Le Cadenas et les Droits de Douane

Le cadenas
J. Charles Roux

Revue des Deux Mondes tome 123, 1894


LE CADENAS

Le Parlement vient de voter la loi portant à 7 francs le droit sur les blés. On était en droit d’espérer que ce succès obtenu par les partisans du système protecteur aux dépens des consommateurs français et des intérêts économiques et politiques du pays, suffirait à les satisfaire. Mais d’autres ambitions leur sont venues et, pour leur complaire, le gouvernement a déposé un projet l’autorisant à rendre provisoirement applicables par décrets les dispositions des projets de loi portant relèvement ou établissement de droits de douane. C’est l’application à notre pays d’un système qui a fonctionné très rarement en Allemagne et en Belgique ; qui fonctionne en Angleterre, et auquel l’Italie, qui le pratique également, a donné le nom de Catenaccio.

Pour éviter l’accumulation d’approvisionnemens que les importateurs multiplient pendant que les Chambres discutent le relèvement de tel ou tel article du tarif douanier ; — pour empêcher le commerce de prendre les précautions inspirées par les événemens et pour assurer la perception de l’intégralité d’un droit, dès qu’il passe par l’esprit du gouvernement de l’établir ou de l’élever, ce serait une simple décision du pouvoir exécutif qui désormais, brusquement et à l’improviste, viendrait modifier les taxes, — sauf ratification dans les trois mois par le Parlement. Il est entendu, toutefois, que dans le cas où les projets seraient retirés, rejetés ou adoptés après amendemens, il serait tenu compte aux intéressés des droits indûment encaissés, de ce trop-perçu d’un nouveau genre.

C’est donc en vain qu’on signale de toutes parts les dangers de l’incertitude qui règne depuis 1892 dans notre régime économique. Loin de remédier au mal, on l’aggrave ; on veut que l’indécision et la menace soient généralisées et fassent partie intégrante de notre législation ; on ne tend à rien moins qu’à rendre les transactions commerciales impossibles en suspendant sur elles une série de risques nouveaux contre lesquels l’assurance est impuissante et qui dépassent, comme importance, ce que pourraient représenter les événemens les plus graves et les cas de force majeure les plus désastreux.

Il ne faut pas s’y tromper, si la période des traités de commerce a été favorable aux intérêts français, c’est qu’à cette époque négocians et industriels savaient sur quel terrain ils marchaient. Après l’avoir exploré, ils prenaient leurs mesures en toute sécurité et lançaient des entreprises dont l’existence douanière était assurée pour un temps. Ces traités de commerce, que la majorité du Parlement a eu la fâcheuse inspiration de ne pas renouveler, présentaient des avantages indéniables à côté des quelques inconvéniens que l’on a exagérés de parti pris. Ils constituaient pour le monde des affaires une garantie que rien ne peut remplacer ; et cette garantie résidait précisément dans leur durée. Une sorte de contrat synallagmatique intervenait entre l’Etat et ses nationaux, aux termes duquel pendant une certaine période les droits sur telle ou telle marchandise demeuraient invariables. Sur la foi de ces traités, on pouvait oser et on avait chance de récolter le fruit de son audace ; et ces conditions sont tellement indispensables à la vie industrielle et commerciale que les nations qui paraissaient le plus inféodées au régime protecteur l’ont toutes abandonné pour contracter des traités de douze années. La France seule a adopté ce fameux tarif maximum et minimum qui devait constituer une véritable panacée, et n’est au contraire qu’un désastreux modus moriendi, suivant la spirituelle expression de M. Léon Say. Autant il serait déraisonnable de la part des industriels et des commerçans de demander à l’Etat qu’il leur assurât un minimum de bénéfices, autant ils sont en droit d’exiger la sécurité, sans laquelle aucune œuvre n’est viable. Comment, en effet, élever la singulière prétention que des hommes sérieux, soucieux de conserver à leurs maisons le bon renom qui fait leur force, exposent aveuglément capitaux, marque et outillage dans des opérations au cours desquelles peut surgir inopinément une augmentation de droits se traduisant soit par l’équivalent de la totalité des frais généraux, — ainsi doublés du jour au lendemain, — soit par la perte sèche d’un capital considérable ? Nous doutons qu’ils s’y résignent et nous craignons qu’ils ne s’empressent de liquider leurs affaires. Quant à la création d’entreprises nouvelles, il y faut songer moins encore, car ce n’est pas sur le sable mouvant des changemens de droits à brûle-pourpoint que l’on pourra espérer d’édifier quoi que ce soit. Enfin, les petits commerçans, industrieux et honnêtes, qui recherchent un gain bien modeste en facilitant l’approvisionnement des marchés locaux et l’alimentation de l’industrie, se trouveront exposés à des à-coups tels, qu’ils ne pourront y résister. En voici un exemple frappant : quelle sera la situation faite par ces variations à l’infini de notre régime douanier aux soumissionnaires de l’État, soumissionnaires de la Guerre, de la Marine, de l’Administration pénitentiaire, des établissemens d’assistance et d’instruction publiques ? Ils contractent ferme pour un an à un taux déterminé, calculé sur les cours du jour. Un mois après, leur co-contractant, c’est-à-dire le gouvernement, impose un droit nouveau ou majore celui qui existe, et voilà les adjudicataires, qui ne sauraient avoir dès cette époque leur complet approvisionnement, obligés d’acheter au nouveau cours, c’est-à-dire au cours majoré du droit, et d’exécuter leur marché vis-à-vis de l’Etat, au prix fixé et accepté par lui ! Ce serait aussi immoral qu’inadmissible, et nous espérons que cette perspective fera au moins hésiter les apôtres les plus zélés du Catenaccio.

