Roy & Geffroy (p. 337-344).


Les deux hommes traversèrent Doña Hermosa sur une espèce de brancard.

XIX

LE DOIGT DE DIEU


Nous retournerons maintenant auprès de l’haciendero, dans le campement des Mexicains.

Lorsque don Pedro s’éveilla le matin, Na Manuela lui apprit le départ de don Fernando en compagnie de son fils.

— Je me doutais qu’il en serait ainsi, répondit-il en étouffant un soupir, lorsque hier au soir j’ai vu don Fernando aussi préoccupé ; je suis heureux que votre fils l’ait accompagné, ma bonne Manuela, car, si mes prévisions sont justes, don Fernando va tenter une périlleuse expédition : Dieu veuille qu’il réussisse à me rendre ma fille ! Hélas ! mieux aurait valu peut-être qu’il me consultât avant son départ : nous sommes ici une vingtaine d’hommes résolus qui aurions pu obtenir sans doute un résultat plus décisif que deux hommes seuls, malgré toute leur bravoure et tout leur dévouement.

— Ce n’est pas mon opinion, répondit Na Manuela. Dans le désert on ne fait généralement qu’une guerre de surprise, et deux hommes font souvent davantage à cause de leur apparente faiblesse, qui leur permet de glisser inaperçus, qu’un nombre considérable d’individus ; dans tous les cas, ils ne seront pas longtemps dehors, je le suppose, et nous aurons bientôt des nouvelles certaines de la niña.

— Plaise à Dieu que ces nouvelles soient bonnes, Manuela, car, après les douleurs qui m’ont assailli, si je perdais ma fille aussi malheureusement, je ne lui survivrais pas !

— Chassez ces noires pensées de votre esprit, señor ; tout dépend de la Providence : j’ai l’espoir qu’elle ne nous abandonnera pas dans notre affliction.

— Enfin, soupira don Pedro, nous sommes forcément contraints à l’inaction, il nous faut prendre patience jusqu’au retour de nos batteurs d’estrade.

La journée se passa sans incident digne d’être rapporté ; el Zapote, parti pour la chasse au lever du soleil, avait tué un elle.

Le lendemain, vers dix heures du matin, un Indien sans armes se présenta aux sentinelles en demandant à parler à don Pedro ; celui-ci ordonna qu’il fût introduit.

Cet Indien était un Apache à la figure cauteleuse et aux manières sournoises ; amené en présence de l’haciendero, qui en ce moment causait avec le capataz, il se tint immobile et les yeux baissés, attendant, avec cette froide impassibilité qui caractérise la race rouge, qu’on lui adressât la parole.

L’haciendero l’examina un instant attentivement.

L’Indien supporta sans se troubler l’examen dont il était l’objet.

— Que désire mon frère ? lui demanda don Pedro, qui est-il ?

— Le Zopilote est un guerrier apache, répondit le Peau-Rouge ; le sachem de sa tribu l’envoie vers le chef des visages pâles.

— C’est moi qui suis le chef des visages pâles, vous pouvez vous acquitter de votre mission.

— Voici ce que dit le Chat-Tigre, reprit l’Apache toujours impassible.

— Le Chat-Tigre ! s’écria don Pedro avec un mouvement de surprise qu’il ne put maîtriser : que me veut-il ?

— Si mon père écoute, le Zopilote le lui dira.

— C’est, juste. Parlez donc, Peau-Rouge !

— Voici ce que dit le Chat-Tigre : Un nuage s’est élevé entre le Chat-Tigre et le chef des visages pâles qui sont entrés sur les territoires de chasse de ma nation ; de même que les rayons bienfaisants du soleil font évaporer les nuages pour laisser apercevoir l’azur du ciel, de même, si le visage pâle veut fumer le calumet de paix avec le Chat-Tigre, le nuage qui s’est élevé disparaîtra et la hache de guerre sera enterrée si profondément en terre, qu’on ne pourra la retrouver dans mille lunes et dix davantage. J’ai dit ; j’attends la réponse de mon père à la barbe de neige.

