué qu’à entreprendre elle-même la réalisation de la réforme, elle pourrait en limiter les effets. Il offrait ainsi aux conservateurs un compromis avantageux, en même temps que la possibilité de faire avorter toute la réforme en y introduisant des modifications inacceptables pour les partis de gauche.

Peut-être que, sous la pression des événements, les deux Chambres prussiennes modifieront leur attitude intransigeante. Elles prendront en tout cas leur temps pour aboutir à un résultat qui, certainement, ne répondra pas aux vœux exprimés par les socialistes et les démocrates.

Enfin, ne nous abandonnons à aucune illusion. Si même le suffrage universel était introduit en Prusse pour les élections du Landtag, il n’en résulterait nullement que le régime parlementaire fut par-là même instauré dans ce pays. Les Chambres basses de la Bavière, du Wurtemberg, du Grand-Duché de Bade, de la Hesse, sont élues à ce mode de suffrage. Néanmoins les ministres sont nommés par le souverain et n’abandonnent le pouvoir que lorsqu’ils ont perdu sa confiance. Leur sort ne dépend en aucune manière des votes du parlement.

Et cela s’explique. Les partis allemands, sachant qu’ils ne seront jamais, comme tels, appelés à réaliser leurs programmes politiques, ne se soucient pas, dans l’élaboration de ces programmes, des possibilités de réalisation. En Allemagne et surtout en Prusse, les oppositions de programmes sont absolues. En temps de guerre, une entente peut se créer entre les représentants des fractions rivales ; mais cette entente cesserait fatalement d’exister dès qu’on aborderait un problème de politique intérieure ou d’économie sociale.

Or, si, en Bavière, le centre détient à lui seul plus de la moitié des mandats et si dès lors le Roi peut confier le ministère aux membres de ce parti, en Prusse, le suffrage universel donnerait une centaine de sièges aux socialistes, environ 30 aux démocrates, 50 aux nationaux-libéraux, 90 au centre catholique, de 90 à 100 aux groupes conservateurs. Comment dès lors trouver dans des partis si opposés les éléments d’un ministère homogène ? Les prérogatives de la couronne resteraient donc entières par la force même des choses. Ce n’est qu’après une longue période de tâtonnements que se formeraient, dans la nation d’abord, dans le parlement ensuite, les deux grands groupements d’opinions qui, dans les pays où le parlementarisme est pratiqué depuis un temps fort long, l’emportent périodiquement l’un sur l’autre et permettent au chef de l’exécutif de former des ministères disposant de majorités fixes.


La deuxième réforme « démocratique » que les Allemands nous mettent en perspective est celle du gouvernement de l’Empire. La majorité du Reichstag a précisé ses revendications. Celles-ci portent sur l’abolition de l’article 9 de la constitution de 1871 qui prévoit qu’aucun membre du Reichstag ne peut faire partie du Conseil fédéral.

Il semblerait à première vue que la suppression de cette interdiction dût faire également disparaître la séparation entre l’exécutif et le législatif. Or, il n’en est rien.

Le Conseil fédéral n’est pas un parlement ; mais une représentation des princes. L’Empire allemand (nous sommes trop portés à l’oublier) n’est pas un pays unifié, mais une fédération d’États dont la souveraineté demeure, du moins en principe, presque complète et qui participent effectivement à l’exercice de la part de souveraineté qu’ils ont mise, s’il est permis de s’exprimer ainsi, en commun.

L’article 6 de la constitution de 1871 limite strictement les matières sur lesquelles l’Empire peut légiférer. Quand la nécessité d’un projet de loi général semble s’imposer, la puissance présidiale, c’est-à-dire la Prusse, en saisit, de sa propre initiative, ou sur la motion d’un des gouvernements confédérés, tous les autres États. Ceux-ci l’examinent individuellement, et les souverains « instruisent » ensuite leurs délégués au Bundesrath, en d’autres termes, leur donnent le mandat impératif de voter de telle ou telle matière.

Il n’y a pas, au Conseil fédéral, de délibérations pouvant modifier les votes individuels de ses membres. Ceux-ci sont tous liés d’avance par les instructions des princes qu’ils représentent. Par l’entremise de leurs plénipotentiaires, les chefs d’États gouvernent donc effectivement l’Empire. Le Conseil fédéral est une assemblée souveraine déléguée.

L’Empereur (primas inter pares) n’a aucun droit de veto. Dès qu’à la majorité des voix émises un projet de loi a été adopté par les membres du Bundesrath, l’Empereur est obligé de le promulguer sans délai. Comme roi de Prusse il dispose sans doute de 17 voix sur 58 et il lui est dès lors possible de s’opposer à toute modification de la Constitution, celle-ci devant être votée à une majorité des trois quarts des votants. En revanche pour toutes les autres lois d’empire les petits États peuvent, en se coalisant, mettre la Prusse en minorité. Ce sont donc les souverains des États qui, à proprement parler, forment le Conseil fédéral. Cela est tellement vrai qu’afin de prévenir toute surprise, tout manquement anonyme à la consigne imposée, les bulletins de chaque État sont déposés dans l’urne, au moment du vote, par un seul délégué de cet Etat.