Du reste, toutes les Chambres de commerce, non pas seulement celles des ports, qui sont devenues suspectes et auxquelles on est convenu de faire grief de leur libéralisme éclairé, mais celles des principales villes de l’intérieur de la France : Nancy, Orléans, Roubaix, Reims, Fourmies, Saint-Chamond, etc., ont émis le vœu « qu’un régime économique stable, assurant la sécurité des transactions, fût établi à l’avenir ». Tout récemment, la Chambre de commerce de Lyon est revenue sur les inconvéniens « des surprises en matière commerciale, et elle demande que les modifications aux lois intéressant le commerce ne soient jamais introduites subrepticement dans les conseils du gouvernement. » Enfin, le 20 avril dernier, au banquet annuel de la Chambre de commerce de Paris, l’honorable président, M. Delaunay-Belleville, réclamait énergiquement à M. le président du Conseil et à M. le ministre du Commerce « la stabilité commerciale ; il regrettait la rupture de nos relations commerciales avec la Suisse, si préjudiciable à notre commerce et à notre industrie, et demandait le retour aux traités de commerce. »

Cette opinion des Chambres de commerce est d’autant plus naturelle et fondée que les adjudicataires de l’Etat ne sont pas seuls menacés par le projet du Cadenas, et c’est ici le lieu de fournir quelques explications sur le mode de fonctionnement des maisons de commerce et des établissemens industriels. Les uns et les autres se trouvent dans l’obligation de ne jamais laisser inactifs leurs capitaux et leurs moyens d’action, sous peine de voir l’intérêt des dépenses de premier établissement et d’entretien, l’accumulation des frais généraux et l’inutilisation des forces de production, créer un passif impossible à couvrir. Pour écarter ce danger, que fait-on ? On passe des marchés à livrer, c’est-à-dire qu’on escompte l’avenir et qu’on vend à l’avance la majeure partie de sa production, en appréciant les causes normales de hausse ou de baisse sur les matières premières utiles au genre de fabrication auquel on se livre. Ainsi, celui qui approvisionne l’usine, celui qui la possède et la fait valoir, celui qui en place les produits et celui qui les consomme sont liés entre eux par des marchés à livrer dont la durée est en moyenne d’une année. Ces opérations n’ont rien de commun avec ce qu’on appelle vulgairement la spéculation. Elles constituent l’essence même du commerce et de l’industrie et, tandis que la spéculation proprement dite est pour ainsi dire facultative, tandis que l’espoir du lucre en est le seul mobile, négocians et industriels sont obligés de recourir au mode de procéder que nous venons d’indiquer, par la seule force des choses, par l’extension qu’ont prise les transactions de toute nature, par la multiplication des instrumens de production et l’accroissement de leur puissance ; et surtout par la nécessité de tenir tête à des concurrens chaque jour plus nombreux et plus audacieux. Il n’est donc point de chef de maison, grande ou petite, qui ne soit en quelque sorte le soumissionnaire ou l’adjudicataire de plusieurs autres maisons. Tous auront à compter avec les entraves que la nouvelle loi projetée leur imposerait.


I

Telles seraient les conséquences des métamorphoses instantanées que l’on se propose de faire subir à notre régime douanier. Mais on pourrait nous reprocher de ne faire là qu’un procès de tendance, et l’innovation est assez dangereuse pour qu’on l’examine en elle-même, sous toutes ses faces.