— Indien, répondit don Pedro avec tristesse, celui que vous nommez votre chef m’a fait bien du mal sans que je connaisse la cause de la haine qu’il me porte ; cependant, s’il désire avoir avec moi une entrevue pour mettre fin au différend qui nous divise en ce moment. Dieu me garde de repousser ses avances ! dites-lui que je l’attends et que si, contre ma volonté et sans le savoir, je lui ai causé quelque préjudice, je suis prêt à lui accorder la réparation qu’il me demandera.

L’Apache avait prêté la plus grande attention aux paroles de l’haciendero. Lorsqu’il se tut, il répondit :

— Ooah ! mon père a bien parlé ; la sagesse réside en lui ; le chef viendra, mais qui lui garantira la sûreté de sa personne lorsqu’il sera dans le camp des visages pâles, seul contre vingt guerriers yorris (espagnols) ?

— Ma parole d’honneur ! Peau-Rouge ; ma parole d’honneur qui vaut plus que tout ce que votre chef me pourrait donner, répondit l’haciendero avec hauteur.

— Oh ! la parole de mon père est bonne, sa langue n’est pas fourchue ; le Chat-Tigre n’en demande pas davantage : il viendra.

Après avoir prononcé ces paroles avec toute l’emphase indienne, le guerrier apache s’inclina cérémonieusement devant l’haciendero et se retira du même pas tranquille dont il était venu.

— Que pensez-vous de cela, Luciano ? demanda don Pedro au capataz, dès qu’il se trouva seul avec lui.

— Ma foi ! seigneurie, je pense que cela cache quelque fourberie indienne ; je redoute cent fois plus un blanc qui change de peau et se fait Indien qu’un véritable Peau-Rouge, je n’ai jamais aimé les caméléons.

— Oui, vous avez raison, Luciano ; cependant notre position est difficile, il s’agit avant tout de tâcher de me faire restituer ma fille ; je dois, pour obtenir ce résultat, passer sur bien des choses.

— C’est vrai, seigneurie ; cependant vous savez aussi bien que moi que ce Chat-Tigre est un affreux scélérat sans foi ni loi : croyez-moi, ne vous fiez pas trop à lui.

— J’y suis contraint : n’ai-je pas donné ma parole ?

— C’est juste, grommela le capataz, mais je n’ai pas donné la mienne, moi !

— Soyez prudent, Luciano, surtout évitez d’éveiller les soupçons de cet homme.

— Soyez tranquille, seigneurie, votre honneur m’est aussi cher que le mien, mais je ne dois pas, s’il vous plait de vous fier à un scélérat aussi déterminé que celui-là, vous laisser sans défense.

Sur ces derniers mots, pour couper court sans doute aux observations de son maître, le capataz sortit du jacal.

— Eh ! dit-il au Zapote qu’il rencontra sur sa route, justement je vous cherchais, mon brave.

— Moi ! capataz ? Eh bien, cela se trouve bien, alors. De quoi s’agit-il donc ? répondit joyeusement le lepero.

— Venez un peu par ici, compagnon, répondit don Luciano en l’emmenant à l’écart, afin que je vous conte l’affaire sans craindre les oreilles inutiles.

Une heure plus tard, c’est-à-dire vers onze heures du matin, le Chat-Tigre arriva au camp ainsi que le Zopilote l’avait annoncé.

Le chef portait le costume des gambucinos, il n’avait pas d’armes ou du moins il n’en laissait voir aucune.

Dès qu’il se fut fait reconnaître par les sentinelles, elles lui livrèrent passage et l’amenèrent au capataz, qui se promenait de long en large à quelques pas.

Le Chat-Tigre jeta un regard investigateur autour de lui en entrant dans le camp ; tout y semblait dans son état normal, le chef ne vit rien de suspect ; suivant l’indication qui lui avait été donnée, il s’approcha du capataz.

— Que demandez-vous ici ? lui dit rudement don Luciano.

— Je désire parler à don Pedro de Luna, répondit simplement le Chat-Tigre.