Supposons maintenant que l’article 9 de la Constitution soit supprimé et que des membres du Reichstag puissent devenir plénipotentiaires de leurs pays respectifs au Bundesrath, le mandat impératif qui entravera leur droit de vote restera le même. Si par exemple Scheidemann et Sudekum devenaient, comme secrétaires d’Etat de l’empire, membres du Conseil fédéral, ils voteraient sur ordre, comme leurs collègues, et ce serait le président du conseil prussien qui disposerait de leurs bulletins de vote. On voit par-là que la réforme « démocratique » dont le Reichstag semble d’avance se réjouir si bruyamment, ne sera qu’un trompe-l’œil, qu’un attrape-nigauds pour les Alliés qui pourraient être tentés d’y découvrir une transformation sérieuse des institutions parlementaires de l’empire germanique.


Mais il y a mieux. L’empire n’a qu’un ministre responsable : le chancelier. Les secrétaires d’Etat qui l’assistent ne sont que des chefs de services qui lui restent, en tout et pour tout, subordonnés. De même que le chancelier parle toujours au nom des gouvernements confédérés (im Namen der verbändeten Regierungen), les secrétaires d’Etat défendent les projets de lois devant le Reichstag au nom du chancelier (in Namen des Herrn Reidiskanzlers). La nomination de députés aux postes de secrétaires d’État n’aurait donc aucune signification au point de vue de la politique générale. Conservateurs, centristes, socialistes ou démocrates, les parlementaires « fonctionarisés » resteraient les simples exécuteurs des volontés de leur chef.

Il est vrai que Bismarck, dont le programme centralisateur s’affirmait en toute occasion, affectait d’appeler les secrétaires d’Etat « ministres de l’Empire ; » mais le Reichstag n’accepta jamais cette qualification anticonstitutionnelle.

La situation changerait si, d’aventure, la Constitution était modifiée de telle façon que la création d’un véritable ministère devînt possible. Mais là on se buterait à une nouvelle difficulté, celle-là presque insurmontable. Du jour où les secrétariats d’État seraient transformés en ministères autonomes, les princes confédérés dont les ministres devraient, dans le gouvernement de l’Empire, défendre les intérêts souvent opposés, ne pourraient plus s’en remettre au roi de Prusse du soin de les désigner ; car sans cela c’en serait fait de l’autonomie de leurs États. Or, une entente sur le choix des personnes deviendrait presque toujours impossible entre les vingt-cinq États de l’empire. Que si l’Empereur seul désignait ses collaborateurs, les conflits entre ce gouvernement fatalement prussianisé et les gouvernements des États représentés au Bundesrath se multiplieraient à l’infini.

Puisque nous sommes dans le domaine des hypothèses, admettons un instant que Reichstag et Bundesrath créent un ministère d’empire et que l’Empereur soit obligé de choisir les membres de ce ministère dans la majorité du Reichstag. D’abord cette majorité n’existe pas. Aux oppositions politiques, confessionnelles, économiques et sociales, que nous avons trouvées au Landtag prussien, s’ajoutent, dans le parlement d’empire, les rivalités particularistes. Que si, malgré toutes ces difficultés, un cabinet de concentration était constitué, qu’arriverait-il ? Toute crise gouvernementale aurait immédiatement son contre-coup dans les États particuliers, surtout en Prusse.

Il est de tradition en Allemagne que le chancelier soit en même temps président du conseil des ministres en Prusse. La séparation personnelle entre ces deux fonctions, qui vient d’être tentée, n’est pas tenable, la Prusse devant, comme État présidial de la Confédération, présenter tous les projets de lois an Conseil fédéral. Cela posé, supposons que le Reichstag mette le chancelier en minorité, il en résultera qu’une crise ministérielle sera du même coup ouverte en Prusse et vice versa le Landtag prussien, infligeant un blâme au président du conseil, son vote ; entraînera une crise de chancellerie dans l’empire. Ce serait la plus invraisemblable confusion, la plus prodigieuse instabilité, l’enchevêtrement le plus dangereux des compétences.