La première observation qui s’impose touche à des matières de l’ordre le plus élevé : nous estimons que la mesure proposée est contraire aux principes de notre droit public, tels qu’ils ont été posés par notre Constitution et consacrés par une jurisprudence constante. Les droits de douane intéressent au premier chef notre régime économique, et ce régime, c’est au législateur qu’il appartient de le fixer. Cela se comprend d’autant plus aisément qu’une simple question de plus ou de moins dans le taux d’un droit peut avoir un effet funeste au point de vue de la richesse publique : il est possible que telle mesure tarisse une source vive, ferme un débouché ou ruine une industrie. D’autre part, nous ne le savons que trop et de tout récens événemens viennent de nous le prouver encore, depuis que les efforts et la lutte des nations se sont concentrés sur le terrain commercial, c’est sur ce terrain que se nouent et que se dénouent les alliances. N’est-il pas indispensable, dès lors, que la volonté nationale puisse faire entendre sa voix par l’organe de ses représentans ? Sans doute, deux exceptions ont été faites à ce principe. La première concerne notre régime économique. Elle est pour ainsi dire l’envers de la proposition du Cadenas : le Gouvernement peut, de son propre mouvement, suspendre l’application des droits sur les céréales, quand les circonstances l’exigent. La seconde a trait à notre régime financier. Une des prérogatives les plus indiscutables du Parlement est celle qui consiste à autoriser les dépenses publiques en même temps que le recouvrement de l’impôt. On a été conduit à déroger à cette règle, — dont la méconnaissance avait été, du reste, le point de départ de toutes nos révolutions, — par la nécessité de ne pas enrayer la marche des services publics pendant l’intervalle des sessions parlementaires. Un décret en Conseil d’Etat peut ouvrir des crédits que les Chambres doivent ratifier ensuite, dès leur rentrée.

Eh bien, il existe une différence capitale entre ces deux cas et la troisième exception que l’on se propose de créer. Le cours du blé, celui du pain ont dépassé le taux normal ; la disette s’est fait sentir sur plusieurs points du territoire ; la famine menace le pays ; voilà des signes certains. Si l’on n’avise, le peuple souffrira le plus horrible des maux et l’ordre de choses établi courra le plus grand des dangers ; voilà des circonstances pressantes. De même, la dotation de tel chapitre du budget est épuisée, ou tel besoin nouveau vient de se produire ; voilà encore des signes certains. Le fonctionnement d’un rouage indispensable va se trouver suspendu ; voilà aussi une circonstance pressante. Mais, quand on vient dire qu’il y a un malaise économique général, que telle denrée se vend difficilement, que le gain d’une catégorie de la population paraît insuffisant, est-on bien sûr d’abord de voir l’effet sous son jour véritable, à travers le kaléidoscope aux mille reflets de l’intérêt privé ; puis êtes-vous certain, vous, Gouvernement, d’apercevoir la vraie cause de cette situation et pourriez-vous jurer que ce que vous allez faire, en aggravant une mesure de protection, peut atteindre le mal et y remédier ? Certes non, car sans cela les discussions du tarif de 1889, véritable tournoi, joute de tous les instans, dont nous n’avons pas perdu le souvenir, n’auraient pas eu de raison d’être et nous n’aurions pas assisté aux débats les plus âpres et les plus contradictoires.

Au surplus, le système que l’on nous propose n’est pas nouveau. Ce n’est que la remise à neuf d’un vieil outil de la serrurerie protectionniste, rouillé avant d’avoir servi et qui date de 1814. La loi des 17-19 décembre de cette année, loi générale relative aux douanes, dispose que des ordonnances du roi pourront, provisoirement et en cas d’urgence, prohiber l’entrée des marchandises étrangères en augmentant, à leur importation, les droits de douanes ; diminuer les droits sur les matières premières nécessaires aux manufactures ; permettre ou suspendre l’exportation des produits du sol et de l’industrie nationale et déterminer les droits auxquels ils seront assujettis. Toutefois, les mesures ainsi ordonnées devaient être présentées en forme de projet de loi aux deux Chambres, avant la fin de leur session si elles étaient assemblées, ou à la session prochaine si elles n’étaient pas réunies. Tel est cet article 34 que l’on invoque comme précédent. Il n’est que trop certain que l’article 34 de la loi des 17-19 décembre 1814 a existé, et il est même probable qu’il existe encore, car nous ne connaissons aucun texte qui fait abrogé. Mais il n’est pas moins incontestable que cette faculté ouverte au Gouvernement est passée à l’état de lettre morte, puisqu’un nouveau vote du Parlement est considéré comme nécessaire pour rajeunir le principe au double point de vue de la forme et du fond.

Nous avons eu du reste la curiosité de nous reporter aux travaux préparatoires de cette loi et nous avons pu constater que son titre V n’avait d’autre portée que de maintenir au roi des droits que Bonaparte s’était attribués. Dans sa lutte économique à outrance contre sa vieille ennemie l’Angleterre, Napoléon avait besoin de tenir bien en main les armes dont il voulait user pour l’exterminer. Il devait être maître absolu d’utiliser à son gré prohibitions et relèvemens de tarif. On sait qu’il ne s’en fit pas faute. Il s’agissait donc en quelque sorte de perpétuer une « clause de style » ; c’est bien le sentiment qui ressort de la lecture de l’exposé des motifs dû au baron Louis. Le ministre des Finances d’alors se serait empressé de produire de bons argumens et de les faire valoir, s’il en avait pu trouver. Ce n’était ni le talent, ni même le génie qui lui manquaient. En réalité il paraît plutôt inquiet de préconiser une telle mesure et ne le fait pas sans réserve :

« Cette disposition se justifie d’elle-même, disait-il. Personne n’ignore que les combinaisons du tarif, bien qu’il importe de leur donner toute la fixité dont elles sont susceptibles, sont cependant variables de leur nature, qu’elles sont régies par des intérêts soit intérieurs, soit extérieurs ; que ces intérêts sont souvent très urgens, et qu’il y aurait alors les plus graves inconvéniens à attendre, pour s’y conformer, que les Chambres fussent assemblées.