— C’est bon. Suivez-moi ; il vous attend.

Et, sans plus de cérémonie, le capataz le conduisit à l’entrée du jacal.

— Entrez, lui dit-il, c’est là que vous trouverez don Pedro.

— Qui est là ? demanda une voix de l’intérieur.

— Seigneurie, répondit le capataz, c’est l’Indien qui a demandé la faveur d’un entretien avec vous. Allons, venez, ajouta-t-il en s’adressant au chef.

Celui-ci le suivit sans observation et entra avec lui dans le jacal.

— Vous avez demandé à m’entretenir, dit don Pedro.

— Oui, répondit le chef d’une voix sombre, mais vous seul.

— Cet homme est un de mes anciens serviteurs, il a toute ma confiance.

— Ce que j’ai à vous dire ne doit pas entrer dans une autre oreille que la vôtre.

— Retirez-vous, Luciano, dit don Pedro, mais ne vous éloignez pas, mon ami.

Le capataz lança un regard furieux au Chat-Tigre et sortit en grommelant.

— Maintenant, nous sommes seuls, reprit don Pedro, vous pouvez vous expliquer franchement avec moi.

— Je suis dans cette intention, répondit sourdement le chef.

— Est-ce de ma fille que vous me voulez parler ?

— D’elle et d’autres encore, reprit le Chat-Tigre du même ton.

— Je ne vous comprends pas, chef, je vous serais obligé de vous expliquer plus clairement.

— C’est ce que je vais faire sans tarder davantage, car il y a bien longtemps que j’ai le désir de me trouver face à face avec vous : regardez-moi, don Pedro, est-ce que vous ne me reconnaissez pas ?

— Je crois ne vous avoir jamais vu avant le jour où vous m’avez donné l’hospitalité dans votre teocalli.

Le chef reprit avec un ricanement sauvage :

— Les années m’ont donc bien changé, ce nom de Chat-Tigre a donc bien fait oublier mon nom véritable, que je sois devenu méconnaissable à ce point ? De même que don Gusman de Ribeyra est devenu don Pedro de Luna, pourquoi don Leoncio de Ribeyra ne serait-il pas devenu le Chat-Tigre, mon frère ?


Le zopilote, guerrier apache.

— Que voulez-vous dire ? s’écria don Pedro en se levant avec épouvante ; quel nom venez-vous de prononcer ?

— J’ai dit ce qui est, répondit froidement le chef, j’ai prononcé un nom qui est le mien.

Don Pedro lui jeta un regard rempli d’une douloureuse pitié.

— Malheureux ! dit-il avec tristesse, comment êtes-vous descendu si bas !

— Vous vous trompez, mon frère, répondit en ricanant le chef, je suis monté, au contraire, puisque je suis le sachem d’une tribu indienne. J’ai longtemps, bien longtemps, poursuivi ma vengeance, ajouta-t-il avec un rire féroce, voilà vingt ans que je la guette, mais enfin je la tiens aujourd’hui, et elle est complète.

— Votre vengeance, malheureux ! répondit avec indignation don Pedro ; quelle vengeance avez-vous à tirer de moi, vous qui avez voulu séduire ma femme, qui avez cherché à me donner la mort, et qui, aujourd’hui, après si longtemps, avez eu l’infamie d’enlever ma fille !

— Vous oubliez votre fils que j’ai enlevé aussi, votre fils don Fernando Carril, que je suis parvenu à rendre amoureux de sa sœur, et qui, depuis deux jours, est en tête à tête avec elle au Voladero de las Animas. Ah ! ah ! don Gusman, que dites-vous de cette vengeance ?

— Malheur ! malheur ! s’écria don Pedro en se frappant le front avec désespoir.

— Le frère et la sœur amoureux l’un de l’autre, protégés par vous, don Gusman, et mariés par moi ; ah ! ah ! reprit-il avec ce ricanement sinistre qui ressemblait au glapissement de l’hyène.

