Le Bouddhisme contemporain/Mongolie et Tibet/Notes


NOTE BIBLIOGRAPHIQUE


Peu de voyageurs européens ont pu étudier le lamaïsme tibétain sur place, car le gouvernement de Péking, jusqu’à ces derniers temps du moins, — mais les événements récents de la Chine et du Tibet sont appelés, peut-être, à modifier profondément les relations entre les deux pays, — autorisait difficilement les étrangers à visiter Lha-Ssa, sans parler d’y résider. Les Tibétains eux-mêmes ne virent jamais de bon œil les étrangers pénétrer dans leur pays, à commencer par les Chinois.

Les missionnaires lazaristes français, Huc et Gabet, vers le milieu du dernier siècle, ont réussi à franchir le seuil de la ville sainte du lamaïsme. M. Bonvalot et le prince d’Orléans qui parcoururent ces contrées publièrent en collaboration le récit de leur voyage sous ce titre : De Paris au Tonkin à travers le Tibet inconnu (1891). Le livre de Huc qui leur servit de guide et dont ils purent contrôler les assertions, reconnues exactes par eux, avait paru quarante ans plus tôt. Il était intitulé : Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet, pendant les années 1844, 45 et 46. Cet ouvrage a obtenu un succès légitime et durable[1]. L’auteur (1813-1860) séjourna cinq ans dans les monastères de Mongolie où il apprit à fond les dialectes et les croyances des pays qu’il voulait évangéliser et non visiter seulement en explorateur, rôle cependant auquel il dut le plus souvent se borner, sans qu’il s’en contentât jamais. Avec son confrère Gabet il adopta le costume des lamas, leurs manières de vivre, tout leur extérieur, en un mot, et parvint jusqu’à Lha-Ssa, la ville interdite où il put séjourner quelques semaines avec l’autorisation du régent. Bientôt les autorités chinoises, alarmées de la présence de ces étrangers, les forcèrent de quitter, non seulement la ville, mais le Tibet même.

La véracité de M. Huc dont le style, tout en restant simple, est pittoresque et spirituel essentiellement, mise en doute par certains contradicteurs, a été hautement proclamée par d’autres voyageurs, tels que Mark Bell et Rockhill, outre Bonvalot et le prince d’Orléans, qui ont rendu pleine justice au missionnaire et à la sûreté de ses informations[2]. Le temps n’a rien ôté de sa valeur à ce très remarquable ouvrage, le lamaïsme, figé depuis des siècles, étant resté absolument le même. Depuis nos deux Lazaristes jusqu’à ces dernières années, nul voyageur n’avait pu entrer dans Lha-Ssa, ni Prjévalsky, ni Bonvalot et le prince d’Orléans (1889), ni Dutreuil de Rhins et Grenard (1893-1894), ni Littledale (1895), ni Sven-Hédin lui-même (1906)[3].

En 1897, le journaliste Savage Landor, parti de Londres le 19 mars, essaya de pénétrer jusqu’à Lha-Ssa. Il n’y put réussir. Le récit des souffrances de toute sorte et des tortures effroyables que lui firent subir les Tibétains est encore présent à toutes les mémoires. L'intrépide explorateur publia en 1898 le récit de ses aventures sous le titre : The forbidden Land : La Terre interdite. Quelques années plus tard, un correspondant du Times, Perceval Landon, parvint à pénétrer jusqu’à Lha-Ssa, en août 1904, avec la colonne anglaise commandée par sir F. E. Younghushand. Il écrivit son voyage dont il a paru une traduction chez Hachette. L’ouvrage est intitulé : À Lhassa, la ville interdite. Description du Thibet central et des coutumes de ses habitants. Relation sur la marche de la mission envoyée par le gouvernement anglais (1903-1904).