« La même faculté avait été réservée par la loi du 29 floréal an X, à l’ancien Gouvernement. Alors, comme aujourd’hui, elle était indispensable. On en a fréquemment abusé, mais la sagesse du roi vous répond qu’il n’en usera que pour l’avantage du commerce et de ses peuples. »

Il faut convenir que la justification manque d’ampleur et de précision. Lors de la discussion, les orateurs qui ont défendu le titre V de la loi ne lui en ont pas donné davantage ; tandis que les adversaires de cette disposition du projet ont été à la fois nombreux et éloquens et ont produit de solides argumens à l’appui de leur thèse.

M. Le Hir, en demandant la suppression pure et simple de l’article 34, s’exprimait ainsi : « . La loi du 22 août 1791 ne laissait rien à l’arbitraire et à la versatilité. Ce n’est qu’en floréal an X, quand Napoléon aspirait à l’empire, jaloux d’agrandir son pouvoir et de tout soumettre à ses volontés, qu’il a réclamé, pour ses spéculations d’agiotage, cette faculté destructive de la liberté, de la sécurité de tout commerce, et quels abus n’en est-il pas résulté ? Ils ont été tels qu’il a été obligé d’évoquer à lui seul l’exercice de ce redoutable pouvoir et de l’interdire à ses ministres ! »

Mais, sans nous arrêter à l’intervention des autres orateurs, tels que M. Amyrauld, qui voulait que tout au moins on limitât l’application de l’article 34 au cas de guerre, et de M. Flauguergues, dont les protestations avaient surtout pour objet l’inconstitutionnalité de la proposition, arrivons au discours si complet et si probant de M. Gallois, discours dont la Chambre fut à ce point frappée qu’elle en vota l’impression.

M. Gallois demande la suppression de l’article 34 comme inconstitutionnel et comme subversif des transactions commerciales auxquelles il se rattache : comme inconstitutionnel parce qu’il autorise l’établissement et la perception d’impôts non consentis par les deux Chambres et sanctionnés par le roi. Les douanes tout entières et sans aucune distinction d’objets sont appelées contributions indirectes, et, comme telles, elles ne peuvent dériver que de la puissance législative. C’est aux représentans de la nation à bien connaître, à bien calculer la nature de ces charges avant qu’elles soient établies ; c’est à eux seuls à décider si elles sont justes, nécessaires, égales, certaines ; si elles sont déterminées par le véritable intérêt général, ou si elles ne sont sollicitées que par un intérêt particulier ; si les formes de perception en seront aussi commodes pour le contribuable et aussi peu dispendieuses pour l’Etat qu’elles doivent et peuvent l’être. C’est à eux seuls à empêcher que de fausses vues de politique, de fausses idées d’intérêt commercial ou manufacturier ne viennent introduire dans la législation une mobilité dont le résultat serait le désordre dans les relations commerciales de peuple à peuple et d’individus à individus, et dont l’unique fruit serait l’avantage de quelques-uns et la ruine du grand nombre. « Sans doute, poursuit l’orateur, l’administrateur actuel des impôts indirects a aujourd’hui votre confiance ; il la mérite par son caractère moral, par son caractère politique et par ses lumières ; mais qui peut assurer que cet administrateur ne sera pas remplacé par un autre qui pourra ne point vous offrir par son caractère personnel la même garantie ? Et cependant vous avez d’avance répondu à la nation, de la justice et de la nécessité des mesures qui seront alors exécutées. Les représentans d’une nation ne doivent jamais subordonner ses premiers intérêts à l’esprit momentané d’un administrateur, aux hasards du caractère personnel des administrateurs.

« On vous a parlé de la responsabilité des Ministres ; mais cette responsabilité ne peut porter que sur l’exécution des lois faites par vous, sur la perception des impôts établis par vous, et dont la quotité et la forme ont été réglées par vous ; la responsabilité légale, en un mot, se rapporte à l’exécution et non à la législation. La disposition que j’attaque donnerait aux Ministres une participation préalable à la législation.