Le même phénomène se produirait dans les autres États toutes les fois qu’un conflit d’une certaine gravité éclaterait entre le ministère d’empire et la majorité du Conseil fédéral. Ou bien le chancelier et ses collaborateurs devraient alors se retirer, ou bien les princes confédérés seraient contraints de changer leurs ministères. Voici donc les conclusions qu’il faut tirer des derniers événements. Pour donner satisfaction à l’opinion publique en Allemagne et surtout pour induire en erreur les Puissances de l’Entente, l’Empereur a confié quelques postes de secrétaires d’Etat à des membres du Reichstag[1]. Ce n’est pas une innovation. Déjà M. de Miquel avait passé d’un strapontin parlementaire à un fauteuil gouvernemental, il y a une quinzaine d’années et, depuis le début de la guerre, nous avons vu Mme Spahn et Friedberg recueillir des portefeuilles de ministres. Il est vrai que ces anciens députés, promus ministres, avaient dû préalablement déposer leurs mandats législatifs.

Cette fois si le Conseil fédéral consent à la suppression du paragraphe 9 de la Constitution, les nouveaux conseillers de Guillaume II pourront appartenir en même temps au Reichstag et au Bundesrath, pendant la durée de leur passage à la direction des affaires. Encore resteront-ils, comme secrétaires d’Etat, les simples subordonnés du chancelier et devront-ils, au Conseil fédéral, voter sur ordre.

Le socialiste Scheidemann, par exemple, sera contraint ou de démissionner ou de soutenir, le cas échéant, devant le Reichstag, les projets de loi du chancelier, même si personnellement il les réprouve. Si d’un autre côté une loi adoptée à sa demande par le Reichstag est combattue par la Prusse, il sera forcé par le bulletin de vote, qui théoriquement lui est attribué au Bundesrath, mais dont il ne dispose pas librement, de la faire repousser par l’assemblée souveraine.

C’est la bouteille à encre, comme on le voit. Les Allemands savent à quoi s’en tenir ; mais ils pensent, en provoquant cette confusion, tromper les Alliés sur la portée de réformes, qui n’en sont pas ou qui, du moins, n’ont qu’une valeur très approximative et essentiellement précaire.

L’Allemagne ne se démocratisera sérieusement que si les constitutions de l’empire et des États sont soumises à une refonte complète. Il appartient aux Alliés de l’exiger. Dans tous les pays de l’Entente les constitutions ont été établies par les représentants des citoyens. Dans les États allemands elles ont été octroyées par les souverains à leurs sujets et, à l’heure présente, les concessions que ces souverains font à leurs peuples, sous la pression d’événements tragiques, ne changent rien au principe du pouvoir, non pas délégué régulièrement par les gouvernés, mais appartenant en propre à des dynasties, qui en délimitent elles-mêmes les prérogatives et en règlent l’exercice. Il y a donc opposition presque irréductible entre les principes qui dominent la vie nationale des démocraties de l’Entente et les autocraties des empires centraux.

Il faudra dès lors exiger, avant tout traité de paix, que les États germaniques élisent des constituantes et se donnent des statuts nationaux conformes à ceux des autres peuples. L’empire lui-même est sorti d’une convention passée entre les princes. Il devra également, s’il doit subsister, recevoir la consécration populaire. Il appartiendra aux États allemands préalablement démocratisés de décider s’ils veulent maintenir la Confédération actuelle ou s’ils préfèrent sortir du groupement dont la Prusse s’était assuré l’hégémonie.

Les Alliés apporteront ainsi la liberté aux peuples allemands. Que si ceux-ci veulent maintenir leur confiance à leurs dynasties, libre à eux de le faire. Encore ces dynasties devront-elles accepter les limitations de pouvoir que leur imposeront les constituantes. Voilà, à mon avis, la seule manière dont il sera possible de doter d’institutions libres des pays où jusqu’ici l’ambition démesurée des Hohenzollern et des Habsbourg s’était imposée à des races dont la passivité était justement légendaire, mais auxquels la banqueroute du militarisme prussien permettra de s’affranchir d’une séculaire servitude.


E. WETTERLE.


  1. D’une note, parue le 6 octobre dernier, dans la Gazette de l’Allemagne du Nord, organe officiel du chancelier, il ressort qu’une fois de plus le gouvernement prussien tient, avant tout, à gagner du temps et que les concessions faites aux circonstances gardent un caractère à la fois précaire et dilatoire. Voici cette note curieuse : « Si essentielles que doivent être les transformations que va subir le gouvernement, on ne saurait perdre de vue qu’elles ne peuvent être immédiates. Le régime présent se perpétuera encore dans les formes qui sont observées pour la nomination des ministres. L’Empereur conserve, en effet, les droits que lui assure la Constitution. Même dans les partis de gauche qui ont depuis longtemps inscrit en tête de leurs programmes la parlementation du gouvernement impérial, on se rend parfaitement compte que nous n’avons pas à modifier notre Constitution d’après les modèles étrangers, mais que nous devons nous laisser guider uniquement par les besoins et les conditions qui nous sont propres. »