MONGOLIE
Notes ethnographiques


La Mongolie que les Chinois désignent sous le nom de Mong-Koa occupe le centre de l’Asie orientale. Elle confine au nord à la Sibérie, à l’ouest au Turkestan, au sud à la Chine proprement dite, dont elle dépend, et à l’est à la Mandchourie. Le haut et uniforme plateau qu’elle occupe serait le fond exhaussé d’une ancienne mer desséchée, le Han-Haï des Chinois. On peut le considérer comme s’arrêtant de tous côtés à des montagnes, massifs, chaînes ou simples chaînons, au delà desquels le climat, la végétation, changent du tout au tout, dans le sens d’une grande amélioration, sauf vers l’ouest où le Turkestan oriental ne vaut guère mieux, et au sud-ouest où il se continue par les solitudes glacées du Tibet, mais vers le nord il y a les vallées et plaines agricoles de la Sibérie ; à l’est la fertile Mandchourie ; au sud-est la Chine… Sur une surface estimée à 2.787.600 kilomètres carrés, la Mongolie n’entretient que 1.850.000 habitants ou trois millions, d’après les hypothèses les plus favorables. Les anciens héros de la horde de Gengis-Khan passent pour être devenus très lâches ; ils sont Bouddhistes avec un nombre disproportionné de prêtres, et en réalité à peu près indépendants, sous le protectorat plutôt que sous la domination de la Chine.


TIBET

Le Tibet est situé au sommet de l’Asie centrale, entre le Turkestan oriental ou chinois et la province du Koukou-Nor, au nord et au nord-est ; la province du Se-Tchouen, à l’est ; les possessions britanniques, la haute Birmanie, l’Assam, le Bhoutan, le Sikkim, le Népal et le Cachemire, au sud et à l’ouest. D’une superficie de deux millions de kilomètres carrés, ce pays ne compte guère que deux ou trois millions d’habitants, soit un habitant par kilomètre carré ou trois pour deux. La race tibétaine appartient au type mongol ; elle se distingue principalement par sa face large et aplatie.


MONGOLS

M. de Quatrefages divise la race mongole ou jaune en sept rameaux : mongol, turc, bothia ou tibétain, chinois, birman, thaï, inuit ou esquimau. Sur un milliard et demi d’habitants du globe, cette race compte environ cinq cents millions d’individus qui professent plus ou moins le Bouddhisme et le Chamanisme. Le type mongol le plus pur se trouve en Sibérie et au Tibet. Ce qui le caractérise physiquement, ce sont les cheveux « toujours noirs, gros et raides, la barbe clairsemée, la face habituellement plate et large, des pommettes saillantes, des yeux bridés, un nez court, un peu développé en largeur, souvent un peu de prognathisme et des lèvres assez fortes », le teint généralement olivâtre. (Verneau, professeur d’ctUuographie à l’écolc coloniale.)

Pour la Tartarie, c’est un nom sous lequel on comprenait naguère une grande partie de l’Asie, correspondant à peu près à la Mongolie, la Mandchourie, le Turkestan, l’Afghanistan, et le Béloutchistan actuels. Plus tard, le Turkestan seul fut désigné par ce mot que les géographes n’emploient plus aujourd’hui.

  1. Les nombreuses citations que je lui emprunte se rapportent à la cinquième édition (1868). 2 vol. in-12. Paris, Gaume.
  2. En parlant de Hue et de Gabet, M. Bonvalot s’exprime ainsi : « Pour notre compte, nous trouvons qu’ils ont fait en Asie le plus extraordinaire, le plus audacieux, le plus intéressant des voyages, n’ayant à peu près comme ressource que leur bonne volonté et leur énergie. » (De Paris au Tonkin, à travers le Tibet inconnu, par Bonvalot, 1889-1890, publié dans le Tour du Monde, tome LXII. 1891, 2e semestre, p. 402 et suiv.)
  3. On raconte que l’Anglais Moorcroft se rendit de Ladak à Lha-Ssa, en 1826, y séjourna douze ans, sous un costume d’emprunt, et fut assassiné dans la province de Ngari, sur la route de Ladak où il retournait. Il laissait des dessins et des cartes géographiques. Le séjour du voyageur anglais a été contesté, mais M. Huc semble y ajouter foi (ii, p. 353, etc.).