« Quant à cette responsabilité, elle est dans la Charte, elle n’est pas encore complètement dans nos lois ; elle n’est pas encore dans nos habitudes. Croyez que, même lorsque la loi d’organisation de cette responsabilité sera faite, lorsque son esprit, secondé par l’opinion publique, réglera la marche habituelle des affaires, croyez enfin que dans le cours ordinaire des choses, la responsabilité des agens supérieurs du pouvoir exécutif sera ici ce qu’elle est dans tous les gouvernemens libres, c’est-à-dire qu’elle sera toujours plus assurée par les précautions qui préviennent leurs erreurs, que par les lois qui les punissent. »

Ce discours est vieux de quatre-vingts ans. Ce sera le discours de demain. Tant il est vrai que le propre de certaines tendances est d’aller à l’encontre du progrès et de ramener toujours les peuples aux mêmes obstacles, car nous nous trouvons aux prises maintenant avec les mêmes difficultés qu’au début du siècle ; à deux différences près, toutefois.

L’article 34 de la loi de 1814 fut voté bien moins pour permettre à notre législation de suivre les changemens de celle des autres peuples, comme le prétendait M. Chantereyne, que dans un dessein politique, afin de donner à un roi « adoré » un témoignage de loyalisme et de fidélité dont il avait certes besoin, car on était à la veille des Cent-Jours.

Loin de songer à prendre une mesure contre la « spéculation », on n’a prononcé ce mot que pour reprocher à l’Empereur de s’être livré à l’agiotage, grâce aux dispositions de la loi de floréal an X, que la loi de 1814 a reproduites. Aujourd’hui le thème est tout opposé : c’est la spéculation que l’on poursuit et l’on prétend laisser la politique de côté.

Mais ce n’est là qu’un point secondaire. Envisageons les faits. Est-il aucun rapport entre ce qu’étaient le commerce et l’industrie en 1814, au lendemain des guerres de la Révolution et de l’Empire, à la veille d’une crise nouvelle, en l’absence de tout moyen rapide de transport, alors que les inventions modernes qui ont transformé le monde en cinquante ans étaient encore à l’état embryonnaire, et ce qu’ils sont devenus après l’essor de 1860, après vingt-quatre ans de paix, après les transformations inouïes amenées par l’application de la vapeur et de l’électricité ? Autant pareille disposition a pu passer inaperçue alors et sommeiller paisiblement dans l’arsenal des lois protectionnistes ; autant, à l’heure actuelle, elle soulèverait de tempêtes et serait l’objet d’une opposition vivace et irréductible. Si, jusqu’à présent, les protestations ne se sont pas fait entendre plus éclatantes et plus nombreuses, c’est que le monde des affaires ne saurait se rendre un compte exact du danger qui le menace. Il en est de la liberté du commerce, comme de nos libertés politiques et de la liberté de conscience ; c’est un des biens les plus précieux que nous possédions ; tout esprit moderne doit se révolter à la pensée d’en être privé. Ce qui ne devait étonner ni le peuple ni le Gouvernement au sortir de l’ancien régime, alors que l’on avait à peine oublié la réglementation étroite qui entravait industrie, manufacture, travail et négoce, constituerait aujourd’hui une véritable révolution dans le domaine économique.


II

On objecte que non seulement le Cadenas est inscrit sur les tables de nos lois, mais qu’il fonctionne en ce moment même à l’étranger et notamment en Angleterre et en Italie.

Nous trouvons dans ce fait qu’il est pratiqué en Angleterre une raison de plus pour ne point l’adopter chez nous, car les deux pays sont dans des conditions économiques diamétralement opposées, qui comportent des solutions également différentes. Quant à l’Italie, elle nous fournit des exemples tels, qu’instruits par son expérience, nous devrions avoir à cœur de ne pas la suivre sur le même terrain.

Dans le Royaume-Uni, le tarif douanier n’atteint que des articles peu nombreux et d’une nature toute spéciale : le tabac, le thé, le café, le cacao ou chocolat, la chicorée, les cartes à jouer, les fruits secs, les eaux-de-vie, les vins, la bière et certains produits fabriqués avec de l’alcool. Il s’agit uniquement, soit de denrées coloniales, soit d’objets de luxe, et les droits ont un caractère purement fiscal, exclusif de toute idée de protection. Le Cadenas n’a donc pour nos voisins d’outre-Manche aucun des inconvéniens qu’il présenterait chez nous. Son application n’entravera jamais l’approvisionnement du pays ni la marche normale du commerce et de l’industrie. Les Anglais se proposent, en recourant à ce système, bien moins d’arrêter la spéculation et d’influer sur les cours du marché intérieur, que d’éviter que l’on ne parvienne, sur un nombre très restreint d’articles d’importation parfaitement déterminés, à frauder le fisc et à éviter le paiement des droits. Il ne faut donc établir aucune comparaison entre les deux pays, si différens l’un de l’autre et quant au régime économique et quant à l’objectif poursuivi. Sans doute, il serait préférable que, chez nous aussi, l’établissement ou le relèvement des droits, — puisque nous ne pouvons y échapper, — profitassent immédiatement au Trésor au lieu de constituer un gain pour les spéculateurs. Mais nous avons à choisir entre la rentrée intégrale des droits à percevoir et la diminution irrémédiable de la matière imposable. La douane, en effet, s’attaque en France à toutes choses ; de trop rares matières premières sont actuellement épargnées, et encore, en l’absence de tout principe analogue à celui qui régit l’Angleterre, sont-elles exposées à subir du jour au lendemain l’atteinte de droits protecteurs. Non seulement le commerce, mais encore l’industrie doit compter avec la douane ; la douane domine tout et règne en maîtresse. Ce qui pour nos voisins ne peut être que l’occasion d’un trouble restreint, limité à une série d’articles connus d’avance, portera ici sur l’ensemble des opérations. L’incertitude et la menace ne planeront pas sur certains marchés et sur certains objets ; elles pèseront partout et sur tout. Qui en souffrira, si le malaise se généralise et s’aggrave après plusieurs applications du Cadenas, si ce n’est l’Etat qui verra diminuer ses revenus, qui aura devant lui, au lieu de patentés présentant des garanties sérieuses et de maisons prospères, des négocians en liquidation et des entreprises en faillite ? Ne serait-ce point tuer la poule aux œufs d’or ?