— Oh ! c’est horrible ! s’écria don Pedro au comble du désespoir. Tu as menti, misérable ! quelque bandit que tu sois, tu n’aurais osé commettre un crime aussi horrible ! tu te vantes, scélérat ! tu es un fanfaron de crime, ce que tu dis là n’est pas, cela ne peut pas être, ce serait douter de la justice de Dieu !

— Tu n’ajoutes pas foi à mes paroles, mon frère ? reprit le bandit d’un ton de sarcasme ; à ton aise, justement je crois les entendre, tes enfants, ils entrent dans le camp, interroge-les toi-même.

Don Pedro, à moitié fou de douleur, se précipita vers l’entrée du jacal, mais, au même instant, don Fernando, doña Hermosa et don Estevan entrèrent : le malheureux père demeura immobile et sans force.

— Eh bien ! fit en ricanant le Chat-Tigre, c’est ainsi que tu reçois tes enfants ? toi, un père modèle, tu n’es guère tendre.

Doña Hermosa, sans remarquer le Chat-Tigre, s’était jetée dans les bras de son père, qu’elle embrassait en pleurant.

— Mon père ! mon père ! s’écriait-elle, Dieu soit béni ! enfin je vous revois !

— Qui parle de Dieu ici ? dit don Pedro d’une voix sourde en repoussant la jeune fille, qui recula en chancelant.

Doña Hermosa jetait autour d’elle des regards effarés, ne comprenant rien à ce qui lui arrivait ; pâle et tremblante, elle serait tombée, si don Fernando ne s’était empressé de la soutenir.

— Vois comme ils s’aiment ! reprit le Chat-Tigre. N’est-ce pas touchant ? Don Fernando, ajouta-t-il en lui désignant don Pedro, jetez-vous dans les bras de votre père.

— Mon père ! s’écria le jeune homme avec élan… lui ! oh ! ce serait trop de bonheur !

— Oui, don Pedro est votre père, reprit le Chat-Tigre, et voilà votre sœur, ajouta-t-il en lui désignant du doigt doña Hermosa d’un air moqueur.

Les deux jeunes gens étaient atterrés ; don Pedro, en proie à un commencement de crise nerveuse, sentait sa raison l’abandonner ; il semblait ne plus rien entendre et demeurait en apparence complètement étranger à cette scène terrible.

Le Chat-Tigre jouissait de son triomphe. Don Estevan, effrayé de l’état dans lequel il voyait l’haciendero, jugea qu’il était temps d’intervenir.

— Don Pedro, dit-il d’une voix forte en lui appuyant fortement la main sur l’épaule, revenez à vous, ce misérable a menti, vos enfants sont dignes de vous, j’étais avec eux, moi, au Voladero.

Don Pedro parut faire un puissant effort pour ressaisir le fil de ses idées qui lui échappaient ; tout son corps fut agité d’un mouvement nerveux ; il tourna la tête vers don Fernando, le considéra un instant, puis un sanglot déchira sa poitrine. Les larmes sortirent enfin de ses yeux brûlés de fièvre, et il s’écria d’une voix vibrante, en se laissant aller sur la loyale poitrine du jeune homme :

— Oh ! c’est vrai ! c’est vrai ! n’est-ce pas, Estevan ?

— Je vous le jure ! don Pedro, dit-il d’un ton de conviction profonde.

— Merci ! merci ! Oh ! je savais bien qu’il mentait, le misérable ! Mes enfants ! mes enfants !

Les deux jeunes gens se jetèrent dans ses bras en l’accablant de caresses.

Le Chat-Tigre, les bras croisés sur la poitrine et le regard ironique, s’écria avec son ricanement sinistre :

— Ils s’aiment, te dis-je, mon frère ! marie-les !

— Ils ont le droit de s’aimer ! dit une voix éclatante. Chacun se retourna avec étonnement : Na Manuela venait d’entrer dans le jacal.

— Ah ! dit-elle en jetant un regard railleur au Chat-Tigre, effrayé malgré lui, sans savoir pourquoi, de cette apparition subite, le jour de la justice est venu enfin ! il y a longtemps que je l’attendais ; mais justice sera rendue à tous ; et c’est moi que Dieu a choisie pour manifester sa puissance !