Ce qui permet de rendre plus instructif encore ce parallèle entre la France et l’Angleterre, c’est de comparer l’importance respective de leur commerce général et des droits de douanes qu’elles encaissent. Le mouvement commercial du Royaume-Uni est de près de 18 milliards, dont 10 600 millions pour les importations et 7 300 millions pour les exportations. Il donne lieu à la perception de 504 millions de droits, y compris les sommes perçues en représentation de l’accise et qui montent à 366 millions, de telle sorte qu’il reste pour les droits de douane proprement dits 137 millions environ[1]. — En France, notre commerce se chiffre par 7 milliards 648 millions, soit : 4 188 millions pour l’importation et 3 460 millions pour l’exportation. Le montant des droits de douane étant de 466 millions, il n’est pas besoin de se livrer à un long raisonnement pour établir que la gêne que le Cadenas peut causer aux Anglais est infime, à côté de la perturbation qu’elle jetterait dans notre existence économique.

La situation de l’Italie est, au contraire, identique à celle qui nous serait faite le jour où nous nous serions approprié son Catenaccio. Voyons donc ce qui se passe chez elle. Hélas ! les faits les plus lamentables. La désorganisation du commerce, l’audace de la spéculation, la démoralisation administrative, la déconsidération des hommes au pouvoir, la suspicion à l’égard de ministres qui n’ont peut-être fait que leur devoir, tel est le bilan du Catenaccio ; et, pour prouver que nous n’exagérons pas, nous nous inspirerons de l’opinion des Italiens eux-mêmes et nous citerons quelques passages d’un article qui vient de paraître sous la signature de R. Dalla Volta[2], professeur de science financière à l’Institut des sciences sociales de Florence.

« Le système du Catenaccio, dit M. Dalla Volta, tel qu’il est appliqué par la pratique anglaise, ne peut être une source d’inconvéniens ni d’abus sérieux. Mais, en Italie, on a perverti le système, et cela a été rendu possible par une dégradation véritable du système parlementaire, parce qu’il n’y a aucune loi, aucune disposition relative à cette exception au principe général que les impôts, — qu’il s’agisse d’augmenter des impôts existans ou d’en créer de nouveaux, — doivent être consentis par le pouvoir législatif. Et il vaut d’ailleurs certainement mieux que l’exception ne soit pas consacrée par la loi. Il serait, en effet, très dangereux de reconnaître expressément au pouvoir exécutif la faculté d’établir, à sa volonté, des impôts. Au contraire, le Catenaccio pouvant être refusé, comme cela s’est vu le 30 janvier 1891 où M. Crispi dut démissionner à la suite d’un pareil refus, on peut ainsi corriger le système dans ce qu’il a d’incorrect et de condamnable…

« On ne peut que blâmer l’usage fréquent et incorrect qu’on a fait en Italie du Catenaccio. Le Catenaccio a trop souvent servi à faire établir des augmentations arbitraires d’impôts sur les objets de consommation, et à rendre plus forte la protection douanière pour qu’on puisse l’envisager favorablement, même si elle était acceptable en droit constitutionnel. Mais c’est principalement quand on se place sur le terrain de la légalité qu’on doit le condamner. Si on l’admet, ce ne peut être qu’à titre d’expédient extraordinaire, d’ordre fiscal et administratif, suivant le système. Je ne puis donc que souhaiter à la France d’être préservée du Catenaccio qui, pratiquement, signifie : augmentation des impôts, abus du pouvoir exécutif, violation du système constitutionnel. »

Nous n’ajouterons rien aux appréciations de M. R. Dalla Volta, bien qu’en sa qualité d’Italien, il ait été tenu à une réserve que nous ne pouvons qu’approuver. Il nous serait du reste pénible d’insister davantage et nous ne voulons même pas nous étonner que notre Gouvernement nous propose l’Italie comme modèle d’organisation économique. Nous préférons continuer à envisager la question à un point de vue plus général.

Sous le régime actuel, la spéculation, puisque c’est elle que l’on vise, la spéculation se trouve en présence d’un fait bien net : on veut augmenter les droits sur les blés, par exemple. Les intentions des pouvoirs publics sont connues de tous et chacun est à même d’en tirer telle conclusion ou tel parti qu’il juge convenables. Du reste, les mesures que l’on propose ne sont que la résultante d’une situation de fait déjà ancienne et qui a eu le temps de se répercuter de l’électeur à l’élu et d’amener le concert des élus au point qu’ils constituent une majorité. Tout se passe donc au grand jour et il faut un concours de besoins et de bonnes volontés pour arriver au résultat cherché. Au contraire, s’il appartient au Gouvernement de prendre des mesures provisoires, on se trouve en présence, non plus d’une assemblée, mais d’un seul homme chargé d’interpréter et d’exécuter la volonté du pays, de veiller à la satisfaction de ses besoins. Ce ministre, obligé du reste d’en référer à ses collègues, aura bientôt une position intolérable. Ses paroles, ses gestes, ses attitudes seront saisis au vol et dénaturés ; il deviendra l’axe et le point de mire des plus viles combinaisons ; et s’il est sûr de lui, le sera-t-il de son entourage immédiat, des rouages qu’il devra mettre en mouvement, rien que pour préparer le décret ? Une indiscrétion est-elle commise ; d’où qu’elle vienne, voilà un politique intègre, un homme d’Etat nécessaire à la bonne gestion des affaires du pays, déshonoré à tout jamais, exilé de la vie publique pour une faute dont il sera innocent.

Mais, allons plus loin. Supposons toute indiscrétion impossible ; admettons que le Cadenas fonctionne à point et produise théoriquement tout son effet. Même dans cette hypothèse, nous nous faisons fort de démontrer qu’en pratique les résultats de son application ne feront que porter préjudice au commerce, sans gêner autrement la spéculation.

Seulement celle-ci changera de forme : de démocratique, elle deviendra pour ainsi dire oligarchique. Actuellement, ses opérations sont accessibles à tous ceux qui croient pouvoir les tenter. Dorénavant, elles deviendront le monopole des plus hardis et des plus riches, de ceux qui savent acheter les renseignemens ou les arracher, de ceux qui peuvent perdre beaucoup parce qu’ils possèdent trop. Mais ceux-là, agissant presque à coup sûr, porteront leur effort sur des stocks énormes dont le chiffre représentera à lui seul l’ensemble des mises en entrepôt plus modestes qui se font maintenant dans une période de plusieurs mois, sinon davantage. Car il y aura toujours des indices, et tant que des risques fructueux pourront être courus, la spéculation subsistera. On ne peut la supprimer. Rendre plus courte la période pendant laquelle elle peut opérer, c’est l’exaspérer, c’est la pousser à ses limites extrêmes. Ces limites reculeront d’autant plus que la prime sera plus élevée. Or si les prévisions optimistes se réalisent, c’est-à-dire si le Cadenas produit son plein et entier effet, le relèvement subit des cours sur le marché sera égal à la totalité de l’élévation du droit, tandis qu’avec le système actuel, il est reconnu que la majoration atteint à peine à l’intérieur le tiers du montant de l’augmentation du tarif. Les bénéfices se trouveront donc triplés pour les spéculateurs heureux, et c’est encore une des raisons qui les pousseront à ne point trop s’effrayer et même à apprécier tout particulièrement la mesure dirigée contre eux. Ils auront tôt fait de se jouer de l’inoffensif mannequin planté à la frontière et continueront d’autant plus volontiers leur genre d’opérations que les changemens répétés de droits accroîtront leurs chances de gain.

D’ailleurs, au cas où le Cadenas aurait pour effet de restreindre l’importation immédiate telle qu’elle est pratiquée maintenant, la situation ne serait pas modifiée de beaucoup, car la spéculation, au lieu de se faire en une fois, serait divisée en deux opérations. La première aurait lieu au moment de la publication du décret. La seconde se produirait lors de la discussion de la loi. Car on ne peut admettre que tant qu’une incertitude planera sur le point de savoir si les droits établis par décret seront définitivement adoptés par la Chambre et le Sénat, le cours du marché intérieur ne sera point affecté. Un fléchissement partiel des cours se maintiendra pendant toute la période transitoire et ce fléchissement sera la nouvelle marge de bénéfice dont profitera la seconde fois le spéculateur prévoyant.

D’autre part, ne sera-t-il pas assuré d’obtenir le remboursement du droit au cas où le projet de loi serait rejeté, retiré ou amendé ? Il doublera ainsi le profit de son opération, car, s’il livre à la consommation, avant la décision du Parlement, une partie des marchandises qu’il aura importées, elles lui seront payées au prix majoré des droits, et il touchera de plus le trop-perçu, l’administration des douanes ne connaissant et ne pouvant connaître que lui.