Tous les assistants considéraient avec un mélange d’admiration et de respect cette femme qui semblait subitement transfigurée ; son regard rayonnait, il lançait des éclairs ; elle s’avança calme et imposante vers l’haciendero :

— Don Pedro, mon maître chéri, dit-elle avec une voix profondément accentuée par l’émotion qui la maîtrisait, pardonnez-moi ; je vous ai fait longtemps souffrir, mais c’est Dieu qui m’inspirait ; c’est lui, lui seul qui a dicté ma conduite : don Fernando n’est pas votre fils, il est le mien ; votre fils, ajouta-t-elle en lui présentant don Estevan, le voici !

— Lui ! s’écrièrent tous les assistants.

— Mensonge ! hurla le Chat-Tigre.

— Vérité ! répondit péremptoirement Na Manuela. La haine est aveugle, don Leoncio : en croyant enlever le fils de votre frère, c’est de celui de la pauvre nourrice que vous vous êtes emparé : regardez Estevan, vous tous qui avez connu sa mère, et dites, si vous l’osez, qu’il n’est pas son fils !

En effet, cette ressemblance frappante ; mais à laquelle jusqu’à ce jour, à cause de la position du jeune homme, nul n’avait fait attention, dès qu’on fut averti de sa véritable origine, dissipa tous les doutes.

— Oh ! vous serez toujours ma mère ! s’écria le jeune homme avec âme.

— Ma mère ! dit don Fernando avec bonheur en se jetant dans ses bras.

Don Pedro, après une si grande douleur, éprouvait une joie immense.

Le Chat-Tigre, forcé de s’avouer vaincu, poussa un rugissement de bête fauve.

— Ah ! s’écria-t-il avec rage, c’est ainsi ? Mais tout n’est pas dit encore !

Et, tirant rapidement un poignard de dessous ses vêtements, il se précipita à corps perdu sur don Pedro, qui, tout à son bonheur, avait oublié sa présence.

Mais un homme veillait. Don Luciano s’était sournoisement glissé dans le jacal et s’était placé derrière le bandit, dont il surveillait attentivement tous les mouvements. Au geste qu’il lui vit faire, il lui jeta les bras autour du corps et le maintint immobile, malgré les efforts désespérés du misérable pour lui échapper.

Au même instant le lepero bondit dans le jacal, le couteau à la main, et, avant qu’on eût le temps de s’y opposer, il l’enfonça jusqu’à la garde dans la gorge du bandit.

— Tant pis ! dit-il, l’occasion était trop belle, jamais ma navaja n’aurait rencontré si juste, j’espère que ce coup me fera pardonner les autres !

Le Chat-Tigre demeura un instant debout, vacillant à droite et à gauche comme un chêne à demi-déraciné qui tremble sur sa base ; il roula autour de lui des yeux dans lesquels la fureur luttait encore contre l’agonie qui déjà les rendait hagards ; il fit un effort suprême pour prononcer une dernière malédiction, mais sa bouche se contracta horriblement, un flot de sang noir jaillit de sa gorge ouverte, il tomba de son haut sur le sol, se tordit un instant comme un reptile aux yeux des assistants de cet épouvantable spectacle, et demeura immobile ; il était mort, mais sur son visage bouleversé par l’agonie l’expression d’une haine implacable survivait encore à la vie qui l’avait abandonné.

— Justice est faite, dit Na Manuela d’une voix vibrante : là est le doigt de Dieu !

— Prions pour lui, dit don Pedro en tombant à genoux auprès du cadavre.

Les assistants, subjugués par cette action si noble et si simple, suivirent son exemple et s’agenouillèrent à ses côtés.

Le lepero, une fois son rôle terminé, avait jugé prudent de disparaître, non cependant sans avoir échangé un regard d’intelligence avec le digne capataz, qui souriait sournoisement dans sa moustache grise.

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