Ce point délicat n’a point échappé à l’attention de M. Dalla Volta, qui le traite dans les termes excellens que voici[3] : « Si le Parlement n’approuve pas l’application provisoire des nouvelles taxes, s’il refuse le Catenaccio, que doit-on faire ? doit-on restituer la majoration de la taxe ou non ? En Angleterre, on opère la restitution. En Italie, on a soutenu, à la Chambre, qu’on ne doit pas faire la restitution, et voici le raisonnement qu’on a fait. Le consommateur, a-t-on dit, n’a à cette restitution aucun avantage. Il ne recevra rien, quoique l’augmentation de la taxe ait été effectivement payée par lui. Le vendeur de la marchandise frappée d’une taxe majorée a fait payer le droit nouveau au consommateur. C’est celui-ci qui a payé réellement la taxe. Or il ne peut pas être question de lui en demander, à lui, la restitution, et il n’y a, non plus, aucune bonne raison pour la rembourser à ceux qui l’ont payée au fisc. Faite en leur faveur, cette restitution serait une prime, un pur don qu’on leur consentirait, ce ne serait pas un acte de justice.

« On voit que le Catenaccio ne soulève pas seulement des problèmes d’ordre politique, mais qu’il fait naître des difficultés d’ordre économique et même financier. »

Ainsi se vérifie l’impuissance du législateur quand il entre en lutte avec les lois économiques. Ses petites ruses sont tout de suite déjouées et il atteint souvent un résultat diamétralement opposé à celui qu’il poursuit. Pour notre part, nous ririons volontiers de l’idée et du terme bizarre à l’importation desquels le gouvernement a la faiblesse de se prêter, si leur application ne devait avoir pour effet de porter un nouveau coup à notre commerce agonisant. C’est l’agriculture qui souffre, et c’est le commerce qui en mourra. Déjà, depuis que notre nouveau tarif est en vigueur, a commencé l’exode de nos industries : plusieurs sont allées à l’étranger chercher des conditions d’existence plus favorables et reçoivent de la part de nos rivaux un accueil qui permet de mesurer le profit qu’ils comptent tirer de cet appoint et de ce surcroît de forces. Si nos protectionnistes vont jusqu’à couronner leur œuvre en votant le projet de loi que, sur leur inspiration, les ministres du Commerce et de l’Agriculture ont déposé, peut-être auront-ils à se reprocher un jour d’avoir provoqué un véritable Édit de Nantes économique ; et, puisque l’on tient tant à nous doter d’un Cadenas, nous pensons qu’on l’utiliserait bien mieux en fermant une bonne fois cette boîte de Pandore protectionniste de laquelle sont déjà sortis tant de maux.


J. CHARLES ROUX.


  1. Le tableau suivant démontre, du reste, ce fait d’une façon péremptoire :
    PERCEPTIONS DE LA DOUANE ANGLAISE EN 1892 (1er janvier-31 décembre)
    Liv. St. Francs
    Tabac 10 284 144 257 103 600
    Eaux-de-vie 4 435 186 110 879 650
    Thé 3 452 016 86 300 400
    Vins 1 272 413 31 810 325
    Fruits secs 347 151 8678 775
    Café 180 301 4 507 525
    Cacao ou chocolat 105 487 2 637 175
    Chicorée 60 754 1 518 850
    Bières ordinaires 12 311 307 775
    — mum et spruce 2 536 63 400
    Cartes à jouer 2 267 56 675
    Produits fabriqués avec de l’alcool 1 673 41 825
    20 156 239 503 905 975
    VENTILATION DES SOMMES REPRÉSENTANT L’ACCISE
    Droits de douane Droit d’accise Représentation de l’accise Reste pour li droit de douane Total
    s. d. s. d. francs francs francs
    Tabac « « 257 103 600 « 257103 600
    Eaux-de-vie 10,10 10,6 107 467 969 3 411 681 110 879 650
    Thé « « « 86 300 400 86 300 400
    Vins « « « 8 678 775 8 678 775
    Fruits secs « « « 31 810 325 31 810 325
    Café « « « 4 507 525 4 507 525
    Cacao ou chocolat « « « 2 637 175 2 637 175
    Chicorée 13,6 12,1 1 385 115 133 735 1 518 850
    Bières ordinaires 6,6 6,3 285 791 21 984 307 775
    — mum et spruce divers divers « 63 400 63 400
    Cartes à jouer 3,9 3,0 45 340 11 335 56 675
    Produits fabr. avec alcool « divers 41 825 « 41825
    366 329 640 137 576 335 503 905 975
  2. Dalla Volta, Des modifications provisoires des impôts sans le consentement préalable du pouvoir législatif en Italie. — Le Catenaccio. — (Revue du Droit public et de la Science politique en France et à l’étranger, n° 1, janvier-février 1894, Chevalier-Maresq et C°, éditeurs, Paris.)
  3. Article déjà cité.